182 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE sance à la Convention nationale sur l’énergie qu’elle a déployée, et dénoncent plusieurs opérations du représentant Hentz. La Convention nationale décrète la mention honorable de la première partie de cette adresse et le renvoi du tout au comité de salut public (1). [La comm. et la sté popul. de Thionville, à la Conv.; Thionville, 24 therm. II] (2) Représentans, La commune et la société populaire de Thionville connoissent l’abus des députations mais le peuple fidel et tranquille nous envoyé vers vous parce qu’il ne sait pas souffrir l’avilissement. Il nous charge de vous retracer les expressions de sa vive reconnoissance pour les efforts sublimes que vous avez faits en terrassant le monstre épouvantable né des entrailles de la République qu’il lui tardoit de dévorer. Cette commotion politique a porté au loin ses secousses, elle pouvait même venir ébranler nos solides remparts mais vous avés affermis le sol républicain tout entier et désormais il est impérissable. Si nous ne vous témoignons pas un plus vif enthousiasme pour des succès aussi grands, pardonnés, ô législateurs, nos cœurs sont déchirés par la douleure. Nous avons à vous peindre l’oppression qu’a exercée sur nous, sur la société populaire dont nous sommes membres, sur notre commune entière, l’un de vos délégués, un satellite de Robespierre. Le sentiment de l’outrage fait à nos droits, nos devoirs et vos périls nous font une loy de vous apporter les plaintes que peut-être vous avez pressentis puisque vous avez rappellés dans votre sein le représentant du peuple Hentz. A son arrivée dans notre département, toutes les mesures prises avant lui furent mauvaises et tous les citoyens détestables. Presque tous les fonctionnaires employés par le représentant Malarmé qui, lui-même avoit étably le gouvernement énergique auquel nous savons que la République doit son salut, il a tout contrarié, il a fait arrêter plusieurs citoyens sans consulter ni les autorités constitués, ni la société populaire qui a cru devoir s’intéresser à eux. Dès ce moment le représentant Hentz s’est prononcé d’une manière terrible et qui est consigné emplement dans les pièces que nous demandons à déposer au comité de salut public. Partout précédé par l’ignorance et la ter-reure, il croyait nous épouvanter et nous avilir. Nous espérâmes qu’il saurait nous apprécier enfin ou qu’il daignerait, à l’exemple de ceux de ses collègues que nous avons eu le bonheur de posséder, venir s’éclairer lui-même dans le sein de la société populaire, mais il a paru prendre plaisir à la fouler aux pieds et il a exercé sa redoutable tyrannie jusqu’au moment où vous proclamâttes l’heureux triomphe de la justice et (1) P.V., XLIII, 270. (2) C 316, pl. 1268, p. 22-39. de l’humanité. Alors seulement il devint aussi tramblant qu’il avoit été cruel et outrageant. C’est vous en dire trop, pères de la patrie. Vous ferés examiner nos plaintes et vous saurés si nous sommes encor les hommes qui, le 20 septembre 1789, refusèrent l’entrée de la ville à Breuil (sic) et à Royal-Allemand et qui naguère ont été honnorés par la patrie pour lui avoir conservé un de ses plus fermes et plus fidels boulevards. Arnoult, Jacquin. N° I. Procès-verbeaux relatifs à Rolly, De-chaux, Brauer, Lavollée, etc., des 6 et 7 messidor. L’on verra par les procès-verbeaux que la société, loins de s’être mis en insurrection, n’a fait que consacrer avec prudence les principes dont la Convention nationale a fait sentir la puissance dans les séances à jamais mémorable des 9 et 10 thermidor; elle s’est ici intéressée fortement en faveur de l’innocence opprimée sans rallentir la marche révolutionnaire contre les individus qui paroissent entachés d’incivisme. Extrait des registres des procès-verbaux de la société populaire épurée de Thionville. Séance du 6 messidor 2 e année de la République française une, indivisible et démocratique. L’hymne sacré chanté, il a été donné lecture du procès-verbal de la séance précédente; la rédaction en a été adoptée sans réclamation. Un membre monte à la tribune pour donner lecture d’un discours prononcé par Vadier, député à la Convention nationale. L’assemblée en entend une partie avec satisfaction mais, aïant à s’occuper d’objets majeurs, elle passe à l’ordre du jour sur le reste du discours. Variou, ci-devant membre de l’administration du district de Thionville, écrit à la société que des signes de fanatisme existent encore sur plusieurs clochers des communes qui avoisinent celle de Bousse qu’il habite. Par une lettre il témoigne le désir qu’il a de se rendre utile à la chose publique et demande une place d’instituteur national. La société, en applaudissant au zèle de Variou, renvoyé sa lettre à ses comités révolutionnaires et d’instruction publique réunis pour faire leur rapport incessamment. Le président a fait lecture d’un arrêté pris le 3 du courant par le représentant du peuple Hentz en commission prez les armées de la Mozelle et du Rhin, qui prononce l’arrestation de plusieurs individus du district de Thionville et la translation de quelqu’uns d’entre eux au tribunal révolutionnaire de Paris. Un membre observe qu’il s’agit de délibérer avec la plus haute attention sur l’objet de cet arrêté, qu’en conséquence il lui paraît indispensable de réunir tous les membres de la société. A cet effet il propose l’appel nominal qui a été adopté à l’unanimité. Au résultat, il ne manque que quelques membres; on demande que la société procède à son épurement d’après le doute apparent du représentant du peuple. On délibère assez longtemps sur cet objet; le président arrête aussi son vœu avec la permission de l’assemblée, qui, enfin, se déclare épurée depuis l’organisation du gouvernement révolutionnaire SÉANCE DU 30 THERMIDOR AN II (17 AOÛT 1794) - N° 8 183 opéré à Thionville par le représentant du peuple Mallarmé. On propose de renouveller le serment d’agir plus que jamais révolutionnairement : la société entière le prononce avec enthousiasme. L’agent national du district propose, conformément à la lettre du représentant du peuple Hentz le remplacement de [sic] juge de paix du canton de Florange, attendu qu’il est frappé d’arrestation. Il observe que la justice doit se rendre et qu’il est du bien public de ne pas en arrêter le cours. A cet effet, il propose à la société Didier Noël dudit Florange pour remplir cette importante fonction. Sa proposition est vivement combattue par plusieurs membres et l’assemblée refuse unanimement son suffrage à Noël et invite l’agent national à proposer un autre sujet. Le président rappelle à la société le grand ordre du jour indiqué par l’arrêté du représentant Hentz. Il fait lecture en premier lieu d’une lettre addressée à la société par Rolly portant disculpation des inculpations qui lui ont été faites dans le susdit arrêté. Un membre monte à la tribune et s’explique favorablement pour le prévenu. La société et les tribunes adhèrent et applaudissent unanimement au voeu de l’orateur. Un autre membre fait observer [que] l’acclamation dans un objet aussi grave n’est pas un moyen sage pour délibérer et demande que chacun motive à haute et intelligible voix son vœu à la tribune. Enfin un autre membre propose que chacun soit tenu de souscrire son opinion. Ces propositions sont adoptées à l’unanimité. A l’instant les sociétaires s’empressent à ses besogne autour de la tribune, pour y rendre hommage à la vérité et remettre sur le bureau leurs opinions écrite. Cela fait, il résulte que tous les membres présens regardent le citoyen Rolly comme un bon républicain. Les tribunes consultées sur le civisme ou l’incivisme de ce prévenu déclarent unanimement que leur vœu est conforme à celui de l’assemblée. Cette déclaration est suivie des applaudissements les plus vifs et les plus sincères. Après cela, la société charge son bureau de recueillir et enliasser toutes les attestations ci-dessus pour être déposées aux archives afin d’y avoir recours le cas échéant. Le président donne ensuite lecture d’une lettre adressée à la société par Dechaux, portant disculpation des griefs qui lui sont imputés par l’arrêté du représentant du peuple Hentz. A cette lettre est joint un état de la fortune de l’inculpé. L’assemblée, consultée sur le parti à prendre relativement à cet individu, arrête à l’unanimité des suffrages qu’elle procédera à l’égard de Dechaux comme elle vient de faire à l’égard de Rolly, et à l’instant les membres environnent la tribune; mais, l’observation faite qu’étant déjà avancé dans la nuit, il convenoit de suspendre la séance jusqu’à 10 heures du soir afin de donner aux secrétaires et aux citoyens des tribunes le moment de se restaurer, cette observation convertie en motion est arrêtée, et la séance suspendue à 9 heures pour être reprise à 10 heures. Signé à la minutte par le bureau. Reprise à 10 heures du soir le 6 messidor de la séance permanente. L’agent national présente à l’acceptation de l’assemblée un nouveau citoyen pour remplir les fonctions de juge de paix dans le canton de Florange. Le citoyen est Sharff, habitant de la commune de Sierck, membre de la société épurée, bien connu pour son dévouement à la chose publique. Il est accepté à l’unanimité au milieu des applaudissemens; le président lui donne l’accolade fraternel. La discussion sur le civisme de Dechaux étant au grand ordre du jour, le président l’annonce. En conséquence chaque sociétaire émet son vœu à la tribune et le dépose par écrit sur le bureau. Les tribunes se prononcent pour ce prévenu comme elles ont fait à l’égard de Rolly. De tout quoy il résulte en faveur de Dechaux la même unanimité de suffrages que pour le premier et de suite l’assemblée arrête comme ci-dessus l’enliassement et le dépôt aux archives des différentes attestations mises sur le bureau. De vifs applaudissemens retentissent de toutes parts et la société, par l’organe de son président, a déclaré que s’il était dur de se voir opprimé (vraisemblablement par l’effet de l’erreur) il était beau sans doute d’emporter avec soi le regret de ses concitoyens. En conséquence la société, toujours révolutionnaire, a arrêté unanimement avec la majesté qui caractérise une fraction d’un grand peuple qu’il serait fait une adresse au comité de salut public de la Convention, aux Jacobins de Paris et au représentant Hentz, en leur envoyant copie, tant des opérations susmentionnées que des lettres de Rolly et Dechaux; que ces adresses exprimeraient chacune que la société de Thionville, toujours disposée à suivre les traces des dignes Montagnards, songeant que la probité et la vertu sont à l’ordre du jour, elle désire avec empressement voir rendre à leurs foyers des pères de famille et à la patrie des citoyens qui, aux yeux du public, n’ont jamais démérité de celui-ci; qu’enfin le représentant Hentz sera invité de faire connaître à la société les individus qui ont osé à l’aide de la calomnie surprendre sa religion. Le citoyen Voirhaye, envoyé par le citoyen Patocky, directeur des vivres à Metz, monte à la tribune pour demander à la société qu’il soit nommé 2 membres pris dans son sein à l’effet d’être présents à la levée des scellés apposés chez le citoyen Dechaux et à l’inventaire de ses papiers de concert avec un membre du district et avec un de la municipalité. Le choix est tombé sur les citoyens Largent père et Maillard. Le président a posé en fait que les pièces de comptabilité du règne de Troglianne et de Degoest à l’administration du district leur ont été remises et qu’ils en sont nantis sous leur récépissé; que, traduits au tribunal révolutionnaire, ces 2 individus ne pouvaient sortir de Thionville sans préalablement avoir fait la remise de ces pièces et, conformément à la loi, constituer des fondés de pouvoir pour les représenter; que ces formalités étaient d’autant plus indispensables que l’administration actuelle- 184 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE ment en exercice, invitée par lui à exiger révolutionnairement la reddition des comptes des précédents administrateurs, ne pouvaient y parvenir sans être nantis des pièces que mal à propos l’on avait remises à Troglianne et Degoest, et sans que le compte de l’administration première ne fût appuré. En conséquence il a demandé que la société surveillante, née des autorités constituées au nom du bien public, prît le parti d’inviter les administrateurs actuels du district à exiger cette remise de pièces et l’établissement de fondés de pouvoirs, seuls moyens pour obtenir l’audition du compte et de répondre aux intentions du comité de salut public. La société, croyant ne devoir prendre en considération la demande de son président qu’autant que l’administration ne ferait pas les démarches ordonnées par la loi, passe à l’ordre du jour et cependant permet que la déclaration de Lafontaine soit consignée au procès-verbal. L’on donne lecture de 3 pétitions faites par Troglianne, Degoest et Ham, tendantes à avoir des certificats qui constatent qu’ils ont été membres de la société. L’ordre du jour est invoqué, l’on y passe, motivé sur ce que la société s’est épurée depuis. On demande de toute part, attendu qu’il est 3 heures du matin 7 messidor, il est nécessaire de suspendre une seconde fois la séance pour prendre du repos. L’assemblée, considérant principalement qu’elle a déjà rempli la majeure partie de l’honorable tâche de [sic] son institution lui impose, suspend encore sa séance pour la reprendre le même jour à 3 heures après midi. Certifié conforme à l’original, Boulanger ( se - crét. par intérim). Extrait du registre des procès-verbaux de la société populaire et révolutionnaire épurée séante à Thionville. Suite de la séance suspendue le 7 messidor à 3 heures du matin et reprise à 2 heures du soir le même jour. L’hymne sacré chanté, le président annonce à la société que Pelicot a eu une conversation avec Kleffert père au sujet de ce qui s’est passé hier à la séance relativement à Rolly et Dechaux, qu’il sort de cette conversation une idée défavorable sur la société, que l’on attaque ses principes puisque l’on a osé dire : en cherchant à éloigner Kleffert de souscrire comme tous les autres sociétaires, que l’on forçait les suffrages des premiers et des autres au point de menacer d’expulsion ceux qui ne diraient rien d’avantageux ou de favorable à Rolly et à Déchaux. Plusieurs membres ont manifesté leur opinion à ce sujet, des propositions ont été faites et mises aux voix. La société, justement indignée d’appercevoir que la calomnie ose venir jusqu’à elle, ne voulant rien laisser qui approche le soupçon sur la pureté de sa démarche, arrête que Pelicot et Kleffert seront invités de se rendre séance tenante à la société pour être entendus. Ces deux citoyens arrivés ont été invités à s’expliquer. Kleffert obtient la parole et convient que Pelicot lui a dit qu’il venait d’apprendre qu’à la société l’on menaçait d’expulser les membres qui ne déposeraient pas en faveur des deux prévenus. Pelicot succède à Kleffert à la tribune et dit tenir ce propos de Morel. Celui-ci, présent à la séance, est invité à décliner le nom de la personne qui lui avait tenu ce propos. Morel répond qu’il a cru avoir entendu ce qu’il a rapporté à Pelicot. Sur le tout, l’assemblée passe à l’ordre du jour, motivé sur l’avœu de Morel qui ajoute n’avoir eu aucune intention perfide en parlant à Pelicot. Ce dernier est invité à monter à la tribune pour s’expliquer sur le civisme de Rolly et Dechaux. Après avoir entendu les motifs de leur arrestation et les observations qui lui ont été faites, a déclaré verballement et par écrit que l’un et l’autre étaient bons patriotes. La discussion s’ouvre au sujet de Lavollée frappé d’arrestation. Plusieurs membres se succèdent à la tribune. L’un d’eux dit que Lavollée a été la victime du despote Devaux lorsqu’il commandait à Thionville, qu’il a été emprisonné par ses ordres et qu’enfin il le croit républicain. Un membre dit qu’il lui a été rapporté que Lavollée avait un dépôt d’armes dans sa maison à Florange lorsque les Houlans étaient devant les murs de cette cité. La société, ne se croyant pas suffisamment instruite pour prononcer son opinion envers Lavollée, arrête à l’unanimité l’ajournement de la discussion jusqu’à ce quelle se soit procuré des renseignements certains sur la moralité et l’immortalité [sic] de ce prévenu depuis son départ de Thionville. Le président donne lecture de 2 pétitions, l’une faite par Brauer, l’autre par plusieurs individus de Sierck, tous en état d’arrestation. Lesdites pétitions tendantes à obtenir la protection de la société, l’ordre du jour est invoqué puis adopté, motivé, quant à Brauer, sur la vérité des faits relatés dans l’arrêté du représentant Hentz, et, quant aux individus de Sierck, sur ce que la société ne les connaît point. Certifié conforme à l’original, Boulanger (se-crét. par intérim). Copie d’une lettre écrite par Rolly, payeur des dépenses de la guerre aux cns membres de la sté popul. révolutionnaire et épurée de cette commune. Thionville, le 6 e messidor l’an 2 e de la République française une et indivisible et démocratique. Liberté, égalité, salut, fraternité ! Je suis en arrestation par ordre du citoyen Hentz, représentant du peuple. Je n’ai pu que lire très rapidement les motifs énoncés dans son arrêté. Pour ce qui me concerne, voicy comme ils se sont classés dans ma mémoire : vous pourrés les vérifier à la vue de cette copie officielle qui vous en est adressé. 1° Je dois avoir été l’ami des aristocrates et des cy-devant grands et je cherchois à faire tourner l’esprit publique à leur avantage. 2° J’ai été particulièrement l’ami du traître Wimpfen. 3° Je dois avoir dit au citoyen Hentz représentant, lui-même, le surlendemain de la jour- SÉANCE DU 30 THERMIDOR AN II (17 AOÛT 1794) - N° 8 185 née à jamais mémorable du 10 aoust 1792 vieux style qu’il seroit bon ou utile d’imiter l’exemple du département des Ardennes qui, livré à l’infâme Lafayette, n’a pas craint de faire arrêter des membres de la Législature (on observe dans l’arrêté que c’est ainsi que parloit Wimpfen). 4° Enfin l’on m’inculpe d’avoir osé être président d’une société populaire, moi fourbe qui égare le peuple. Sur le premier grief, je réponds que j’étois avocat, répondant par état à tous ceux qui s’adressoient à moi sans distinction de classes. Les cy-devants formoient le plus petit nombre de mes clients et, ce qui le prouve, c’est que je n’ai été l’officier d’aucun cy-devant seigneur; or l’on sait que l’officier de la terre étoit toujours chargé de toutes les affaires du propriétaire. Ces relations de procès étoient les seules que j’eusse avec les cy-devants et je viens de dire qu’elles étoient en petit nombre; j’ai un autre fait à citer, c’est que je n’ai voulu me mêler d’aucune affaire d’émigré, que même j’ai toujours refusé d’être arbitre dans les affaires des cy-devants seigneurs. Est-ce là la conduite d’un homme qui cherche à corrompre l’esprit publique en faveur d’une caste proscrite ? Sur le second, je dis que je n’ai pas eu de liaison particulière avec Wimpfen; comme maire j’étois quelquefois envoyé vers lui par mes collègues pour affaires de commune et de police. Je me bornois à ces relations nécessaires à cause de l’état de siège, pendant lequel la loi augmentoit le pouvoir du général; j’étois même le plus souvent accompagné de quelques membres de la commune. Une particularité, bien petite en elle-même et qui cependant peut faire juger combien peu l’amitié qu’on me suppose avoit de chaleur, c’est que jamais je n’ai mangé chez cet homme abominable, quoiqu’il appellât quelques-uns des citoyens à sa table. Peu de tems après le départ de l’ennemi, on vient m’apporter un mémoire de dénonciation contre lui. Aussitôt j’appelai 4 à 5 membres de la commune devant qui le dénonciateur répéta ce qu’il m’avoit dit et sans retard nous le communiquâmes à la commune qui envoya deux de ses membres avec le dénonciateur à Paris pour l’accompagner chez les ministres, à la Convention même. Peut-on croire d’après cela que j’ay été le partisan de ce traître ? J’ajoute enfin que je n’ai eu aucune correspondance avec lui. Il a fait imprimer un mémoire prétendu justificatif à mon adresse mais j’ai dédaigné de lui répondre, et puis-je empêcher un fripon qui se fait imprimer de m’adresser un écrit ? Sur le 3e grief, j’observe que nécessairement le citoyen Hentz se rappelle mal ce que je lui ai dit. Il est possible que nous ayons eu une conversation mais à coup sûr je ne puis lui avoir dit ce qu’il m’impute. Mes principes à cet égard sont prouvés par 2 faits notoires. Le Ier, c’est que quand la loi qui prononce la peine ou la déchéance du tyran est arrivé, je l’ai fait publier solemnellement sur les places et dans les carrefours et que j’ai assisté avec la commune à cette publication. Le second fait, c’est que j’ai fait publier le jour même de l’arrivée, comme la précédente, la loi qui détruit la monarchie et nous rend républicains. Il y a même cette circonstance à peser, c’est que, lors de cette seconde publication, l’ennemi étoit encore près de nos murs. J’assistai à celle-cy comme à l’autre avec la commune; si j’avois eu le malheur d’être royaliste, d’appuyer le despotisme et de ne pas aimer la République, aurois-je montré tant d’empressement à faire exécuter 2 loix directement contraires au système affreux de Lafayette ? Cette suite d’actions et le langage que mes concitoyens m’ont toujours entendus tenir prouvent évidemment que mes principes n’ont jamais été autres que ceux que la Convention nous a dictés pour notre bonheur et que le citoyen Hentz se rappelle mal ce que je pourrois lui avoir dit. Sur le 4e grief, je dis que, si j’ai été le président de la société, je ne l’ai pas sollicité, que je m’en suis même deffendu, l’on a insisté et il ne m’étoit plus permis de m’obstiner dans mon refus. On dit que je suis fourbe, que j’égare le peuple. Rappellés-vous, je vous en conjure, tout ce que je puis avoir dis en votre présence. M’est-il échapé un mot qui ne tendît au maintien de la République et à faciliter la marche du gouvernement révolutionnaire ? N’ai-je pas été chargé par vous de rédiger la dernière adresse à la Convention pour la féliciter sur ses travaux et montrer notre horreur sur l’assassinat de 2 membres du comité de salut publique ? Comment égare-t-on le peuple ? Par de mauvaises actions, par de mauvais discours ! Peut-on m’en imputer ? Quand vous m’avez maintenu dans la société lors de votre dernière épuration, n’avez-vous pas pris les renseignements nécessaires pour vous assurer de mes principes ? Je finis cette lettre déjà trop longue en vous priant de prendre les informations que vous croirés convenables et de dire à mon occasion ce qui sera de votre connoissance. Signé, Rolly. Autre du même jour : Il m’est échappé de te dire que l’infâme Wimpfen, dans une lettre écrite à Duprat, alors commandant et son digne acolite, indigné de ce que je n’avois pas répondu à sa lettre en forme de mémoire, disoit que Thionville étoit une ville scélérate et que j’étois le plus scélérat de tous ceux quelle renfermoit. Les éloges d’un coquin sont des injures pour l’honnête homme, les injures d’un coquin sont des éloges. O Thionville, toi contre qui ont tant crié au commencement de la révolution les ennemis de la chose publique, mérite toujours leur haine ! Signé Rolly. Metz, le 5 thermidor l’an 2 de la République françoise une indivisible et démocratique Liberté, égalité Rolly et Dechaux à leurs frères, les cns présid. et membres de la sté popul. révol. et épurée de la comm. de Thionville Salut, reconnaissance, mort aux ennemis du peuples ! Il nous a été bien doux lorsque l’erreur nous a confondus parmi les hommes suspects en nous frappant d’arrestation, de croire que nous 186 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE n’avions pas perdu votre estime et que vous ne cessiez pas de rendre justice aux sentimens qui nous ont toujours animés. L’intérêt que vous avez bien voulu prendre à nous et le témoignage que vous nous avez accordé nous ont pénétrés de la reconnoissance la plus vive. Que ne ferons-nous pas pour mériter la continuation de ces sentimens ? Nous vous prions instamment de nous faire délivrer des copies authentiques de l’arrêté pris à notre égard et des pièces qui en ont été la suite. Veuillez bien ne pas nous refuser cette nouvelle marque de votre bienveillance et de votre justice. Dans notre captivité nous ne cesserons d’aimer la patrie et de nous dévouer à elle. Loin d’attiédir notre zèle, l’événement fâcheux dont nous sommes les victimes ne fait que l’enflammer et nous nous disons que, dans les mesures de sûreté générale l’innocent peut être compromis mais qu’il a droit de compter sur la justice et que par patriotisme il doit subir son sort avec constance. Dechaux, Rolly (1). Extraits des liasses de la société populaire et épurée de Thionuille du 6 messidor l’an 2e de la République française une indivisible et démocratique Savoir Brouet : Avant la révolution et à présent j’ai toujours regardé le citoyen Rolly pour un bon citoyen et un vrai républicain; et a signé. Périé : Je déclare que depuis 2 ans que j’habite cette commune j’ai connu le citoyen Rolly pour un vrai républicain, un révolutionnaire, un citoyen digne de la confiance publique, et qu’il n’a manifesté que des sentiments purs et dignes d’un citoyen intacte. Thionville, le 6 mess. II; et a signé. Charmoy : En arrivant à Thionville, j’ai logé chez le citoyen Rolly. J’y suis resté pendant un an et j’ai recherché sa société toutes les fois que mes devoirs me l’ont permis. Je ne lui ai jamais entendu exprimé que des principes de la plus saine morale et du plus pure patriotisme. Bien loin d’être l’admirateur de Wimpfen, il l’a toujours fui autant qu’il a pu et il est le premier parmi les citoyens de la ville auquel j’aie entendu dire que le général étoit un gue[u]x. Le 6 mess. II; a signé. Raulet : Je certifie à qui il appartiendra que le citoyen Rolly, payeur de la guerre, s’est montré toujours partisant zélé de la révolution, a cherché de tout tems à en propagé les principes depuis 1789, tant par ses discours que par ses exemples; que, né avec un phisique très délicat, il n’a pu employer pour hâter la course du gouvernement révolutionnaire tous les moyens d’un caractère ardent et d’un corps bien constitué, mais qu’il ne lui en a pas été moins utile, que je n’entend rien préjuger qu’en (sic) aux reproches particuliers du représentant Hentz, qui, s’il est vrai, auroit dû l’engager à le dénoncer au même instant. En foi de quoi j’ai signé. A Thionville, le 6 mess. II; et a signé. (1) En mentions marginales : Sur cette demande, il leur a été accordé un diplôme. Signé Chomereau, secrétaire provisoire; et : Renvoyé au comité révolutionnaire. Capiemont : Je ne connois pas particulièrement le citoyen Rolly mais j’atteste que, malgré sa foiblesse, il n’a pas laissé que de sortir avec les citoyens pour aller à Tierrelant, n’ayant pas voulu se faire remplacer, et je ne l’ai jamais entendu prêcher que le plus pur patriotisme; et a signé. Raucelant : Depuis 1790 je suis dans les murs de la commune de cité. J’ai fréquenté le citoyen Rolly, de la cité, payeur de l’armée de la Mozelle. Je n’ai reconnu dans ce citoyen que les qualités d’un parfait honnette homme, bon mari, et [les] principes du plus pure républicanisme; et a signé. Panarioux : Je déclare que le citoyen Rolly est un excellent patriote et un vrai républicain, que depuis ma connoissance j’aurois désiré avoir une conversation avec lui comme étant un excelant défenseur des droits de l’homme; et a signé. Sidot : Rolly mon concitoyen, que j’ai vu naître, et élevé le probe (sic) et les mœurs intactes par un père qui a emporté par son décès les regrets et l’estime de toute ma cité. Son civisme et son patriotisme et son zèle pour le bien publique est (sic) sa satisfaction à obliger indistinctement un chacun des républicains m’a fait désirer du tems à trouver des moments libres pour m’affermir par ses principes révolutionnaires; et a signé. Jeammet fils : Thionville, le 6 mess. II. Liberté, égalité, fraternité ou la mort ! Citoyens, j’ai toujours connu le citoyen Rolly pour un honnête homme et un bon républicain, et le reconnois encore, notament pendant le siège de Thionville, lors de l’ataque, j’ai eu mon cousin manqué tué à la baterie du cheval de bois, est venu lui-même m’encouragé à me battre pour les instérets (sic) de la liberté et de l’égalité. Je demande que le dénontiateur soit puni comme traître. Signé. Michel Pinel-Cassier : Je n’ai jamais reconnu dans la personne du citoyen Rolly que de l’hon-netté et patriotisme; et a signé. Verdun : Je reconnois le citoyen Rolly comme un bon patriote et un bon républicain, et s’est toujours bien montré depuis le commencement de la révolution; et a signé. Bonvarlet : Je n’ai jamais eu qu’une seule conversation avec le citoyen Rolly, dans laquelle il a manifesté le patriotisme le plus prononcé; et a signé. Einhals, taillieur : Je me suis trouvé un jour avec le citoyen Rolly sur la place à causer avec lui. Nous parlions de Winfent et il me dit : Ne parlez pas de lui parce que c’est un fripon et un scélérat; et a signé. Sharff : Avant la révolution je connu le citoyen Rolly qui étoit homme de loi pour un parfait honnête homme et homme juste, et depuis la révolution j’ai vu et remarqué en lui un bon patriote et sans-culotte; entre autres, étant obligé de partir de Sierck à cause de l’ennemi, je prie le partis de faire amener mes meubles et effets en cette ville. Je l’ai rencontré, il me dit : ces meubles là sont-ils à vous ? Je lui 192 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE Collas, commandant : Je déclare que depuis 9 mois que je commande dans cette place, je n’ai reconnu dans la personne du citoyen Rolly que du civisme et du patriotisme; qu’en outre il a toujour été assidu à remplir les fonctions qui lui étoient confiées; a signé. Renoir : Renoir a toujour reconnu le citoyen Rolly pour un excelant patriotte et républicain jusqu’à ce jour sans avoir jamais vu en lui d’incivique; a signé. Riscle, juge de paie : Je déclare avoir toujour connu Rolly pour un bon républicain; que tout, des arrettés qu’il a pris, tant comme maire que comme procureur sindic, prouve qu’il a été l’ami de la révolution; que je n’ai jamais vu qu’il ait été intimement l’ami de Wimfen, que j’ai toujours connu le citoyen Rolly pour un homme d’honneur et de probité; a signé. Lafontaine : Rolly, aux yeux de Lafontaine, est un homme de probité et de vertu; il est bon père, bon maire, bon citoyen; et a signé. Muller : Excepté la dénonciation par le citoyen Hentz, j’ai toujours vu en la personne du citoyen Rolly un homme qui, par sa conduitte et ses mœurs, a manifesté le civisme et le républicanisme le plus pure; a signé. Marchai : Rolly a toujour été regardé ici comme un bon père, un bon mari et un honnette homme, et, abstraction de l’opinion que ces dénonciateurs ont donné contre lui au représentant du peuple, sur quoi sans doute il se justifiera s’il est entendus, je puis assurer que dans les conversations que j’ai eu avec lui de tems à autre depuis la révolution j’ai vu un patriotte et républicain; et a signé. Largent père : Je déclare avoir connu le citoyen Rolly depuis plusieurs années, que [dans] toutes les places honnorables qu’il a remplis avec distingtion je ne lui ai jamais entendu prononcer un mot arristocratique et l’ai toujour reconnu pour un bon patriotte. Hergat fils : Le citoyen Rolly, à ma connois-sance, a toujour été un homme charritable, porté au bien de la révolution et bon républicain car il en a donné des preuves souvent; et a signé. Pour copie conforme aux originaux de la société populaire épurée de Thionville. Sabas Nicolas ( secrét . ). François Hubert Dechaux, garde-magasin des subsistances militaires à Thionville. Pièces justificatives Pièces Mandat d’arrêt du 3 messidor .............. 1 Procès-verbal de la séance de la société populaire du 6 .......................................... 1 Lettre de Dechaux au représentant Hentz .......................................................... 1 Certifficats des membres de la société 99 Lettres de l’administration des subsistances ........................................................ 2 Certifficats de la garde nationale ........ 3 Certifficats du commissaire des guerres Deur et employés des vivres .......... 4 Lettre de la société au représentant .. 1 Attestation du district ............................ 1 Relation de la fête de la Raison .......... 1 Certifficat de civisme de la commune 1 Cent quinze pièces .................................. 115 Mandat du représentant Hentz du 17 thermidor pour la mise en liberté de Dechaux .................................................... 1 116 Extrait de l’arrêté du représentant Hentz Au nom du peuple françois Landau, le 3 messidor l’an 2eme de la République une et indivisible Le représentant du peuple envoyé près les armées du Rhin et de la Moselle. Instruit par une pétition de plusieurs patriotes que des contre-révolutionnaires jurés de la ville de Thionville ne soient pas envoyés au tribunal révolutionnaire, pas même mis en arrestation, que des hommes très suspect soient insolent et insultent la patrie. Considérant que ces mesures de sûreté général sont d’autant plus importante sur les plus extrême frontières que, sans leur exécution, l’ennemy trouve des traîtres et des correspondant qui vendent la patrie, arrête ce qui suit comme mesure de surté publique. Troglianne, ci-devant procureur-sindic du district de Thionville, agent, homme de loi et d’affaires [de] ci-devant comtes, seigneurs, d’émigrés du pays; Degouest, ci-devant secrétaires du même district, Rolly, et Ham, homme de loix, Brauer, boulanger et agent et administrateurs des moines contre-révolutionnaires de Trêves; Dechaux, employée des vivres; Lavollée, juge de paix du canton de Fleurange (sic) seront, les deux premiers envoyés au tribunal révolutionnaire, et les autres mis en arrestation comme suspect. Le comité révolutionnaire de Thionville fera constater sous sa responsabilité, par procès-verbal et extrait de pièce, déclaration, procès-verbaux, renseignemens et extrait, que Troglianne, etc.; que Deschaux est connu par la voix public pour un aristocrate, lié aux aristocrates, un agent des subsistances militaires dont la fortune extraordinaire et les dépenses scandalise la moralité. Les procès-verbaux relatifs à Troglianne et Degoest seront envoyés au tribunal révolutionnaire, et les autres cy-dessus dénommés seront envoyés à Metz en état d’arrestation comme gens suspects. Copie du présent arrêté envoyé par l’agent national du district de Thionville à la société populaire de la même ville pour avertir le peuple qui est trompé par des fourbes qui l’ont trahy jusqu’à présent et qui ont bien l’audace, l’un d’être président d’une société populaires, et les autres de feindre le patriotisme, soit pour arriver à des places et peut-être se vendre, soit pour diriger l’instruction et les délibérations