438 [Asaemblée national©.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [10 septembr 1791.] devenus réglementaires par suite du triage qui a été fait pour former l’acte constitutionnel. M. Démeunier répond, quant à la première partie de la demande de M. Rœderer, que le travail de M. Le Pelletier était prêt pour ce qui le concerne, et que M. Briois-Beaumetz faisait imprimer l’instruction qu’il avait été chargé de rédiger sur cet objet Quant à la seconde partie de la demande, il observe que l’Assemblée nationale devant céder sa place à la prochaine législature dans 15 jours ou 3 semaines au plus tard, le classement demandé par M. Rœderer était impossible. (L’Assemblée décrète qu’elle passe à l’ordre du jour.) MM. Le Scène des liaisons et Verninac-Saint-llaur, deux des commissaires médiateurs envoyés par le roi dans le pays d’Avignon et le Comtdt Venaissïn , sont introduits à la barre. M. lie Scène des liaisons a la parole et s’exprime ainsi : Messieurs, Députés par le roi, vers les peuples d’Avignon et du Gomtat, en exécution de vos lois des 25 mai et 4 juillet dernier, nous allons mettre sous vos yeux ce qui seul est digne de vous : la vérité attestée par le devoir et par l’honneur. Vous avez à prononcer sur une grande question, sur une question à laquelle tiennent le bonheur d’un peuple et la tranquillité de vos propres départements. Nous vous fournirons, pour éclairer votre décision, tout ce que vous avez droit d’exiger, des faits vrais, précis, constatés; et dans tout ce que je vais vous exposer, vous n’aurez à vous prémunir ni contre l’intérêt qui déguise, ni contre les préjugés et les passions qui dénaturent, Aujourd’hui, j’ose le dire, Messieurs, vous aurez de la révolution d’Avignon et du Gomtat le tableau le plus vrai, parce qu'il est dessiné sur les. lieux et d’après nature, et. qu’à l’abri de toute influence, hormis celle du devoir, je vous dévoilerai et les droits et les torts de tous les partis. La révolution opérée dans Avignon et dans le Gomtat Venaissin fut une suite naturelle, inévitable, de celle arrivée en France; ou plutôt elle fut la même, puisque, de tout temps, la nature, leg liaisons du sang, les habitudes et la politique, qui n’est constamment dirigée que par la loi impérieuse des besoins mutuels, avaient fait de ces deux petites peuplades drS portions de la grande famille dans le sein de laquelle elles étaient ençlq\ées. La nature plaça ce petit pays entre les départements du Gard, de la Drôme, des Basses-Aipes et des Bouches-du-Rhône. Ce territoire, portion naturelle du territoire français, en avait été distrait par l’ignorance, la superstition et la faiblesse; toujours réclamé, souvent ressaisi, mais de nouveau reconfié, à titre d’usufruit, par la condescendance si connue de nos rois pour le Saint-Siège, ce territoire resta le plus généralement isolé au milieu du royaume, formant un Etat dans un 'Etat,’ -et jouissant de cet avantage que le faible obtient du fort, parce qu’on s’occupe peu de ce qui n’excite ni crainte ni inquiétude. Mais à l’instant où la Révolution fit éprouver ses effets en France, comment, dans un pays d’une telle position géographique, où toutes les familles jouissaient de tous les droits des Français; où ces familles étaient dans nos tribunaux, dans nos armées, dans notre clergé ; où le commerce et tous les intérêts mercantiles étaient tellement confondus avec les provinces du royaume, que l’on voyait à Avignon les mêmes établissements français que dans les autres villes de l’Etat, fermes, postes, grenier à sel,, et tout cela au nom du roi ; dans un pays qui, enclavé dans le sein de la France, renfermait lui-même à son tour des territoires français, tels que la principauté d’Orange, Tulete, Suse, Mondragon, de manière qu’il était physiquement impossible d’exploiter et les uns et les autres sans emprunter un territoire étranger; dans un pays enfin qui offrait un partage de famille unie par les besoins, les intérêts et l’existence même; comment, dis-je, aurait-il pu se faire que les changements politiques arrivés eD France ne s’opérassent pas dans cette partie de la France, malgré sa désignation contre nature de pays étranger? Aussi, dès la fin d’août 1790, l’Etat d’Avignon présenta des doléances au vice-légat : la de mande fut rejetée, méprisée ; le peuple soutint son droit d’obtenir le redressement de ses griefs. Le déni de justice excita la plus grande fermentation, et, le 3 septembre, elle éclata par une insurrection. Gette première lutte d’un peuple opprimé par les agents d’un gouvernement paternel dans son chef, mais oppresseur dans l’exercice du pouvoir subalterne, n’eut pas un grand succès. Le vice-légat employa les moyens d’usage. Des potences furent dressées, et restèrent longtemps plantées pour jeter l’effroi dans les âmes. Nombre de citoyens furent décrétés, plusieurs emprisonnés, et c’était le bourreau que l’on avait placé à la prison pour les recevoir. Cependant il n’y eut point d’exécutions. Le peuple voyait avec regret et impatience dans les fers ceux qui avaient défendu ses intérêts, et en qui il avait confiance. Gette impatience devint insurrection, et, le 2 février, on força les prisons, on arracha les prisonniers, on brûla les procédures, et le peuple montra une volonté si déterminée d’obtenir le redressement de ses griefs et de marcher de front avec la grande famille à laquelle il sentait qu’il appartenait, que les gouvernants commencèrent à sentir eux-mêmes qu’il était impossible de lui résister. Les consuls donnèrent leur démission. Une administration provisoire fut établie. Elle était composée du comité militaire et de 15 députés des corporations, et ces corporations représentaient de 15 à 18,000 âmes. Le vice-légat lui-même s’aperçut qu’il n’était plus temps d’opposer des moyens de force ; il négocia : il accueillit enfin la demande d’assembler le3 Etats généraux. La convocation des assemblées primaires se fit sous son autorisation et d’après le règlement fait par lui-même. Le peuple se vit enfin rendu à l’exercice de ses droits de souveraineté par la sanction du gouvernement, et le premier usage libre et volontaire qu’il en fit fut d’adopter les décrets de l’Assemblée nationale. En conséquence, une municipalité se forme à Avignon (1), conformément à ces décrets, et elle est installée par le vice-légat. Sous cette première influence de la liberté, l’inquisition est abolie et disparaît. (1) 18 avril 1790. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [10 septembre 1791.] La cour de Rome ne tarda pas à rétracter cette première condescendance : M. Gélestini arriva. Il venait casser la municipalité, remettre tout sur l'ancien pied : mais il n’é ait plus temps; le peuple refusa de l’admettre dans les murs d’Avignon. Cependant, ce qu’on n’avait pu obtenir ouvertement, on chercha à Remporter par une conjuration. Les privilégiés ( car il en existait là comme en France, et aux mêmes titres), les privilégiés se coalisèrent : quelques hommes généralement estimés, et dignes d’estime, eurent la faiblesse de s’y prêter, et* le 10 juin vit éclore di s crimes et provoquer des vengeances. Une troupe de gens armés, nobles, prêtres ou agents du gouvernement, sortent d’une église où l’on s’était rassemblé sous prétexte d’une fête; on tombe, dans les rues, sur tous les citoyens partisans des nouvelles idées; plusieurs sont tués avant d'avoir pu se défendre; l’alarme se répand, on court aux armes, le combat s’engage et le peuple reste le maître. Le désir de la vengeance prend alors la place du besoin de se défendre : nombre de nobles avaient été arrêtés, on voulait les sacrifier tous à la sûreté publique; mais le peuple, peu accoutumé à exercer lui-même la vengeance, voulut qu’elle fût exécutée par le bourreau. Ce retard ralentit l’excès de la fureur, et 4 malheureux furent victimes du crime de leur parti; victimes d’autant plus à plaindre, que l’opinion générale donne à 2 d’entre eux des vertus, et ne les suppose coupables que de faiblesse. Tous les agents ou partisans de cette conjuration coupable se sauvèrent à Villeneuve-lès-Avignon, et c’est ce qu’on appelle encore les émigrauts d’Avignon. Cependant les voisins alarmés des troubles d’Avignon et d’un incendie qui pouvait se communiquer à eux, ceux d’Orange et de Courthezon marchèrent vers Avignon. Ils y entrèrent en posture respectable, et ils rétablirent le calme dans la ville. Les assemblées primaires furent convoquées. Le vœu de réunion à la France fut généralmeut émis, les armes de France placées sur les port* s, et l’on envoya une députation à Paris, chargée de porter le, vœu du peuple avignonais, et d’en solliciter l’admission. Tandis que cela se passait dans l’Etat d’Avignon, le Gomtat Venaissin était aussi m mouvement; le Comtat avait eu ses Etats géüéraux, mais le prince avait eu l’art, comme ailleurs, d’en éloigner la convocation; une commission intermédiaire veillait aux intérêts publics, ou plutôt était subjuguée et dévouée au gouvernement; toutefois l’agitation des esprits faisait demander fortement la convocation des Etats; ils furent enfin assemblés, ils ne tardèrent pas à changer de nom en raison des nouvelles lumières; ils s’appelèrent Assemblée représentative. Les Avi-gnouais sollicitèrent l’avantage d’y être admis. Carpentras s’y refusa, sous prétexte de la division des deux Etats. Depuis 500 ans une rivalité de voisinage, de puissance , d’établissement politique et d’m-tluence, divisait Avignon et Carpentras, et en avait fait deux villes ennemies. Le refus de Carpentras ne fit qu’augmenter la haine. Quelques villes où les Avignonais avaient de nombreux partisans, se soulevèrent contre l’Assemblée représentative. La différence d’opinion sema le trouble, excita des rixes entre les citoyens dans Cavaillion, le Thor et quelques autres communes. 300 habitants se virent contraints de fuir de Ca-43? vailhon et se réfugièrent à Avignon. Ils y furent reçus avec transport. Ils ne tardèrent pas à ÿ exalter les esprits; on alla assiéger Gavai, l.hon pour les y rétablir; ils le furenten effet, et de là les forces avignonaises allèrent jeter l’épouvante devant Carpentras. L’armée avignonaise était rentrée sans endommager Carpentras : les membres de Rassemblée représentative s’étaient dispersés, et un mouvement général annonçait dans toutes Tes communes le désir du rétablissement de l’ordre et d’une forme de gouvernement qui remplaçât celui qui n’était pins. On proposa alors aux communes de se confédérer. Toutes s’assemblèient, 68 sur 84 votèrent pour que le pays fût réuni à l’Empire français; et en attendant la décision de l’Assemblée nationale sur ce grand intérêt, elles consentirent un pacte fédératif, d’après lequel on devait former une assemblée électorale' chargée de la grande administration des (feu A Etais, jusqu’à ce que le pays formât un 84e département’. Carpentras avait consenti ce pacte. Sans doute, ceux qui se trouvaient à la tête de cette assemblée se pressèrent trop de jouir, ils formèrent à l’avance un départi ment dont la résidence était Avignon; ils s’emparèrent de toutes les places. Getie indiscrète mesure réveilla bientôt Ta rivalité et l’envie de Carpentras; d’abord elle négligea d’envoyer des électeurs; puis elle fomenta la réunion des débris de la première assemblée représentative, sous le nom (Rassemblée de Sainte-Cécile. Une scission ne tarda pas. à' avoir lieu. Chacun s’intrigua alors pour fortifier son parfi, chacun réclama les secours des départements voisins et s’en vit secondé ; les haines s’envenimèrent, l’anarchie confondit toutes les autorités. Au milieu de ce désordre, l’qssemblé,e éleçfç-rale rappelait Carpentras à l'exécution du pacte qu’elle avait signé. Toutes les communes prenaient parti pour Avignon ou pour Carpéntrasf» et ces divisions n’attendaient qu’un, prétexté pour devenir une guerre civile : il se présenta bientôt. Le maire de Vaison, le trop mafheureüx' la Yi-lasse, soutenait dans le Gomtaf le parti avignonais et cefqi de Rassemblée, électorale. Les partisans de Rassemblée de Sainté-ÇécileçruréntqiRil leur serait plus aisé de dominer s’ils sé défaisaient d’un homme qui jouissait d’un grand crédit. Je voudrais pouvoir tirer un voile sur cette combinaison aussi cruelle que barbare, et sur son exécution; mais il faut bien le dire puisque les preuves m’en ont été administrées, il faut le dire puisque c’est là la véritable source de tous les maux, de tous les crimes qui depuis ont affligé ou déshonoré le Comtat et l’État d’Avigiion. Des gens armés, conduits par les chefs du parti de Sainte-Cécile, vont pendant la nuit attaquer la maison du sieur la Vilasse, séparée de la ville et presque isolée. Un parti gardait le pont qui fait la communication, tandis qu’un autre brisait les portes du premier magistrat de la ville, et entrés dans sa cour, ils l'assassinent à coups de fusils, à l’instant même où il se rendait et demandait grâce. Je dois à la vérité de dire que l’évêque de Vaison paraît avoir été horriblement calomnié. Dans un pays où la calomnie est une arme familière, on passe d’abord du soupç m à la certitude. Il suffisait que l’évêque ne lût pas l’ami de la Vilasse, pour être mis car son parti au nombre des assassins ; mais un fait bien constant, c’est que Révêque étaitabsent à cette époque, que, par conséquent, la plqs grande partie des choses 440 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [10 septembre 1791.] ui lui sont imputées sont fausses : quelle foi oit-on alors au reste ? Cet attentat, digne des Guelfes et des Gibelins, en produisit bientôt l’esprit, les haines et les crimes : un cri de vengeance se fit entendre dans Avignon, et fut répété par tous les citoyens ; on sh prépara à la guerre. Le bruit de ces préparatifs arma bientôt les partisans du Haut-Comtat ; une armée de 7,000 hommes, dans laquelle Carpentras jouait le principal rô e, descend des montagnes pour s’opposer aux Avi-gnonais; ceux-ci, beaucoup moins nombreux, mais forts de l'avantage d’une grosse artillerie, étaient déjà à Sarians, à une lieue de Carpentras. Ces ueux armées, si l’on peut appeler ainsi des rassemblements d’hommes sans ordre, sans discipline, sans chefs, se heurtent dans la plaine de Sarians. Le canon jette l’épouvante parmi ceux du Haut-Comtat, et tout fuit devant les Avignonais. Sarians est livré au pillage, les campagnes sont brûlées; tous les eûmes, qui sont la suite des combats et des guerres civiles, accablent le pays et épouvantent ses voisins. L’armée avignonaise, soutenue et dirigée par environ 150 déserteurs français, va non pas camper, mais cantonner dans la ville de Mon-teux, à peu de distance de Carpentras; et là, maîtresse de la campagne, elle établit une sorte de blocus et d’attaqm s journalières. Les Car-pentrassiens se défendent avec courage et fermeté, et les succès se partagent. Par une suite de la vicissitude de ces succès, et de l’influence passagère qu’ils donnaient à chaque pmti, ce pays infortuné offrait l’exemple le plus effrayant des malheurs des guerres civiles. Le parti dominant exigeait de chaque commune un détachement pour se renforcer, et nombre de communes fournissaient des détachements à chaque armée, de manière que souvent le père servait contre le fils, le frère contre le frère. L’armée avignonaise était partie d’après le consentement général. La guerre avait été l’effet plutôt d’un cri unanime que d’une délibération. Dans le premier enthousiasme on avait promis une solde extravagante, et telle qu’aucune puissance ne pourrait en soutenir la dépense. Quand elle fut hors de ses murs, l’amour du pouvoir, le désir de s’emparer des moyens d’y parvenir, ne tardèrent pas à diviser les chefs de rassemblée électorale et les membres de la municipalité. L’assemblée électorale était un corps nouveau, repoussé par plusieurs communes; ils ne jouissaient pas d’un crédit sûr : la municipalilé était l’ouvrage immédiat du peuple, l’objet de sou amour; le peuule était à ses ordres. La municipalité abusa de son influence : elle voulut siéger dans l’assemblée électorale, et cette querelle absurde de prétentions força la dernière à quitter les murs d’Avignoa au moins partiellement : elle alla siéger à Sorgues. Si les deux Etats étaient déchirés par une guerre civile, Avignon le fut par deux factions. L'armée, aux ordres des chefs de l’assemblée, exigeait ; la municipalité refusait. On se faisait une petite guerre de mauvais traitements, de vexations et de calomnies; bientôt elle devint guerre ouverte : ces querelles mirent la division entre la garde nationale des murs et celle du camp. Des juges furent destitués sans forfaiture jugée, et de nouveaux juges nommés parla municipalilé; des officiers furent arbitrairement déplacés ; des décrets rendus sans instruction par des juges incompétents, compromirent la liberté de beaucoup de citoyens, et surtout des chefs de l’assemblée et de l’armée. Leurs maisons furent envahies, leurs effets mis sou-5 les scellés, et ils n’osèrent plus paraître dans Avignon. On était allé trop loin pour ne pas chercher à se perdre réciproquement. Aussi les mensonges et les calomnies se multiplièrent à l’intini, les papiers publics devinrent le champ où l’on cherchait à se déshonorer mutuellement. C’est à ce caractère odieux, signe indélébile d’un peuple lâche et corrompu, que l’on dut l’anecdote de coupe-tête, attribuée au chef de l’armée. Elle naquit de la méchanceté de scs propres concitoyt ns et d’un propos tenu par sa grossière franchise. Il avait dit que, se trouvant à Paris dans le temps de ces actes effrayants sur lesquels nous devons tirer un voile, un homme de la garde nationale emprunta son sabre, et lui dit, en le lui rendant, qu’il avait blessé une des victimes de ces jours de trouble et de sang. Ceite anecdote recueillie et rappelée par la haine, façonnée par la calomnie, devint bientôt la matière d’une accusation horrible pour lui, déshonorante pour ceux qui lui obéissaient. Mais ce que j’ai ouï de lui-même et de tous les partis , à ce sujet, en démontre évidemment la fausseté. Jourdan est un homme grossier, plutôt sensible que féroce, ayant le courage du sang et le langage qui convient au peuple. La politique des chefs lui donna le commandement ; ils voulaient un homme brave, docile à leurs conseils, qui les mît à couvert des événements, s’ils devenaient dangereux, et qui, aux yeux de la loi, fût seul responsable de ce qu’ils ordonnaient eux-mêmes. L< s divisions d’Avignon eurent pour l’armée des effets bien terribles : elles ne contribuèrent pas peu à la déshonorer. D’un autre côté, cette armée, sans fonds, sans moyens et pressée par ses besoins, y contribuait journellement par ses exactions ; les contributions forcées en argent et en nature étaient ses uniques moyens d’existence : il est vrai qu’on donnait à tous ceux de qui on exigeait des subsistances, on donnait, dis-je, des bons pour être payés par la caisse publique et sur la vente des biens nationaux : mais ce n’était pas moins une vexation intolérable pour les individus, et une espérance du paiement bien précaire. Cette armée pesait donc sur tontes les communes, et à mesure que l’on avait plus ou moins payé, plus ou moins souffert, on lui portait une haine plus ou moins forte. Carpentras, fatiguée, épuisée par 2 mois de blocus, crut que c’était le moment de faire un dernier effort pour se délivrer d’un ennemi dont la persévérance l’inquiétait. A cet effet, elle s’adressa à Valréas et aux communes du Haut-Comtat. Ce n’était pas assurément le même système politique. Carpentras et tout le Bas-Comtat voulaient la Constitution française, le Haut-Comtat était lidèle à la cour de Rome, mais ils étaient réunis par les souvenirs de la bataille de Sarians, et leur haine commune contre les Avignonais. Les amis de Carpentras remuèrent aussi vers le Liberon, Lagnes et la Tour-de-Sabran. De nombreux rassemblements d’hommes se faisaient de ces côtés divers. Le projet était de partir du nord et du sud pour, d’accord avec ceux de Carpentras, se porter, de trois côtés différents, sur Monteux, et anéantir l’armée avignonaise. Tel était le sort des Etats d’Avignon et du Comtat, lorsque l’Assemblée nationale s’en occupa au mois de mai, lorsque son humanité autant [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [10 septembre 1791. J 441 que sa justice décrétèrent d’y établir la paix avant de prendre un parti ultérieur an sujet de ses droits sur ce pays ; telle était enfin la tâche à remplir par les médiateurs, et envoyés par le roi pour remplir ces vues. Les médiateurs s’arrêtèrent à Orange : ils crurent qu’il élait sage d’éviter une nouvelle rivalité entre Avignon et Carpentras, puisqu’il était impossible de se rendre dans les deux villes en même temps. Ils crurent qu’il importait de connaître les dispositions et les prétentions de tous, avant de s’exposer dans un pays où rien alors n’était respecté; ils crurent qu’il importait d’amortir ce premier choc des passions opposées, et de réunir des hommes ennemis pour discuter en leur présence, et atteindre ensuite le but de leur mission. L’expérience confirma la justesse de leurs vues, ils obtinrent bien plus de sacrifices qu’ils n’en auraient obtenu autrement ; chacun désirait la paix, et elle n’était offerte qu’aux prétentions raisonnables et au silence des passions. Cependant, d’un côté, le territoire de France venait d’être violé à Gigondas par des assassinats commis par des gens de l’armée du flaut-Comtat; de l’autre, les rassemblements se continuaient, et il était à craindre qu’en licenciant l’armée avi-gnonaise, celle qui se formait et qui paraissait considérable, qui semblait avoir des liaisons irès-étendues, ne causât de plus grands désordres encore; déjà les chefs exigeaient, à l’instar de ceux d’Avignon, des contribuions forcées, et ils trouvaient bon pour eux ce qu'ils condamnaient en autrui. Il fallut retarder le licenciement de l’armée d’Avignon jusqu’à ce qu’il fût constant que les rassemblements se dissipassent, et que des préliminaires de paix, signés de toutes les parties, assurassent la tranquillité publique. Au nombre des contractants étaient les députés de cetie assemblée électorale reconnue par les uns, repoussée par les autres, et assez généralement haïe, puisque l’armés était à ses ordres et qu’elle portait l’odieux de toutes les vexations. L’admettre nous parut en principe, puisqu’elle nous présentait 68 procès-verbaux sur 84, en vertu desquels elle existait; puisque appeler une nouvelle députation, un nouveau corps délibérant, c’était opposer puissance à puissance, doubler les embarras et créer un nouvel obstacle à notre mission. Mais il fallait en même temps tran-quil iser les communes qui la craignaient, qui ne voulaient point du tout la reconnaître; il fallait ramener celles qui avaient rappelé leurs électeurs, celles qui ne vou aient pas en entendre prononcer le nom. Il fallait enfin obtenir la volonté et la parole de toutes les communes de mettre bas les armes. Nous trouvâmes ce point commun de la réunion des principes avec tous les intérêts, dans le troisième article des préliminaires. L’assemblée électorale devait êire reconnue par tous, mais à l’effet d’être seulement le nœud commun d< s intérêts de tous. Pour ôter toute crainte de ses entreprises ou de ses opérations politiques, elle consentait elle-même à êtie paralysée pour tout autre objet, et à n’avoir d’autre fonction que de recevoir, recueillir et constater les vœux des communes sur leur sort politique ; car ces peuples sentaient fort bien que poser les armes n’était pas bannir l’anarchie d’un pays où chaque commune formait une espèce de petite république, où il n’existait aucun gouvernement, aucun ordre judiciaire ; ils sentaient fort bien qu’il était important pour eux de presser le moment de déterminer leur sort politique, et que tous les moyens qui pouvaient y concourir devaient être saisis par eux avec avidité. Si l’Assemblée nationale s’était contentée de dire : rétablir la paix avant de statuer sur ses droits; pour eux qui n’apercevaient de bonheur que dans la réalisation de ces droits, qui déjà avaient présenté 68 délibérations sur 84, qui demandaient la réunion, qui avaient vu ce vœu ajourné, et à qui on avait reproché qu’ils ne l’avaient pas émis librement ; pour eux, dis-je, la chose la plus instanie, la plus importante était d’employer les premiers moments d’une paix garantie par la France, pour émettre de nouveau, et à l’abri de tout reproche, un vœu duquel ils faisaient dépendre leur bonheur. Telle fut la matière et l’objet des articles 3 et 4 des préliminaires de paix. Ces préliminaires de paix furent adoptés par l’Assemblée nationale; vous eD fîtes, Messieurs, la loi du 4 juillet, et vous daignâtes, en approuvant fi s mesures et la conduiie des mé tiateurs, donner à leurs travaux la plus flatteuse récompense, à leur zèle le plus puissant aiguillon. Notre première entrée dans le pays fut la plus douce des jouissances; des champs couverts de riches moissons amendaient les bras du cultivateur; abandonnés depuis longtemps, ils virent reparaître les mains qui les avaient fertilisés, et de tous côtés nous recueillions pour vous les actions de grâces et les bénédictions d’un peuple à qui vous rendiez le bonheur. Cependant les rassemblements de Branles, du Liberon et de Lagnes venaient d’être dissipés par nos soins et notre fermeté, l’armée d’Avignon venait d’être licenciée; et afin de prévenir tout trouble, et sur la demande des municipalités, conformément à la garantie de la loi du 4 juillet, nous avions fait marcher à Avignon 2 bataillons du ci-devant régiment de la Fère, un de Somnemberg et 2 escadrons de hussards; nous avions fait marcher à Carpentras un bataillon du ci-devant régiment de Soissonnais, un escadron de dragons et une compagnie d’artillerie; c’était tout ce qu’il nous avait été possible d’obtenir, quoique infiniment au-dessous de ce qui était nécessaire pour maintenir la paix dans un pays de baines si invétérées, si multipliées. Toutefois, l’armée rentra dans Avignon : cette armée à laquelle les calamités peut-être inévitables qu’elle avait produites; les haines de la municipalité et les calomnies qui en avaient été la suite, avaient attaché la désignation odieuse de brigands. Elle était composée de la garde soldée avignonaise, d’un fort détachement de la garde nationale, des détachements de 60 communes, et de 180 déserteurs français à peu près ; elle montait à plus de 3,000 hommes. Après avoir remis leurs canons, la plupart des détachements se retirèrent tranquillement dans leurs communes. Nous proclamâmes l’amnistie, et nous fîmes partir les déserteurs. Nous n'avions alors qu’àmous louer des chefs de l’armée et de l’assemblée électorale ; ils se conformaient strictement à la loi, et l’ordre régnait dans Avignon. Mais les haines étaient encore trop fraîches, les ressentiments trop actifs pour obtenir une tranquillité absolue. Caron avait été une des villes malheureuses qui, flottant dans ses opinions, avait fourni des détachements aux deux armées ennemies. Nous avions prévu cet inconvénient, et pour évit r l’eflVt de ces haines, nous avions écrit au commandant de Soissonnais de protéger sa rentrée par un détachement des troupes de ligne. En arrivant Carpentras, ceux de Caron 442 [Assemblée nationale.] ; ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [10 septembre 1191.] furent attaqués par le peuple; un d’eux fut massacré malgré les efforts de nos troupes; M. ües-peron sauva le reste. Il les fit conduire à Caron par 60 hommes de ligne, et remettre sous la protection d’une compagnie d’artillerie. Le peuple, excité par un nommé Clément, commandant de Brantes, et ancien déserteur français, dit-on, fut bientôt en insurrection. On arrache 11 de ces malheureux du château où on les avait déposés, et sous les yeux du détachement français; les officiers municipaux se cachent ou ne paraiss nt pas. Semblables aux cannibales, on les traîne hors des murs, on leur donne un confesseur, et là on les assassine tous à coups de fusil : entre eux était un électeur. O i dit, et on aura peine à le croire, mais, à la honte de l’humanité, le fait est certain, je l’ai vérifié; cet airoce Clément forçait les pères et mères de ces malheureuses victimes à aller assister à cet affreux assassinat. ( Mouvement .) Dès que la nouvelle nous parvint, nous courûmes en arrêter les suites; mais, à l’instant, il fallut se multiplier : le complot paraissait formé d’assassiner ainsi tous les détachements de l’armée avignonaise à leur rentrée paisible dans leurs foyers : cela arrivait dans les communes où il y avait eu le plus de division. L’humanité nous donna des ailes : nous nous trouvâmes à Piolène, à Lisle et dans d’autres communes à l’instant où les sacrifices humains allaient commencer; et à force de soin, de [trières, de raisons et de menaces, nous parvînmes à rétablir le calme. L’expérience prouva bien alors combien nos réclamations étaient justes, et combien nos forces étaient insuffisantes. D’après l’impossibilité d’avoir des troupes de ligné, et les refus que nous éprouvions, nous crûmes devoir employer les moyens que nous fournissait la loi du 4 juillet, et demander, en conséquence, des gardes nationales. Nous crûmes qu’il serait plus aisé d’obtenir 15 ou 1,800 gardes nationaux qui nous promettaient des ressources suffisantes pour consolider cette paix que la loi nous chargeait d’établir, et que, d’ailleurs, 1,500 gardes nationaux, pris dans les 3 départements environnants, ne pourraient pas les affaiblir. * Nous en obtînmes, non sans beaucoup d’embarras et de nombreux refus. Dès que nous pûmes en placer dans divers points du Comtat, de manière à prévenir les assassinats, nous crûmes qu’il était important d’inspirer la confiance à tous les partis, de fournir à tons les émigrants les moyens de rentrer dans leurs foyers. N< ms adressâmes, à cet effet, aux commandants divers, une instruction, dans laquelle nous recommandions la plus grande impartialité, protection et sûreté pour tous. Nous fîmes rrndre la liberté à des prisonniers chers à tous les partis, et notamment à MM. de Sainte-Croix, impliqués dans l’affaire du malheureux La Vilasse, maire de Yaison. La confiance et l’ordre se rétablirent en effet; tous les émigrants rentrèrent ou purent rentrer dans le Comtat. Ce fut après ces mesures que l’assemblée électorale engagea les communes à s’assembler, et à émettre, conformément aux préliminaires de paix, un vœu sur leur sort politique, qui pût être présenté par elle à l’Assemblée nationale lorsqu’elle prendrait un parti ultérieur sur ses droits sur les deux Etats d’Avignon et du Comtat. A cette époque, les m mbres de la médiation furent appelés, par les circonstances, à des occupations différentes. Avignon était devenu le centre des affaires, et l’un de nous dut y rester ; il fallait qu’un autre surveillât les opérations de rassemblée électorale, pour la contenir dans les bornes qui lui étaient prescrites par le traité, et qu’il se tînt à Sorgues, près d’Avignon, pour cet objet. Le maintien de la paix dans le Comtat, la demande et les sollicitations des communes, qui se plaignaient de la préférence accordée à Avignon, tirent juger qu’il, était important que l’un de nous se rendît à leurs désirs, et dissipât les calomnies que les ennemis du bien public et les écrivains qüi leur sont vendus ne cessaient de répandre. Je fus chargé de cette mission, et je déclare à l'auguste Assemblée qui m’enten.l, que si toutes les communes du Comtat n’ont pas alors joui de la paix la plus parfaite, les individus de la sûreté la plus entière, les communes de la liberté de suffrages la plus absolue, lu plus indépendante, moi seul j’ent suis et m’en rends responsable. Déjà grand nombre avaient émis leur vœu lorsque je me suis présenté chez elles : 7 l’ont émis en ma présence. A Valréas, par exemple, chef-lieu du parti qui lient au pape, rassemblée s’est tenue en présence de 150 gardes nationaux, demandés par une partie de la municipalité, sous mes yeux ét ceux des hussards qui m’accompagnaient. J’ai fourni une garde pour la police et la sûreté de l’assemblée, sur la demande faite par la municipalité, et rassemblée a voté pour la cour de Rome. A Piolène, à Sérignan, à Ville-dieu, etc., il est arrivé la même chose, et les vœux ont été pour la cour de Rome. Il est donc impossible de révoquer en doute la liberté qui a présidé aux vœux émis ; partout j’ai prêché l’union, la paix, la concorde et la liberté des opinions; partout je les ai établies, et j’en appelle sur la vérité de ces faits, non pas aux 60 communes qui veulent être françaises, mais aux chefs de celles qui ont voté en sens contraire, que ma conduite a forcés à l’estime, qui rn’en ont donné des preuves non équivoques, et que je produirai à l’Assemblée si elle l’ordonne. M. l’abbé Manry interrompt bruyamment. (Murmures à gauche.) M. Bouche. Monsieur le Président, imposez silence à M. le Cardinal. M. Ije Scène des Maisons. Si l’Assemblée m’ordonne de répondre à M. l’abbé Maury, je vais la satisfaire. A gauche : Non ! non 1 continuez. M. Ijc Scène des Maisons... Ainsi donc cette délibération des communes d’Avignon et du Comtat, déjà faite au mois de février, à une majorité de 68 contre 16, mais rejetée comme n’ayant pas été prise librement ; cette délibération, dis-je, est fuite de nouveau au mois de juillet, sous la protection et la garantie de la France, sous l’influeDce de la plus imperturbable liberté, et elle produit les mêmes résultats. 54 communes votent la réunion à la France, 18 conservaient la délégation du pouvoir exécutif au pape, et 12 occupées de leurs travaux refusent de s’assembler de nouveau ; mais elles sont du nombre de celles qui, en février, avaient voté pour la réunion à la France : il y a donc une majorité toujours aussi prépondérante pour la réunion à l’Empire français. Cette majorité devient bien plus frappante encore, si on la considère sous le rapport de la population. Les deux 443 [Assemblée nstibnale.]' ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [10 septembre nw.] Etats réunis offrent une population de 150,000 âmes ; les communes qui sont pour la réunion étant les plus populeuses, telles qu’Avignon, Carpenîras, Lisle, Cavaillon, Pernes, etc. ; elles offrent une population de 112,000 âmes. Si l’on y ajoute la minorité dans les communes qui ont voté pour le Saint-Siège, on trouve une presque unanimité. {Applaudissements dans les tribunes.) D'après le compte que j’ai eu l’honneur de vous rendre, Messieurs, vous avez vu que la médiation a fait cesser toutes hostilités entre les peuples d’Avignon et ceux du Gomtat ; elle a rétabli partout la paix ; elle a fait rentrer dans les communes du Gomtat les émigrants que les troubles, la crainte ou les vexations en avaient bannis; elle a donc rempli le but que l’Assemblée nationale s’était proposé dans son décret du 25 mai. Conformément aux préliminaires, les communes se sont occupées, au sein de la paix et de la liberté, de leur sort politique. L’assemblée électorale a recueilli ces vœux et les a déposés devant vous ; la médiation a donc encore rempli le but de la loi du 4 juillet, dont l’exécution lui était confiée. Mais les deux opérations principales ne sont pas celles qui ont le plus coûté aux commissaires médiateurs, chargés de l’exécution de vos ordres : jetés au milieu d’un peuple, d’accord sur un seul point, le désir de la paix et de la réunion à l’Empire français; mais divisé dans tous les autres intérêts ; dans un pays sans gouvernement, sans ordre judiciaire, déchiré par toutes sortes de petites passions, de petits intérêts, de petites rivalités, les commissaires, seuls objets de la confiance publique, se sont vus accablés de toutes les es'èces d’alfaires, de toutes les espèces de querelles, de toutes Jes réclamations, et déchirés, calomniés tour à tour par tous les partis, dont les passions se trouvaient contrariées : les jours et les nuits ont été occupés pendant trois mois à éteindre ou prévenir des haines ; et pourquoi ne le dirions-nous pas, puisque votre estime et votre approbation doivent être notre récompense? Il nous a fallu un courage et des forces plus qu’humaines. Cependant, malgré tous nos soins, ces haines toujours combattues, mais toujours actives, en raison de leur rapprochement, ont en dernier lieu produit dans la ville d’Avignon une explosion coupable; mais ces mouvements désordonnés d’une commune n’ont aucun effet sur les 80 communes qui composent le Gomtat ; et les intérêts privés qui les ont produits n ont rien de commun avec l’intérêt général du pays. J’étais dans le Comlat lors de ces mouvements; j’accourus, mais trop tard, pour en arrêter les suites. Mon collègue, témoin de ces faits privés, va vous en rendre compte; cependant qu’il me soit permis de relever à ce sujet une erreur avancée hier dans le sein de cette Assemblée. Ge n’est point, comme on l’a dit, à la querelle d’un hussard avec un Avignonais, qu’il faut attribuer ces troubles, mais bien à l’effet des haines privées de quelques individus, de leur ambition, du désir des vengeances, et de l’insatiable ardeur de les satisfaire : à Dieu ne plaise que je souffre que l’on inculpe des troupes de ligne, dont la conduite a été si honorable, si patriotique, si exemplaire. Si nous avons eu à nous plaindre de l’incivisme de quelques individus, l’époque du serment en a purgé leurs corps. Mais les hussards du 5e régiment et le 2e bataillon de Sonnemberg ont constamment donné les preuves d’un courage, d’un zèle, d’une discipline et d’un patriotisme à toute épreuve. {Applaudissements.) Puissent tous les corps, pour le bonheur de mon pays, se modeler sur eux ; et puissé-je voir l’Assemblée nationale, par une mention honorable de leurs services, et sur la foi de mon honneur, acquitter envers eux la reconnaissance publique, et donner à leurs compagnons d’armes un puissant motif d’encouragement ! {Applaudissements.) M. Veruinac-Saint-ÜIaur a la parole et s’exprime ainsi s Messieurs, Mon collègue vient de vous tracer le tableau de nos opérations; il vous en a dévoilé l’esprit, il vous en a montré le but, et votre justice est maintenant assez éclairée, je pense, pour prononcer que nous sommes restés dignes du témoignage de satisfaction dont votre décret du 4 juillet dernier est le précieux dépositaire. . Je vais à mon tour vous rendre compte des événements récents qui ont altéré la paix d’Avignon, et j’ose croire, Messieurs, que dans ce second récit, vous reconnaîtrez, comme dans le premier, que nous sommes demeurés constamment sur la ligne de la loi, de nos devoirs et de l’impartialité la plus austère. Le traité signé entre nos mains à Orange, avait établi entre Avignon et Garpentras une paix qui dure encore; mais il n’avait pu statuer sur une division qui s’était introduite entre les citoyens mêmes d’Avignon. L’assemblée électorale était née dans le sein de la municipalité de cette ville, et il avait régné longtemps une harmonie parfaite entre ces deux autorités; mais des prétentions trop naïves, des ambitions rivales, des jalousies de pouvoir ne tardèrent pas à les désunir, et la distribution des places de l’administration, laquelle n’a cependant jamais été établie, devint la cause d’une rupture ouverte. Bientôt l’assemblée électorale ne se crut plus libre dans Avignon, et elle transporta ses séances dans une autre ville. Alors la municipalité, se trouvant sans contradicteur, s’abandonna à des mesures vives ; elle fit rendre des décrets contre quelques membres de l’assemblée électorale et de l’armée; et l’un d’eux ayant été fait prisonnier dans la commune de la Palud, elle écrivit qu’on le retînt dans les fers, parce que, marquait-elle, il devrait être décrété dans deux jours. La personne détenue fut en effet décrétée, ainsi qu’il avait été prédit; et si cette circonstance ne prouve pas que la municipalité d’Avignon dirigeait la conscience des juges, elle démontre au moins qu’elle avait le don de la deviner. J’a dû, Messieurs, entrer dans le détail de ces faits, parce que les troubles dont je vais vous rendre compte en ont été la suite immédiate ; mais ces faits n’ont pas été cependant les seules causes de ces troubles. Lorsque l’armée s’était mise en campagne, il avait été promis 40 sous par jour à chacun des gardes nationaux qui la composaient, et ce prêt avait été acquitté par J a plus grande partie des communes dans les premiers jours qui suivirent le licenciement. La municipalité d’Avignon témoigna beaucoup de répugnance à le fournir. Cette résistance devint le sujet de réclamations réitérées, dont quelques-unes, dépourvues des formes qu’exige la loi, eu-lentun caractère d’émeute; aussi fallut-il s’en occuper sérieusement; et deux conseils généraux de la commune, auxquels nous fûmes priés de nous rendre, furent indiqués à ce sujet. Il ne fut rieu statué dans le premier; mais ce