Séance du 14 Ventôse An II (Mardi 4 Mars 1794) Présidence de SAINT-JUST La séance est ouverte à onze heures. 1 André Dumont, représentant du peuple dans les départemens de la Somme, du Pas-de-Calais et de l'Oise, rend compte, le 8 ventôse, de l’amélioration de l’esprit public dans le district de Douïlens (1) . [Doullens, 8 vent. II] (2) « J’ai fait l’épurement des autorités constituées du district de Doullens; j’y ai trouvé le plus ardent amour de la liberté. J’ai nommé provisoirement agent national, Delaunay, ex-député de l’Assemblée législative, et dont le républicanisme est très-connu. Les changemens qui ont eut lieu furent faits par le peuple, qui termina cette opération par une fête républicaine, célébrée aux cris mille fois répétés de Vive la Convention ! Vive la République ! L’esprit public fait par-tout de grands progrès ; on se fait à peine l’idée de cet heureux changement. Les habitans des campagnes n’ont plus de prêtres, plus d’églises. Ceux de Picquigny vont élever, des débris du temple de l’imposture, un monument à la révolution ; ils n’adorent plus que la liberté, et ils en sont tous les ministres. Ce n’est pas là le seul effet de cette heureuse régénération : les divisions s’éteignent, les rivalités disparoissent ; la vérité et la raison, qui viennent de chasser de ce climat tous les prêtres et leurs impostures, rallient tous les citoyens ; les commîmes se rapprochent ; elles se réunissent pour célébrer des fêtes républicaines. Les citoyens de la Motte et d’Abancourt se sont rassemblés dans une de leurs commîmes ; ils y ont fêté la reprise de Toulon ; ils ont juré de n’avoir plus d’autres ennemis que ceux de la république, et d’employer tous leurs moyens pour la défense de la patrie et le secours des pauvres. On voit en ce moment les crimes dévoilés et les vertus triompher. Salut et fraternité ». Dumont. (Applaudi) . (1) P.V., xxxin, 1. (2) AFn 162, pl. 1329, p. 20. Bln, 14 vent.; Débats, ®;° 532, p. 203; Ann. patr., n° 429. Extraits dans J. Sablier, no 1177 ; J. Fr., no 527. Analyse dans Au-lard, Recueil des Actes..., XI, 422, d’après AFn 162. Dans une autre lettre, le même membre annonce la même chose pour ce qui concerne Amiens (1). [Amiens, 12 vent. II] (2). « Citoyens collègues, Je vous rendais compte hier du grand exemple qui venoit d’être donné à Bresles; cet exemple a inspiré tant d’effroi aux conspirateurs qu’un de ceux qui avaient été appelés comme témoins n’ayant pas osé paroître s’est noyé dans un cloaque du marais ; puissent tous ses semblables purger ainsi la terre de la liberté ! On ne connoit plus ici les dimanches ; les jours de décadi sont des jours de fêtes : après une longue séance consacrée à l’instruction publique et à la lecture des lois, on donne un divertissement au profit des pauvres, le premier leur procura un secours de 1800 livres, celui d’avant-hier produisit environ 3000 liv. de manière que l’amusement et la récréation des gens aisés après 9 jours d’occupation donnent aux pauvres un secours que les quêtes de l’ancien régime ne pro-duisoient pas en trois mois. Il faut des fêtes au peuple pour lui faire oublier son calendrier; si les citoyens allaient ici dans les ci-devant églises les jours de dimanche, jamais ils n’y allèrent comme ils viennent au temple de la Raison où ils se rassemblent au nombre d’environ 10.000 chaque décadi ; j’ai établi cet usage dans les principales commîmes. Sur un nombre considérable de misérables religieuses détenues depuis cinq mois pour cause de fanatisme et qui avaient été réclamées plusieurs fois pendant le cours de leur carême civique, deux seulement continuent encore leur pénitence ; les autres en bonnes républicaines ont demandé à prêter le serment de ne plus adorer que la liberté et de détester les rois et les prêtres, elles ont été accueillies par les plus vifs applau-dissemens ; tandis que le peuple en masse a demandé qu’on arrachât les cocardes aux deux édentées qui regrettaient leurs confesseurs déportés. On rougit de deux choses en ce pays : la prêtrise et la ci-devant noblesse. La lre est (1) P.V., XXXIII, 1. (2) AFn 162 pl. 1330, p. 6. Btn, 16 vent. Extraits dans J. Sablier, n° 1177; Ann. patr., n° 428; F JS. P. n° 245; C. Eg., n° 564. Reproduit dans Aulard, Recueil des Actes..., XI, 500. 44 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE éteinte, la 2° est recluse, ainsi Vive la République. » Dumont. Insertion au bulletin, et renvoi au comité de salut public, de ces deux lettres. 2 Les administrateurs du département de police font passer le total des détenus dans les maisons de justice et de détention : il monte à 6.018 individus. La Convention décrète l’insertion au bulletin (1) . [ Commune de Paris. Etat au 12 vent. Il] (2) Noms des prisons Nb. de détenus Conciergerie .............................. 475 Hospice du ci-devant Evêché ............ 73 Grande-Force ............................ 640 Petite-Force .............................. 305 Sainte-Pélagie ............................ 139 Madelonnettes ............................ 236 Abbaye .................................. 139 Bicêtre ................................... 776 A la Salpêtrière .......................... 426 Chambres d’arrêt, à la Mairie ............ 85 Fermes ................................... 33 Luxembourg ............................. 486 Maison de suspicion, rue de la Bourbe ..... 438 Irlandais, rue du Cheval Vert ............ 30 Les Picpus, fbg St Antoine ................ 140 Réfectoire de l’Abbaye ................... 84 Les Anglaises, rue St Victor .............. 115 Brunet, rue de Bufïon .................... 35 Les Anglaises, rue de Loursine ........... 111 Caserne, rue de Vaugirard ................ 97 Les Carmes, rue de Vaugirard ............ 221 Les Anglaises, fbg St Antoine . . .......... 51 Ecossais, rue des Fossés St Victor ........ 80 Saint Lazare, fbg St Lazare .............. 529 Maison Mahay, rue du Chemin Vert ...... 88 La Chapelle, rue de la Folie Renaud ...... 45 Belhomme, rue Charonne, n° 70 .......... 91 Bénédictins anglais, rue de l’Observatoire. 50 Total général ...... 6018 3 La société populaire de Montivilliers instruit la Convention qu’elle a versé et déposé à la caisse du district de cette commune 64 liv. 16 s. en numéraire, un grand cuillier en argent, deux boucles d’oreilles d’or, pour les frais de la guerre. Mention honorable, insertion au bulletin (3). (1) P.V., XXXIII, 1. Bin, 14 vent. (2) C 294, pl. 980, p. 5. Signé : Cordas, Cailleux. (3) P.V., XXXIII, 2. Bin, 18 vent. (2« suppl*). 4 Le citoyen Pugnier, capitaine, offre une pièce d’or frappée au coin du tyran d’Angleterre ; le citoyen Boisguillot, quartier-maître, une somme de 15 liv. en numéraire. Mention honorable, insertion au bulletin (1) . [Parthenay, 25 pluv. II] (2) « Citoyen président, J’ai vu hier un capitaine de marine venant de Londres lequel ignorait la déclaration de guerre contre l’Angleterre, avoit été fait prisonnier en revenant de l’Amérique par les satellites du tyran de la Grande Bretagne. Cet officier m’ayant dit qu’il manquait de papier monnaie, je lui en offris avec cette générosité qui caractérise un vrai sans culotte ; ce brave républicain me fit présent à son tour d’une pièce d’or, qui porte l’effigie de l’imbécile Georges III, par la grâce du diable, tyran du peuple anglois ; mais comme je ne veux pas souiller ma poche d’une pièce frappée au coin de ce tyran, je te la fais passer, et te prie de la faire jeter dans le creuset français au profit de la République. Je désirois très fort être du nombre de ces braves républicains qui vraisemblablement ne doivent pas tarder à faire une descente dans les villes britanniques, j’aurois peut-être le bonheur d’apporter à la Convention, la tête du j. f. dont je t’envoie l’effigie : ce seroit pour lors un tyran de moins dans l’Europe, et des frères de plus associés à la République française; cependant quoiqu’il en soit et en dussent frémir de rage et de dépit, tous les tyrans couronnés, nous les poursuivrons partout : et ça ira ; Foutre comme dirait le père Duchaîne (sic), car c’est un sans culotte sexagénaire qui te le jure, et qui ne cessera de crier jusqu’à extinction d’existence : Vive la République. S. et F. » Le sans culotte Pugnier (cape au bon de Ruffec) Au verso « Citoyen président, Veuillez recevoir d’un Républicain qui n’est pas moins animé des vrais principes d’un sans-culotte que le signataire de l’autre part, une somme de 15 livres en argent, seule monnaie que j’ai en ma possession, et que j’abhore puisqu’elle a pour effigie l’infâme Capet ! Nous espérons que les têtes de tous les tyrans de l’Europe, passeront au creuset national comme le numéraire que je t’adresse. Cela ira, cela va déjà. Vive la République française une et indivisible. S. et F. » Boisguillot ( quartier-maître au bon de Ruffec) . 5 Le conseil de la commune de Moutiers, département du Mont-Blanc, a envoyé à son district 194 marcs d’argenterie, ainsi que 200 quintaux de métal de cloches, du fer et du cuivre. (1) P.V., XXXIII, 2. B1", 18 vent. (1er et 2e suppT). Voir Arch. pari., LXXXV, 352, n° 50 d. (2) C 293, pl. 966, p. 24.