736 l Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES» 13 février 1791.] par les pièces dont je suis saisi et par la députation entière de Poitiers, que les professeurs qui ont éié nommés réunissent toutes les qualités possibles du côté du talent, du côté de la probité. Voilà, Messieurs, les témoignages que je suis chargé de leur rendre de la part de beaucoup de MM. les députés de Poitiers, qui demandent, pour le bien-être de leur ville, que les classes puissent continuer d'être tenues dans le collège de Poitiers, et c’est d’après cela qu’au nom de votre comité j’ai l’honneur de vous proposer le décret suivant : » L’Assemblée nationale, après avoir entendu son comité des rapports sur les pétitions des corps administratifs du département de la Vienne, décrète : « Que les principal et professeurs commis par les trois corps administratifs de Poitiers exerceront provisoirement au collège de ladite ville les fonctions qui leur ont été attribuées ; et ce, nonobstant toute autre nomination ou commission, lesquelles sont déclarées comme non-aveuues. » Plusieurs membres : Aux voix ! aux voix 1 M. l’abbé Maury. D’après une copie d’adresse ue j’ai reçue ce matin, il résulte que beaucoup e faits n’ont pas été présentés avec exactitude. D’abord l’année dernière, le 19 du mois de février, vous avez rendu un décret par lequel vous avez statué que toute police de collège resterait dans le même état, jusqu’à ce que vous en eussiez autrement ordonné. Voilà la loi fondamentale que je vous supplie de ne pas perdre de vue. A présent, voici la contestation qui s’est élevée dans le collège de Poitiers et qui vous est présentée dans ce moment d’une manière très inexacte. Le 22 du mois de janvier dernier était le U rme latal prescrit par vos décrets pour la prestation du serment des fonctionnaires publics. M. le rapporteur nous a dit que les professeurs de l’Université de Poitiers avaient cessé leurs fonctions ; je vous supplie de retenir ces expressions, car elles sont infiniment importantes. Voici, Messieurs, ce qui s’est passé dans la ville de Poitiers : Il s’est d’abord élevé une grande contestation pour savoir si ces professeurs de l’Université étaient des fonctionnaires publics ; et à cet égard, Messieurs, plusieurs membres du directoire du district pensaient le contraire, croyant que, dans le sens de votre décret il ne s’agissait que du ministère purement ecclésiastique. M. Babey. Qu’en pensez-vous? M. l’abbé Mnury. Je ne soutiens pas cette opinion. vous rends compte des faits. Plusieurs membres du directoire de district et même du directoire du département ont déclaré que le sens de votre décret était uniquement renfermé dans l’exercice du ministère ecclésiastique, et que des ecclésiastiques qui n’étaient pas payés par l’Etat n’étaient pas dans le cas du serment. Cependant, cinq professeurs immédiatement soumis au régime de l’Université se sont persuadés que l’on pouvait leur appliquer la sévérité de votre décret, et, en conséquence, ils n’ont pas cessé leurs fonctions comme on vous l’a dit ; ils ont donné leur démission. (Rires.) A présent, Messieurs, que j’ai eu le bonheur d’obtenir un sourire pour ce mot-là, je vais vous prouver qu’il n’était pas indifférent. Le 21 du mois de janvier, les professeurs se sont adressés au tribunal de l’Université qui les avait institués. Le tribunal de l’Université a accepté leur démission, et leur a dit : Puisque vous ne voulez plus être fonctionnaires publics, vous allez être remplacés. Lorsque des professeurs d’un collège donnent leur démission, est-ce à l'Université ou au directoire à les remplacer? Voilà la véritable question à cet égard. Messieurs, comme l’Université est en possession de nommer ses professeurs, comme vos décrets ne lui ont pas défendu et spécialement votre décret du 19 du mois de février dernier les a provisoirement maintenus dans ce droit, il me semble que les municipalités, les districts et les départements ne pouvaient s'immiscer de renseignement public que dans le cas où l’Université refuserait de nommer des professeurs. Ici, Messieurs, les classes n’ont pas été vacantes un seul instant, il n’y a pas eu interruption d’un seul jour dans les places. Il me paraît bien sévère que cette Université se trouve dépouillée, par un décret subséquent, d’un droit que votre décret du 19 février dernier lui avait assuré. Je vous prie d’observer, Messieurs, que je suis d’autant moins suspect dans cette cause, que, par le plus grand de tous les hasards, je plaide la cause apparente de plusieurs professeurs qui ont prêté le serment : ce n’est pas mon intention. (Rires.) Aussi n’aurais-je pas demandé la parole si j’avais voulu plaider la cause des professeurs, mais j’ai cru entrer dans vos vues, vous donner un exemple de mon respect pour vos décrets, en vous rappelant que c’était la cause de l’Université que je plaidais et de l’Université, Messieurs, qui n’a fait qu’exercer un droit ancien, un droit dont jouissent l’Université de Paris et celles de tout le royaume. La municipalité et le directoire de Poitiers n’ont donc pu être animés, pour cette nomination, que de ce désir de conquête d’autorité auquel il faut mettre des bornes. Quand on vous dit, Messieurs, que depuis la destruction des jésuites la municipalité de Poitiers était dans Dusage d’instituer des professeurs, il y a ici une grande erreur, qui provient de la négligence à faire usage des mots propres. La municipalité de Poitiers était dans l’usage d’installer les professeurs, mais nou pas de les nommer. Jamais la municipalité n’en a nommé aucun. M. Bffibsy. Est-ce encore une vérité, cela? M. l’n&bé Hlanry. Oui, Monsieur. M. le Présideat. Monsieur Babey, asseyez-VOUfl. M. Babey murmure. M. le Préfideat. Je vous ordonne de vous asseoir. M. Babey parle avec vivacité dans le tumulte de l’Assemblée. Cris unanimes ; A l’ordre ! M. le Président. Au nom de l’Assemblée, je vous ordonne de vous asseoir et de vous taire : on doit être aussi sage le soir que le matin, le matin que le soir. (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [3 février 1791.J M. l'abbé Maury. Vous voyez, Messieurs, que dans cette discussion nous sommes discords sur un principe. Personne ne conteste les décrets de l’Assemblée nationale; il ne peut y avoir de doute que sur les faits. Premier fait : y a-t-il eu cessation de fonctions dans l'Université de Poitiers? Second fait : la municipalité de Poitiers est-elle dans l'usage de nommer ses professeurs? Troisième fait : les nouveaux professeurs nommés par la municipalité de Poitiers ont-ils prêté le serment ? Gomme le comité des rapports, dont le devoir est d’être impartial, ne vous rend pas compte des moyens employés par l’Université de Poitiers, je supplie l’Assemblée de permettre que demain matin je remette au comité des rapports les pièces qui m’ont é.é communiquées, afin que samedi au soir l’Assemblée puisse prononcer sur cette affaire en connaissance de cause. M. Bean poil de Sainte-Aulaire, évêque de Poitiers. J’ai très peu de choses à ajouter à ce que M. l’abbé Maury vient de dire. Je dirai seulement que, par les nouvelles que j’ai r* çues de Poitiers hier, il me paraît que MM. les administrateurs se sont un peu pressés pour nommer des professeurs qui ne sont pas seulementdes professeurs des arts, mais des professeurs de théologie. J’ai dit qu’on s’était pressé de faire cette nomination : 1° parce que les régents qui étaient en exercice n’ont point refusé le service; il est vrai qu’il y en a plusieurs qui ont annoncé qu’ils ne pourraient pas prêter le serment, mais ils ont offert de continuer leurs fonctions, conformément à votre décret du mois de décembre qui leur permettait de Je faire jusqu’au remplacement. Si on avait différé, il eût été moins mauvais; j’ose dire moins mauvais, parce qu’il y avait deux chaires de théologie dans l’Université de Poitiers. Ces deux chaires de théologie ont été remplies par un religieux cordeiier, recteur de l’Université. Je ne parle pas de son mérite, mais en fait de théologie, il en avait très peu : on l’a reconnu dans l’Université pour avoir des latents en politique; po-sédé de la manie aérostatique, ce religieux s’est appliqué à faire plusieurs ballons, dans le temps qu’ou avait cette fureur. J’observe que le collège de Poitiers est très heureux; ci-devant occupé par les jésuites, ils étaient au nombre de 60 à 70, et le concours de la jeunesse était considérable. J’observe que le principal du collège, qui est ordinairement un ecclésiastique, est aujourd’hui un procureur; eet homme est très bon praticien, mais je ne le crois pas capable de conduire un collège. (Rires.) On a nommé pour professeur de seconde un féodiste qui est un parfait honnête homme; mais aujourd’hui, comme vous avez supprimé toute espèce de féodalité.... ( Rires et applaudissements.) On vous a dit qu’il y avait des professeurs qui avaient prêté le serment: cela est vrai; il y en a deux qui sont prêtres et qui ont effectivement prêté leur serment; je n’en connais pas d’autres. Je finis par vous observer qu’il est très certaiu que l’Université ait été pendant longtemps dans l’usage de nommer ses professeurs; qu’elle a offert de les nommer en cette occasion, et que les corps administratifs n’ont point voulu agréer cette offre. M. Thibaudeau, procureur-général-syndic de la commune de Poitiers. L’insurrection qui a eu lieu dans le collège de Poitiers, et qui s’est propagée dans toute la ville, n’a eu d’autre cause que la distribution qui a été faite de divers écrits lrô Série. T. XXII. 737 répandus par le clergé contre la constitution civile que vous avez décrétée. Cette distribution n’a pas produit l’effet qu’ou en attendait, car ilya 11 curés dans la ville de Poitiers qui ont fait leur serment et sont encore en fonction. M. l’évêque de Poitiers avaii, de son côté, fait publier un mandement, et je conviens, Messieurs, qu’il a produit un effet tout différent sur les ecclesiastiques professeurs dans un collège; aussi aucun d’eux n’a voulu prêter son serment. Au moyen de ce, qu a-t-on fait alors ? Vous avez vu, par les pièces dont on vous a fait lecture, qu’ils s’étaient. retirés, et non pas qu’ils avaient donné leur démission, comme vous l’a dit M. l’abbé Maury. C’est, Messieurs, dans ce moment que les corps administratifs de la ville de Poitiers, voyant que le service du collège allait cesser, voyant que personne ne s’empressait de le remplacer, parce que ceux qui étaient à la tête du collège ne demandaient pas mieux que de perpétuer le désordre et l’anarchie, se sont réunis, et d’un concert unanime ont fait le choix des nouveaux professeurs. Après cette nomination, faite par les trois corps administratifs, ils se sont assemblés pour aviser aux précautions à prendre pour l’installation de ces professeurs. [C’est alors que l’Université, sortant du sommeil où elle était plongée, a cru qu’elle devait croiser la nomination faite par les corps administratifs et la contrarier par une nomination postérieure qu’elle prétendait avoir le droit de faire; et comment prétendait-on faire cette nomination ? Les corps administratifs avaient nommé plusieurs ecclésiastiques qui, pour se rendre propres à leurs nouvelles fonctions, avaient fait leur serment civique, et des laïques sur le patriotisme desquels ils étaient bien rassurés, et dont MM. les députés de la ville de Poitiers, car je parle au nom de mes confrères de ce côté-là ( l'orateur montre la gauche), estiment beaucoup les personnes. Ou doit donc avoir toute la conliance que mérite dans cette circonstance la réunion des trois corps administratifs et des députés du département ; mais l’Université ne pouvait pus nommer des ecclésiastiques; c’eût été les astreindre au serment civique, et elle ne voulait pas qu’ils le fussent : elle voulait donc nommer des laïques, parce qu’elle n’ignorait pas que les laïques n’étaient point forcés au serinent sur la constitution civile du clergé ; ce n’est pas que les laïques ne soient obligés de faire le serment prescrit à tous les fonctionnaires publics , mais je dis qu’elle ne voulait pas nommer d’ecclésiastiques qui avaient fait leur serment : ne qui fait qu’elle a nommé un principal laïque. Et quel est, Messieurs, ce principal laïque ? Certainement je suis bien éloigné de toute espèce de personnalité, je rends justice également à la probité de tous ceux qui se trouvent compromis dans ce conflit de nominations; mais, Messieurs, cet homme est une créature du ci-devaut parlement de Paris, principalement de M. le président Rolland, qui était à la tête de ce collège, qu’il gouvernait à sa fantaisie. C’est cet homme, esclave aveugle des volontés de M. le président Rolland, qu’on a commencé par nommer principal du collège. Cependant dans ce moment le service public est attaqué. Quand il a été question d’installer les professeurs nommés par l'administration, la municipalité chargée de cette fonction s’est transportée au collège ; elle a trouvé les postes occupés par des sujets nommés par l’Universite ; elle a voulu procéder à l’installation des professeurs élus par le 47 738 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [4 février 1791.] corps administratif. Les écoliers, par des instigations pernicieuses et faciles à pénétrer, ont reçu la municipalité avec des huées, des acclamations injurieuses ; et après avoir commis des désordres dans le collège, se sont répandus dans la ville, où ils ont excité la même insubordination. Les choses en cet état, le département a pris un arrêté par lequel il a ordonné que les portes du collège seraient ouvertes aux professeurs, a ordonné aux écoliers de les reconnaître, et a fait défense à tous autres de s’immiscer dans l’administration de ce collège. Les professeurs nommés par l’Université ont résisté à cet arrêté ; le principal est toujours resté dans le collège, et a constamment refusé d’en ouvrir les portes ; de sorte que le collège est actuellement vacant. Dans ces circonstances, les trois administrations se sont adressées à vous, Messieurs, vous ont porté leur plainte, et vous ont demandé de vouloir bien autoriser la nomination provisoire des professeurs faite par elle. Quel parti devez-vous prendre, Messieurs?... Voix nombreuses : Assez ! assez ! (L’Assemblée ferme la discussion et décrète qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur la demande d’ajournement.) M. luuijuinais. Je demande, par amendement, que le tribunal de l’Université soit supprimé. M. Damonchel. Si vous supprimez ce tribunal, à qui s’adressera-t-on désormais pour terminer les différends qui pourront s’élever par la suite? 4 (L’Assemblée rejette l’amendement par la question préalable.) (Le projet de décret est adopté.) M. l’abbé Maury. Messieurs, je demande par amendement que l’Assemblée ajoute à son décret ces mots : « Qu’elle ne l’a adopté que parce que l’abbé Maury l’a combattu. » M. Babey. Je demande que M. l’abbé Maury soit rappelé à l’ordre et envoyé à l’Abbaye pour avoir insulté l’Assemblée. M. le Président annonce l’ordre du jour de demain et lève la séance à neuf heures trois quarts. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. DE MIRABEAU. Séance du vendredi 4 février 1791 (1). La séance est ouverte à neuf heures et demie du matin. Un de MM. les secrétaires fait lecture du procès-verbal de la séance d’hier au soir, qui est adopté. M. Bouche. Le patriotisme et le zèle pour le bien public sont la cause du mal dont je viens me plaindre à vous en ce moment. Plus vos décrets se multiplient, plus on désire de les connaître et de les répandre dans les divers départements du royaume ; mais l’empressement qu’on témoigne à les répandre nuit plus à la chose publique que quoi que ce puisse être. Voici ce dont il s’agit : Des membres de l’Assemblée nationale, des étrangers même, craignant de ne pas avoir une expédition assez prompte des décrets que vous rendez, les copient dans les journaux qui ne les rendent pas toujours très exactement; ensuite ils les présentent ou les font présenter pour la signature à M. le Président et à MM. les secrétaires. Celte manière de présenter des pièces à signer est sujette aux plus grands inconvénients : il arrive fréquemment que ces extraits de procès-verbaux ou ces décrets, comparés à ceux qui sont envoyés officiellement dans les départements, se trouvent absolument différents. Cette différence jette du trouble dans les esprits, arrête la marche de vos travaux, sert de prétexte aux ennemis du bien public et compromet réellement le président et les secrétaires qui ont signé des envois manuscrits; elle peut en outre occasionner de très grands désordres. Pour remédier à un pareil inconvénient, nous avons imaginé un moyen que je vous prie de vouloir bien décréter ; le voici : « L’Assemblée nationale décrète que son président et ses secrétaires ne signeront désormais d’autres expéditions collationnées manuscrites des décrets, que celles qui leur seront présentées par les secrétaires-commis au bureau des procès-verbaux, ou au comité des décrets, et sur le haut de la première page desquelles on lira ces mots imprimés : Extrait du procès-verbal de l'Assemblée nationale , séance du ..... . avec le fleuron de l’Assemblée nationale. » (Cette motion est décrétée.) M. Mercier. Messieurs, un professeur de philosophie au collège de Saintes, c’est-à-dire dans une ville où le patriotisme est travaillé dans tous les sens par l’erreur, le fanatisme et la malveillance, M. Le Tournan, a eu le courage, quoique très jeune, de donner le premier l’exemple de la soumission à la loi, en prêtant son serment civique, par l’organe du directoire du département de la Charente-Inférieure. Il a fait aussi un travail sur cette matière, travail très fort en principes, en raisonnements et en citations, dont il fait hommage à l’Assemblée. Je demande, Messieurs, que pour stimuler et récompenser l’émulation de ce jeune citoyen, vous daigniez ordonner qu’il sera fait mention honorable dans le procès-verbal dudit ouvrage ainsi que de l’adresse du directoire du département de la Charente-Inférieure, qui l’accompagne. (Cette motion est adoptée.) M. Chabroud. J’ai l’honneur d’informer l’Assemblée que les six curés de la ville de Vienne, leurs vicaires, le principal, sous-principal, et les huit professeurs ecclésiastiques du collège, ont prêté le serment décrété le 27 novembre dernier. Après cela je vous prierai de renvoyer à votre comité de jurisprudence criminelle la difficulté dont je vais vous faire part. Vous avez chargé provisoirement les juges des tribunaux de district de juger les affaires criminelles qui se trouvaient alors arriérées. Dans Je (1) Cette séance est incomplète au Moniteur.