BAILLIAGE DE BAR -LE-DUC Nota. Nous n’avons pu nous procurer jusqu’à ce jour les cahiers du clergé et de la noblesse de Barde -Duc, - Nous donnerons ces deux pièces plus lard, si nous parvenons à les découvrir. CAHIER GÉNÉRAL. Des plaintes et doléances du tiers-état-du bailliage de Bar-lc-Duc. L’amour de Louis XYI est devenu Tunique sentiment des Français; ses peuples des campagnes semblent avoir oublié tous leurs maux, pour s’abandonner aux transports que ses bontés font naître ; un avenir heureux va succéder aux jours où ils ne trouvent d’autres biens que celui de parvenir à l’acquit des impôts et de se procurer un pain grossier pour leur subsistance : combien de fois, hélas! leur manque-t-il encore? Et quel spectacle déchirant que celui de l’homme, qui, -courbé continuellement sur la terre, qu’il trempe de ses sueurs, la quitte et y revient sans être nourri des fruits du sol ingrat qu’il fertilise? 11 a vaincu la nature, mais il est lui-même vaincu par sou sort ; et dans cette amertume, il ne lui échappe ni plaintes ni murmures ! La subvention est triplée depuis 1759, les impositions accessoires, la charge immense des perceptions et des abus de tous les genres, sont un fardeau qu’il était impossible que les peuples du Barrois soutinssent désormais. L’agriculture est découragée, l’agriculteur succombe; mais enfin le juste et consolant espoir que lui donne le meilleur des rois, relève en ce moment son énergie; elles arriveront donc au pied du trône de Louis XYI, ses fidèles communes; Sa Majesté jouira du bonheur d’être aimée pour elle-même. Est-il une destinée plus digne de son cœur généreux que celle d’entendre leurs acclamations, d’être témoin des transports du peuple aimant qu’il régénère, qu’il rappelle de sou exil, et qu’il ne connaissait que par sa fidélité que n’ont pu altérer des malheurs auxquels il semblait être condamné pour toujours ? La capitale du Barrois, qui tient de la source la plus honorable et la plus précieuse, l’antique franchise des .impositions dont elle jouit, s’est empressée d’en offrir à son roi le sacrifice, qu’elle réalisera avec toutes les villes qui possèdent la même immunité, avec les deux premiers ordres de l’Etat, et tous les privilégiés; mais l’ordre du tiers-état de son bailliage demandera avant toutes choses : Art. 1er. Que toute délibération dans l’assemblée des Etats généraux soit prise par tête et non par ordre. Art. 2. Que la constitution du gouvernement soit réglée et arrêtée par une loi authentique, où il sera reconnu que la nation ne peut être gouvernée que par ses lois. Que les lois, qui sont des règlements faits de l’autorité du souverain, dans l’intérêt de l’Etat, pour son maintien, sa sûreté et sa conservation, doivent être acceptées et consenties par la nation ou par ses représentants; qu’elles ne peuvent être changées ni abrogées sans son aveu. lre Série, T. II. Que les lois, qui commandent également au monarque et aux sujets, ne peuvent être enfreintes par les ministres du Roi, qui seront responsables, envers la nation des atteintes qu’ils y auraient portées. Que la liberté elles propriétés des sujets du Roi seront toujours la sauvegarde des lois de l’Etat, de telle manière qu’il ne puisse être accordé aucune lettre de cachet, d’exil, ni autres ordres arbitraires pour constituer un Français prisonnier, si ce n’est pour être remis entre les mains de ses juges naturels, et son procès lui être fait et parfait, selon les lois du royaume, d’après lesquelles les juges pourraient lui faire mainlevée de sa personne, encore qu’il eût été arrêté par l’ordre du gouvernement, s’ils le reconnaissent innocent. On excepte cependant le cas d’une famille alarmée par l’inconduite ou les mauvaises inclinations d’un de ses membres, contre lequel, et sur la réclamation de cette famille, il pourra être accordé des lettres closes avec les précautions qui seront avisées par les Etats généraux pour empêcher tout abus de pouvoir. Que les Etats généraux s’assembleront périodiquement par bailliage, à des époques et dans un lieu déterminés, sans autre convocation que la loi d’Etat, et sans que cette assemblée puisse être suspendue ni différée pour quelque cause que ce soit. Qu’aucun impôt direct ou indirect ne pourra être établi, ni aucun emprunt ouvert que du consentement libre et volontaire de la nation. Que les impôts et subsides, tant pour les besoins du gouvernement que pour ceux des particuliers des provinces, étant le prix de la protection que chaque sujet du Roi reçoit de la puissance publique, ils seront supportés indistinctement par tous les individus des trois ordres, et répartis uniformément en proportion de leurs facultés. Que les Etats généraux assemblés examineront la situation des finances, l’emploi des subsides qu’ils ne pourront octroyer que jusqu’au terme fixé pour la prochaine assemblée, passé lequel, s’ils n’v sont prorogés, la perception en sera inconstitutionnelle, et les cours autorisées à l’empêcher. Qu’à la fin de chaque année le compte des finances sera rendu public. Que la somme des dons, grâces et pensions que Sa Majesté pourra accorder sera déterminée et limitée par les Etats généraux. Qu’il ne pourra être fait aucune aliénation ou concession de biens dépendants du domaine de la couronne, soit à titre de récompense, apanage, échange ou autrement, que du consentement de la nation. Que la force publique, qui est entre les mains du gouvernement pour défendre l’Etat contre les ennemis du dehors, et maintenir la paix dans l’intérieur, ne pourra se tourner contre la nation 13 {94 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Bar-le-Duc.] pour la soumettre aux volontés arbitraires des ministres; qu’en conséquence les troupes de l’Etat ne pourront porter les armes contre les provinces; qu’après une délibération des Etats généraux. Que dans l’intérim des assemblées nationales, s’il convient de faire quelques règlements particuliers, ils seront prononcés par le Roi, de l’avis de son conseil, de suite envoyés aux cours souveraines, qui les sanctionneront par un enregistrement libre, pourvu qu’ils n’aient rien de contraire aux lois constitutives, pour être exécutés provisoirement, seulement jusqu’au terme de la prochaine assemblée des Etats généraux. Que les Etats particuliers dans toutes les provinces du royaume qui en ont eu ci-devant, seront rétablis, notamment dans le duché de Bar, où ils subsistaient encore en 1664, et se tenaient alternativement à Bar, Saint-Mihiel et Pont-à-Mousson; qu’il en soit établi aussi dans les autres provinces, lesquels Etats seront chargés de la répartition et perception de l’impôt, de l’emploi de la partie qui sera affectée aux besoins intérieurs de la province du Barrois et verseront le surplus directement au trésor de l’Etat; que son administration ne pourra jamais être confondue avec celle de la Lorraine, et que les concordats et traités de cession, seront maintenus. Art. 3. Tous ces points essentiels à la constitution et à la représentation de l’Etat, et à celle de la province du Barrois, étant accordés, les députés du tiers-état du bailliage de Bar, auront par ces présentes tous pouvoirs suffisants et nécessaires pour supplier Sa Majesté de leur permettre d’examiner l’état actuel des finances du royaume tant en recette qu’en dépense ; D’approfondir le vice d’administration qui a fait naître le déficit ; de concourir avec tous les représentants de la nation aux moyens d’acquitter la dette publique et de rétablir l’égalité «entre la recette et la dépense par la réforme des abus, par le retranchement possible dans la dépense des différents départements, même de celui de la maison du roi ; Par la suppression ou modération dont peuvent être susceptibles les pensions, traitements ou appointements aux gens d’épée, de robe ou de finance ; Par la suppression des places et charges inutiles, telles que gouvernements, commandemenls, lieutenances ou gouvernements souvent réunies sur une même tête, et autres places dont les pourvus n’ont aucunes fonctions à remplir; Par la réduction des troupes en temps de paix ; par la rentrée dans les domaines aliénés à trop vil prix ou à titre gratuit, à dater de l’époque qui sera déterminée ; Par la recherche des moyens d’amortir la dette publique ; et pour y parvenir, les députés indiqueront les revenus des abbayes et prieurés en commende qui vaqueront à l’avenir, et dont le Roi sera très-humblement supplié de suspendre la nomination jusqu’après l'amortissement de Ja dette, à l’extinction de laquelle seront encore employés le droit d’annates, le prix des dispenses coûteuses qu’il faut faire venir de Rome, et autres du même genre, que le Roi se réservera; enfin, toutes les ressources que la connaissance des choses pourra suggérer. Si, contre toutes espérances, les retranchements et les économies étaient insuffisants pour la restauration des finances et du crédit public, les députés délibéreront avec la nation sur les subsides nécessaires ; consentiront à Rétablissement d’un impôt pécuniaire, unique s’il se peut, lequel, suivant la constitution fondamentale de l’Etat, ne pourra être perpétuel, et sera supporté par tous les individus des trois ordres ; et au moyen de cet impôt général, tous autres subsides, droits et entraves du commerce, tels que traite foraine dans l’intérieur de la province, devront être supprimés, ainsi que les traitants, receveurs, fermiers généraux, particuliers et régisseurs etc., etc... Art. 4. Les députés demanderont : Qu’à l’avenir tout Français, quelle que soit sa naissance, sera, si son mérite personnel l’y appelle, habile à posséder toutes les places, dignités, emplois, dans les états ecclésiastiques et militaires ; qu’à l’égard de tous les tribunaux de justice, la moitié des places sera affectée à l’ordre du tiers, afin que chaque citoyen puisse y être jugé par ses pairs. Qu’il soit accordé des encouragements, des récompenses à la population, à l’agriculture, aux behes-lettres, aux arts libéraux et actes de patriotisme; que tous élèves indistinctement soient admis à partager les places dans les écoles royales gratuites, fondées et entretenues aux frais de l’Etat. On en établira facilement de nouvelles sans le surcharger, en rendant utiles les ordres religieux; tels que, Bénédictins, Bernardins, Prémontrés, et autres maisons rentées qui se chargeront volontiers de tenir et entretenir les écoles à l'instar de celles déjà fondées par M. l’abbé de Morimont. Art. 5. Ils demanderont qu’aucunes charges, soit de magistrature, soit de finance, secrétaire du Roi, ou autres, ne puissent à l’avenir conférer la noblesse, qui ne pourra plus être qu’une récompense particulière des services signalés rendus à l’Etat. Art. 6. Sa Majesté sera suppliée de permettre un examen scrupuleux du revenu des archevêques, évêques, abbés, prélats et autres ecclésiastiques, qui réunissent sur une même tête plusieurs bénéfices ; et ces revenus trop considérables ne servant qu’à les éloigner des devoirs de leur état, d’en ordonner un retranchement, qui sera employé aux ateliers de charité, au soulagement des pauvres, des infirmes, aux renfer-meries pour ceux qui ont perdu l’usage de la raison, et autres œuvres d’humanité, lesquelles s’exerceront dans les provinces de la situation de ces bénéfices, notamment dans la ville de Bar, où il n’y a qu’un hôpital avec de très-faibles revenus, dans lequel on ne reçoit que des vieillards natifs de la ville. Art. 7. Le Roi sera aussi supplié : D’autoriser les recherches nécessaires pour faire rentrer les hôpitaux et les autres établissements publics, destinés au soulagement des pauvres, dans la jouissance des biens qui leur appartiennent, et dont quelques ordres religieux se sont emparés, sans que lesdits ordres puissent se prévaloir de leur possession, quelque longue qu’elle soit, dès que la destination primitive des biens sera constante. Art. 8. D’ordonner l’exécution stricte de l’édit du mois de mai 1768, concernant la conventua-lité. Art. 9. De réformer les abus dans l’administration de la justice civile et criminelle, par de nouveaux codes de lois, qui simplifieront les procédures, et par la refonte des coutumes et lois municipales dans chaque ressort, pour les adapter aux opinions actuelles. Art. 10. De supprimer toutes évocations, droits de committimus, et toutes attributions de juridic- [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Bar-le-Duo.] JQg tion contentieuse à des tribunaux particuliers notamment à M. l’intendant de la province, Art. 11. De supprimer la vénalité des offices de judicature, à mesure qu’ils vaqueront, en assurant le l'emboursement des finances ; de les remplir par des sujets pris dans l’ordre des avocats, présentés au nombre de trois, tant par les avocats que par les officiers du siège, entre lesquels Sa Majesté fera son choix. Art. 12. De procurer aux sujets une justice plus prompte et moins dispendieuse par la suppression des droits exorbitants que le Roi perçoit pour l’érection des présidiaux; une attribution de compétence plus considérable, et par le rapprochement des tribunaux souverains dans les provinces où il serait nécessaire, sans néanmoins aucune confusion des ressorts des cours, qui ne pourraient être unis et démembrés qu’avec des inconvénients majeurs, et sans porter atteinte aux droits et aux propriétés. _ Art. 13. De rendre à toutes les villes l’élection libre de leurs officiers municipaux, à la charge qu’il sera pourvu au remboursement du prix des offices ; de procurer aux communautés une chambre de consultation pour les diriger dans leurs .contestations, et qui, à l’exemple de celle de Nancy, s’occupera aussi des intérêts des mineurs et des pauvres. Art. 14. D’ordonner l’exécution rigoureuse des ordonnances du commerce, pour prévenir les faillites et banqueroutes si multipliées qui sont l’effet de l’inexécution de ces lois, et l’abolition des lettres de répit. Art. 15. D’établir l’uniformilé des poids, aunages et mesures dans tout le royaume, on au moins dans chaque province. Art. 16. D’autoriser te prêt obligatoire avec intérêt sans aliénation du principal ; ce qui favo-risera essentiellement le commerce. Art. 17. De prononcer incessamment la suppression des offices de jurés priseurs vendeurs de meubles, et des quatre deniers pour livre qui leur sont attribués sur le produit des ventes mobilières ; un cri général s’est élevé contre ces officiers et contre leurs prétentions ruineuses. Art. 18. De réformer l’administration des eaux et forêts, vicieuse dans tous ses principes; de supprimer les droits de francs vins et de vente et des 3 livres 10 sols par arpent, mesure de Lorraine, attribués aux officiers des maîtrises, pour la délivrance des affouages aux communautés, droits exorbitants qui pèsent sur les habitants de la campagne, et absorbent une grande partie du produit de ieurs bois. Art. 19. De supprimer les usines à feu, établies depuis 1700; de faire défense de convertir en bois de charbon la futaie et les brins de taillis au-dessus de 8 pouces de circonférence, afin de prévenir la disette du bois de chauffage et de ceux de construction, dont le prix déjà excessif est la principale cause des dégradations énormes qui se commettent dans les forêts. Art. 20. Dans le cas où l’impôt unique ne pourrait suffire à remplacer tous les droits des fermes actuellement établis, les députés du baillage de Bar demanderont au moins la suppression de ceux de ces droits qui sont les plus onéreux au peuple, tels que l’impôt sur le sel, dont l’excessive cherté prive l’agriculture des ressources si précieuses qu’elle pourrait en tirer ; les droits de traite foraine dans l’intérieur de la province; ceux sur les cuirs, amidon, papiers et cartons, ceux de contrôle et de sceau, ou du moins leur réduction à un taux très-modéré, et fixé par un tarif clair et précis, qui ne puisse donner lieu à des extensions et des interprétations arbitraires , Ils solliciteront l'affranchissement de tous droits de cette espèce, quant aux actes de vente, partages et échanges d’héritages, pour la plus grande faveur de la réunion des propriétés, si essentielle à l’agriculture; ils insisteront sur la suppression des droits de châtrerie, de riflerie. de distillation d’eau-de-vie, et autres droits particuliers à la province du Barrois, qui forment une servitude infiniment onéreuse aux sujets de cette province, et qui ne sont d’aucune utilité pour l’Etat. Art. 21. Ils demanderont que la province de Lorraine et celle du Barrois soient toujours réputées provinces d’étranger effectif, sans quils puissent consentir au reculement des barrières. Art. 22. Ils demanderont la liberté de la presse à la condition que l’auteur et l’imprimeur seront nommés el demeureront responsables des atteintes qui pourraient être portées à la réputation des citoyens par leurs écrits, ou à l’ordre public par les impiétés et les obscénités. Art. 23 . 11 sera nécessaire de rappeler les dîmes, cette oblation généreuse des fidèles, à leur première destination, en les appliquant à l’entretien des nefs et chœurs des églises, des presbytères, et à la subsistance des curés, qui, mieux rétribués, ne seront plus contraints à percevoir des casuels pour leurs fonctions pastorales ; ils supplieront le Roi d’ordonner la distraction d’un sixième des dîmes pour l’établissement d’un bureau de eha-rité dans chaque paroisse, et que dans le Barrois, suivant l’ancienne possession de cette province, les décimateurs soient chargés des fournitures et entretiens des bêtes mâles, qui, en vertu de l’ancien et constant usage qui s’y est observé, a toujours été une charge inhérente à la dîme. Ils demanderont une loi formelle et précise sur les dîmes insolites, qui déclarera pour telles dans tout le royaume celle des fruits sur lesquels les décimateurs n’auront pas une possession constante et uniforme de quarante ans sur la généralité des décima blés. Art. 24. Ils obtiendront la suppression ou modération du droit de colombier, beaucoup trop multipliés, qui causent les plus grands dommages dans les campagnes, et dont les propriétaires seront tenus de renfermer les pigeons dans les temps de semaille et de récolte. Art. 25. Un nouveau code de chasse, oùlespro-ductions de la terre soient plus ménagées et moins défavorable à l’humanité, est un objet de la plus haute importance. Art. 26. L’expérience a convaincu tous les cultivateurs du Barrois que l’établissement des haras est très-dispendieux; que loin de contribuer à la perfection des races, il anéantit la reproduction clés chevaux, et que la dépense énorme qu’il entraîne est en pure perte pour la province. Art.. 27. Le tirage des soldats provinciaux, connu sous le nom de milice, dont la dépense annuelle est extrêmement coûteuse aux communautés, perpétue l’esclavage en grevant la liberté des'Fran-çais. Sa suppression est indispensable. Art. 28. Il n’est pas moins juste de supprimer dans les domaines du Roi, et dans ceux tenus à titre d’engagement, les droits nommés assises, qui se perçoivent dans le bailliage de Bar, à raison des chevaux employés à la culture de la terre, droits extrêmement onéreux à l’agriculture, auxquels se sont joints les impôts qui ne devaient pas leur être cumulés. Quant à ceux de terrage, assises personnelles, 196 [Etats gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENi AIRES. [Bailliage de Bar-le-Duc. corvées, banalités réelles et personnelles, droits de tonlieu, il sera aussi nécessaire de solliciter la liberté de les racheter des seigneurs, qui, préalablement, seront tenus de représenter leurs titres, et ce, sur l’évaluation qui en sera faite d’après les derniers baux, et à un taux et proportion que le Roi spra supplié de déterminer. Art. 29. Le Roi sera supplié de permettre la liberté du commerce du sel et de la plantation du tabac. Art. 30. 11 se présente une multitude d’objets intéressants pour la prospérité de l’Etat et la tranquillité des sujets du Roi, notamment des règlements de discipline en tous genres, sur le commerce ; Sur la police ; Sur l’établissement des chambres consulaires ; Sur l’édit du mois de juin 1771 pour en réformer les abus notamment en ce que (sic) n’est pas connue sur les lieux de la situation des biens, et ue l’on n’énonce pas dans cette affiche les noms es personnes par qui sont provenus ces biens à ceux qui sollicitent des lettres de ratification ; La continuation des routes déjà commencées ; L’ouverture de nouveaux chemins, canaux, et autres ouvrages indispensables, pour la communication et la plus grande facilité du commerce ; la suppression des ingénieurs des ponts et chaussées; Les établissements de chirurgiens et sages-femmes instruits dans les villages et communautés éloignés des villes ; la nécessité de réformer les règlements de chirurgie, qui permettent à un sujet, refusé dans une communauté, de se pourvoir, pour être autorisé à se faire recevoir dans une autre ; L’abus énorme des permissions accordées aux charlatans et aux empiriques ; Les dépenses et désordres excessifs ‘entrai nés par le luxe ; L’abolition du droit de franc-fief ; La diminution des droits sur la marque des fers ; La destruction des salines ; Les moyens de modérer la consommation des bois, qui fait frémir sur ses suites ; d’encourager les plantations ; de remédier au dépeuplement des campagnes, aux émigrations de ses habitants, à la population effrayante de la capitale ; de fixer les propriétaires et les seigneurs dans les provinces, poury répandrel’aisance,lalumière, y éclairer l’agriculture ; de multiplier les ateliers dé charité, que l’on occupera d’abord aux chemins vicinaux; d’empêcher désormais toutes concessions et aliénations de justice dans les domaines du Roi; La nécessité de solliciter un tarif pour la taxe du pain dans la ville de Bar; D’établir une école nationale qui, comme à Sparte, formera des hommes et des citoyens ; Celle de s’occuper des inconvénients et des avantages qui peuvent résulter des lois relatives à l’abolition du parcours et du partage des communes dans la province ; D’aviser aux moyens qui pourraient détruire le préjugé qui flétrit une famille parle supplice que subit un de ses membres ; De la nécessité de permettre aux fabriques de recolloquer sur particuliers leurs fonds remboursés. Sur les abus résultant des privilèges des entrepreneurs des messageries et tous autres de môme .nature, qui gênent la liberté des voyageurs, par des droits exorbitants de permission; Sur l’augmentation des brigades de maréchaussée pour les répandre dans les arrondissements de la province où il sera nécessaire ; Sur l’abus et le préjudice qu’apporte à l’agriculture le droit accordé aux bénéficiers de résilier les baux faits par leurs prédécesseurs, sans réciprocité en faveur des fermiers ; Sur la nécessité de donner une meilleure constitution aux assemblées municipales, où le tiers-état ne soit point blessé ; d’autoriser les maires des communautés domaniales ou leurs lieutenants à juger les objets provisoires de police champêtre et locale, à l’assistance des élus du tiers-état seulement, sur la réquisition des substituts du procureur du roi, sauf néanmoins la confirmation de leurs jugements par le juge supérieur à un jour fixe, chaque trois mois, auquel toutes personnes qui auraient des griefs contre leurs jugements, se trouveraient sans aucune intimation et seraient jugées sans frais ; Faire statuer qu’à l’avenir les comptes des hôpitaux et autres établissements publics ne pourront être rendus qu’en présence d’un nombre déterminé d’habitants notables des lieux où ces établissements ont été fondés ; L’exécution mieux suivie des lois faites • pour prévenir ta mendicité ; Et enfin une multitude d’abus locaux et de réformes et améliorations particulières très-intéressantes, mais qui étant trop locales pour être soumises à la délibération des Etats généraux, demeurent très-expressément réservées à celle des états particuliers sur le rétablissement desquels le tiers-état fonde l’espoir de la régénération et de la prospérité de la province du Barrois. Au surplus, le tiers-état, désirant s’assurer qu’il sera suftisamment représenté aux Etats généraux, a arrêté que ses députés qui' vont être choisis ne pourront procéder à la réduction des députés aux Etats généraux qui se font le 31 de ce mois, qu’à la condition que le Barrois mouvant aura des représentants en nombre proportionné à sa population et à ses impositions. Délibéré et arrêté pour pouvoir aux députés du tiers-ordre du bailliage de Bar-le-Duc, en l’église de Saint-Pierre, où tous les membres composant ledit ordre se sont rassemblés, et où le cahier a ôté examiné et discuté, à la condition, et non autrement, que lesdits députés ne traiteront sur aucune matière que les objets relatifs à la constitution de l’Etat, compris sous les articles premier et second, n’aient été arrêtés, et qu’il n’y aura d’autres distinctions dans le cérémonial à observer entre les deux premiers ordres et le tiers pour les séances et présentations des cahiers, que le pas et la préséance qui sont dus aux deux premiers ; et ont lesdits députés présents signé en ladite église de Saint-Pierre, avec M. le lieutenant général président, et le secrétaire de l’ordre, cejourd’hui 25 mars 1789. Au bas dudit cahier sont apposées les signatures desdits députés, président et secrétaire. Pour copie certifiée conforme à la minute par nous, lieutenant général civil et criminel au bailliage royal de Bar-le-Duc, président de l’assemblée du tiers-état dudit bailliage, et par le secrétaire dudit ordre, tous deux soussignés, cejourd’hui 30 mars 1789. Signé Gossin et Michel. Très-humbles et très-respectueuses remontrances présentées au Roi et à nosseigneurs des Etats généraux par les trois ordres du Bassigny-Barrois. Le grand nombre des bailliages de Lorraine 196 [Etats gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENi AIRES. [Bailliage de Bar-le-Duc. corvées, banalités réelles et personnelles, droits de tonlieu, il sera aussi nécessaire de solliciter la liberté de les racheter des seigneurs, qui, préalablement, seront tenus de représenter leurs titres, et ce, sur l’évaluation qui en sera faite d’après les derniers baux, et à un taux et proportion que le Roi spra supplié de déterminer. Art. 29. Le Roi sera supplié de permettre la liberté du commerce du sel et de la plantation du tabac. Art. 30. 11 se présente une multitude d’objets intéressants pour la prospérité de l’Etat et la tranquillité des sujets du Roi, notamment des règlements de discipline en tous genres, sur le commerce ; Sur la police ; Sur l’établissement des chambres consulaires ; Sur l’édit du mois de juin 1771 pour en réformer les abus notamment en ce que (sic) n’est pas connue sur les lieux de la situation des biens, et ue l’on n’énonce pas dans cette affiche les noms es personnes par qui sont provenus ces biens à ceux qui sollicitent des lettres de ratification ; La continuation des routes déjà commencées ; L’ouverture de nouveaux chemins, canaux, et autres ouvrages indispensables, pour la communication et la plus grande facilité du commerce ; la suppression des ingénieurs des ponts et chaussées; Les établissements de chirurgiens et sages-femmes instruits dans les villages et communautés éloignés des villes ; la nécessité de réformer les règlements de chirurgie, qui permettent à un sujet, refusé dans une communauté, de se pourvoir, pour être autorisé à se faire recevoir dans une autre ; L’abus énorme des permissions accordées aux charlatans et aux empiriques ; Les dépenses et désordres excessifs ‘entrai nés par le luxe ; L’abolition du droit de franc-fief ; La diminution des droits sur la marque des fers ; La destruction des salines ; Les moyens de modérer la consommation des bois, qui fait frémir sur ses suites ; d’encourager les plantations ; de remédier au dépeuplement des campagnes, aux émigrations de ses habitants, à la population effrayante de la capitale ; de fixer les propriétaires et les seigneurs dans les provinces, poury répandrel’aisance,lalumière, y éclairer l’agriculture ; de multiplier les ateliers dé charité, que l’on occupera d’abord aux chemins vicinaux; d’empêcher désormais toutes concessions et aliénations de justice dans les domaines du Roi; La nécessité de solliciter un tarif pour la taxe du pain dans la ville de Bar; D’établir une école nationale qui, comme à Sparte, formera des hommes et des citoyens ; Celle de s’occuper des inconvénients et des avantages qui peuvent résulter des lois relatives à l’abolition du parcours et du partage des communes dans la province ; D’aviser aux moyens qui pourraient détruire le préjugé qui flétrit une famille parle supplice que subit un de ses membres ; De la nécessité de permettre aux fabriques de recolloquer sur particuliers leurs fonds remboursés. Sur les abus résultant des privilèges des entrepreneurs des messageries et tous autres de môme .nature, qui gênent la liberté des voyageurs, par des droits exorbitants de permission; Sur l’augmentation des brigades de maréchaussée pour les répandre dans les arrondissements de la province où il sera nécessaire ; Sur l’abus et le préjudice qu’apporte à l’agriculture le droit accordé aux bénéficiers de résilier les baux faits par leurs prédécesseurs, sans réciprocité en faveur des fermiers ; Sur la nécessité de donner une meilleure constitution aux assemblées municipales, où le tiers-état ne soit point blessé ; d’autoriser les maires des communautés domaniales ou leurs lieutenants à juger les objets provisoires de police champêtre et locale, à l’assistance des élus du tiers-état seulement, sur la réquisition des substituts du procureur du roi, sauf néanmoins la confirmation de leurs jugements par le juge supérieur à un jour fixe, chaque trois mois, auquel toutes personnes qui auraient des griefs contre leurs jugements, se trouveraient sans aucune intimation et seraient jugées sans frais ; Faire statuer qu’à l’avenir les comptes des hôpitaux et autres établissements publics ne pourront être rendus qu’en présence d’un nombre déterminé d’habitants notables des lieux où ces établissements ont été fondés ; L’exécution mieux suivie des lois faites • pour prévenir ta mendicité ; Et enfin une multitude d’abus locaux et de réformes et améliorations particulières très-intéressantes, mais qui étant trop locales pour être soumises à la délibération des Etats généraux, demeurent très-expressément réservées à celle des états particuliers sur le rétablissement desquels le tiers-état fonde l’espoir de la régénération et de la prospérité de la province du Barrois. Au surplus, le tiers-état, désirant s’assurer qu’il sera suftisamment représenté aux Etats généraux, a arrêté que ses députés qui' vont être choisis ne pourront procéder à la réduction des députés aux Etats généraux qui se font le 31 de ce mois, qu’à la condition que le Barrois mouvant aura des représentants en nombre proportionné à sa population et à ses impositions. Délibéré et arrêté pour pouvoir aux députés du tiers-ordre du bailliage de Bar-le-Duc, en l’église de Saint-Pierre, où tous les membres composant ledit ordre se sont rassemblés, et où le cahier a ôté examiné et discuté, à la condition, et non autrement, que lesdits députés ne traiteront sur aucune matière que les objets relatifs à la constitution de l’Etat, compris sous les articles premier et second, n’aient été arrêtés, et qu’il n’y aura d’autres distinctions dans le cérémonial à observer entre les deux premiers ordres et le tiers pour les séances et présentations des cahiers, que le pas et la préséance qui sont dus aux deux premiers ; et ont lesdits députés présents signé en ladite église de Saint-Pierre, avec M. le lieutenant général président, et le secrétaire de l’ordre, cejourd’hui 25 mars 1789. Au bas dudit cahier sont apposées les signatures desdits députés, président et secrétaire. Pour copie certifiée conforme à la minute par nous, lieutenant général civil et criminel au bailliage royal de Bar-le-Duc, président de l’assemblée du tiers-état dudit bailliage, et par le secrétaire dudit ordre, tous deux soussignés, cejourd’hui 30 mars 1789. Signé Gossin et Michel. Très-humbles et très-respectueuses remontrances présentées au Roi et à nosseigneurs des Etats généraux par les trois ordres du Bassigny-Barrois. Le grand nombre des bailliages de Lorraine [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Bar-le-Duc.] �97 et Barrois a décidé le Roi à faire un règlement particulier pour la convocation des trois ordres, et l’élection des députés de ces deux duchés aux Etats généraux. Sa Majesté a remarqué que tous ces bailliages ayant la connaissance des cas royaux, et ressortissant aux Parlements, ils avaient, par l’uniformité de leurs caractères, un droit égal de députer directement ; Sa Majesté a déclaré qu’elle voulait laisser Vusage de ce droit à chacun de ces bailliages, et les a autorisés à procéder séparément à l’élection de leurs députés, en ordonnant à ceux-ci d’aller se réduire au nombre de trente-six dans les villes de Naney, Mirecourt, Sarreguemines et Bar(l). Le plan de cette répartition des deux duchés en quatre arrondissements tendait sans doute à faire jouir les petits bailliages, par association, du droit qui leur avait été réservé. Mais l’intention de Sa Majesté n’était pas et ne pouvait pas être de rendre la réduction tellement indécise et arbitraire, que, dans cet assemblage, un pays entier , composé de cinquante ou soixante mille individus, emportant près de la cinquième partie de la population du duché de Bar, fût sans représentants aux Etats généraux. Si le règlement particulier aux provinces de Lorraine et de Barrois sanctionnait une injustice aussi étrange, il serait trop vicieux pour avoir une existence légale. On n’est pas tenté de le penser, et il n’est pas permis de croire que la volonté de Sa Majesté ait pu se manifester par des résultants contradictoires ; qu’en assurant de la manière la plus formelle l’intention de conserver à chaque bailliage de Lorraine et Barrois le droit de députer directement aux Etats généraux, elle eût en même temps voulu rendre illusoire, pour un pays, l’exercice de ce droit si important et si légitime, et qu’un règlement réfléchi dans la sagesse de son conseil, ne présentât qu’une frivole et stérile spéculation (2). Cette fausse idée outragerait également le respect, la confiance, dus à la majesté et à la justice du Roi. (1) Règlement du 7 février 1789 : « La province de Lorraine et Barrois ayant été réunie à la couronne postérieurement à la dernière assemblée des Etats généraux, tenue en 1614, il est nécessaire de fixer par un règlement particulier la forme dans laquelle cette province doit être convoquée à la prochaine assemblée desdits Etats généraux. La division de cette province par bailliages royaux, qui ont tous à leur tête un bailli d’épée, qui ressortissent aux-Parlements , avec la connaissance des cas royaux, paraît offrir les mêmes éléments qui ont servi à régler la convocation des autres provinces du royaume ; cependant le nombre de ses bailliages ayant été très-multiplié par l’édit de leur création en 1751, il en résulterait que si chacun d’eux envoyait une députation aux Etats généraux, le nombre des députés de la province serait beaucoup plus grand qu’il ne doit l’être dans la proportion de sa population et de sa contribution avec le reste du royaume ; Sa Majesté, ne voulant priver aucun de ces bailliages, ayant tous les mêmes caractères, d’un droit qui semble y être attaché, s’est déterminée à leur en laisser l’usage;... etc., etc. » (2) Article 4 du même règlement : a Les députés des trois ordres élus dans les bailliages et réunis dans chacune des quatre villes ci-dessus dénommées, procéderont par forme de réduction et par la voie du scrutin, au choix de trente-six d’entre eux, qui composeront neuf députations aux Etats généraux , savoir : deux de l’assemblée de Nancy, deux de celle de Mirecourt, deux de celle de Sarreguemines, et troisde celle de Bar, etc. » On doit donc penser que les élections graduelles et la réduction prescrite par le règlement dans les deux duchés, devaient être élémentaires les unes des autres, leurs principes homogènes et indivisibles, leur marche invariable. ■ On doit penser que les seize députations accordées aux onze bailliages formant l’arrondissement de Bar, ayant-été calculées sur la population et la contribution de chacun de ces bailliages, la réduction de ces seize populations en trois, devait s'opérer sur la même mesure. Cette unité de causes et d’effets tenait à l’essence du règlement, puisqu’elle garantissait les intérêts de tous, sans blesser ceux d’aucun, puisqu’elle offrait l’unique moyen d’écarter le hasard , la brigue et l’inégalité du sein des élections ; de fixer équitablement les opinions entre des gens répandus sur une ligne de plus de 50 lieues, qui, s’entrevoyant pour la première fois, ne se connaissaient ni de physionomie ni de nom, et ne pouvaient que parmiracle se diriger dans ce rapide aperçu par des vues droites et fraternelles. Le�Bassignv, quoi qu’on en dise, n’a pas consommé son droit; les pouvoirs de ses députés étaient limités, ils ne pouvaient consentir et n’ont en effet consenti de concourir à la réduction. que sous une condition irritante et résolutive, dans l’hypothèse que leur pays aurait une représentation proportionnée à son étendue, sa population et son imposition; ils ont protesté contre toutes élections dont le résultat s’écarterait notablement de cette proportion, et se sont, en ce cas, nommément réservé de recourir à l’autorité du Roi et de la nation. L’événement a trop justifié leurs craintes. Parmi les onze bailliages composant l’arrondissement de Bar, quatre d’entre eux, sans doute par raison d’approximation, sont facilement parvenus à réunir la généralité des députés ; au contraire, ceux du Bassigny ont été forcément exclus, pour cause d’infamiliarité et d’éloignement. Quand toute l’énergie, toute la force de la province seraient confinées dansces quatre bailliages, le patriotisme et l’honneur plus généralement répandus réclameraient toujours contre cette humiliante concentration. En rendant un hommage mérité aux lumières, au bon esprit, à la loyauté , au dévouement de MM. les députés du Barrois ; en supposant ce duché convenablement et suffisamment représenté par des députations accumulées dans des points rapprochés, tandis que les parties extrêmes languissent dans une ténébreuse abnégation, le droit au Bassigny n’en serait pas moins violé. Gomme pays particulier, comme pays de frontière, offrant une étendue de plus de 30 lieues, côtoyant immédiatement la Champagne, la Bourgogne, la Franche-Comté, la Lorraine et le Barrois, composé de cent vingt paroisses parmi lesquelles sont cinq villes , ' peuplées d’environ soixante mille individus, supportant une imposition relative, ayant eu des Etats dans son sein, ayant formé distinctement jusqu’en 1751 , une des six divisions des deux duchés connues sous les titres de Nancy, Vosges, Allemagne, Bar, Saint-Mihiel et Bassigny, il ne peut être nul dans le cadastre du royaume. Indépendamment des considérations morales, le Bassigny présente des localités dont les nuances isolées ne peuvent être saisies que par ses colons, dont les rapports sont analogues, à divers égards, aux grands intérêts confiés à l’Assemblée nationale. Et au moment où il s’agit d’établir la constitution de l’Etat, celle de chaque province, de chaque 198 [Etals gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bàilliage de Bar-le-Duc. pays qui le composent, le Bassigny doit être entendu par lui-même. Sa demande est fondée sur le droit public, sur celui des gens, contre lesquels toutes fins de non-recevoir sont impuissantes. A ces causes, plaise au Roi et à nosseigneurs des Etats généraux, recevoir les protestations et réclamations retenues ès procès-verbaux rédigés à Bar avant et après la réduction à laquelle le Bassigny n’a concouru que passivement, conditionnellement et par pure obéissance aux ordres de Sa Majesté ; permettre à ce pays de présenter à l’Assemblée nationale une députation ; en tout cas y admettre dès à présent la personne chargée de ses pouvoirs, instructions et mémoires, ayant un caractère légal et députée régulièrement près d’elle par les trois ordres du même pays, pour y être leur représentant, l’interprète et le patron de leurs intérêts, et sera justice (1). CAHIER. Des remontrances , plaintes , doléances , moyens et avis rédigés en rassemblée générale de l’ordre du tiers-état du bàilliage royal de Bassigny , séant à Bourmont. 20 mars 1789. Au Roi. Sire, Les gens composant le tiers-état du bailliage royal de Bourmont demandent très-humblement qu’il plaise à Votre Majesté ordonner : Art. 1er. Que dans les délibérations des Etats généraux on opinera par tête et non par ordre ; et avant qu’il ait été statué sur cette motion et sur les plaintes et doléances de la nation, les députés dudit bailliage ne pourront consentir aucuns impôts, à moins qu’il n’en soit autrement délibéré à la pluralité des voix, auquel cas lesdits députés pourront se ranger du côté de l’avis le plus fort. Art. 2. Que le duché de Bar et ses dépendances seront maintenus et conservés dans leur intégralité primitive, sans mélange ni confusion avec aucune autre province, et que le système politique de la mouvance et non-mouvance qui forme dans le duché de Bar deux parties disparates d’un tout individuel sera aboli de fait, comme il a dù l’être de droit depuis la réunion du Barrois à la couronne, et que ces juridictions seront rangées sous un seul et même ressort. Art. 3. Qu’il sera confirmé dans tous ses privi-(1) 21 mars 1789. Election du représentant de Bas signy. — Et à l’instant, au désir de l’arrêté inséré dans le cahier des doléances du tiers-état du Bassigny, par lequel il est dit qu’il sera procédé à la suite des élections ordonnées par les règlements des 24 janvier et 7 février dernier, provisoirement à la nomination d’un député près les Etats généraux, lequel n’exigerait d'autre rétribution indemnité ni récompense, que l’avantage de se concilier la confiance de ses compatriotes; ce qui lui servirait de brevet d’honneur et de mérite pour cause de services rendus à son pays ; et pour remplir le vœu de l’assemblée générale des trois ordres, il a été procédé par devant nous, bailli, à l’élection dudit député ; tous les suffrages de ladite assemblée s’étant réunis par accla-niotiôn sur M. *** Il a accepté avec reconnaissance la mission qui lui a été déférée. La même personne a été élue député aux Etats géné-mux par son bailliage et député suppléant à l’assemblée de Bar. Elle a conséquemment un caractère légitime et légal pour être admise auxdits Etats généraux, par la raison qu’il n’y a pas de bailliages secondaires en Lorraine et Barrois, et que, selon l’esprit dü règlement, ils Sont tous censés -députer directement. léges, traités, concordat, capitulation dans son régime intérieur, ses lois, ses coutumes, ses anciens Etats provinciaux, pour les députés des trois ordres de toutes les villes, paroisses et communautés d’habitants y traiter de toutes les affaires générales de la province, régler la masse et le règlement des impôts et subsides, la forme et les moyens de les répartir avec la plus stricte égalité etles verser directement et promptement dans les caisses publiques, ou au trésor royal, aux moindres frais possibles, y traiter pareillement des tous les bâtiments, édifices, travaux des routes, ponts et chaussées, en régler la dépense et arrêter les moyens d’y frayer selon l’avis des trois ordres assemblés, le tiers-état y figurant en nombre égal avec le clergé et la noblesse réunis. Art. 4. Que les commissaires départis ou intendants, les receveurs généraux et particuliers seront supprimés, sans qu’à la suite ils puissent être rétablis, sous cette dénomination ou autres quelconques. Art. 5. Que l’assemblée des Etats généraux se renouvellera à des époques fixes et périodiques. Art. 6. Que le mérite sera dorénavant le seul titre qui puisse conduire aux places et dignités ecclésiastiques, civiles et militaires, de manière que chaque citoyen ait le droit d’être admis dans les bénéfices, corps et établissements de toutes classes. Art. 7. Que le chapitre de l’insigne église collégiale de Bourmont, composé de treize prébendes sacerdotales, à la nomination de Votre Majesté, uni en 1761 à celui des dames nobles de Pous-vay en Lorraine par un coup d’autorité contraire aux titres de sa constitution, à la foi du traité de Vienne et aux lois de l’Etat, sera restitué à cette ville, comme une sorte de propriété inaliénable appartenant aux trois ordres du duché, dont on n’a pu légalement les dépouiller ; que tous autres établissements qu’on aurait pu enlever au Barrois lui seront pareillement rendus. Art. 8. Que le concordat passé entre le pape Léon X et le roi François Ier sera aboli comme destructeur de l’ordre ancien des impétrations et provisions des bénéfices et la cause d’un versement immense d’argent hors du royaume, ce faisant que tout le duché de Bar, comme étant a parte regni, jouira de tous les privilèges, libertés et immunités du clergé de l’Eglise gallicane en rétablissant la pragmatique sanction. Art. 9. Que les commendes, soit des abbayes, soit des prieurés seront supprimées, et que dans le cas où Votre Majesté ne jugerait pas à propos d’en appliquer les revenus à l’acquit des dettes ou aux besoins de l’Etat, les titulaires seront au moins tenus de faire résidence continuelle dans leurs bénéfices pour y consommer tous leurs revenus et en acquitter toutes les charges, à peine d’en perdre les fruits, qui seront employés à l’acquittement des mêmes charges et au profit des pauvres de l’endroit et du canton. Art. 10. Que tous les patrons, curés primitifs et collateurs ecclésiastiques qui jouissent des dîmes d’une paroisse en tout ou partie seront chargés des constructions, entretiens et réparations tant des églises, que du presbytère et maisons des curés et vicaires résidants. Art. 11. Qu’on établira des vicaires résidants partout où il y aura des églises, et qu’il sera permis aux communautés d’en faire construire où il n’y en aura pas. Art. 12. Que toutes les fonctions pastorales et sacerdotales seront administrées gratuitement. Art. 13. Que les rétributions des fondations 198 [Etals gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bàilliage de Bar-le-Duc. pays qui le composent, le Bassigny doit être entendu par lui-même. Sa demande est fondée sur le droit public, sur celui des gens, contre lesquels toutes fins de non-recevoir sont impuissantes. A ces causes, plaise au Roi et à nosseigneurs des Etats généraux, recevoir les protestations et réclamations retenues ès procès-verbaux rédigés à Bar avant et après la réduction à laquelle le Bassigny n’a concouru que passivement, conditionnellement et par pure obéissance aux ordres de Sa Majesté ; permettre à ce pays de présenter à l’Assemblée nationale une députation ; en tout cas y admettre dès à présent la personne chargée de ses pouvoirs, instructions et mémoires, ayant un caractère légal et députée régulièrement près d’elle par les trois ordres du même pays, pour y être leur représentant, l’interprète et le patron de leurs intérêts, et sera justice (1). CAHIER. Des remontrances , plaintes , doléances , moyens et avis rédigés en rassemblée générale de l’ordre du tiers-état du bàilliage royal de Bassigny , séant à Bourmont. 20 mars 1789. Au Roi. Sire, Les gens composant le tiers-état du bailliage royal de Bourmont demandent très-humblement qu’il plaise à Votre Majesté ordonner : Art. 1er. Que dans les délibérations des Etats généraux on opinera par tête et non par ordre ; et avant qu’il ait été statué sur cette motion et sur les plaintes et doléances de la nation, les députés dudit bailliage ne pourront consentir aucuns impôts, à moins qu’il n’en soit autrement délibéré à la pluralité des voix, auquel cas lesdits députés pourront se ranger du côté de l’avis le plus fort. Art. 2. Que le duché de Bar et ses dépendances seront maintenus et conservés dans leur intégralité primitive, sans mélange ni confusion avec aucune autre province, et que le système politique de la mouvance et non-mouvance qui forme dans le duché de Bar deux parties disparates d’un tout individuel sera aboli de fait, comme il a dù l’être de droit depuis la réunion du Barrois à la couronne, et que ces juridictions seront rangées sous un seul et même ressort. Art. 3. Qu’il sera confirmé dans tous ses privi-(1) 21 mars 1789. Election du représentant de Bas signy. — Et à l’instant, au désir de l’arrêté inséré dans le cahier des doléances du tiers-état du Bassigny, par lequel il est dit qu’il sera procédé à la suite des élections ordonnées par les règlements des 24 janvier et 7 février dernier, provisoirement à la nomination d’un député près les Etats généraux, lequel n’exigerait d'autre rétribution indemnité ni récompense, que l’avantage de se concilier la confiance de ses compatriotes; ce qui lui servirait de brevet d’honneur et de mérite pour cause de services rendus à son pays ; et pour remplir le vœu de l’assemblée générale des trois ordres, il a été procédé par devant nous, bailli, à l’élection dudit député ; tous les suffrages de ladite assemblée s’étant réunis par accla-niotiôn sur M. *** Il a accepté avec reconnaissance la mission qui lui a été déférée. La même personne a été élue député aux Etats géné-mux par son bailliage et député suppléant à l’assemblée de Bar. Elle a conséquemment un caractère légitime et légal pour être admise auxdits Etats généraux, par la raison qu’il n’y a pas de bailliages secondaires en Lorraine et Barrois, et que, selon l’esprit dü règlement, ils Sont tous censés -députer directement. léges, traités, concordat, capitulation dans son régime intérieur, ses lois, ses coutumes, ses anciens Etats provinciaux, pour les députés des trois ordres de toutes les villes, paroisses et communautés d’habitants y traiter de toutes les affaires générales de la province, régler la masse et le règlement des impôts et subsides, la forme et les moyens de les répartir avec la plus stricte égalité etles verser directement et promptement dans les caisses publiques, ou au trésor royal, aux moindres frais possibles, y traiter pareillement des tous les bâtiments, édifices, travaux des routes, ponts et chaussées, en régler la dépense et arrêter les moyens d’y frayer selon l’avis des trois ordres assemblés, le tiers-état y figurant en nombre égal avec le clergé et la noblesse réunis. Art. 4. Que les commissaires départis ou intendants, les receveurs généraux et particuliers seront supprimés, sans qu’à la suite ils puissent être rétablis, sous cette dénomination ou autres quelconques. Art. 5. Que l’assemblée des Etats généraux se renouvellera à des époques fixes et périodiques. Art. 6. Que le mérite sera dorénavant le seul titre qui puisse conduire aux places et dignités ecclésiastiques, civiles et militaires, de manière que chaque citoyen ait le droit d’être admis dans les bénéfices, corps et établissements de toutes classes. Art. 7. Que le chapitre de l’insigne église collégiale de Bourmont, composé de treize prébendes sacerdotales, à la nomination de Votre Majesté, uni en 1761 à celui des dames nobles de Pous-vay en Lorraine par un coup d’autorité contraire aux titres de sa constitution, à la foi du traité de Vienne et aux lois de l’Etat, sera restitué à cette ville, comme une sorte de propriété inaliénable appartenant aux trois ordres du duché, dont on n’a pu légalement les dépouiller ; que tous autres établissements qu’on aurait pu enlever au Barrois lui seront pareillement rendus. Art. 8. Que le concordat passé entre le pape Léon X et le roi François Ier sera aboli comme destructeur de l’ordre ancien des impétrations et provisions des bénéfices et la cause d’un versement immense d’argent hors du royaume, ce faisant que tout le duché de Bar, comme étant a parte regni, jouira de tous les privilèges, libertés et immunités du clergé de l’Eglise gallicane en rétablissant la pragmatique sanction. Art. 9. Que les commendes, soit des abbayes, soit des prieurés seront supprimées, et que dans le cas où Votre Majesté ne jugerait pas à propos d’en appliquer les revenus à l’acquit des dettes ou aux besoins de l’Etat, les titulaires seront au moins tenus de faire résidence continuelle dans leurs bénéfices pour y consommer tous leurs revenus et en acquitter toutes les charges, à peine d’en perdre les fruits, qui seront employés à l’acquittement des mêmes charges et au profit des pauvres de l’endroit et du canton. Art. 10. Que tous les patrons, curés primitifs et collateurs ecclésiastiques qui jouissent des dîmes d’une paroisse en tout ou partie seront chargés des constructions, entretiens et réparations tant des églises, que du presbytère et maisons des curés et vicaires résidants. Art. 11. Qu’on établira des vicaires résidants partout où il y aura des églises, et qu’il sera permis aux communautés d’en faire construire où il n’y en aura pas. Art. 12. Que toutes les fonctions pastorales et sacerdotales seront administrées gratuitement. Art. 13. Que les rétributions des fondations [Etats gén. 1789, Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Bar-le-Duc.] j 99 dont l’inutilité sera reconnue seront appliquées à des établissements en faveur des pauvres malades dans les lieux où il n’y a point d’hôpital, et que l’administration de ces établissements sera confiée aux officiers desdits lieux, fabriciens et municipalités, et que le traitement des maîtres et maîtresses d’école sera également pris sur les mêmes fonds. Art. 14. Que les administrateurs des fabriques et autres gens de mainmorte seront autorisés à remplacer les fonds qui leur auront été remboursés, sans qu’il soit besoin d’obtenir aucunes lettres à cet égard. Art. 15. Que tous les sujets seront admis gratuitement dans les monastères des deux sexes, et que les anciens règlements tombés en désuétude seront à cet égard remis en vigueur. Art. 16. Que les fermes générales, régies, traites foraines, douanes, courtages, péages, pontonages, droits de marque des fers et des aciers, châtreries, rifleries seront supprimés. Art. 17. Que le droit de franc-fief et toutes espèces de privilèges et de franchises, ainsi que toutes servitudes, prestation, corvées corporelles, et personnelles seront abolies, et qu’il sera permis de racheter à prix d’argent les redevances foncières de quelque nature qu’elle puissent être. Art. 18. Qu’à tous impôts actuels il sera substitué un subside universel qui allège tous les sujets de Votre Majesté et qui soit également supporté par eux, non-seulement à raison de leurs propriétés patrimoniales , féodales , ecclésiastiques, mais encore à raison de leurs numéraires, de leurs offices , profession et commerce, grâces, pensions et appointements, et que ce subside frap-era principalement sur les capitalistes et céli-ataires sans distinction d’ordres, de qualités ni de rangs, tous privilèges contraires cessant, même ceux des grandes villes et des domaines du Roi. Art. 19. Que dans le cas où par les Etats généraux il serait jugé nécessaire de consentir un impôt séparé pour l’acquittement de la dette nationale, sa perception ne pourra s’étendre au delà du terme de l’extinction de cette dette. Art. 20. Que la surveillance de toutes les administrations en matière d’impôts ne pourra être confiée qu’à des citoyens élus aux Etats généraux ou provinciaux comptables à la nation, que les états de recettes et dépenses seront annuellement affichés, imprimés et publiés, en sorte que le tableau en soit toujours présent à tous les contribuables, et que dans aucun cas les impôts qui pourront être accordés par les Etats généraux ne seront exigibles au delà du terme fixé par les mêmes Etats pour leur durée. Art. 21 . Que les ministres et tous administrateurs dans chaque département demeureront responsables de l’emploi des deniers publics. Art. 22. Que les jurés priseurs seront supprimés, et qu’on ne percevra plus les quatre deniers pour livre sur les ventes de meubles. Art. 23. Que la perception du sceau des contrats sera réduite en cette province au taux où il avait été fixé de temps immémorial, à raison de cinq gros barrois, par chaque acte; qu’on ne percevra plus qu’un seul droit de contrôle, aussi par chaque acte, lequel ne pourra excéder la somme de 18 livres 11 sols 6 deniers, et que laperception de l’un et l’autre droit ne pourra se faire que dans un même bureau ; qu’enfin les peines de contraventions seront diminuées , et que le terme des recherches sera fixé à six mois. Art. 24. Que l’édit de la conservation des hypothèques sera refondu, qu’on simplifiera et modérera les droits des lettres de ratification ; que ceux qui en poursuivront l’obtention seront astreints, indépendamment de l’enregistrement des affiches dans le chef-lieu du bailliage, à réitérer ces mêmes affiches aux portes des églises paroissiales et dans les greffes de justice ou police delà situation des biens par le ministère du sergent des lieux, sans que les lettres puissent être expédiées avant six mois, à compter du jour de l’affiche. Art. 25. Que la conservation et l’administration des bois communaux et la délivrance des affouages seront confiées aux maires et municipalités des lieux, et que le tout sera soustrait à la juridiction des miaîtrises etgrueries seigneuriales ; qu’il ne sera fait aucune vente de bois qu’à la réquisition des communautés, et que les deniers en provenant seront versés dans le coffre de la municipalité. Art. 26. Que les quarts en réserve des mêmes bois communaux seront réduits à la huitième paye. Art. 27. Que les usines à feu seront réduites à la quantité de fourneaux fixée par les titres originaires de leur établissement et concession, et à la stricte consommation des bois primordialement affectée à leur récolement, sans que les propriétaires desdites usines puissent se rendre adjudicataires directement ou indirectement d’aucune vente de bois, pour raison desdites usines et qu’aucunes personnes ne puissent exporter les merrains à l’étranger. Art. 28. Qu’on fera revivre, qu’on étendra même les dispositions des lois somptuaires ; qu’elles frapperont principalement sur les cartes, les meubles de pur agrément, les carrosses, les équipages de chasse, les laquais, les domestiques des deux sexes et les chevaux de parade, et sur toutes les autres branches du luxe. Art. 29. Qu’on formera un nouveau code de lois civiles et criminelles pour simplifier les formes et l’instruction des procès ; que les juges seront rapprochés de leurs justiciables, en rétablissant dans l’ordre des juridictions les choses sur le ied qu’elles étaient dans le Barrois avant l’édit e création des bailliages du mois de juin 1751 ; autoriser les bailliages à juger en dernier ressort jusqu’à la somme de 500 livres, et les premiers juges jusqu’à concurrence de 50 livres, à charge u’ils jugeront définitivement à la seconde au-ience et d’être présents ou se faire représenter à chaque audience, et que les bailliages seront tenus déjuger définitivement dans l’année, ainsi que les Parlements. Art. 30. Qu’il sera désormais loisible de faire procéder aux inventaires par les maires des lieux, ou par les juges au choix des parties, même par tous autres officiers publics du ressort. Art. 31. Que l’on rendra commune en Barrois la facilité dont on jouit dans les autres provinces du royaume, de transférer les propriétés par des actes Sous seing privé. Art. 32. Qu’il sera procédé aux informations en matière de grand criminel, par-deVant deux juges gradués ensemble, sans augmentation de frais ; que les accusés prêteront tous leurs interrogatoires en présence de la compagnie qui doit les juger; que les confrontations seront faites publiquement, qu’il sera donné aux accusés des défenseurs qui auront le droit de voir toute la procédure, après le premier interrogatoire sur charge; que les peines capitales seront diminuées, qu’il y sera suppléé par des peines exemplaires, que le préjugé qui note d’infamie les parents du coupable sera détruit. 200 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Bar-le-Duc.] Art. 33. Que les lettres de cachet seront entièrement abolies, ainsi que tous ordres arbitraires, que les juridictions privilégiées, les commit-timus , les évocations au conseil, les pareatis au grand sceau n’auront plus lieu et seront supprimés, ainsi que tout ce qui tend à soustraire un particulier quelconque à la juridiction de ses juges naturels. Art. 34. Que dorénavant il ne soit plus permis de contraindre les principaux habitants au payement des dettes communes. Art. 35. Que dans les communautés, la police rurale et locale s’exercera sommairement et sans frais par les juges des lieux, et en leur absence par les maires, à l’assistance des municipalités ; qu’en conséquence les maires ou premiers officiers de justice auront entrée et séance aux assemblées municipales et les présideront. Art. 36. Que dans chaque communauté d’habitants il sera annuellement choisi deux ou trois prud’hommes assermentés devant l’officier de police et tenus de faire à toutes réquisitions (les Îiarties intéressées présentes ou dûment appe-ées) reconnaissance sommairement, verbalement et sans frais, de toutes retraites, versements de grains, anticipations ou autres voies de faits semblables, dont ils feront sur-le-champ, au greffe des lieux, leurs rapports et estimeront le dommage qui peut résulter de telles voies de fait, sur lesquels rapports il sera jugé sommairement et sans autres formes par l’officier de police. Art. 37. Que l’édit de clôture du mois de mars 1767 sera révoqué, et les clôtures faites en vertu de l’édit seront détruites dans les communautés ; les municipalités seront libres de mettre en réserve le tiers des prés du finage alternativement, pour être la récolte des regains faite au profit des propriétaires. Art. 38. Que les colombiers sans titres seront détruits, et que le nombre en sera réduit à un seul par chaque village ; que les possesseurs de ceux qui subsisteront seront obligés de les tenir fermés dans le temps des semailles et des récoltes de toute espèce de grains, sous peine d’une amende considérable qui sera encourue dans le cas où les colombiers seraient trouvés ouverts dans les temps qui seront annoncés, par une proclamation publique, constatée par un procès-verbal déposé au greffe des lieux, et seront les amendes appliquées au pain des pauvres de chaque paroisse, à la disposition des municipalités. Art. 39. Que la vaine pâture sera interdite dans les prés aux troupeaux de bêtes blanches, aux oies et aux canards, et qu’il soit permis aux municipalités de faire tous règlements nécessaires relativement à la vaine pâture des mêmes animaux dans les paquis. Art. 40. Que les élévations de glacis, déchar-geoirs et autres retenues d’eaux (les moulins et usines seront réduites à une hauteur convenable, de manière qu’elles ne puissent occasionner le débordement dans aucun temps; que les meuniers ainsi que tous autres possesseurs d’usines soient tenus de lever leurs pales dans le cas d’innonda-tion imminente, à la première réquisition, sinon que le maire sera autorisé à les faire lever à leurs frais. Art. 41. Que les communautés seront autorisées à détruire les sinuosités des rivières et ruisseaux, et de faire curer les mêmes rivières et ruisseaux aux frais des propriétaires des héritages sujets au mouillage, ensuite d’adjudication faite en assemblée municipale. Art. 42. Que les adjudications des routes tombantes à la charge de chaque communauté seront faites dans chaque paroisse par les assemblées municipales, et que les dépenses en seront supportées par les trois ordres en proportion de ce qu’elles payeront pour les autres impositions. Art. 43. Que le tirage de la milice sera proscrit, et qu’il y sera suppléé par un impôt universellement supporté par tous les membres de l’Etat qui ont un intérêt égal à sa défense. Art. 44. Que les assemblées municipales seront astreintes à rendre publiques leurs délibérations et à auditionner leurs comptes, tous les habitants appelés, et que le choix du président desdites assemblées appartiendra aux communautés. Art. 45. Que les haras soient supprimés, et que pour obtenir l’amélioration dans la race des chevaux, que l’établissement desdits haras n’a point procurée, la prohibition qui ôte la possibilité de faire sortir des chevaux de Franche-Comté, sans courir les risques d’une odieuse confiscation, soit abrogée. Art. 46. Que les barrières soient levées dans tout l’intérieur du royaume et le commerce rendu libres entre toutes les différentes provinces sans gêne et sans entraves. Art. 47. Qu’il y ait uniformité de poids et mesures pour toute la province, que la perception des dîmes se fasse partout à la même quotité, que celles insolites soient supprimées et que celles des raisins soient réduites à la vingt-quatrième partie, attendu que les cultures des vignes exigent une dépense considérable. Art. 48. Que le droit de tiers denier qui s’est introduit dans le duché de Bar, sans titre constitutif et suffisant, par l’effet d’une loi du souverain, qui n’a jamais été consenti, sera supprimé. Art. 49. Que les seigneurs qui n’auront point de four ni pressoir banaux, ne pourront en exiger le droit représentatif, ce qui aura lieu pour toutes espèces de prestations personnelles et banalités. Art. 50. Que les seigneurs et autres possesseurs de droits seigneuriaux soient tenus de justifier la légitimité desdits droits, par des titres primordiaux, authentiques et constitutifs, le tout sans frais. Art. 51. Que dans les années de disette, le blé soit taxé et l’exportation défendue. Art. 52. Qu’il soit permis aux municipalités d’indiquer dans chaque paroisse un certain nombre d’habitants qui auront droit de tenir en leur domicile des fusils, pour la défense de leurs personnes et la destruction des animaux nuisibles. Art. 53. Qu’il soit établi dans toutes les communautés une grange dîmeresse aux frais des dé-cimateurs, qui seront tenus, ou leurs fermiers, de consommer sur les lieux toutes les pailles provenant de leurs dîmes. Art. 54. Que tous les villages du ressort du bailliage de Bassigny qui sont mi-partie et répondent à différentes juridictions ou à différents départements, pour raison des impôts, soient réunis au duché de Bar, sans qu’à l’occasion de cette réunion, il puisse n’être rien changé à l’ordre des lois municipales qui les régissent et sans que les-dites communautés, ni aucunes du ressort, puissent jamais être attribuées au Parlement de Paris. Art. 55. Que les plantations de tabac soient rétablies dans cette province, et que le commerce en sera libre. Art. 56. Que les anciennes ordonnances rendues sur le fait des banqueroutes soient remises en vigueur et que les banqueroutiers soient tenus de porter une marque extérieure et distinctive [États gén. 1789. Cahiers. ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage do Bar-le-Duc.] 201 maux. J. -B. Collin, J. Miclot, Etienne Lasserteux, Art. 57. Qu’on présentera aux Etats généraux un état détaillé de toutes les pensions qui ont été accordées jusqu’alors -, que, sur l’examen qui sera fait, elles seront éteintes au besoin, et qu’en tout cas il ne pourra en être fixé qu’une seule sur la même tête. Art. 58. Arrête qu’aucun député du tiers de ce bailliage ne pourra recevoir directement ni indirectement aucunes récompenses honorifiques, ni pécuniaires dans les trois années qui suivront sa députation, à peine d’être réputé indigne de la confiance publique et traître à la patrie ; sans qu’il puisse d’ailleurs prétendre ni recevoir aucunes indemnités de la province. Art. 59. Arrête pareillement que dans le cas où, contre toute attente, aucun député du tiers de ce bailliage ne serait nommé représentant aux Etats généraux, il sera nommé conditionnellement et provisoirement à la suite des élections de la présente assemblée, un député près desdits Etats lequel député n’exigera d'autre rétribution, indemnités ni récompenses que l’honneur de mériter la confiance de ses compatriotes, ce qui néanmoins lui servira de titre et de brevet d’honneur et de mérite pour cause de services rendus à son pays, à l’effet de quoi il lui sera donné des pouvoirs et instructions particulières. Art. 60. Arrête en outre que le mémoire historique de la constitution du Bassigtiy-Barrois qui a été présenté et lu cejourd’hui à l’assemblée, approuvé par elle, sera, avec les pièces justificatives incessamment imprimé au nombre de trois cents exemplaires, pour être remis aux députés du tiers-état aux Etats généraux et à chaque communauté du ressort, laquelle impression sera faite aux frais desdites communautés, dans lesquels imprimés sera inséré un extrait du procès-verbal d’assemblée contenant les noms des députés desdites communautés, et ceux des commissaires du comité, et en outre tout le contenu du présent cahier. Art. 61. Nous supplions en outre Votre Majesté de retirer ses domaines aliénés pour les aliéner ensuite à des conditions plus avantageuses. Telles sont les très-respectueuses remontrances, plaintes et doléances, moyens et avis que proposent, en exécution de vos ordres. Sire, De Votre Majesté, Les très-soumis, les très-fidèles sujets, les gens composant le tiers-état du bailliage deBourmont-Bassigny-Barrois. Fait, lu et arrêté définitivement en 1’assèmblée générale dudit ordre ce jourd’hui 20 mars 1789, 10 heures du matin, sous notre seing, celui de notre greffier et ceux de tous lesdits députés à l’exception de Charles Boulanger, l’un des députés de Saulxures-les-Bulguevilles, qui est tombé dangereusement malade dans une auberge de cette ville depuis sa première comparution et n’a pu se rendre à la présente assemblée. Signé à la minute des présentes : Henry le jeune, Diez, Huot de Concourt, Pontarlier, Poulain de Grand-pré, Girardin, F. Lamontagne, Collin, Bastien, J. -B. Dubois, F. Antoine, J. -C. -Philibert Chrétien - not, Gillot, Cordier, C. Jacquez, P. Bégé, Ch. Clin-champ, P. Thouvenel, F.Morquin, J. Geuy, Claude Dufour, H. Renaud, Allin Perrier,C. Gallotte, C.-M. Rouyer,Chevreuse, C. George, J.-J. Gillot, J.-F. Ge-not,F. Bernard, H. Renaud, M.Picaude, D. Pernelie, H. Bernard, C.-N. Bernard, A. Guillery, Louis Odi-not, F. Dorey, Chevresson, M. La Croix, N. Chevalier, J. Rouyer, Béchaut, P. Guillemv, M. Mi-rouel, Cravoisy, V. Heuraux F. Thirion, G. Li-L. Pansson,N. Silvestre, G. Laurent. J. Le Chêne, J. Jacquot Flamy, F. Lamy, J.-B. Martin, M. Petit Foix, C.-B. Parmentier, Parmentier le jeune, F. Husson, J. Menu, L. Navelle, J. Huot, C.-N. Lhuil-lier, Brocard, J. Henrict, P. Beagnier, Brocard, C. Renaud, Mareschal, J. Barraud, M. Simon, J -F. Fromont, J. Rosier, J. Francion Abran, Nicolas Harrongée. Nicolas Coupet, J. Thouvenin, C. Dar-gent, C. Carel et Boivin. Coté et paraphé par premier et dernier feuillet au nombre de huit, par nous, lieutenant général au bailliage royal de Bassigny, séant à Bourmont le 20 mars 178Ô, en exécution de notre ordonnance de ce jour. Signé Baudel De Vaudrecourt. Collationné par nous, greffier en chef du bailliage royal de Bassigny, séant à Bourmont, et secrétaire du tiers-état dépositaire de l’original des présentes, ce 21 mars 1789. Pouvoirs et instructions de l’ordre de la . noblesse du bailliage de Briey, pour son député aux États généraux. Nous, membres de l’ordre de la noblesse du ressort du bailliage de Briey, province de Lorraine et Barrois, assemblés en l’une des salles de l’hôtel de ville de Briey, en vertu des lettres de convocation qui ordonnent aux trois ordres dudit bailliage d’élire leurs représentants aux Etats libres et généraux du royaume et de leur confier tous les pouvoirs qui seront jugés nécessaires pour la restauration de l’Etat et la prospérité particulière de la province et du bailliage susdit ; nous donnons à notre député auxdits Etats qui doivent se tenir à Versailles, le 27 avril 1789, les pouvoirs et instructions qui suivent ; lesquels ne pourront servir à notre représentant que pour un an seulement, à dater du jour de la première séance des Etats généraux. 1° La noblesse désire que la personne qui la présidera aux Etats généraux en soit un membre, élu par son ordre librement, sans distinction de rang, et qu’il n’y en ait aucune entre les nnbles qui siégeront auxdits Etats généraux; que tous et chacun dés membres qui y sont députés jouissent de la liberté la plus inviolable, et n’aient à répondre qu’aux Etats généraux seuls de ce qu’il y auront dit et fait. 2° Que le désir de. l’ordre de la noblesse est que l’on opine par ordre ; qu’en conséquence il soit réglé par les Etats généraux ce qu’il faudra de voix en sus de la moitié pour déterminer la majorité dans chaque ordre, et que dans aucun cas on ne puisse réunir les trois ordres pour opiner par tête sur aucun objet quelconque. 3° Que la nation réunie par l’assemblée des Etats généraux déclare nuis les impôts établis sans son consentement, ayant seule le pouvoir et le droit de les établir, ainsi qu’elle le fera quand elle sera suffisamment instruite des dépenses et des besoins réels de l’Etat, auxquels la noblesse consent de participer relativement à ses facultés, avec les deux autres ordres de l’Etat, sans néanmoins qu’elle veuille en aucune manière rien perdre des prérogatives attachées à sa qualité, au rang qu’elle a toujours tenu dans la monarchie ni à ses propriétés et à tous les droits attachés à iceux, qu’elle entend conserver dans leur entier. 4° D’assurer avant toutes choses la liberté individuelle par l’abolition de toutes lettres de cachet et autres espèces d’ordres arbitraires, de tout jugement par commission particulière, évocation au conseil, etc..., de toutes lettres de surséancs et de répit ; le refus à l’avenir de tous privilèges [États gén. 1789. Cahiers. ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage do Bar-le-Duc.] 201 maux. J. -B. Collin, J. Miclot, Etienne Lasserteux, Art. 57. Qu’on présentera aux Etats généraux un état détaillé de toutes les pensions qui ont été accordées jusqu’alors -, que, sur l’examen qui sera fait, elles seront éteintes au besoin, et qu’en tout cas il ne pourra en être fixé qu’une seule sur la même tête. Art. 58. Arrête qu’aucun député du tiers de ce bailliage ne pourra recevoir directement ni indirectement aucunes récompenses honorifiques, ni pécuniaires dans les trois années qui suivront sa députation, à peine d’être réputé indigne de la confiance publique et traître à la patrie ; sans qu’il puisse d’ailleurs prétendre ni recevoir aucunes indemnités de la province. Art. 59. Arrête pareillement que dans le cas où, contre toute attente, aucun député du tiers de ce bailliage ne serait nommé représentant aux Etats généraux, il sera nommé conditionnellement et provisoirement à la suite des élections de la présente assemblée, un député près desdits Etats lequel député n’exigera d'autre rétribution, indemnités ni récompenses que l’honneur de mériter la confiance de ses compatriotes, ce qui néanmoins lui servira de titre et de brevet d’honneur et de mérite pour cause de services rendus à son pays, à l’effet de quoi il lui sera donné des pouvoirs et instructions particulières. Art. 60. Arrête en outre que le mémoire historique de la constitution du Bassigtiy-Barrois qui a été présenté et lu cejourd’hui à l’assemblée, approuvé par elle, sera, avec les pièces justificatives incessamment imprimé au nombre de trois cents exemplaires, pour être remis aux députés du tiers-état aux Etats généraux et à chaque communauté du ressort, laquelle impression sera faite aux frais desdites communautés, dans lesquels imprimés sera inséré un extrait du procès-verbal d’assemblée contenant les noms des députés desdites communautés, et ceux des commissaires du comité, et en outre tout le contenu du présent cahier. Art. 61. Nous supplions en outre Votre Majesté de retirer ses domaines aliénés pour les aliéner ensuite à des conditions plus avantageuses. Telles sont les très-respectueuses remontrances, plaintes et doléances, moyens et avis que proposent, en exécution de vos ordres. Sire, De Votre Majesté, Les très-soumis, les très-fidèles sujets, les gens composant le tiers-état du bailliage deBourmont-Bassigny-Barrois. Fait, lu et arrêté définitivement en 1’assèmblée générale dudit ordre ce jourd’hui 20 mars 1789, 10 heures du matin, sous notre seing, celui de notre greffier et ceux de tous lesdits députés à l’exception de Charles Boulanger, l’un des députés de Saulxures-les-Bulguevilles, qui est tombé dangereusement malade dans une auberge de cette ville depuis sa première comparution et n’a pu se rendre à la présente assemblée. Signé à la minute des présentes : Henry le jeune, Diez, Huot de Concourt, Pontarlier, Poulain de Grand-pré, Girardin, F. Lamontagne, Collin, Bastien, J. -B. Dubois, F. Antoine, J. -C. -Philibert Chrétien - not, Gillot, Cordier, C. Jacquez, P. Bégé, Ch. Clin-champ, P. Thouvenel, F.Morquin, J. Geuy, Claude Dufour, H. Renaud, Allin Perrier,C. Gallotte, C.-M. Rouyer,Chevreuse, C. George, J.-J. Gillot, J.-F. Ge-not,F. Bernard, H. Renaud, M.Picaude, D. Pernelie, H. Bernard, C.-N. Bernard, A. Guillery, Louis Odi-not, F. Dorey, Chevresson, M. La Croix, N. Chevalier, J. Rouyer, Béchaut, P. Guillemv, M. Mi-rouel, Cravoisy, V. Heuraux F. Thirion, G. Li-L. Pansson,N. Silvestre, G. Laurent. J. Le Chêne, J. Jacquot Flamy, F. Lamy, J.-B. Martin, M. Petit Foix, C.-B. Parmentier, Parmentier le jeune, F. Husson, J. Menu, L. Navelle, J. Huot, C.-N. Lhuil-lier, Brocard, J. Henrict, P. Beagnier, Brocard, C. Renaud, Mareschal, J. Barraud, M. Simon, J -F. Fromont, J. Rosier, J. Francion Abran, Nicolas Harrongée. Nicolas Coupet, J. Thouvenin, C. Dar-gent, C. Carel et Boivin. Coté et paraphé par premier et dernier feuillet au nombre de huit, par nous, lieutenant général au bailliage royal de Bassigny, séant à Bourmont le 20 mars 178Ô, en exécution de notre ordonnance de ce jour. Signé Baudel De Vaudrecourt. Collationné par nous, greffier en chef du bailliage royal de Bassigny, séant à Bourmont, et secrétaire du tiers-état dépositaire de l’original des présentes, ce 21 mars 1789. Pouvoirs et instructions de l’ordre de la . noblesse du bailliage de Briey, pour son député aux États généraux. Nous, membres de l’ordre de la noblesse du ressort du bailliage de Briey, province de Lorraine et Barrois, assemblés en l’une des salles de l’hôtel de ville de Briey, en vertu des lettres de convocation qui ordonnent aux trois ordres dudit bailliage d’élire leurs représentants aux Etats libres et généraux du royaume et de leur confier tous les pouvoirs qui seront jugés nécessaires pour la restauration de l’Etat et la prospérité particulière de la province et du bailliage susdit ; nous donnons à notre député auxdits Etats qui doivent se tenir à Versailles, le 27 avril 1789, les pouvoirs et instructions qui suivent ; lesquels ne pourront servir à notre représentant que pour un an seulement, à dater du jour de la première séance des Etats généraux. 1° La noblesse désire que la personne qui la présidera aux Etats généraux en soit un membre, élu par son ordre librement, sans distinction de rang, et qu’il n’y en ait aucune entre les nnbles qui siégeront auxdits Etats généraux; que tous et chacun dés membres qui y sont députés jouissent de la liberté la plus inviolable, et n’aient à répondre qu’aux Etats généraux seuls de ce qu’il y auront dit et fait. 2° Que le désir de. l’ordre de la noblesse est que l’on opine par ordre ; qu’en conséquence il soit réglé par les Etats généraux ce qu’il faudra de voix en sus de la moitié pour déterminer la majorité dans chaque ordre, et que dans aucun cas on ne puisse réunir les trois ordres pour opiner par tête sur aucun objet quelconque. 3° Que la nation réunie par l’assemblée des Etats généraux déclare nuis les impôts établis sans son consentement, ayant seule le pouvoir et le droit de les établir, ainsi qu’elle le fera quand elle sera suffisamment instruite des dépenses et des besoins réels de l’Etat, auxquels la noblesse consent de participer relativement à ses facultés, avec les deux autres ordres de l’Etat, sans néanmoins qu’elle veuille en aucune manière rien perdre des prérogatives attachées à sa qualité, au rang qu’elle a toujours tenu dans la monarchie ni à ses propriétés et à tous les droits attachés à iceux, qu’elle entend conserver dans leur entier. 4° D’assurer avant toutes choses la liberté individuelle par l’abolition de toutes lettres de cachet et autres espèces d’ordres arbitraires, de tout jugement par commission particulière, évocation au conseil, etc..., de toutes lettres de surséancs et de répit ; le refus à l’avenir de tous privilèges 202 [Etats gén.1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Bar-le-Duc. exclusifs, et gu’il soit compris sous ce titre de liberté le droit à tout Français d’aller et venir, s’établir où il le préférera, dedans ou dehors du royaume, sans besoin de permission, mais seulement avec la restriction de se conformer à la défense, qui, dans certaines circonstances, serait faite de sortir du royaume. 5° Qu’en conséquence de cette liberté naturelle et raisonnable, que toute personne arrêtée, par qui que ce puisse être soit remise à ses juges ordinaires dans un délai fixé, qu’elle soit par eux interrogée dans le jour même et qu’il soit statué sur sa détention, de suite et sans délai, afin qu’elle puisse jouir de son élargissement provisoire, qui sera ordonné à la charge par elle de fournir bonne et suffisante caution, si toutefois sa détention n’est pas occasionnée par un délit qui entraînerait une punition corporelle ; une conséquence qui suit de cette même liberté, est que toutes personnes, autres que les juges ordinaires et les officiers de police qui auraient fait arrêter un individu, puissent être par lui prises à partie par-devant les juges compétents pour y être condamnées non-seulement en dommages et intérêts, mais encore pour y être punies corporellement, si le cas y échoit. 6° Que tout individu soit assuré de ses propriétés, hormis le cas de l’intérêt public, où il pourrait être utile de l’en priver en tout où en partie, et qu’alors il sera aussitôt pourvu à l’en indemniser complètement et d’après le règlement qu’en feront les Etats généraux. 7° Que les Etats généraux aient une juste égalité dans la constitution des ordres qui les com-osent, qu’ils aient le pouvoir législatif sous l’ad-ésion royale, et que les lois qui en émaneront soient envoyées à tous les Parlements pour y être inscrites sur leurs registres, etplacées sous la garde de ces cours souveraines, lesquelles ne pourront se permettre d’y faire aucune modification, mais qui continueront, commeÿi-devant, d’être chargées de l’exécution des ordonnances du royaume. 8° Qu’aucun emprunt ne puisse être fait dorénavant que par la nation seule ; et que sous aucun prétexte que ce puisse être, on ne puisse établir aucun papier-monnaie. 9° De fixer irrévocablement le retour périodique des Etats généraux au terme de trois ans au moins, et plus rapproché s’il est jugé nécessaire, surtout dans les premiers temps, pour prendre une connaissance exacte de l’Etat du royaume, examiner tout ce qui peut avoir rapport aux finances et à l’administration ; de reconnaître par un acte authentique et permanent, que la nation seule a le droit d’accorder et de refuser des subsides, les étendre et restreindre selon les besoins de l’Etat, lesquels, réglés par les Etats généraux, ne pourront continuer d’être prélevés que jusqu’à la clôture des Etats généraux qui suivront , et dans le cas où l’Assemblée nationale n’aurait pas lieu après le délai fixé par la loi, autoriser les Etats particuliers à s’opposer à la levée des impôts, et à requérir les cours souveraines de poursuivre comme concussionnaires tous ceux qui voudraient en continuer la perception. 10° Demander la confirmation et l’exécution des capitulations et des traités qui unissent les provinces à la couronne. 11° Que les Etats généraux prennent des mesures certaines pour détruire les abus et infidélités qui se commettent journellement aux bureaux de la poste aux lettres, par l’ouverture clandestine que l’on en fait, en violant la foi publique qui s’y confie. 12° Qu’il soit fait une répartition juste et légale pour le tirage des milices, proportionnellement à la population des différentes provinces, le régime suivi jusqu’à ce jour étant d’une injustice sans exemple (1). 13° La noblesse demande un tribunal héraldique, où les preuves qu’elle est dans le cas de faire journellement puissent être vérifiées et jugées, ainsi que les contestations qui y sont relatives, d’une manière qui sera plus légale et moins arbitraire que celle qui en confie la décision à un seul homme revêtu d’un pouvoir absolu ; elle demande de plus que ce tribunal, ayant vérifié les titres qui lui seront présentés, et les ayant trouvés bons, il soit autorisé à en délivrer des expéditions sur les minutes qu’il en aura faites, pour les garder dans son greffe, et que ces expéditions soient revêtues d’une forme qui les rende aussi authentiques que le titre meme et servent comme si c’était l’original même par-devant tous les généalogistes du royaume qui sont chargés de constater des preuves. Ce serait un bienfait inexprimable pour la noblesse, qui serait par ce moyen à l’abri du dommage essentiel que lui causent les événements malheureux qui la privent de ses titres originaux. 14° Demander la réintégration des privilèges des villes du royaume, principalement en ce qui concerne la libre élection des officiers municipaux, et l’entière disposition des revenus des communes, lesquelles ne seront plus soumises à l’inspection des commissaires départis ni à celle des ministres. 15° Le rétablissement ou la formation des Etats particuliers organisés sur le modèle des Etats généraux, avec entre autre différence cependant, que les premiers se tiendront tous les ans, qu’ils auront seuls une commission intermédiaire, toujours subsistante, pendant le temps qu’ils ne seront pas assemblés, ainsi que des procureurs généraux syndics, chargés spécialement de veiller aux intérêts de leurs concitoyens, et de transmettre aux compagnies souveraines pour y être enregistrées les lois locales et momentanées promulguées dans l’intervalle de la convocation de l'assemblée nationale, après que lesdits Etat provinciaux auront vérifié qu’elles ne contiennent rien de contraire aux privilèges de leurs provinces. 16° Déclarer décidément les ministres responsables de toutes les finances, ainsi que de toutes les atteintes portées par le gouvernement aux droits tant nationaux que particuliers, et que les auteurs de ces infractions seront poursuivis sur la dénonciation des Etats généraux. 17° D’établir la liberté indéfinie de la presse, par la suppression absolue de la censure, à la charge par l’imprimeur d’apposer son nom à tous les ouvrages, et de répondre personnellement, lui ou l’auteur, de tout ce que ces écrits pourraient contenir de contraire à la religion dominante, à l’ordre général, à l’honnêteté publique et à l’honneur des citoyens. La constitution devant être réglée avant tout, nous enjoignons à notre député d’y faire statuer dans l’assemblée des Etats généraux, préalablement à toute autre délibération, avant surtout de voter pour l’impôt, déclarant que si notre représentant, sans avoir égard aux clauses expresses du présent mandat, commençait par s’occuper de (1) Voir un ouvrage fait sur cet objet par M.dePomel, chevalier de Saint-Louis, qui fait connaître tous les abus relatifs à cet objet. [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Bar-le-Duc.] 903 concourir à l’octroi des subsides, nous le désavouons formellement et le regardons comme déchu de ses pouvoirs, incapable de nous lier par son consentement et à jamais indigne de notre confiance. Après l’obtention de ces articles fondamentaux, il sera parmis à notre représentant de délibérer sur les subsides , et alors, nous lui mandons de prendre tous les moyens qu’il croira les plus propres et les plus sages pour avoir du ministre des finances l’état actuel de la situation des finances, la connaissance la plus exacte et la plus détaillée de tout ce qui a rapport à l’administration des finances de l’Etat; et ces objets une fois réglés, nous le chargeons de consentir à l’octroi des seuls subsides qu’on jugera absolument nécessaires aux besoins réels et indispensables de l’Etat, en attendant que l’on abolisse en totalité les impôts actuels, et qu’on y substitue, d’après le consentement des Etats généraux, des subsides également supportéspar les troisordres, proportionnellement aux facultés, et dans la forme de répartition et de perception qui sera jugée la plus sage, la moins compliquée et la plus économique. Nous enjoignons en outre à notre député de demander la réforme des abus dans l’administration civile et criminelle, de faire régler que les droits particuliers de la province lui seront réservés, notamment : 1° Que dans le payement de la dette nationale la province doit être extrêmement ménagée, puisque sa dette particulière a été acquittée par elle-même lors de sa réunion à la monarchie, et que la dette actuelle de la France a pris son commencement et son plus fort accroissement avant cette réunion. 2° Que les aliénations de domaines faites par les anciens souverains de la province avant sa cession, soient déclarées irrévocables, puisque par les lois qui leur étaient particulières, ces domaines n’étaient pas inaliénables, et que dès lors, il n’y a que ceux dont la concession a été faite depuis 1736, qui puissent être envisagés comme tels. Notre député sentira, d’après les considérations précédentes, qu’il doit élever les plus vives réclamations contre les envahissements scandaleux des grandes propriétés du domaine faites depuis peu d’années, notamment celles du comté de Sancerre ; il fera prononcer incessamment par les Etats généraux la vérification de l’échange de ce comté. 3° Notre député, en demandant l’établissement de nos Etats particuliers insistera pour qu’il n’y ait qu’un seul corps d’Etat pour les deux duchés, une désunion ne pouvant qu’être très funeste à l’un et à l’autre. 4° Il réclamera contre la forme vicieuse de convocation aux Etats généraux, adoptée pour la Lorraine, et représentera qu’ayant plu au Roi d’accorder neuf députations à la province pour les trente-quatre bailliages dont elle est composée, au lieu de quatre chefs-lieux d’arrondissement, d’en fixer neuf dans chacun desquels'1 on aurait réduit en un seul cahier ceux des bailliages compris dans l’arrondissement, ce qui eût rendu la députation plus directe, composée de plus véritables représentants du canton, et plus à môme d’en porter le vœu particulier aux Etats généraux. Il demandera pour l’avenir une convocation plus légale, et conforme aux vœux que nous venons d’exprimer ; et comme les grands objets de constitution et de finance qui occuperont les Etats généraux à la prochaine assemblée ne leur permettront pas de se livrer en détail à la réforme des abus locaux, nous le chargeons d’insister fortement pour que nos Etats provinciaux soient incessamment mis en activité, pour qu’ils puissent prendre en considération tout ce qui peut concerner le perfectionnement de l’ordre intérieur de la province, et provoquer la réforme de tous les abus à la tenue immédiatement postérieure des Etats généraux. Au surplus, nous déclarons donner à notre représentant les pouvoirs les plus généraux pour remontrer, proposer, aviser et consentir tout ce qui peut concerner les besoins de l’Etat, la réforme des abus, l’établissement d’un ordre fixe et durable dans toutes les parties de l’administration, la prospérité générale du royaume, le bien de tous et chacun des sujets, sans autres modifications que celles ci-dessus exprimées, dont nous lui enjoignons de ne pas s’écarter. Les pouvoirs et instructions ci-dessus ont été rédigés par les trois commissaires nommés par l’ordre dans son assemblée du 16 du présent mois, et arrêtés dans l’assemblée générale de ce jour, 19 mars 1789, tenue sous la présidence de M. le bailli, qui a signé avec lesdits commissaires et tous les membres composant l’assemblée. Signé Ghamissot, président ; Gourcy de Main - Ville, Debault de Malaviller commissaires. Gourcy de Mairy, le chevalier de Failly, de Rune, Le Thueur de Fresnois de Mancieulle, de Fresnois, capitaine, le chevalier de Fresnois, le chevalier de Saint-Délis de Burat de Boncourt, Louis de Ghamisso, de Miscault, Du Vignaux, de Miscault, Adam de Fromereville, le baron Du-quesnoy. L’ordre de la noblesse a aussi chargé son député d’employer tous ses efforts pour faire adopter par les Etats généraux un article ainsi conçu : Que le clergé et la noblesse accèdent à" payer les charges de l’Etat proportionnellement avec le tiers ; à ce moyen, cetordre est entièrement désintéressé ; et il n’a plus aucun motif pour exiger d’avoir un nombre de représentants double de ceux du clergé et de la noblesse. Il est évident que la prépondérance qui en résulterait pour le tiers lui devient inutile, et qu’elle serait d’autant plus dangereuse que cet ordre est encore plus renforcé par le clergé inférieur, dont tous les membres, nés dans son sein, n’ont d’intérêts que ceux de leurs parents, opinent toujours avec eux et comme eux. Ainsi le tiers aurait au moins trois voix contre une, ce qui ferait dégénérer la monarchie en démocratie, forme de gouvernement opposée à notre constitution et à notre véritable intérêt. La noblesse croit pouvoir proposer comme un remède à ce mal de réduire les trois ordres à à deux : la noblesse et le tiers, chaque membre du clergé étant placé dans celui où l’appelle sa naissance. Dans cette supposition, chaque ordre pourrait n’avoir qu’un nombre égal de représentants, dès lors, ils pourraient voter en commun sur tous les objets qui seraient pesés et examinés avec plus de soin et d’im partialité, il en résulterait une plus grande harmonie entre les ordres. Notre député, en présentant ce projet aux Etats généraux, insistera pour le faire adopter; mais dans le cas où il ne serait pas accueilli, il demandera que les deux premiers ordres soient réunis dans une chambre composée dans la proportion d’un membre du clergé et de deux de la noblesse, cette proportion étant encore avantageuse au clergé, puisqu’elle excède l’étendue de sa population et de sa propriété. Alors une chambre ne pourrait lier l’autre, et aucune dé- 204 [Etats gén. 1789, Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Rar-le-Duc. libération n’aurait force de loi qu’autant qu’elle serait adoptée par les deux chambres ; mais, dans ce projet comme dans tous les autres de même nature, notre député réservera tous les privilèges du clergé, ses prérogatives, et il s’attachera à faire sentir à l’ordre du tiers qu’il est de son intérêt de maintenir la distinction des ordres, puisqu’elle constitue la monarchie, et qu’un des plus grands ressorts du pouvoir arbitraire est de rendre tous les hommes égaux, pour qu’ils soient tous également esclaves; ainsi le tiers concevra qu’il est important de maintenir l’hérédité de la noblesse ; mais aussi nous entendons qu’à l’avenir elle ne doit pas s’acquérir à prix d’argent, ni par des charges, et qu’il faut qu’elle soit seulement le prix de grands services rendus à la patrie dans tousles genres. C’est une conséquence de ces principes, qu’aucun emploi, ni profession ne peuvent déroger à la noblesse. . CAHIER DES POUVOIRS, INSTRUCTIONS ET DOLÉANCES QUE LE TIERS-ORDRE DU BAILLIAGE DE BR1EY DONNE A SES DÉPUTÉS AUX ÉTATS GÉNÉRAUX . Le tiers-ordre du bailliage de Briey donne pouvoir à MM. Uuquesnoy, syndic provincial de Lorraine et Barrois, député de la ville de Briey, et Friquegnon, commerçant, député de la communauté de Yalleroy, de le représenter aux Etats généraux, à charge et non autrement, que les membres en auront été librement élus, et que nulle personne ne gênera la liberté des suffrages par sa présence ou autrement. Le tiers-ordre, pénétré des principes qui ont dicté le résultat du conseil du 27 décembre dernier, voulant répondre dignement aux intentions du Roi, qui appelle les représentants du peuple, pour établir un ordre fixe et durable dans toutes les parties de l’administration, et à l’attente de la nation qui espère que les Etats généraux, de concert avec le Roi, la rétabliront dans ses droits, charge ses députés de réunir tous leurs efforts pour obtenir une constitution sage et libre, qui établisse sur des bases inébranlables les droits du Roi et ceux du peuple. Les principes fondamentaux de cette constitution doivent être : 1° La liberté nationale et individuelle ; d’où il suit que la nation ne peut être gouvernée que par les lois qu’elle a faites ou consenties, de concert avec le Roi, dans ses Etats généraux libres, nombreux, fréquemment et périodiquement assemblés; cette disposition ne comprenant par les simples lois d’administration et de police qui pourront être faites comme par le passé, et soumises seules à la vérification des compagnies souveraines, après avoir été adressées aux corps représentatifs des provinces, ces lois ne devant être néanmoins que provisionnelles et obligatoires seulement jusqu’à la prochaine tenue des Etats généraux, et par eux approuvées, s’il y a lieu. 2° Que nulle puissance, autre que celle de la loi, ne doit porter atteinte à la liberté des citoyens, pour la conservation de laquelle les députés feront prononcer la proscription des lettres de cachet, évocation, cassation au conseil, et en général de tous les actes d’autorité arbitraire. 3° La responsabilité des ministres dans toutes les parties de l’administration. 4° La suppression de tous impôts établis comme l’ayant été illégalement , et sans l’octroi du peuple. 5° Leur remplacement par d’autres impôts librement et volontairement consentis par la nation, seulement pour l’intervalle d’une assemblée des Etats généraux à la suivante, et supportés par les individus de tous les ordres, dans la juste proportion des facultés, sans égard aux privilèges. 6° La fixation faite par les Etats généraux des dépenses de tous les départements. 7° La liberté illimitée de la presse. 8° La conservation des capitulations des provinces et de leurs privilèges particuliers, en tant néanmoins qu’ils ne nuisent point à l’administration générale du royaume. 9° Enfin, l’établissement des Etats provinciaux chargés de toute l’administration intérieure des provinces, en particulier pour la Lorraine et le Barrois, l’établissement d’un seul corps d’état. Ces points fondamentaux sont puisés dans le résultat du conseil du 27 décembre dernier. Pour obtenir une constitution qui les aura pour base, nos députés demanderont l’exécution des promesses faites solennellement à la nation au nom du Roi, dans le même résultat. Nos députés réuniront tous leurs efforts pour assurer les droits de la province ; ils s’attacheront surtout à demander qu’elle soit remise dans le même état qu’elle était avant sa réunion à la monarchie; ils réclameront son ancienne constitution, le rétablissement de ses Etats, avec l’exercice de la plénitude de leurs pouvoirs, en apportant néanmoins au plan qui les organisera les modifications qu’exigent le changement des mœurs et Je progrès des lumières. Nos députés avant tout s’occuperont de faire régler ces objets importants. Ils auront sans cesse devant les yeux qu’ils sont moins appelés par la nation pour combler le déficit des finances, que pour lui rendre son antique et sage constitution ; en conséquence il leur est très-expressément défendu de consentir aucun impôt et de s’occuper même des détails particuliers de finances, qu’ils n’aient assuré nos droits d’une manière immuable, et nous déclarons que s'ils s’écartent en aucune manière de notre volonté, si clairement manifestée, nous les désavouons et les regardons comme indignes de nous représenter à l’avenir. Au surplus, nous leur donnons les pouvoirs les plus généraux et les plus illimités pour remontrer, aviser et consentir tout ce qui peut concerner les besoins de l’Etat, la réforme des abus, rétablissement d’un ordre fixe et durable dans toutes les parties de l’administration, la prospérité générale du royaume, les biens de tous et chacun des sujets, ces pouvoirs n’avant d’autres modifications et restrictions que” celles ci-dessus exprimés, dont nous leur interdisons, absolument et sous quelque prétexte que ce soit, de s’écarter. Leur enjoignons aussi de respecter soigneusement le droit de propriété de tous et un chacun, et d’assurer une indemnité prompte, exacte et proportionnelle à tout citoyen que la réforme indispensable des abus de l’administration priverait de tout ou seulement de partie de sa propriété. Les pouvoirs que nous donnons à nos députés sont plus amplement détaillés dans les instructions ci-jointes, dont nous leur enjoignons de ne point s’écarter. Ces pouvoirs, que le tiers-ordre du bailliage donne à ses députés, ont été arrêtés dans une assemblée générale de l’ordre, tenue sous la présidence de M. Jean-Nicolas Barthélémy, assesseur civil et criminel audit bailliage , pour l’empêchement des premiers officiers, assisté du 204 [Etats gén. 1789, Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Rar-le-Duc. libération n’aurait force de loi qu’autant qu’elle serait adoptée par les deux chambres ; mais, dans ce projet comme dans tous les autres de même nature, notre député réservera tous les privilèges du clergé, ses prérogatives, et il s’attachera à faire sentir à l’ordre du tiers qu’il est de son intérêt de maintenir la distinction des ordres, puisqu’elle constitue la monarchie, et qu’un des plus grands ressorts du pouvoir arbitraire est de rendre tous les hommes égaux, pour qu’ils soient tous également esclaves; ainsi le tiers concevra qu’il est important de maintenir l’hérédité de la noblesse ; mais aussi nous entendons qu’à l’avenir elle ne doit pas s’acquérir à prix d’argent, ni par des charges, et qu’il faut qu’elle soit seulement le prix de grands services rendus à la patrie dans tousles genres. C’est une conséquence de ces principes, qu’aucun emploi, ni profession ne peuvent déroger à la noblesse. . CAHIER DES POUVOIRS, INSTRUCTIONS ET DOLÉANCES QUE LE TIERS-ORDRE DU BAILLIAGE DE BR1EY DONNE A SES DÉPUTÉS AUX ÉTATS GÉNÉRAUX . Le tiers-ordre du bailliage de Briey donne pouvoir à MM. Uuquesnoy, syndic provincial de Lorraine et Barrois, député de la ville de Briey, et Friquegnon, commerçant, député de la communauté de Yalleroy, de le représenter aux Etats généraux, à charge et non autrement, que les membres en auront été librement élus, et que nulle personne ne gênera la liberté des suffrages par sa présence ou autrement. Le tiers-ordre, pénétré des principes qui ont dicté le résultat du conseil du 27 décembre dernier, voulant répondre dignement aux intentions du Roi, qui appelle les représentants du peuple, pour établir un ordre fixe et durable dans toutes les parties de l’administration, et à l’attente de la nation qui espère que les Etats généraux, de concert avec le Roi, la rétabliront dans ses droits, charge ses députés de réunir tous leurs efforts pour obtenir une constitution sage et libre, qui établisse sur des bases inébranlables les droits du Roi et ceux du peuple. Les principes fondamentaux de cette constitution doivent être : 1° La liberté nationale et individuelle ; d’où il suit que la nation ne peut être gouvernée que par les lois qu’elle a faites ou consenties, de concert avec le Roi, dans ses Etats généraux libres, nombreux, fréquemment et périodiquement assemblés; cette disposition ne comprenant par les simples lois d’administration et de police qui pourront être faites comme par le passé, et soumises seules à la vérification des compagnies souveraines, après avoir été adressées aux corps représentatifs des provinces, ces lois ne devant être néanmoins que provisionnelles et obligatoires seulement jusqu’à la prochaine tenue des Etats généraux, et par eux approuvées, s’il y a lieu. 2° Que nulle puissance, autre que celle de la loi, ne doit porter atteinte à la liberté des citoyens, pour la conservation de laquelle les députés feront prononcer la proscription des lettres de cachet, évocation, cassation au conseil, et en général de tous les actes d’autorité arbitraire. 3° La responsabilité des ministres dans toutes les parties de l’administration. 4° La suppression de tous impôts établis comme l’ayant été illégalement , et sans l’octroi du peuple. 5° Leur remplacement par d’autres impôts librement et volontairement consentis par la nation, seulement pour l’intervalle d’une assemblée des Etats généraux à la suivante, et supportés par les individus de tous les ordres, dans la juste proportion des facultés, sans égard aux privilèges. 6° La fixation faite par les Etats généraux des dépenses de tous les départements. 7° La liberté illimitée de la presse. 8° La conservation des capitulations des provinces et de leurs privilèges particuliers, en tant néanmoins qu’ils ne nuisent point à l’administration générale du royaume. 9° Enfin, l’établissement des Etats provinciaux chargés de toute l’administration intérieure des provinces, en particulier pour la Lorraine et le Barrois, l’établissement d’un seul corps d’état. Ces points fondamentaux sont puisés dans le résultat du conseil du 27 décembre dernier. Pour obtenir une constitution qui les aura pour base, nos députés demanderont l’exécution des promesses faites solennellement à la nation au nom du Roi, dans le même résultat. Nos députés réuniront tous leurs efforts pour assurer les droits de la province ; ils s’attacheront surtout à demander qu’elle soit remise dans le même état qu’elle était avant sa réunion à la monarchie; ils réclameront son ancienne constitution, le rétablissement de ses Etats, avec l’exercice de la plénitude de leurs pouvoirs, en apportant néanmoins au plan qui les organisera les modifications qu’exigent le changement des mœurs et Je progrès des lumières. Nos députés avant tout s’occuperont de faire régler ces objets importants. Ils auront sans cesse devant les yeux qu’ils sont moins appelés par la nation pour combler le déficit des finances, que pour lui rendre son antique et sage constitution ; en conséquence il leur est très-expressément défendu de consentir aucun impôt et de s’occuper même des détails particuliers de finances, qu’ils n’aient assuré nos droits d’une manière immuable, et nous déclarons que s'ils s’écartent en aucune manière de notre volonté, si clairement manifestée, nous les désavouons et les regardons comme indignes de nous représenter à l’avenir. Au surplus, nous leur donnons les pouvoirs les plus généraux et les plus illimités pour remontrer, aviser et consentir tout ce qui peut concerner les besoins de l’Etat, la réforme des abus, rétablissement d’un ordre fixe et durable dans toutes les parties de l’administration, la prospérité générale du royaume, les biens de tous et chacun des sujets, ces pouvoirs n’avant d’autres modifications et restrictions que” celles ci-dessus exprimés, dont nous leur interdisons, absolument et sous quelque prétexte que ce soit, de s’écarter. Leur enjoignons aussi de respecter soigneusement le droit de propriété de tous et un chacun, et d’assurer une indemnité prompte, exacte et proportionnelle à tout citoyen que la réforme indispensable des abus de l’administration priverait de tout ou seulement de partie de sa propriété. Les pouvoirs que nous donnons à nos députés sont plus amplement détaillés dans les instructions ci-jointes, dont nous leur enjoignons de ne point s’écarter. Ces pouvoirs, que le tiers-ordre du bailliage donne à ses députés, ont été arrêtés dans une assemblée générale de l’ordre, tenue sous la présidence de M. Jean-Nicolas Barthélémy, assesseur civil et criminel audit bailliage , pour l’empêchement des premiers officiers, assisté du [Étals gèn. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Bar-le-Duc.] 205 greffier en chef du même siège, secrétaire de l’ordre, en l’auditoire de la ville, aujourd’hui 19 mars 1789. : Très-humbles et très-respectueuses doléances qu’ont l’honneur de présenter à Sa Majesté, les gens du tiers-état du bailliage de Briey, en Lorraine. Sire, Vos fideles sujets, les gens du tiers-état du bailliage de Briey, en Lorraine, déposent aux .pieds de Votre Majesté, les témoignages les plus expressifs du respect, de l’amour et de la reconaissance dont ils sont pénétrés pour elle. Il leur est doux d’approcher du trône de Votre Majesté pour lui faire connaître les maux de tout genre qui les accablent : c’est à son cœur, au cœur du meilleur, du plus humain, du plus juste des rois qu’ils vont parler; ils sont sûrs d’être entendus et de recevoir des soulagements auxquels ils ont tant de droits. Sire, les gens du bailliage de Briey ont à offrir à Votre Majesté des doléances communes à tout le royaume, d’autres propres à la province de Lorraine, et les troisièmes enfin qui leur sont particulières. Les maux qui ont accablé la monarchie ont deux causes principales : le défaut d’une constitution assise sur des bases solides, et le désordre des finances. La première de ces causes, en laissant aux ministres la liberté d’enfreindre les lois, les a bientôt portés à substituer aux lois leurs volontés passagères; de là, Sire, il a résulté que tous les pouvoirs ont été méconnus, qu’aucun corps, qu’aucun particulier n’est resté dans les bornes de l’autorité qui lui appartenait légitimement, et que chacun cherchait à l’étendre au détriment de la liberté publique et du bonheur de la nation. Sire, les rois qui n’ont et ne peuvent avoir d’autre intérêt que celui d’être justes, doivent désirer d’être soumis à des lois fixes et permanentes, dont il leur soit impossible de s’écarter ; les ministres, au contraire, doivent désirer qu’il n’y ait pas de lois, pour régner par l’effet seul de leurs volontés. Si nous eussions eu des lois solides, une constitution bien établie, nous n’aurions pas vu successivement des ministres ignorants, pervers et déprédateurs, porteries atteintes les plus multipliées et les plus graves à toutes les propriétés ; nous ne les eussions pas vus mettre l'Etat en péril, en hasardant des opérations dont iis n’avaient pas calculé les suites; compromettre le commerce par des traités faits sans précaution; avilir la nation aux yeux de l’univers, en abandonnant des alliés qu’ils avaient entraînés dans le péril ; hasarder la fortune publique par des emprunts ruineux et mal combinés ; appauvrir l’Etat par des échanges désastreux ; se livrer à toutes les vexations, à tous les désordres auxquels n’est que trop porté celui qui peut tout faire, et courir le danger d’affaiblir les sentiments d’amour dont les Français sont pénétrés pour leurs rois, si les vertus de Votre Majesté, si son caractère franc et loyal n’avaient empêché un tel malheur. Sire, les secousses horribles que ces erreurs, ces attentats ont fait éprouver à la France, ont aussi porté le trouble dans nos chaumières; l’agriculture et le commerce languissent ; les fortunes naguère les plus solides ne paraissent plus assurées aujourd’hui et tous les ressorts de l’autorité étant rompus, tous les liens qui attachaient les hommes entre eux se dissolvent, et sans une régénération très-prompte, la France est perdue sans ressource. Le défaut de lois fixes, faites ou sanctionnées par la nation, est la cause de tous ces maux; quand un homme seul a le droit de faire céder à sa volonté les volontés de vingt-cinq millions de ses semblables, il est nécessaire qu’il s’égare, qu’on le trompe souvent, et que l’administration saps principes soit mobile et vacillante, comme le sont les personnes qui la conduisent, et qui ne semblent appelées à une place que pour Ja laisser bientôt à leurs successeurs. Aussi aucune nation n’a autant de lois que la nôtre, et nulle part elles ne sont moins observées; ce qui vient principalement de ce qu’étant l’ouvrage de la volonté arbitraire, elles ne sont pas établies sur des principes durables, et qu’elles n’inspirent ni confiance ni respect. Du défaut d’ordre dans les finances il n’a pas résulté de moindres maux. Les ministres étant maîtres de disposer à leur gré de toutes les sommes perçues sur vos peuples, ils les ont prodiguées à des protecteurs qui les maintenaient dans leurs places, à des protégés dont ils se faisaient un appui. La facilité d’imposer et de dépenser arbitrairement donnait sans cesse naissance à de nouveaux désirs qu’il fallait satisfaire. De là ces inventions fiscales si étrangement multipliées; de là des impôts de toute espèce établis sous toutes les formes ; de là, ces anticipations, ces emprunts, ressources funestes de la prodigalité la plus mal entendue ; de là ces codes fiscaux antinaturels et barbares, ces atteintes multipliées portées à la liberté des personnes et des biens, ces créations d’offices sans utilité comme sans objet autre que de procurer un accroissement à la somme àdépenser; cet établissement de charges qui confèrent la noblesse, abus honteux, avilissant également l’ordre duquel sort le pourvu de charge, et celui dans lequel il entre; de là les entraves multipliées mises à l’agriculture, au commerce et aux arts; de là enfin la ruine de vos sujets hors d’état de supporter de telles charges. De cette malheureuse facilité de dépenser sans frein et sans mesure, sont nées ces pensions énormes accordées à des gens qui n’ont pour les obtenir d’autres titres que leur hardiesse et leur importunité; ces places créées uniquement pour faire obtenir des grâces pécuniaires à ceux qui en sont revêtus ; ces profusions extravagantes dans tous les genres, qui, en développant, encourageant le luxe, entraînent la ruine des mœurs et de l’honnêteté publique. Sire, ces grandes et terribles vérités seront exposées à Votre Majesté par des hommes plus éloquents que nous, et qui en feront mieux connaître les détails ; mais nous osons croire que personne ne les sent plus profondément que nous, et ne désire plus fortement d’en pénétrer le cœur de Votre Majesté. Nous osons maintenant supplier Votre Majesté de nous permettre de lui parler un instant de notre province. La Lorraine a des droits précieux dont la conservation lui est bien chère,. et depuis 1737, époque de sa réunion à la France, ces droits n’ont cessé d’être attaqués. Hélas ! que sa situation est différente de ce qu’elle était sous le règne du duc Léopold, l’amour et le regret éternel des Lorrains ! C’est à vous, Sire, qu’il est donné de rappeler ces jours heureux et de faire cesser les atteintes portées à notre constitution. Nous allons en indiquer quelques-unes. 206 [Étals gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Bar-le-Duc.] Avant 1737, nous avions une cour souveraine qui nous jugeait en dernier ressort; les demandes en cassation étaient rares, et se portaient à un conseil auquel chacun de nous pouvait aisément recourir; ce tribunal auguste maintenait les droits, les privilèges de la province, il éclairait le prince sur ses devoirs, le peuple sur ses intérêts ; le vain titre de parlement a remplacé celui de cour souveraine, et nos magistrats sont sans pouvoirs pour faire observer leurs arrêts; souvent iis sont cassés et leurs remontrances ont été presque toujours inutiles et sans effet. La chambre des comptes de Lorraine, autrefois cour des monnaies, a perdu cette partie de sa juridiction; et nos deux tribunaux souverains ont été dépouillés d’une portion notable de leur autorité, qui est passée dans les mains d’un commissaire départi, agent du ministre, appui nécessaire de la volonté arbitraire, odieux et suspect au peuple qui n’a que trop appris à redouter un tel régime. Les impôts se sont accrus dans une proportion effrayante depuis 1737. Des charges de toute espèce ont été créées. Les maîtrises de corps et métiers sont venues saper par les fondements notre industrie. L’impôt sur les cuirs a ruiné nos tanneries, branche considérable de notre commerce. Les jurés-priseurs ont porté l’effroi de la mori dans les campagnes; des armées de praticiens, des gens de justice les ont inondées. Les forêts ont été soumises à une administration immorale et vicieuse. Le tirage des milices a apporté parmi nous l’image terrible du despotisme le plus atroce. La perception, la recette de nos contributions se sont compliquées, et des frais énormes en ont absorbé une notable partie. La France devait payer nos dettes; non-seulement cette promesse n’a pas été observée, mais nous concourons à la liquidation des dettes contractées avant notre union et auxquelles nous sommes parfaitement étrangers. Nos routes sont soumises à une direction absolument opposée aux vues du bien public; nous avons payé des sommes énormes pour les entretenir, nous n’en avons reçu qu’une faible partie, et elles ne sont pas entretenues. Le prix du sel considérablement augmenté a rendu la contrebande plus active et plus funeste ; il a entraîné la ruine de notre bétail. Des essais, des projets de reculement des bar rières ont porté la crainte dans presque toutes nos maisons de commerce. Sire, ce tableau n’est pas exagéré; il est une peinture bien faible des griefs que la province de Lorraine a à présenter à Votre Majesté; et la nation ainsi traitée est cependant la plus généreuse, la plus fidèle, la plus attachée à ses maîtres. Ali ! Sire, que ne pouvez-vous parcourir nos campagnes ; c’est là que vous entendriez gémir, regretter ces temps fortunés dont, hélas ! il ne n ias reste que le souvenir ! Nous étions heureux et riches, sous un prince sensible et bon ; Sire, v ms avez l’âme de Léopold; ah! daignez nous rendre ce que les ministres du roi, votre auguste bisaïeul, ce que les vôtres ont osé nous arracher ; et, sans doute, Sire, ce n’est pas une grâce que nous demandons à Votre Majesté, c’est une justice qu’elle nous rendra en nous remettant dans l’exercice des droits que nous avions avant 1737, en nous plaçant dans la situation où nous étions à cette époque; c’est à Votre Majesté qu’il appartient de donner l’exemple du respect pour les traités; alors, Sire, que ne pouvez-vous pas exiger de nous? Pleins d’amour, de reconnaissance pour votre personne sacrée, il n’est rien que nous ne lui offrions, point de sacrifice que nous ne ferions! Et notre demande, nos justes et pressantes sollicitations n’ont pas pour objet d’obtenir la cessation des impôts établis depuis notre réunion à la monarchie, mais seulement le rétablissement de nos droits et de notre constitution. Nous l’obtiendrons de vous, Sire; nous nous abandonnons avec bien de la confiance à cette douce espérance. Votre Majesté, touchée de nos maux, a déjà voulu y porter remède, en établissant une assemblée provinciale ; mais ce corps sans pouvoirs, gêné dans toutes ses opérations par le commissaire départi, embarrassé par des formalités sans fin, n’a qu’une marche lente et pénible, et n’opère qu’infiniment peu de bien. Sire, on vient de mettre le comble à nos maux, en adoptant, pour la convocation des Etats généraux, la division de la province en trente-quatre bailliages dont chacun desquels se fait un cahier particulier. De cette manière le vœu de la province ne sera connu ni de Votre Majesté ni des Etats généraux. . Il peut se faire dans chaque bailliage un cahier par ordre, et alors, Sire, la Lorraine paraîtrait avec cent deux cahiers. Jamais mesure ne fut plus vicieuse; on nous traîne à Bar pour faire une assemblée de réduction qui devait se tenir à Nancy ou dans une ville du Barrois non-mouvant, jadis chef-lieu d’un bailliage immense. C’est entre les mains de Votre Majesté que nous osons déposer notre protestation contre cette forme, et nous la supplions de daigner consentir que nous nous réservions expressément tous nos droits. Qu’ajouterions nous, Sire, à cette peinture des maux de la nation, et de ceux de la province? Nous nous bornerons à dire qu’ils sont d’autant plus sensibles pour nous , que la partie de la Lorraine que nous habitons a, de tout temps, été singulièrement négligée par les administrateurs, à peine avons-nous les routes absolument indispensables, quoique notre canton paye proportionnellement au moins autant qu’aucun autre. Nous n’avons pu obtenir d’assemblée de district pour la ville de Briey, quoique nous l’ayons sollicité avec bien de l’instance ; jamais nous n’avons participé aux secours que donne quelquefois le gouvernement, jamais nous n’avons reçu la moindre influence bénigne. Votre Majesté cherche les remèdes à tant de maux, son cœur éprouve le besoin de faire des heureux ; Sire, c’est Votre Majesté elle-même qui nous les a indiqués, c’est dans le résultat de son conseil du 27 décembre que nous trouvons les principes sur lesquels doivent reposer le bonheur public et la prospérité nationale ; alors un ordre invariable établi dans toutes les parties de l’administration, les lois faites ou sanctionnées par la nation, les impôts librement accordés et répartis sur tous les citoyens en raison de leurs facultés, la liberté individuelle, la liberté civile assurées, la presse rendue libre, vos ministres rendus responsables de leurs actions, Sire, que manquera-t-il à votre gloire? Vous régnerez sur une nation libre, et le plus grand souverain de l’Europe sera aussi le plus puissant; il aura pour appuis, pour défenseurs le cœur et le zèle de ses sujets. Sire, vos fidèles sujets ne formeront plus qu’un vœu, c’est l’établissement des Etats provinciaux pour la Lorraine ; ils vous les demandent avec instance; daignez les leur accorder promptement, [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Bar-le-Dnc.] 207 les organiser d’une manière qui, en suivant les progrès des lumières, de la philosophie et de� la raison, s’accorde avec notre position, nos intérêts, et que ce mode d’organisation soit proposé par une assembleé composée des députés des trois ordres de la province librement élus. Sire, la prospérité publique est une dette du trône ; Votre Majesté l’acquittera avec honneur, mais la nation veut aujourd’hui tous ses droits, et vos ministres , s’il en était de pervers , essayeraient en vain de lui imposer le joug qu’elle a secoué pour jamais ; les jours de la paix et du bonheur approchent , la nation va se réunir à son roi -, ce grand monarque, tous les ordres, tous les citoyens de l’Etat, animés d’un même esprit, vont tous chercher le bien, le faire ; et la gloire éternelle que va mériter Votre Majesté la récompensera moins que les bénédictions du pauvre et le témoignage de son propre cœur. Nos députés ont charge spéciale d’offrir corps et biens à la patrie, à Votre Majesté ; nous leur avons confié nos pouvoirs dans la ferme confiance qu’ils en feront l’usage le plus utile à la nation et au monarque, et que le bien public sera la base de toutes leurs opérations. Telles sont les très-humbles et très-respectueuses doléances qu’ont l’honneur de vous adresser, Sire, De Votre Majesté, Les très-humbles , très-soumis et très-fidèles sujets, Les gens du tier§-état du bailliage de Briey. Instructions que le tiers-état du bailliage de Briey donne à ses députés aux Etats généraux. Il est interdit à nos députés de consentir aucun impôt, de s’occuper d’objets particuliers de finance, que préalablement ils n’aient obtenu du Roi une chartre qui assure d’une manière irrévocable les droits de la nation. Les points principaux de cette chartre doivent être : 1° Que nul Français n’est soumis qu’à la loi, et ne peut être jugé que par ses juges naturels et de territoire; en conséquence, la suppression de toutes lettres de cachet, actes d’emprisonnements arbitraires, exils prononcés illégalement et par la volonté seule des ministres, doit être définitivement et irrévocablement arrêtée ; 2° Tout homme arrêté en suite de la volonté des ministres doit être remis au plus tard dans les vingt-quatre heures à ses juges naturels, pour son procès lui être fait suivant les ordonnances du royaume. 3° Nous croyons que si, au mépris de cette disposition de la loi, un agent de l’autorité violait le droit sacré de la liberté d’un citoyen, le procureur général de la cour souveraine, dans le ressort duquel sera commis ce délit national, doit être chargé d’en rendre plainte à sa compagnie, et que le coupable doit être puni comme criminel de lèse-majesté; 4° Cette loi protectrice de la liberté individuelle ne nous parait devoir être jamais suspendue, même momentanément, que du consentement des Etats généraux et pour un délai très-bref. 5° Nous croyons que les maisons de force doivent être rasées, excepté celles que les Etats généraux croiront devoir laisser subsister comme maison de correction ou de réclusion, mais dans lesquelles nul mitoyen ne pourra être détenu que par sentence du juge. 6° Les députés réuniront tous leurs efforts pour que les Etats généraux anéantissent l’odieux préjugé qui entache d’infamie les membres d’une famille qui a eu le malheur de voir un des siens périr sous le glaive de la loi; ils s’attacheront d'autant plus à procurer à la nation ce grand bien, qu’en anéantissant cette idée barbare, ils ôteront aux agents de l’autorité arbitraire le prétexte le plus spécieux dont ils se soient jamais servis pour justifier les lettres de cachet; ils concevront aisément que le moyen le plus sûr pour parvenir à leur but, sera de faire régler que nul homme, de quelque classe qu’il soit , ne peut échapper aux poursuites rigoureuses du ministère public et aux peines édictées par la loi; ce préjugé n’ayant dû sa naissance qu’à l’orgueil des grands, ils seront alors les premiers intéressés à sa destruction. 7° Les évocations au conseil, cassations d’arrêts, lettres ou commissions particulières qui enlèvent les justiciables à leurs juges naturels, et qui tendent à soustraire les coupables au châtiment de leurs crimes, doivent être absolument proscrites. Il doit en être de même des lettres de surséance. 8° Les Etats généraux doivent être assemblés tous les quatre ans ; à la fin de leur assemblée, ils fixeront eux-mêmes le jour et le lieu de leur réunion prochaine. 9° Nulle loi générale ne pourra à l’avenir avoir son effet qu’elle n’ait été préalablement consentie par la nation assemblée aux Etats généraux libres et nombreux; il doit être fait mention de ce consentement dans le préambule de chaque loi générale, qui sera, pendant la tenue des Etats, adressée aux compagnies souveraines, qui seront obligées d’en ordonner purement et simplement la transcription sur leurs registres, sans pouvoir se permettre d’y apporter le moindre changement, mais qui demeureront comme par le passé chargées de leur dépôt et de les faire exécuter. 10° Iis insisteront fortement pour qu’il soit reconnu dans la forme la plus authentique que la nation seule a le droit de s’imposer elle-même, que nul emprunt n’est valable s’il n’est fait de son consentement, que nul impôt ne peut être perçu qu’il n’ait été librement et volontairement octroyé; les Etats généraux ne devant en consentir aucun que pour l’intervalle d’une assemblée à l’autre, au delà duquel terme si un agent de l’autorité se permet d’en proroger la perception, il doit être poursuivi par les procureurs généraux des compagnies souveraines et puni de mort. 11° Il sera établi dans chaque province des états particuliers composés de membres pris dans les trois ordres, dans la même proportion que les Etats généraux ; ces états seuls et exclusivement auront des commissions intermédiaires subsistantes ; ils seront chargés de l’administration intérieure, direction des revenus des municipalités des villes et des campagnes, sous l’inspection du roi et des Etats généraux, sans être soumis en aucune manière à celle des commissaires départis. 12° Ces états particuliers ne pourront dans aucune circonstance se permettre d’octroyer aucun impôt, à peine par les membres consentants d’en répondre en leur pur et privé nom, sur la dénonciation qui en sera faite aux tribunaux souverains par leurs successeurs ; mais ils seront chargés de les répartir suivant les formes adoptées par les Etats généraux. 13° Il y aura dans les commissions intermédiaires toujours subsistantes deux procureurs généraux syndics, chargés de veiller au maintien des privilèges de la province ; la moindre infrac- 208 [Étais gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [ Bailliage tic Bai-le-Duc.j tion qui y sera faite, suffira pour donner l’éveil à leur zèle, les obliger à faire, d’après la décision des commissions, toutes démarches nécessaires pour constater le violement des droits qui leur sont confiés et obtenir le redressement de leurs griefs -, ils seront tenus de porter la dénomination des abus aux prochains Etats généraux, meme d’en poursuivre les auteurs par-devant les compagnies souveraines. 14° Nous ordonnons à nos députés d’insister très-fortement pour que ces Etats soient organisés de la manière qui convient le mieux aux différentes localités ; nous leur enjoignons en conséquence de demander qu’il soit formé une assemblée consultative des trois ordres de la province de Lorraine et Barrois, dans laquelle chaque canton aura une représentation proportionnée à sa population, où se proposera et se discutera le plan le plus conforme au vœu et à l’intérêt de tous. 15° Nos députés insisteront pour que les simples lois d’administration et de police soient adressées aux états provinciaux ou à leurs commissions intermédiaires, pour qu’il soit reconnu si elles ne contiennent rien de contraire aux droits et privilèges delà province; ces lois seront ensuite transmises par les Etats aux tribunaux souverains pour être enregistrées; nulle décision du conseil, donnée sous la forme d’arrêt, s’il n’est revêtu de lettres patentes soumises aux formalités indiquées, n’aura à l’avenir force de loi, et ne pourra à ce titre être envoyée aux commissaires départis, et par eux promulguée dans les provinces. 16° Nous croyons que les compagnies souveraines doivent néanmoins conserver le droit de faire au Roi des remontrances, toutes et quantes fois la constitution leur paraîtra en péril, ou môme quand elles auront lieu de craindre que l’on porte la moindre atteinte aux privilèges particuliers de leurs provinces et aux lois qu’elles sont chargées de faire exécuter. 17° Ils demanderont que les capitulations des provinces soient maintenues, et que leurs droits particuliers leur soient conservés dans toute leur intégrité. 18° Ils insisteront pour qu’il soit reconnu que les ministres sont responsables à la nation dans toutes les parties de leur administration ; en conséquence, les Etats généraux fixeront tels tribunaux souverains où leur procès sera fait, sur leur dénonciation seule, ou celle du Roi, exclusivement à tous autres. 19° Ils réuniront tous leurs efforts pour prononcer la liberté indéfinie de la presse avec l’abolition de la censure et de toutes les entraves qu’a pu y apporter l’autorité. Chaque imprimeur sera tenu de mettre son nom au bas de l’imprimé, et le ministère public sera chargé de poursuivre les auteurs, imprimeurs et colporteurs d’écrits contraires au respect dû à la religion, aux bonnes mœurs et à l’honneur individuel des citoyens, qui auront aussi le droit de poursuivre en ce qui les concerne. 20°" Enfin ils demanderont que la loi qui assurera nos droits, soit envoyée pendant la tenue des Etats généraux, et sitôt son obtention, à l’enregistrement des cours souveraines, qui' seront tenues d’y procéder sans délai, et de la faire passer incessamment aux juridictions inférieures; ils régleront que chaque année il en sera fait une lecture publique et solennelle dans chacune des juridictions supérieures et inférieures, et au prône de toutes les paroisses, afin que le peuple s’habitue dès son enfance à la connaître et à l’aimer. Ces objets réglés, nos représentants pourront s’occuper des subsides ; mais avant de les accorder, ils constateront sur pièces le montant juste, et sans la moindre équivoque, de la dette publique; ils auront grand soin d’observer que pour se procurer un état exact et détaillé de la véritable situation des finances, il est nécessaire qu’ils prennent connaissance des dépenses de tous les départements, et qu’avant de faire le tableau de comparaison de la recette et de la dépense, il faut soigneusement retrancher la dépense super-r flue, que la moindre économie ne doit pas leur paraître indigne de la majesté d’un grand empire, puisqu’il est reconnu que la multitude de ces petites dépenses inconsidérées, en grossissant la masse énorme du déficit, absorbe la substance du peuple, et qu’il est bien moins question d’égaler la recette à la dépense que de faire descem dre celle-ci au niveau de la recette. La dette publique reconnue et constatée, nos députés la déclareront dette nationale ; ils assureront les moyens d’en acquitter les rentes et de l’amortir. 11 paraît convenable que l’on fixe d’unemianiére précise la part de chaque province dans celte charge publique, en la proportionnant à l’étendue de son commerce, de son industrie, à la valeur et au rapport de ses fonds territoriaux et aux droits particuliers de chacune. Quoique la province de Lorraine et Barrois puisse bien et légitimement se dispenser de consentir à la liquidation entière des dettes de l’Etat, puisqu’elles ont été faites pour la plupart, avant sa réunion à la monarchie, l’assemblée croit devoir persévérer constamment dans les sentiments de patriotisme qui animent tous les habitants de la province; elle ne doit pas s’occuper d’intérêts privés qui l’éloignent de la chose publique; elle pense que les députés doivent offrir généreusement et pour le salut de la patrie, le sacrifice du privilège particulier de la province; mais ils sentiront que cette contribution doit être libre, et ne peut avoir lieu qu’autant que la nation pourra parvenir à avoir une constitution stable et permanente, dont les avantages généraux indemnisent du sacrifice des privilèges locaux et isolés, et qu’autant que la province elle-même obtiendra sa constitution particulière. Nos députés s’occuperont à régler les dépenses de chaque département, d’une manière invariable, et avec détail, mais surtout d’après les principes rigoureux qui doivent guider les administrateurs de la fortune publique. Ils feront ordonner la publication annuelle des états de recette et de dépense. Ils demanderont qu’il soit établi un fonds particulier pour les pensions; que la même personne, quoique occupée dans divers départements, ne puisse en obtenir deux; que tous les ans la liste de ceux qui en auront obtenu soit rendue publique par la voie de l’impression, avec énonciation des motifs qui l’auront fait obtenir. Les personnes qui auront obtenu part dans les fonds réservés à Sa Majesté pour satisfaire ses goûts particuliers de bienfaisance et d’humanité, ne seront point comprises dans cette disposition, et les ministres ne pourront jamais être comptables à la nation de remploi de ces fonds. Ils demanderont qu’il ne soit accordé aucune pension aux ministres quittant l’administration, comme étant indignes de toute récompense s’ils ont malversé, et suffisamment récompensés par l’opinion publique s’ils ont bien mérité de la patrie. . [États gén. 1T89. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES [Bailliage de Bar-Ie-Duc.] 209 Ils exigeront la reddition publique des comptes à chaque tenue des Etats, et sur les pièces justificatives, dans lesquels comptes il ne sera passé aucune somme sous le nom de dépense secrète, la nation ayant le droit d’exiger la connaissance de l’état de ses finances, et l’emploi d’aucune partie ne devant être secret pour elle. Ils feront prononcer la suppression des impôts distinctifs des ordres, et leur remplacement par des subsides consentis parles trois ordres, et supportés indistinctement par tous les citoyens, sans égard aux privilèges et en porportion des richesses mobilières, immobilières, industrielles et commerciales, en préférant toujours celles qui porteront principalement sur les objets de luxe. Ces différents articles réglés, nos représentants offriront au roi et à la patrie corps et biens; ils consentiront pour nous à l’octroi de tous subsides qu’ils jugeront nécessaires au bien réel et indispensable de l’Etat, à la splendeur du trône, au bonheur particulier de Sa Majesté, aux goûts de bienfaisance si chers à son cœur, et à la gloire d’une grande nation; mais ils adopteront les taxes les moins nombreuses, et le mode de perception qui sera le moins coûteux et le moins contraire à la liberté nationale et individuelle. Nos députés ne consentiront aucun impôt ou emprunt que l’affectation et l’hypothèque n’en soient clairement déterminées et vérifiées, cette disposition ayant principalement pour but d’empêcher que les fonds ne soient détournés de leur véritable destination et employés à de vaines dépenses et de folles prodigalités et devant surtout favoriser beaucoup la comptabilité. Pour l’entretien et la confection des routes, ils préféreront, s’il est possible, et convenable à la situation particulière de la province, à tout autre impôt, celui qui se percevrait à des barrières placées de distance en distance, et qui serait payé à raison du nombre de chevaux attelés aux voitures qui les parcourraient, cet impôt ayant le double avantage d’atteindre aux individus de tous les ordres, et de n’être supporté que par ceux qui contribuent le plus à la détérioration des routes. Les détails particuliers et relatifs à ce mode d’imposition et les modifications locales qu’il conviendrait d’y apporter , seront confiés aux états provinciaux, qui seront chargés de la perception, direction et emploi des fonds. Ils auront attention que la province paye pour les ouvrages d’art, la somme de 100,000 livres, et qu’il n’y en a que 49 d’employés véritablement à cette destination, partie du ‘surplus restant à Paris pour les frais d’administration générale, et partie servant en province aux salaires et aux gratifications des officiers, ingénieurs; que ce corps est mal constitué, qu’il se ressent du vice qui infecte tout corps exclusif et qui éteint l’émulation. llssolliciterontlasuppression des grandes places de finance, notamment celles des receveurs généraux en général; ils chercheront à mettre dans la perception! et le recouvrement des finances de l’Etat l’économie la plus stricte, l’ordre le plus simple et celui qui facilite une comptabilité lumineuse ; ils s’attacheront en conséquence à régler autant que possible le nombre et les frais des recettes. Ils s’occuperont des moyens de substituer aux fermes générales, des régies simples, soumises à l’inspection et à la direction des états provinciaux, ils les organiseront de manière que les personnes qui y seront employées ne puissent y 4re Série, T. II. amasser de ces fortunes scandaleuses justement reprochées aux gens de finance. Si l’exécution de l’article précédent rencontre des difficultés imprévues, et qu’il ne soit pas possible, conformément au vœu de tout bon citoyen et de tout ami de l’humanité, de supprimer jusqu’au nom même des fermes générales et des grandes compagnies de finance, ils s’occuperont au moins essentiellement à réduire le prix du sel à un taux uniforme par toute la France; ce règlement devant prévenir la contrebande, ce taux doit être moins disproportionné qu’il ne l’est dans cette province à la misère excessive des habitants des campagnes, qui ne peuvent s’en procurer, ni pour eux, ni pour leurs bestiaux, auxquels cette denrée est nécessaire. Dans la supposition prévue dans l’article précédent, toutes peines afflictives contre les contrebandiers, prononcées par les ordonnances anciennes et nouvelles, seront abolies : il serait extrêmement inhumain de laisser subsister dans notre Gode pénal une disproportion si barbare entre le délit et la peine. Ils feront régler qu’au cas où, contrairement au vœu universel, les fermiers généraux seraient maintenus, ils ne pourront plus faire exécuter de règlement qui ne soit librement homologué dans les tribunaux supérieurs; qu’il leur sera fait défense de lever aucun droit sous prétexte d’arrêts du conseil non enregistrés, de lettres-circulaires adressées par eux à leurs receveurs particuliers ; étant justifié que par de semblables manœuvres, toujours clandestines, ils ont forcé considérablement la recette à leur profit seul dans cette province ; en cas de contestation, la difficulté doit être portée aux bailliages, et de là aux tribunaux souverains, où elles seront jugées sans appel ultérieur. Ils insisteront pour que la connaissance de toutes matières fiscales soient ôtées aux commissaires départis et attribuées aux Etats provinciaux. Les approvisionnements militaires, de quelque nature qu’ils puissent être, ne doivent être faits à l’avenir que sous la direction et l’inspection des Etats provinciaux, qui dirigeront eux-mêmes, ou leurs commissaires, tous les traités et veilleront à leur exécution ; ces corps nationaux devant y apporter une économie inconnue jusqu’à présent et faire cesser les monopoles, malversations et déprédations scandaleuses des entrepreneurs et munitionnaires nommés ci-devant par les agents de l’autorité. Ils demanderont la suppression des banalités de fours, pressoirs et moulins , mais néanmoins avec les égards dus aux propriétés, en sorte que les usines sujettes à banalité ne puissent être détruites que du consentement des propriétaires ; qu’il soit fait défenses à tous particuliers d’en construire d’autres dans l’enclave des banalités, mais que seulement les baniers soient affranchis de l’obligation d’aller en tel et tel lieu en particulier, la concurrence devant procurer au public un meilleur service. Les entraves mises au commerce et à l’industrie doivent être détruites ; l’impôt odieux connu sous le nom d 'industrie supprimé, comme tendant à détruire ce que le gouvernement devrait favoriser par tous moyens, les jurandes abolies, ainsi que les privilèges exclusifs, de quelle nature qu’ils puissent être, la concurrence devant produire l’émulation , les richesses ou la faculté d’acquitter les droits de jurandes ne prouvant nullement le talent de ceux qui veulent y être 14 210 [Etats gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Bar-le-Duc. admis ; le commerce et les arts ne pouvant fleurir qu’à l’aide de la plus grande liberté. Les députés concevront facilement que l’une des plus graves erreurs que l’on puisse commettre en administration est de tolérer la sortie du numéraire, sans rien recevoir eu échange qui indemnise de cette perte ; ils s’attacheront en conséquence à faire régler qu’à l’avenir les résignations seront valablement faites entre les mains des ordinaires, auxquels seuls, et dans tous les cas, il sera nécessaire de s’adresser pour obtenir des dispenses ; ils feront prononcer la suppression des annates et de tous droits à payer a la cour de Rome, quelles dénominations ils puissent avoir. Une des plus grandes sources de la misère des campagnes, étant l’extrême population des capitales et le défaut de circulation du numéraire, ils s’attacheront à faire ordonner que les évêques, les gouverneurs, et généralement tous ceux qui occupent de grandes places dans les provinces seront tenus d’y résider au moins neuf mois par année. La loi qui le réglera ainsi prononcera des peines sévères contre les délinquants; l’ordre sera si clairement prononcé qu’il ne restera aucun prétexte pour l’éluder. Cette disposition procurera aux provinces l’avantage inappréciable de consommer dans leur sein une grande partie de leurs revenus territoriaux. L’esprit de lumière et de patriotisme qui anime le haut clergé et dont il a donné dans les derniers troubles des exemples si mémorables, est un garant sûr qu’il ne s’opposera point à la résidence des évêques dans leurs diocèses ; ils savent assez que cette résidence est établie par une foule de lois civiques et canoniques ; mais c’est à leur zèle vraiment pastoral que l’on aime à s’adresser, et ce zèle en aurait plus d’occasion de s’épancher dans leur diocèse, pour le bien spirituel et temporel de l’humanité : on l’a vu dans tous les temps, et surtout dans ce désastreux hiver. C’est à la résidence, au moins en partie, que l’on doit ces exemples de charité si dignes de leur ministère, si capables de raffermir la religion, et qui ont conservé chaque jour à l’Etat des milliers d’infortunés. Les députés demanderont que, conformément aux canons, un ecclésiastique ne puisse posséder deux bénéfices à la fois, à peine d’être poursuivi par le ministère public, pour être forcé d’opter; les revenus perçus indûment devant être applicables aux pauvres, à moins que lesdits bénéfices réunis ne forment une somme au-dessous de douze cents livres. Us demanderont que les abbayes en commende ne soient plus à l’avenir conférées à des titulaires ; mais que les revenus qui en dépendent soient perçus par les provinces dans l’enclave desquelles elles sont situées, et qu’ils servent à l’acquittement de leurs charges. Ils insisteront pour que les bénéfices de chaque province ne soient plus à l’avenir conférés qu’à des habitants des diocèses où ils sont situés, et les cures surtout à des prêtres séculiers. Ils aviseront au moyen d’établir dans les campagnes un nombre suffisant d’ecclésiastiques pour desservir les paroisses. Us chercheront à améliorer le sort du clergé de second ordre. Us demanderont que les domaines du Souverain soient déclarés inaliénables, qu’ils ne soient plus laissés à bail, ni en régie générale, mais que les Etats provinciaux députent un ou deux commissaires, dans chaque bailliage, pour les laisser à bail en détail pour neuf années, et que le prix des baux soit versé dans la caisse des Etats, qui les feront passer directement, et sans frais, au trésor royal. Si l’exécution de cet article ne pouvait avoir lieu, les députés insisteront formellement pour que le prix provenant de la vente des domaines en Lorraine ne soit employé qu’à l’acquittement de partie de la portion de la dette publique mise à la charge de la province. Us demanderont néanmoins, dans tous les cas, la vente des usines domaniales dont le rapport n’est nullement proportionné aux frais d’entretien, mais il excepteront les forges de cette disposition. Si on leur proposait de retirer les domaines ou d’augmenter les cens qui en sont le prix, nos députés feraient valoir les raisons qui rendent cette opération injuste et ruineuse pour la province ; elle apporterait le trouble dans un grand nombre de familles, et donnerait atteinte à des propriétés acquises , surtout à la noblesse, par une longue prescription, par des services généreux rendus à la patrie, et confirmés par des lois librement vérifiées par les cours. L’ordre du tiers aime à donner à la noblesse ce témoignage de son attachement, pour le convaincre qu’il n’aura jamais d’autre intérêt que l’intérêt général, et dans la ferme persuasion que l’ordre de la noblesse n’est composé que de citoyens animés du même esprit. Si le respect pour le droit de propriété a porté l’assemblée à charger ses députés de s’opposer à ce que les anciens propriétaires ou censitaires de biens domaniaux fussent inquiétés, elle est loin d’adopter la même mesure pour les déprédateurs qui récemment les ont audacieusement envahis à titre d’échange ou d’acquisition. Les députés réclameront contre ces envahissements; ils apporteront surtout les plus grands efforts pour que les échanges du comté de Sancerre soient vérifiés avec un très-grand soin et qu’il soit incessamment prononcé par une commission nommée par les Etats généraux sur la réclamation particulière de la ville de Saint-Mihiel sur cet échange. Pour donner à l’antique noblesse l’honneur, l’appui et l’amour de la province, un témoignage encore plus caractérisé de son estime, le tiers charge formellement ses députés de solliciter avec instance la suppression actuelle des charges qui donnent la noblesse, et de faire statuer qu’à l’avenir elle ne pourra être que le prix des services éclatants rendus à la patrie. Les députés insisteront pour que les lois portant création d’officiers municipaux soient abolies, le droit d’élection rendu aux villes; les officiers ne pourront rester en place plus de trois ans, à moins qu’ils ne soient appelés par le vœu de leurs concitoyens exprimé à la fin des trois années, dans une nouvelle élection ; les lieutenants de police seuls, à raison de l’importance de leurs fonctions et de la difficulté de se familiariser avec les détails, seront en fonctions pendant six ans et recevront un traitement pécuniaire; il en sera de même à l’égard des receveurs et des greffiers pour le traitement, mais non par rapport au temps de leur exercice. Les officiers actuellement pourvus en finance demeureront en exercice jusqu’à leur mort, temps auquel il sera procédé à la liquidation do leur office dont la finance sera remboursée à leurs héritiers. Ces commissions seront déclarées charges publiques et nul citoyen, de quel ordre qu’il soit, ne pourra se refuser à l’honorable choix de ses concitoyens; ce choix ne pourra avoir lieu [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Bar-le-Duc.] 211 que dans la classe des plus notables habitants des villes. - On s’occupera dans les Etats provinciaux à dresser un code de police court et clair ; tous les cas y seront prévus d’une manière précise ; la connaissance exclusive en sera attribuée aux officiers municipaux et de police, qui jugeront sans appel des contestations. Ces officiers rendront annuellement un compte public de leur gestion, appuyé de pièces justificatives, à six notables habitants choisis à la pluralité des voix dans une assemblée générale et sans la participation desquels ils ne pourront arrêter de dépenses considérables ni entreprendre d’affaires importantes. L’agriculture étant la source principale, peut-être même unique de la prospérité du royaume, il importe infiniment à l’administration de la soutenir et de l’encourager, surtout à ces malheureuses époques où le luxe qui ne devrait être qu’un accessoire est devenu l’objet principal et enlève à la terre beaucoup plus qu’il ne lui rend. Telle est notre situation actuelle, tout retentit en France, et surtout en Lorraine, de la décadence de l’agriculture ; on n’entend parler dans les tribunaux que de fermiers ruinés, renouvelés fréquemment et sans aucun avantage pour les propriétaires ; le mal est ancien, il presse, il a ses redoublements, mais il n'est pas sans remède. Sans prétendre les indiquer tous, les députés demanderont seulement que les laboureurs soient soulagés d’abord d’une partie de leurs impositions proportionnelle au surcroît qui résultera de l’abolition des privilèges pécuniaires; que cette classe soit honorée ; que les terres soient affranchies autant que possibledu fardeau des droits domaniaux et seigneuriaux, sans néanmoins attenter aux droits de propriété ; ils demanderont une exportation raisonnée, l’encouragement aux prairies artificielles, des facilités pour la réunion des parties d’héritages ; que l’ouverture des chasses soit reculée jusqu’au 1er septembre; la construction de nouvelles routes et de chemins vicinaux, la réforme des abus qui naissent du droit de châ-trerie ; tels sont les ressorts qui remonteraient l’agriculture et sur lesquels toutes les voix ont semblé se réunir. Les Etats provinciaux donneront à ces moyens tout le développement et l’exécution dont ils sont susceptibles ; ils seront chargés d’examiner si le partage des communes, l’abolition du parcours réciproque sont nuisibles ou avantageux en général , et quelles seraient en les adoptant les modifications locales à y apporter ; ces corps regarderont comme un de leurs devoirs principaux, d’encourager l’agriculture, par tous les moyens qui seront en leur pouvoir. Les députés solliciteront l’exécution des ordonnances rendues au sujet des colombiers. L’ordre du tiers espère que les propriétaires de fiefs aimeront à donner les premiers l’exemple du respect pour les propriétés générales en diminuant le nombre des pigeons et en les tenant enfermés pendant le temps des semailles et des récoltes. Les députés sentiront que le commerce est, après l’agriculture, l’objet le plus digne de la considération des Etats généraux; il s’occuperont donc à le faire fleurir, à le débarrasser des entraves intérieures et extérieures de tous genres, qui le retardent et le font languir. Pour simplifier chaque branche d’administration et en ôter toute entrave, on doit établir dans chaque bailliage une caisse pour y verser les revenus patrimoniaux des villes et villages situés dans l’arrondissement, et qui serviront à acquitter leurs charges. Les Etats provinciaux fixeront la dépense annuelle à faire par chaque communauté; d’après cette fixation le receveur sera autorisé à payer sans être obligé de solliciter des autorisations de trois mois en trois mois, pour des traités déjà agréés, comme cela se pratique à présent ; ce qui occasionne une infinité de démarches dispendieuses et beaucoup de retard. Ces revenus actuels acquittés, s’il reste quelque chose en caisse, le fonds sera placé sous la direction des Etats provinciaux et prêté, à un taux modique, à des cultivateurs peu aisés qui donneront des sûretés, ou bien employé à des achats de grains qui préviendront le haut prix dans les temps de disette, et feront cesser les monopoles qui sont la ruffip des peuples. Les bénéfices résultant de ce placement de capitaux, appartiendront de droit aux communautés. Les députés sont invités à s’occuper de l’exécution de ce projet, qui pourrait rendre une nouvelle vie à l’agriculture et aux arts, en faisant cesser l’usure, et mettant en circulation dans la province un grand numéraire; ils sont chargés expressément de travailler à rappeler incessamment dans la caisse respective de chaque bailliage les fonds versés par les différentes communautés dans la caisse des domaines. Les Etats généraux travailleront à la réforme des mœurs; ils concevront que le moyen le plu3 sûr d’y parvenir est de mieux diriger l’éducation publique; ils s’occuperont à en dresser un cours détaillé dans lequel la morale sera plus étendue que de coutume, mieux dirigée vers l’amour général des hommes et de la patrie, la simplicité des mœurs et l’économie domestique; on y fera même entrer quelques grands intérêts de la nation; enfin, qu’à l’exemple des anciens, le gouvernement fasse de l’éducation un des principaux objets de sa sollicitude; que les Etats généraux proposent des distinctions honorables et une statue publique pour l’auteur du meilleur traité en ce genre. Ils s’occuperont aussi à mieux régler les études de droit; ils demanderont que personne ne puisse être reçu avocat dans un Parlement, qu’aupara-vant il n’ait fréquenté assidûment et pendant deux années les écoles : dans la première on y enseignera le droit romain ; dans la seconde, le droit français et coutumier. Nul candidat ne sera admis qu’après avoir été examiné publiquement en présence de deux commissaires des premiers tribunaux des lieux où sont établies les universités; la résidence sera de rigueur, et le temps des vacances pendant toute l’annéene pourra être plus long que de deux mois. Les députés demanderont l’exécution des anciens canons au sujet de la discipline ecclésiastique; ils exprimeront d’une manière énergique la nécessité de rappeler les clercs à une vie exemplaire. Ils feront prononcer la suppression des enrôlement forcés delà milice, cet impôt d’hommes caractérisant d’une manière énergique la servitude civile et politique, étant d’ailleurs un des plus grands fléaux de l’agriculture et la source d’une multitude d’abus, de vexations, de malversations dans tous les genres. Quand les Etats généraux s’occuperont de la réforme du militaire, les députés auront soin de prendre en considération qu’il ne faut rien sacrifier à un vain éclat qui indispose les puissances voisines , mais qu’il faut s’attacher à donner à ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 212 [Étais géo. 1789. Cahiers ] [Bailliage de Bar-Ie-Due.] l’Etat une grande consistance; ils sentiront qu’un militaire peu nombreux, mais patriote et bien composé, dans lequel l’honneur, plus que l’argent, sera le prix des services, rendra toujours la France la première puissance de l’Europe, et qu’une armée trop considérable n’est propre qu’à donner l’éveil à l’ennemi, à effrayer la liberté, et tenir les peuples sous le joug du despotisme. Les députés, après avoir obtenu la confirmation des capitulations et des privilèges des provinces en général, s’occuperont de la Lorraine en particulier; en conséquence, ils insisteront à ce que, conformément au traité de Vienne, la province de Lorraine et Barrois fasse toujours un gouvernement séparé ; ils s’opposeront avec force à la désunion d’aucune des parties qui la composent, et à l’incorporation de cette province ou de ses parties aux provinces voisines. Ils voteront contre le reculement des barrières et feront statuer qu’à l’avenir comme d’ancienneté, la province de Lorraine et Barrois doit être réputée province étrangère; ils conserveront soigneusement ce privilège comme étant un des plus précieux à la province, et ne perdront jamais de vue que les gens les plus sages, les commerçants les plus éclairés, les membres de son administration provinciale en général, les meilleurs citoyens de la province , n’ont envisagé le reculement des barrières que comme une opération désastreuse, destructive de son commerce et de toute industrie; mais ils affranchiront le commerce intérieur des entraves résultant de la foraine, cet impôt étant à peu près arbitraire, d’un faible rapport, d’une perception gênante, difficile et coûteuse; l’impôt mis sur les cuirs ; la chute des tanneries, qui en a été la suite immédiate, n’a que trop appris à la province combien elle devait craindre le tarif ; ils demanderont la suppression des droits mis sur les fers, papiers et cartons. Ils demanderont la conservation de nos coutumes, de notre législation particulière et de nos usages en matière ecclésiastique, la réforme des abus qui ont pu se glisser dans l’administration de la justice civile; l’abrégement des formes, la diminution des frais, notamment des opérations tutélaires. Us examineront s’il ne serait pas expédient d’empêcher qu’à l’avenir les juges ne puissent régler eux-mêmes leurs vacations, et s’il ne devrait pas leur être attribué un traitement fixe et annuel. Ils solliciteront la réforme du Gode criminel, ils demanderont qu’il soit accordé un conseil aux accusés, que ceux-ci soient affranchis de l’obligation de prêter serment devant les juges, la suppression indéfinie de la question, l’établissement d’un code pénal qui gradue exactement les crimes et les peines dans une juste proportion, l’établissement de nouvelles lois qui n’avilissent pas la nature humaine comme les anciennes, et qui fassent disparaître les distinctions humiliantes et odieuses de peines qui existaient entre les différentes classes de citoyens. Ils demanderont la suppression de l’impôt de 3 livres par muid, établi au profit de la ville de Metz par arrêt du conseil du 11 juillet 1758, sur les vins de Lorraine qui entrent sur le territoire de la ville de Metz, le pays messin et la terre de Porze, et tous droits perçus sur les mêmes vins passant dans le Verdunois, les productions réciproques des Evêchés et de la Lorraine, comme celles de toutes les provinces réputées étrangères, devant être mutuellement affranchies de droits, au profit les unes des autres, et devant rester entre elles sur le pied d’une égalité parfaite. Ils demanderont la suppression des jurés-pri-seurs vendeurs de meubles , mais ils feront prononcer le remboursement prompt et effectif des finances, ce qui pourrait s’opérer sans mettre de nouvelles charges sur le peuple, d’après le projet suivant que l’on soumet aux lumières des députés. Les choses remises sur l’ancien pied, les nouveaux droits introduits en faveur de ces officiers supprimés, on pourrait sans inconvénient porter jusqu’à six ou huit deniers pour livre l’impôt de quatre deniers mis sur les ventes de meubles ; les quatre deniers serviraient à acquitter la rente du fonds que la province serait forcée d’emprunter pour le remboursement de ces finances, et l’excédant à amortir; cette augmentation d’impôt ne paraît pas devoir rencontrer de contradicteurs, car il est très-sûr que les frais de vente seraient plutôt diminués qu’augmentés; l’opération projetée aurait le double avantage de produire l’extinction d’un impôt envisagé jusqu’ici comme perpétuel, et d'opérer la suppression qui est unanimement désirée, et qui a déjà été prononcée par une loi que le Parlement de Paris a refusé d’enregistrer par rapport à l’incertitude du remboursement des titulaires. Les députés s’occuperont aussi des moyens de remédier aux abus de l’administration et de l’aménagement des forêts; ceux qui se présentent d’abord sont d’augmenter le salaire des gardes et de les rendre responsables des délits. De faire cesser la petite chasse, qui ouvre une multitude de tranchées dans les forets. D’établir une proportion plus exacte entre les peines et les délits, proportion qu’ont fait disparaître l’augmentation du numéraire et le haut prix du bois. La nécessité d’enjoindre aux officiers des maîtrises de prononcer les amendes à la rigueur, au procureur du roi de poursuivre les délinquants solvables ou non, et de mettre à exécution les peines prononcées, à peine d’en répondre personnellement. Pour la facilité de l’exécution de cette disposition, ils ne seraient plus obligés de recourir à l’avenir aux juges des tribunaux étrangers pour obtenir pareaiis, le visa seul du maire devant leur suffire. La réforme du règlement général de 1707, des lois subséquentes et de l’aménagement qui y est prescrit, les coupes ne devant plus se faire à l’avenir qu’en jardinant, c’est-à-dire en coupant par arpent seulement les arbres les plus viciés qui nuisent à l’accroissement des autres. Enfin, les députés sont invités à examiner s’il ne serait pas possible d’ôter aux officiers de maîtrise l’intérêt que le régime actuel auquel ils sont soumis les met dans le cas de prendre à des coupes peu conformes aux ordonnances, qui, en augmentant les ventes , augmentent aussi leur honoraire, et si l’on ne parviendrait pas à la plus grande perfection de l’ordre, en leur faisant trouver leur intérêt pécuniaire, ainsi que leur plus grande considération personnelle, au meilleur entretien des forêts ; mais dans cet objet d’administration, comme dans tous les autres, il leur est enjoint très -expressément d’apporter les plus grands égards à la conservation du droit de propriété des officiers; ils concevront que l’existence d’un corps d’administrateurs en finance, par là même intéressés à la chose, est nécessaire pour la conservation des forêts ; qu’il est important que ces administrateurs soient honorés du titre et des fonctions de magistrats, qui les forcent à avoir une plus grande rigidité de principes ; qu’ils sont [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Bar-le-Due.J 213 d’ailleurs plus à même que personne de remplir ces fonctions relatives au détail et aux différentes localités d’une administration qui est leur état principal. Enfin, si à l’ordre actuel on doit en substituer un autre et soumettre les officiers de maîtrise à un nouveau régime, les députés examineront avec le plus grand soin s’ils ne seraient pas exposés à voir diminuer leurs honoraires ordinaires, auquel cas il sera pourvu par un traitement pécuniaire annuel à une indemnité juste et exactement proportionnelle à leur perte. Quel que soit le régime qu’on adopte pour l’administration et l’aménagement des forêts, ils solliciteront avec la plus vive instance pour que les délivrances annuelles des affouages des communautés ne soient plus marquées par les officiers des maîtrises, attendu que cette opération très-dispendieuse est sans utilité, puisque les coupes sont séparées par des tranchées. Les députés demanderont que les Etats généraux chargent les Etats provinciaux d’examiner soigneusement s’il ne serait pas expédient de réduire le nombre des usines à feu pour diminuer le prix du bois. Ils solliciteront une loi qui ordonne que les chasses domaniales soient laissées à prix d’argent et à vie, à charge néanmoins que le prix provenant de cette laisse à bail sera versé dans la caisse de la province et employé à l’acquittement de ses charges. Après s’être livrés à l’examen de ces grands objets, lès représentants du tiers ordre pensent qu’un petit retour sur eux-mêmes ne leur est pas interdit; ils invitent donc les députés, au casque les Etats généraux s’occupent de changement dans les arrondissements ou l’ordre des juridictions, de faire observer qu’il n’est point ou peu de villes en Lorraine qui aient droit plus que Briey à conserver une juridiction dans son sein; que sa position topographique, l’étendue de son siège, le grand nombre de communautés qui y sont attachées, leur population qui se porte à 25,000 âmes, tout se réunit pour assurer à la ville ce droit précieux dont la suppression causerait un préjudice notable aux justiciables, qui ne pourraient aller réclamer ou soutenir à grands frais, et à des distances trop grandes du lieu de leur établissement, et qui souffrent depuis longtemps de la privation d’une administration locale. Si les députés pensent que les grands objets d’administration et de finance qui doivent occuper les Etats généraux ne leur permettent pas de se livrer en détail à la réforme des abus que l’on vient d’indiquer, ils sont chargés de demander une nouvelle assemblée de la nation d’ici à deux ans, dans l’intervalle de laquelle le Roi nommera des commissions particulières et relatives à chaque objet de réforme, composées de citoyens les plus notables des trois ordres qui seront appelés à cet honorable choix par l’opinion publique, lesquels feront leur, rapport à rassemblée qui y statuera ; les Etats provinciaux étant incessamment en activité, porteront à l’assemblée le vœu particulier de la province pour le perfectionnement de l’ordre intérieur dans toutes les parties, et pour les grands objets de l’administration publique; c’est la voie même que le tiers ordre se réserve de prendre pour occuper les Etats généraux d’objets dont le temps et les circonstances n’ont pas permis le développement. Le tiers s’en rapporte à l’âme et à la conscience des députés pour tout ce qui n’est point prévu aux instructions contenues ci-dessus ; il n’entend limiter les pouvoirs qu’en ce qui est formellement exprimé. 11 serait à désirer que chacun des bailliages qui se réuniront à Bar, donnât pouvoir à ses représentants de réunir tous les cahiers particuliers en un seul, pour donner plus d’ensemble, de force et d’énergie aux réclamations de la province ; mais il est à craindre que cette idée de bien public ne soit contrariée par des vues d’intérêt particulier; en tout cas, s’il est possible que ce projet ait son exécution, les députés y adhéreront pour le Tiers du bailliage et en son nom. Les Etats généraux s’occuperont à réformer les abus qu’ils auront rencontré dans les lettres de convocation, leur forme, leur adresse, les différentes assemblées graduelles; ils s’efforceront d’organiser ces assemblées nationales d’une manière convenable à la majesté de la nation et dans une forme propre à inspirer la confiance publique. Ils feront valoir les réclamations du tiers contre la forme vicieuse de convocation adoptée pour la Lorraine, mais notamment pour le Barrois mouvant et non mouvant; ils exprimeront son vœu en cas qu’une convocation à peu près pareille serait jamais adoptée, pour que tous les bailliages formant le Barrois non mouvant se réunissent à Saint-Mihiel et non à Bar; en général ils s’opposeront par tous les moyens à la désunion des duchés formant la province, cette désunion ne pouvant qu’être funeste à tous deux, et profitable à aucun. 11 semble que l’on devrait adopter la forme de convocation et de députation qui contribuerait le plus à exprimer le vœu uniforme de la province assemblée en Etats, en laissant néanmoins à tous les individus qui la composent une influence raisonnable sur les suffrages et la rédaction des cahiers. Les députés du bailliage se tiendront unis avec les autres députés de la province, et chercheront, autant que possible à ne former que des vœux communs, et dès lors plus faciles à être admis par la combinaison et la réunion des efforts particuliers. Il leur est défendu d’entretenir avec les ministres et les agents de l’autorité d’autres relations que celles nécessitées par les circonstances et le traitement des affaires soumises à leur décision. La justice, la raison prescrivent également qu’aux Etats généraux on opine par ordres réunis, et que les voix se comptent par tête, et les députés y insisteront formellement. Néanmoins, si, contrairement à ce vœu, il venait à être réglé qu’on opinera par ordre, et que les voix ne se comptent que par tête, il. leur est enjoint de faire statuer que le concours unanime des trois ordres est nécessaire pour faire une délibération, en sorte que aucun des trois ordres ne puisse lier les autres que de leur consentement. Les députés auront sans cesse devant les yeux que le vrai, le seul moyen d’opérer le bien, est l’union entre les ordres. Ils s’occuperont en conséquence à la faire régner; ils emploieront, pour procurer ce bien si désirable, tous les moyens compatibles avec la dignité de l’ordre qu’iïs ont l’honneur de représenter. Ils s’opposeront, et cela leur est ordonné expressément, aux formes avilissantes qui ont distingué le Tiers dans les Etats généraux précédents. Il leur est ordonné enfin de se concerter avec les députés des autres bailliages de cet arrondissement qui se réuniront à Bar, pour que les dé- 214 [Etais gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Bar-le-Duc.] putés aux Etats généraux soient répartis entre chaque canton, dans un nombre proportionné, autant que possible, avec l’exacte population, de manière qu’aucune ville n’obtienne une représentation exclusive, et par cela même dangereuse, sans gêner en rien la liberté des suffrages. CAHIER De la noblesse du bailliage d’ Etain (1). L’assemblée de l’ordre de la noblesse de la ville et bailliage d’Etain, réunie aux termes de la convocation donnée à Versailles le 24 janvier dernier, donne, par le présent acte, à son député, ses pouvoirs généraux pour les représenter aux Etats, et y proposer, remontrer, aviser et consentir tout ce qui peut concerner les besoins de l’Etat, la réforme des abus, l’établissement d’un ordre fixe dans toutes les parties du gouvernement, la prospérité générale du royaume et le bonheur tant commun que particulier de tous les citoyens. L’opinion et le désir de l’assemblée étant que la nation parvienne à jouir d’une constitution juste et solide, qui fixe d’une manière précise et assure à jamais tant les droits respectables du trône que les droits essentiels du peuple, elle donne mandat spécial à son député de réunir tous les efforts de son zèle pour atteindre avant tout à ce grand objet ; elle lui enjoint très-expressément, sous peine d’être désavoué par elle et déchu du pouvoir qu’elle lui donne de ne point délibérer sur les impôts ni de concourir à l’octroi des subsides avant que préalablement la constitution n’ait été réglée, consentie, sanctionnée et solidement établie sur des bases inébranlables. L’assemblée déclarant que c’est le seul prix digne, aux yeux de la nation, des sacrifices qu’elle a déjà faits, qu’elle se dispose à faire encore pour le soulagement de l’Etat. Elle établit pour les premières bases de la constitution, que la loi ne puisse être que l’énonciation delà volonté générale des citoyens exprimée par leurs représentants et sanctionnée par le prince revêtu de toute la puissance exécutrice. Que sous le prince, dont la personne est à jamais sacrée, les ministres de l’exécution des lois dans chaque partie soient tenus de répondre de leur conduite à la nation. Que nulle force ne puisse jamais anéantir l’ordre établi pour la législation et pour la punition des violateurs. Elle recommande à son député de ne jamais perdre de vue ces premières bases, et de se conduire sqns cesse par les quatre maximes suivantes, qui doivent rester fondamentales dans la constitution : 1° Que la France est une monarchie, le roi étant le chef de la nation et l’autorité souveraine résidente en sa personne sans partage, mais toujours subordonnée aux lois fondamentales et constitutionnelles de la monarchie qui doivent sans cesse la diriger. 2° Que le pouvoir législatif appartient à la nation, dont les ordonnances et règlements ne peuvent avoir force de loi qu’après avoir reçu la sanction royale; que la puissance exécutrice appartient au roi, à qui la nation confie le dépôt de la force publique, pour le maintien et l’exécution des lois, pour Ja défendre contre ses ennemis et pour protéger les propriétés individuelles de tous les citoyens. 3° Que la nation française est libre et franche, (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de V Empire. l’autorité souveraine ne pouvant s’exercer en matière d’impôt que par le consentement libre de la nation et avec le secours de ses délibérations et de son conseil en matière de législation, ce qui ne fait que régler et non diminuer l’usage légitime du pouvoir souverain. 4° Que chaque citoyen français est personnellement libre et franc sous la protection du roi et la sauvegarde des lois; en sorte que toute atteinte portée, soit à la liberté individuelle, soit à la stabilité des propriétés, autrement que par l’application des lois et par l’intervention des tribunaux ordinaires, est illicite et inconstitutionnelle. Conformément à ces maximes, elle charge son député d’insister fortement pour que les points suivants �soient érigés en lois fondamentales, préalablement à toutes autres délibérations, et à demander en conséquence : 1° Que les membres des Etats généraux soient reconnus et déclarés personnes inviolables, qu’ils jouissent d’une entière sûreté pour leurs personnes , d’une pleine liberté de suffrages , et que dans aucun cas ils ne puissent répondre de ce qu’ils auront fait, proposé ou dit dans les Etats généraux, si ce n’est aux Etats généraux eux-mêmes. 2° Que la liberté personnelle, individuelle de tous les citoyens soit déclarée inviolable et mise à l’abri des atteintes auxquelles elle est exposée par l’usage arbitraire des lettres de cachet qui doit être absolument proscrit, en sorte que nul Français ne puisse être en tout ou en partie privé de laliberté, par lettres closes, lettres d’exil, lettres de cachet ou autres espèces d’ordres arbitraires, ni autrement que par ordonnance de son juge compétent , ou à la charge que le citoyen arrêté sera remis entre les mains cle son. juge, à l’instant même, et que dans tous les cas il sera interrogé dans les vingt-quatre heures, et élargi avec ou sans caution, s’il n’est pas notablement soupçonné d’un crime punissable de peine corporelle. Qu’il soit défendu à toutes autres personnes que celles prêtant main forte à justice , soit officier , soldat , exempt , porteurs d’ordre ou autres d’attenter à la liberté d’aucun citoyen, en vertu de quelque ordre que ce puisse être, sous peine de punition corporelle telle qu’elle sera ordonnée par une loi émanée des Etats généraux. Que toute personne qui aurait sollicité ou signé tout ordre semblable ou favorisé son exécution, puisse être prise à partie par-devant les juges ordinaires, non-seulement pour y être condamnée à des dommages et intérêts, mais encore pour y être punie corporellement, suivant qu’il en sera décidé par les Etats généraux. Que tout citoyen ait la liberté de vivre où il veut, d’aller, venir, demeurer où il lui plaît, soit dedans ou dehors du royaume et sans qu’il lui soit besoin de permission, passeport, certificats et autres formalités tendantes à gêner la liberté des citoyens. 3° Gomme la liberté de publier ses opinions fait partie de la liberté individuelle, puisque l’homme ne peut être libre quand sa pensée est esclave, nous chargeons notre député de demander que la liberté âe la presse soit autorisée, avec les modifications nécessaires pour garantir l’ordre public et l’honneur des particuliers, et qu’elle ne dégénère pas en licence-scandaleuse ; qu’en conséquence la censure soit supprimée, à la charge par l’imprimeur d’apposer son nom à tous les ouvrages, et de répondre personnellement lui et l’auteur de tout ce que ses écrits pourraient contenir 214 [Etais gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Bar-le-Duc.] putés aux Etats généraux soient répartis entre chaque canton, dans un nombre proportionné, autant que possible, avec l’exacte population, de manière qu’aucune ville n’obtienne une représentation exclusive, et par cela même dangereuse, sans gêner en rien la liberté des suffrages. CAHIER De la noblesse du bailliage d’ Etain (1). L’assemblée de l’ordre de la noblesse de la ville et bailliage d’Etain, réunie aux termes de la convocation donnée à Versailles le 24 janvier dernier, donne, par le présent acte, à son député, ses pouvoirs généraux pour les représenter aux Etats, et y proposer, remontrer, aviser et consentir tout ce qui peut concerner les besoins de l’Etat, la réforme des abus, l’établissement d’un ordre fixe dans toutes les parties du gouvernement, la prospérité générale du royaume et le bonheur tant commun que particulier de tous les citoyens. L’opinion et le désir de l’assemblée étant que la nation parvienne à jouir d’une constitution juste et solide, qui fixe d’une manière précise et assure à jamais tant les droits respectables du trône que les droits essentiels du peuple, elle donne mandat spécial à son député de réunir tous les efforts de son zèle pour atteindre avant tout à ce grand objet ; elle lui enjoint très-expressément, sous peine d’être désavoué par elle et déchu du pouvoir qu’elle lui donne de ne point délibérer sur les impôts ni de concourir à l’octroi des subsides avant que préalablement la constitution n’ait été réglée, consentie, sanctionnée et solidement établie sur des bases inébranlables. L’assemblée déclarant que c’est le seul prix digne, aux yeux de la nation, des sacrifices qu’elle a déjà faits, qu’elle se dispose à faire encore pour le soulagement de l’Etat. Elle établit pour les premières bases de la constitution, que la loi ne puisse être que l’énonciation delà volonté générale des citoyens exprimée par leurs représentants et sanctionnée par le prince revêtu de toute la puissance exécutrice. Que sous le prince, dont la personne est à jamais sacrée, les ministres de l’exécution des lois dans chaque partie soient tenus de répondre de leur conduite à la nation. Que nulle force ne puisse jamais anéantir l’ordre établi pour la législation et pour la punition des violateurs. Elle recommande à son député de ne jamais perdre de vue ces premières bases, et de se conduire sqns cesse par les quatre maximes suivantes, qui doivent rester fondamentales dans la constitution : 1° Que la France est une monarchie, le roi étant le chef de la nation et l’autorité souveraine résidente en sa personne sans partage, mais toujours subordonnée aux lois fondamentales et constitutionnelles de la monarchie qui doivent sans cesse la diriger. 2° Que le pouvoir législatif appartient à la nation, dont les ordonnances et règlements ne peuvent avoir force de loi qu’après avoir reçu la sanction royale; que la puissance exécutrice appartient au roi, à qui la nation confie le dépôt de la force publique, pour le maintien et l’exécution des lois, pour Ja défendre contre ses ennemis et pour protéger les propriétés individuelles de tous les citoyens. 3° Que la nation française est libre et franche, (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de V Empire. l’autorité souveraine ne pouvant s’exercer en matière d’impôt que par le consentement libre de la nation et avec le secours de ses délibérations et de son conseil en matière de législation, ce qui ne fait que régler et non diminuer l’usage légitime du pouvoir souverain. 4° Que chaque citoyen français est personnellement libre et franc sous la protection du roi et la sauvegarde des lois; en sorte que toute atteinte portée, soit à la liberté individuelle, soit à la stabilité des propriétés, autrement que par l’application des lois et par l’intervention des tribunaux ordinaires, est illicite et inconstitutionnelle. Conformément à ces maximes, elle charge son député d’insister fortement pour que les points suivants �soient érigés en lois fondamentales, préalablement à toutes autres délibérations, et à demander en conséquence : 1° Que les membres des Etats généraux soient reconnus et déclarés personnes inviolables, qu’ils jouissent d’une entière sûreté pour leurs personnes , d’une pleine liberté de suffrages , et que dans aucun cas ils ne puissent répondre de ce qu’ils auront fait, proposé ou dit dans les Etats généraux, si ce n’est aux Etats généraux eux-mêmes. 2° Que la liberté personnelle, individuelle de tous les citoyens soit déclarée inviolable et mise à l’abri des atteintes auxquelles elle est exposée par l’usage arbitraire des lettres de cachet qui doit être absolument proscrit, en sorte que nul Français ne puisse être en tout ou en partie privé de laliberté, par lettres closes, lettres d’exil, lettres de cachet ou autres espèces d’ordres arbitraires, ni autrement que par ordonnance de son juge compétent , ou à la charge que le citoyen arrêté sera remis entre les mains cle son. juge, à l’instant même, et que dans tous les cas il sera interrogé dans les vingt-quatre heures, et élargi avec ou sans caution, s’il n’est pas notablement soupçonné d’un crime punissable de peine corporelle. Qu’il soit défendu à toutes autres personnes que celles prêtant main forte à justice , soit officier , soldat , exempt , porteurs d’ordre ou autres d’attenter à la liberté d’aucun citoyen, en vertu de quelque ordre que ce puisse être, sous peine de punition corporelle telle qu’elle sera ordonnée par une loi émanée des Etats généraux. Que toute personne qui aurait sollicité ou signé tout ordre semblable ou favorisé son exécution, puisse être prise à partie par-devant les juges ordinaires, non-seulement pour y être condamnée à des dommages et intérêts, mais encore pour y être punie corporellement, suivant qu’il en sera décidé par les Etats généraux. Que tout citoyen ait la liberté de vivre où il veut, d’aller, venir, demeurer où il lui plaît, soit dedans ou dehors du royaume et sans qu’il lui soit besoin de permission, passeport, certificats et autres formalités tendantes à gêner la liberté des citoyens. 3° Gomme la liberté de publier ses opinions fait partie de la liberté individuelle, puisque l’homme ne peut être libre quand sa pensée est esclave, nous chargeons notre député de demander que la liberté âe la presse soit autorisée, avec les modifications nécessaires pour garantir l’ordre public et l’honneur des particuliers, et qu’elle ne dégénère pas en licence-scandaleuse ; qu’en conséquence la censure soit supprimée, à la charge par l’imprimeur d’apposer son nom à tous les ouvrages, et de répondre personnellement lui et l’auteur de tout ce que ses écrits pourraient contenir [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Bar-Je-Duc.] Qjg de contraire à la religion, à l’ordre général, à l’honnêteté publique , aux bonnes mœurs et à l’honneur des citoyens, et d’en être punis exemplairement. 4° Que toutes lettres confiées à la poste et écrits de confiance soient déclarés sacrés et inviolables, et qu’il soit défendu sous les peines les plus sévères, à tous directeurs ou commis des bureaux de poste, d’ouvrir les lettres qui leur seront confiées, à peine d’être poursuivis extraordinairement par les procureurs généraux qui seront chargés expressément d’y tenir la main, en un mol qu’on prenne tous les moyens et toutes les précautions possibles pour empêcher et prévenir cet abus sacrilège dont on se plaint depuis si longtemps. 5° Que le retour périodique et régulier des Etats généraux devienne le régime permanent de l’administration du royaume; que le retour de leur assemblée successive soit fixé à deux ou trois ans au plus tard, sans préjudice aux cas urgents qui exigeraient une assemblée extraordinaire, et spécialement que l’époque de la seconde tenue qui devra suivre les Etats de 1789, soit déterminée de façon que les Etats soient censés convoqués de droit à cette époque, sans qu’il soit besoin d’une convocation ultérieure , ou, ce qui vaudrait peut-être encore mieux, qu’il soit passé en loi constitutive et fondamentale que les Etats généraux soient permanents et qu’ils s’assemblent tous les ans dans un lieu, à une époque déterminée et pour un temps fixe, comme serait deux mois, après lequel temps écoulé, ils se prorogeraient à la même époque de l’année suivante. 6° Que la fonction essentielle et constitutive des Etats généraux soit déclarée consentie dans les choses suivantes: Exposer les abus sans nombre qui se sont introduits dans l’administration, seul sens raisonnable qu’on puisse donner aux remontrances et doléances qui leur sont demandées; Délibérer, arrêter et rédiger les projets de loi, et les présenter au Roi, en le suppliant très-respectueusement de leur donner la sanction nécessaire, et voilà ce que les lettres de convocation entendent par le mot proposer ; Délibérer sur les contributions qui sont demandées par le Roi, ce que les lettres expriment par le mot aviser ; Accorder les contributions qui seront jugées nécessaires dans la forme la plus avantageuse pour l’intérêt public et seulement pour un temps fixé et déterminé, et après avoir constaté la nécessité des différentes natures de dépenses, ce que signifie dans les lettres le mot consentir ; Qu’ainsi, d’un côté la législation qui ne peut jamais être autre chose quel’expression delà volonté générale de la nation, mais qui n’acquiert sa perfection et son complément que par l'adhésion de la volonté royale, que d’un autre côté la concession libre des contributions publiques, soient formellement reconnues et déclarées former les deux éminentes fonctions qui appartiennent essentiellement à l’assemblée nationale, et qui ne peuvent appartenir qu’à elle seule. 7° Qu’il soit statué dans la forme la plus solennelle, par un acte permanent et authentique, que la nation soit en droit de s’imposer, accorder ou refuser les subsides, d’en régler l’étendue, Remploi, l’assiette, la répartition, la durée, d’ouvrir des emprunts et que toute autre manière d’imposer ou d’emprunter est illégale, inconstitutionnelle et de nul effet, et le temps fixé pour la durée de l’impôt étant écoulé, les Etats particuliers soient autorisés à s’opposer à leur perception, et leurs cours souveraines à poursuivre comme concussionnaires tous ceux qui voudraient en continuer la levée et même ceux qui les auraient pavés volontairement poursuivis comme infracteurs des droits, franchises et liberté de la nation. 8° Qu’il soit également statué qu’à l’avenir non-seulement aucune loi bursale, mais encore aucun e loi essentielle et permanente ne soit établie qu’au sein des Etats généraux et par le concours mutuel de l’autorité royale et du consentement de la nation; que ces lois, pendant la tenue même de l’Assemblée nationale, soient envoyées au Parlement de Paris, les pairs y séant, et à tous les autres parlements du royaume pour y être publiées et inscrites sur leurs registres et placées sous la garde de ces cours souveraines, lesquelles ne pourront se permettre d’y faire aucune modification, mais qui continueront comme ci-devant à être chargées des ordonnances du royaume, du maintien de la constitution et des droits nationaux ; qu’il soit encore statué que les règlements particuliers, les simples lois d’administration et de police, autres que les lois générales et permanentes ou les lois bursales, seront, pendant l’absence des Etats généraux, provisoirement adressées à l’enregistrement libre et à la vérification des cours, mais qu’elles n’auront de force que jusqu’à la tenue de l’Assemblée nationale, où elles auront besoin de ratification pour continuer d’être obligatoires. Qu’il soit statué qu’aucune loi ne puisse être établie dans aucune autre forme que celle d’une proposition faite au Roi par les Etats généraux et d’une déclaration faite par le Roi qu’il agrée et sanctionne cette proposition. 9° Que tous ceux qui sont chargés en chef d’une partie de l’administration quelconque, soient responsables à la nation de la violation des lois et des prévarications ou fautes qu’ils auraient commises ; qu’à cet effet ils soient poursuivis devant les tribunaux, qui seront désignés par les Etats généraux et punis des peines qui seront établies pour chaque contravention ; en un mot, que tout ministre qui aurait dissipé, mal à propos, les deniers qui lui auraient été confiés, qui les aurait détournés à d’autres usages qu’à celui pour le-uel ils auraient été assignés, qui aurait tenté e faire des changements arbitraires soit dans la constitution ou dans les lois, soit dans la durée et perception des impôts, ou qui aurait donné des conseils tendant à établir une autorité arbitraire, soit cité par-devant les Etats généraux pour y rendre compte de sa conduite, et son procès lui être fait, instruit et suivi en Rassemblée desdits Etats, en la forme qu’ils jugeront à propos de prescrire et suivant les lois à faire à cet égard. 10°Que les Etats généraux s’attachent le plus promptement qu’il sera possible à détruire les causes de division entre les ordres, et après que les ordresprivilégiés auront prononcé solennellement leur renonciation à tous privilèges en matière d’impôt et de contributions pécuniaires, que E Assemblée nationale donne la reconnaissance des prérogatives de rang, d’honneur et de dignité qui doivent appartenir particulièrement à l’ordre de la noblesse et qui sont analogues aux principes de la constitution monarchique, et qu’elle soit confirmative de l’exemption de logement de troupes, de débit de villes çt de toutes corvées et prestations personnelles, ainsi qu’elle en a toujours joui. Qu’il soit statué en même temps que les droits de fiefs qui intéressent également les possesseurs de la commune et ceux des deux premiers ordres sont des propriétés sacrées auxquelles il n’est pas 216 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Bar-le-Duc.] permis de donner atteinte, et qu’elles sont placées sous la sauvegarde de la loi, de même que toutes les autres propriétés. Que les droits seigneuriaux ou autres, payables en argent ou en nature, ne peuvent être attaqués, et qu’à l’égard de ceux qui frapperaient sur les personnes ou seraient jugés nuisibles à la chose publique ; fondés eu titre, ils ne peuvent cesser qu’en les remboursant aux seigneurs sur le pied d’une estimation proportionnée. Qu’aucune autorité qui ne serait pas fondée sur la loi constitutionnelle ne puisse enlever même au plus faible des citoyens, sa propriété mobilière ou immobilière, si ce n’est pour les services abso-lumentnécessaires à l’Etat, et jugés tels,àlacharge d’estimer dans ce cas, au plus haut prix, et de payer comptant au propriétaire la chose dont il faudra qu’il se prive. 11° Que le pouvoir judiciaire qui estunebranche de la puissance exécutrice et que le Roi fait exercer en son nom par les Parlements ou cours supérieures , ne puisse jamais être réuni sur la même tête avec la puissance exécutrice, ce qui changerait la monarchie en despotisme, mais qu’il soit maintenu dans toute l’étendue de l’autorité qui lui est propre, que les officiers qui l’exercent soient conservés dans tous leurs droits contre les actes quelconques de l’autorité arbitraire et qu’ils n’aientà répondre en corps de leur conduite qu’aux Etats généraux seuls. Que les arrêts des Parlements, tant au civil qu’au criminel, soient irréfragables et sans appel, sauf néanmoins la partie qui se croirait lésée à demander la révision du procès devant toutes les chambres assemblées. Qu’aucune évocation illégale, aucun établissement de commission extraordinaire, aucun acte du pouvoir absolu, ne puisse jamais suspendre ni détourner le cours de la justice ordinaire et réglée. Que l’usage abusif des commissions, des évocations, soit entièrement aboli, à moins qu’elles ne soient demandées par toutes les parties intéressées dans l’affaire à juger ; mais en même temps, pour assurer aux tribunaux le maintien de la considération qui leur est due, et à la nation toute l’utilité qu’elle en doit retirer, qu’il soit pourvu efficacement à la réforme des abus relatifs à l’exercice delajustice tant civile que criminelle, et qu’il soit établi une ligne de démarcation certaine qui prévienne la confusion, si funeste à la chose publique, des objets d’administration et de ceux qui sont du ressort de la juridiction. Que les tribunaux supérieurs chargés de l’exécution des lois, en conservent le dépôt, sans pouvoir le soumettre à aucune interprétation arbitraire, ni s’écarter d’aucune de leurs dispositions. Que les Etats généraux s’occupent des moyens les plus propres à rendre la composition des tribunaux la meilleure qu’il soit possible, et la plus digne de la confiance de la nation. 12° Que du sein des Etats généraux il sorte une constitution d’Etats particuliers en chaque province, dont l’établissement soit sanctionné et l’organisation approuvée parles Etats généraux, qui, comme autant de ramifications de l’assemblée nationale, participant à son autorité, en étendront l’influence sur toute la surface du royaume, et seront chargés de tous les détails de l’administration intérieure en chaque territoire, de la police générale de leur province, de l’administration des forêts, biens et fonds des communautés, des confection, entretien , réparations des grandes routes, des ponts et édifices publics, de la maréchaussée, de la milice nationale, de tout ce qui est relatif à l’économie politique, à la culture, aux arts, aux manufactures, au commerce, aux communications, à la salubrité, la subsistance, la dépense locale, l’éducation publique, l’amélioration et la prospérité de chaque province, en un mot de toutes les parties d’administration confiées jusqu’à présent au commissaire départi, sans que dans aucun cas lesdits Etats provinciaux puissent accorder aucun impôt, faire pour leur province aucune convention, stipulation, octroi et concession quelconque de subsides, ni consentir aucune loi générale et permanente, ce qui est réservé aux seuls Etats généraux. Qu’ils soient cependant autorisés et même chargés de rappeler les principes de la constitution et des droits nationaux, par des remontrances au Roi, et des dénonciations à la nation, toutes les fois qu’ils jugeront que ces droits sont attaqués ou qu’ils sont en danger ou seulement menacés, Qu’ils soient pareillement autorisés à établir des commissions intermédiaires revêtues d’une partie de leur pouvoir, pour les suppléer pendant l’intervalle de leurs assemblées, qui seront annuelles et à temps fixé avec des procureurs-syndics généraux chargés spécialement de veiller aux intérêts de leurs concitoyens et de transmettre aux compagnies souveraines, pour y être enregistrées, les lois locales et momentanées de police et d’administration intérieure promulguées dans les intervalles des séances de l’Assemblée nationale, après que les Etats provinciaux auront vérifié qu’elles ne contiennent rien de contraire aux privilèges et droits de leur province, lesquelles lois cependant auront besoin d’être ratifiées par les Etats généraux dans leur prochaine tenue, pour continuer à être obligatoires. 13° Qu’on établisse dans chaque province des assemblées secondaires ou de district qui seront subordonnées aux Etats de la province, et qui seront chargées de leur donner toutes les connaissances qui pourront intéresser leur ressort. Par cette division de travail les besoins de chaque partie des provinces seraient mieux connus, les affaires mieux suivies ; et les Etats provinciaux, mieux éclairés par le travail des assemblées secondaires et mieux instruits des localités différentes, pourront décider avec plus de connaissance et de certitude. Notre député fera valoir spécialement et dans toute leur force les droits particuliers de la Lorraine au rétablissement de ses Etats provinciaux qui n’ont été que suspendus et non anéantis ; rétablissement fondé sur sa constitution primitive, sur ses chartes conservatrices, sur la promesse récente du Roi; rétablissement qui doit avoir lieu pour elle indépendamment de ce qui pourrait être décidé pour les autres provinces, qui n’ont jamais eu d’Etats; rétablissement qui sera fait suivant une organisation nouvelle plus analogue aux circonstances actuelles, plus convenable à ses différentes localités, plus propre à faire le bien particulier de la Province, en se rapprochant le plus qu’il sera possible du régime d’administration générale, qui sera jugé par l’Assein-blée nationale plus convenable au bien de tout le royaume. Notre député, en demandant le rétablissement de nos Etats particuliers, insistera pour qu’il n’y ait qu’un seul corps d’Etat pour la province de Lorraine et de Bar, une désunion ne pouvant être que très-funeste aux deux duchés dont les territoires sont entremêlés l’un dans l’autre, qui, aux termes du traité de cession, ne doivent jamais être séparés mais former toujours un gouverne- [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Bar-le-Duc.] 217 ment dont il ne doit rien être démembré, attendu que l’établissement de deux Etats particuliers pour une même province, en diminuant ses forces, ne feraient que doubler la dépense. Que du moins le Barrois non mouvant ne soit jamais séparé des Etats particuliers de Lorraine, pour être réuni à ceux de Bar, en cas que cette ville en obtienne. L’assemblée convaincue de la loyauté des intentions du Roi, de la sincérité de ses promesses et du patriotisme du ministère actuel, n’aurait rien à ajouter à cette partie des pouvoirs de son député, si l’instabilité des événements n’obligeait pas la nation à affermir les bases de sa constitution contre les vicissitudes possibles d’un avenir moins heureux pour elle. Cette prévoyance nécessaire est le seul motif qui la porte à recommander de nouveau à son député de ne s’occuper de l’octroi des subsides qu’après le règlement de la constitution, tel qu’il sera réglé par les Etats généraux , aura été préalablement délibéré, accordé et sanctionné, à peine d’être désavoué et déchu de ses pouvoirs. Cet objet lui tient tellement à cœur, que c’est le seul sur lequel elle entend limiter ses pouvoirs. En ce qui concerne les impôts, l’assemblée charge son député : 1° De proposer aux Etats généraux, lorsqu’ils s’occuperont des subsides, que tous les impôts actuels, tant ceux qui sont en régie que ceux qui sont affermés ou compris dans les fermes générales, soient annulés et révoqués pour être remplacés par des impôts nouveaux ou du moins par une concession nouvelle de ceux qu’ils auront trouvé bon de conserver, afin qu’il ne subsiste plus désormais un seul impôfqui n’ait son origine dans la concession libre des prochains Etats, et qui n’ait reçu cette limitation qui sera incorporée à son établissement, de n’être octroyé que pour un temps fixe et déterminé. 2° De proposer qu’il soit statué et déclaré par les Etats, qu’à l’avenir la nation ne reconnaîtra aucun impôt comme légalement établi et ne se réputera garante et prenable d’aucun emprunt, lorsque n’ayant point été accordé par elle en l’assemblée des Etats généraux, il ne serait revêtu que d’un simple enregistrement dans les cours, déclaration concordante avec celle de la magistrature, qui mettra pour jamais la nation et la magistrature à l’abri des enregistrements forcés, des révolutions désastreuses dont le refus d’enregistrer a été l’occasion, et qui consolidera la constitution en annulant d’avance le seul supplément par lequel on pourrait penser à remplacer un jour les Etats généraux. 3° L’opinion et le désir de l’assemblée sont que la constitution ayant été solidement fixée, les Etats généraux s’occupent ensuite de rétablir l’ordre et l’économie dans lesfinances, de reconnaître exactement l’étendue des besoins réels de l'Etat, celle de la dette publique et de régler sur ces connaissances les sacrifices patriotiques que la dignité du trône, le maintien de la foi publique et la nécessité du service dans les divers départements pourront imposer au zèle de la nation. L’assemblée croit ne devoir prescrire à son député aucun plan fixe d’opération et de délibération sur cet objet de sa mission, parce que sa conduite en cette partie est nécessairement dépendante des ouvertures qui lui seront faites de la part du gouvernement et des lumières qu’il acquerra par les renseignements communiqués aux Etats, par son travail personnel et par ses conférences avec les autres députés. Elle désire cependant que la vérification des besoins et de la dette publique soit faite par l’examen détaillé de chaque espèce de besoin et de dette, afin de connaître sur chaque objet la source des abus, et d’y apporter le remède en même temps que le secours. 4° Elle désirerait que les impôts à octroyer puissent être distingués en deux classes bien âé-terminées par leur dénomination, savoir : en subsides ordinaires affectés à l’acquit des dépenses fixes, annuelles et permanentes, dans lesquelles seraient comprises les perpétuelles, et en subsides extraordinaires et à temps, affectés à l’extinction des dettes remboursables à époques fixes et au payement des rentes viagères; elle désire que ces" deux sortes d’impôts ne soient accordés que jusqu’à concurrence de ce qui sera jugé, par la nation assemblée, être nécessaire : 1° pour l’acquittement des rentes viagères, arrérages et amortissement successifs de la dette publique ; 2° pour le service annuel de chaque département dont les dépenses seront fixées par la nation avec une sage économie, et auquel ensuite une portion de la contribution publique serait précisément assignée, comme par exemple telle portion au département de la guerre, telle autre portion au département de la marine, ainsi des autres. Elle désire qu’il soit statué que les ministres de ces différents départements seront responsables des sommes qui y auront été affectées et tenus d’en rendre compte aux Etats généraux, qui nommeront des commissaires chargés de veiller à ce qu’elles soient employées suivant leur destination. Elle désire qu’il soit établi une banque nationale, dont les administrateurs choisis par les Etats généraux seront comptables à eux seuls; que l’excédant de l’impôt non employé aux différents départements d’après les états qui en auront été vérifiés et arrêtés, soient versés dans cette banque ; qu’elle soit de même le dépôt des fonds affectés à l’extinction des dettes remboursables à époques fixes et au payement des rentes viagères. Que le Roi soit supplié de rendre public, chaque année par la voie de l’impression, le tableau ou compte général et détaillé des finances, recettes et dépenses de l’année, de même que la liste des dons, gratifications et pensions, offices et places accordées chaque année, les noms des personnes qui les auront obtenus, avec l’énonciation des motifs qui les leur ont fait accorder. 5° Notre député demandera, en outre, que dans le payement de la dette nationale la province de Lorraine soit extrêmement ménagée, puisque sa dette particulière a été acquittée par elle-même, lors de sa réunion à la monarchie, et que la dette actuelle de la France à pris son commencement et son plus fort accroissement avant cette réunion. 11 fera encore observer que le solde la Lorraine est très-difficile à cultiver, qu’il demande une plus grande quantité de bêtes de labour ; que d’ailleurs cette province étant sur la frontière du royaume, exposée par cette position à porter le poids des guerres, non-seulement par le transport des convois, mais encore par les routes qu’elle est forcée d’entretenir pour les communications faciles de ces convois; sa quote-part dans la dette publique doit être mise dans une juste balance, en considérant surtout que les grandes charges de la France, comme les grandes gabelles, sont antérieures à la réunion des deux duchés à la monarchie. 6° En ce qui concerne encore les subsides 218 [États gén. 1789. Cahiers. 1 ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Bar-Ie-Duc. extraordinaires et à temps, qui doivent être affectés à l'extinction de la dette publique, rassemblée désirerait qu’il fût possible de libérer, dès à présent, le trésor royal de cette espèce de charge, afin que l’impôt envers l’Etat se trouvant réduit à la somme constatée de ses besoins fixes et ordinaires, et l’Etat n’ayant plus à pourvoir qu à cette espèce de dépense, il s’établisse à l’instant même un ordre clair , simple , indestructible, qui serait la sauvegarde la plus assurée contre le renouvellement du désordre. 7° L’assemblée pense que le régime du subside borné au taux des charges ordinaires, du subside à temps, du subside qui ne puisse être prorogé ni augmenté que par une assemblée d’Etats généraux, oblige de prévoir les besoins inopinés d’une guerre qui surviendrait dans l’intervalle d’une tenue d’Etats à l’autre ; elle désirerait encore qu’il y fut pourvu par le moyen le plus simple et le plus expéditif. Ce moyen pourrait être de statuer que dans le cas de guerre, la masse des impôts octroyés pour le service ordinaire serait augmentée d’un ou. deux sols pour livre, sous la dénomination de crue de guerre, tant pour faire face aux intérêts d’un emprunt, non à rentes viagères, mais à époques fixes de remboursement, qu’à un excédant annuel applicable à l’extinction de l’emprunt. Exemple : Supposons un impôt ordinaire de 400 millions ; supposons pour les premiers frais d’une guerre imprévue un besoin de 160 millions : la crue de guerre d’un sol pour livre, sur les 400 millions, produirait, par an, 20 millions tant pour l’intérêt de l’emprunt de 160 millions, que pour l’excédant annuel imputable au remboursement du capital. Gomme il n’arrive que trop souvent que les princes, conduits par des vues de gloire et d’ambition, entreprennent légèrement des guerres ruineuses pour leurs sujets, lesquelles guerres n’ont d’autre objet que leur intérêt particulier et non celui de l’Etat, qu’ils sacrifient à leur ambition, au désir de s’agrandir et de faire des conquêtes, l'assemblée désirerait qu’il fut statué comme loi fondamentale qu’à l’avenir le Roi ne pourrait entreprendre de guerre offensive qu’après en avoir délibéré avec les Etats généraux, leur en avoir exposé les motifs et reçu leur consentement, étant contre toute justice qu’une nation s’épuise d’hommes et d’argent et s’expose à toutes les horreurs de la guerre, uniquement pour satisfaire l’ambition d’un prince avide de gloire et de conquêtes. Au surplus, l’assemblée déclare que, manifestant ses vues et ses opinions, elle n’entend pas les proposer à son député, comme un plan fixe, mais comme de simples instructions, qu’il pourra communiquer aux Etats, pour n’être prises en considération qu’autant qu’elles ne se trouveraient pas écartées par des vues préférables. PÉTITIONS. Examinons ensuite quelques objets particuliers, dont il est important que les Etats généraux s’occupent. L’assemblée a autorisé son député à demander : 1° Qu’il soit pris tous les moyens possibles, pour garantir les citoyens des terribles effets de l’obéissance aveugle et illimitée de la part du militaire; qu’il soit déclaré et statué que le serment que prêtent les militaires est véritablement et dans le fait prêté à la nation dans la personne de son chef qui est le Roi : que ce serment n’exige pas d’eux une obéissance aveugle et purement passive, capable de les porter à des choses injustes et contraires aux lois de l’Etat , mais qui ne les oblige véritablement que lorsqu’il s’agit du maintien des lois, des intérêts de la nation et de la défendre contre ses ennemis, ne devant jamais oublier qu’ils sont citoyens avant d’être soldats, et que si la nation leur met les armes à la main, ils n’en doivent faire usage que pour la protéger et la défendre et jamais pour l’asservir et la soumettre au pouvoir arbitraire, ce qui serait un crime de lèse-patrie. 2° De demander l’abolition de la gabelle et de l’impôt sur le sel, impôt si nuisible qu’on ne saurait jamais trop se hâter de le proscrire pour toujours. 3° De demanderpour jamais que la foraine et tout droit de transit d’une province de France à l’autre soient abolis. Get impôt vexateur n’a d’autre effet que de mettre des entraves au commerce, sans grossir le trésor de l’Etat, puisque la multiplicité des employés à la perception en absorbe presque le produit. 4° Demander en outre la suppression de tout huissier priseur, institution qui, n’a eu pour objet que d’obtenir de modiques finances, et dont le véritable effet est d’opérer la ruine des malheureux habitants des campagnes, qui avant cet établissement, voyaient faire à très-peu de frais, par des préposés de communautés, ce qui aujourd’hui leur coûte une partie des successions qu’ils recueillent. 5° Que toutes les entraves fiscales qui retardent les progrès de l’agriculture, qui dégoûtent certaines classes de citoyens de l’exploitation des terres et qui nuisent à la facilité des contrats translatifs de propriété, tels que les droits de sceau, de tabellionage, centième denier, etc., etc., soient anéantis. 6° Que toutes les gênes de même nature qui arrêtent l’essor du commerce et la prospérité des manufactures, soient abolies, et qu’il soit pourvu surtout à l’abus des arrêts de surséance devenus arbitraires. 7° Qu’en octroyant les nouveaux impôts, il n’en soit établi ni conservé aucuns qui marquent une différence d’ordre pour la contribution, et que l’égalité proportionnelle de répartition soit ordonnée entre tous les citoyens indistinctement, mais qu’il soit fait un vote particulier pour la noblesse, sans qu’il puisse jamais être question d’abonnement, en faveur de province et de particulier. 8° Qu’il soit pourvu à une meilleure administration des forêts, qui dépérissent sensiblement sous le régime actuel, de sorte que si on n’ y apporte un prompt remède, on manquera bientôt de cet objet de première nécessité dont la pénurie se fait sentir tous les jours de plus en plus. Les dévastations et les aboutissements qui s’y font, en détruiront immanquablement l’espèce; ies peines des délits qui s’y commettent sont trop légères, eu égard au prix actuel des bois, tant de mesurage que de chauffage : elles ont été fixées dans un temps où les bois étaient de petite valeur, elle est au moins quadruplée aujourd’hui, ce qui fait l’appât des malfaiteurs. On ne peut se dispenser de les proportionner à la valeur réelle, avec défenses aux juges, tant de première instance que d’appel, de les modérer sous quelque prétexte que ce soit. Qu’il soit également pourvu à l’encouragement tant des plantations que de la découverte et de l’exploitation des mines de charbon de terre, afin de prévenir la disette totale de la première espèce de combustibles et de rendre pour la seconde la nation indépendante de l’étranger. [Etats gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Bar-le-Duc.] 219 9° Que la chambre ardente, ce tribunal dont les jugements sont sans appel et où le fermier général et son agent sont parties et juges, soit supprimée, et que les délits qui y sont jugés sur les principes d'un code aussi odieux que tyrannique, soient renvoyés aux tribunaux ordinaires. 10° Que les tribunaux d’exception, d’attribution, etc., etc., soient également supprimés et toutes les affaires qui y étaient portées soient renvoyées à la justice ordinaire. 11° Que la procédure civile soit aussi simple qu’il sera possible et ne retienne des formes que ce qu’il en faut pour assurera chacun la conservation de ses droits. Que tous les offices inutiles ou surabondants pour l’administration de la justice soient supprimés, que la simplicité et la clarté des lois civiles préviennent cette multitude de procès qui est un des plus grands fléaux de la société. 12° Que la vie et l’honneur des citoyens soient placés sous la sauvegarde des lois, tellement que les attentats des méchants et les exccès des dépositaires de l’autorité qui se rendraient coupables de voies de fait ou de calomnies graves ne puissent demeurer impunis. 13° Que la vie et l’honneur des citoyens soient garantis de l’erreur ou de l'injustice des jugements : 1° Par un code pénal aussi doux, aussi précis qu’il soit possible et qui concilie enfin les droits de l’humanité avec ceux de la justice; 2° par une composition de tribunaux tels que les juges soient éclairés et non suspects, sans que l’autorité puisse jamais dans aucun cas donner des juges de son choix, établir aucune commission, ni influer en rien dans les jugements; 3° par une forme de procéder telle, que le crime ne puisse que très-rarement se cacher, et que l’innocence puisse toujours se faire connaître; 4° en donnent à l’accusé un conseil à son choix, en rendant l’instruction de la procédure publique, et en proportionnant les peines au délit ; demander en conséquence la réforme totale du Gode criminel établi sur ces principes, et qui, comme en Angleterre, introduise parmi nous le jugement par jurés, qui est le véritable moyen de défendre l’innocence et la liberté contre l’arbitraire de tous les jugements à la fois. 14° Que les députés aux Etats généraux ne soient élus que pour trois ans, au bout desquels une nouvelle convocation fasse procéder la nation à de nouveaux représentants, avec la liberté aux électeurs d’élire de nouveau parmi les membres qui composaient les Etats généraux précédents ceux qu’ils jugeront à propos de conserver; que la nomination aux Etats généraux ne soit jamais faite par aucuns électeurs que ceux qui auront été choisis à chaque fois par tous les citoyens. Que les représentants aux Etats généraux de quelque province ou de quelque ordre qu’ils soient, soient déclarés être les représentants de la nation entière, sans qu’ils puissent jamais être regardés comme députés d’une province, d’un canton ou d’un ordre, ni comme porteurs d’aucun intérêt particulier, mais seulement de l’intérêt général et public. 15° Que les délibérations des Etats généraux se fassent, autant qu’il sera possible, par la totalité des représentants, de quelque ordre ils soient, réunis en assemblée générale; que si ce vœu patriotique ne peut pas encore s’accomplir, les trois ordres, dans le cas où ils ne parviendraient pas à s’accorder dans des délibérations prises séparément, ils se réunissent au moins alors pour former une résolution définitive ; qu’en matière d’impôt, les députés de tous les ordres aux Etats généraux ne délibèrent que les trois ordres réunis et par tête ; qu’il en soit usé de même pour l’audition des comptes des différents départements, des administrateurs de la banque et autres, et pour l'instruction des procès faits par-devant les Etats généraux, mais que dans tout ce qui regarde les intérêts et les droits particuliers de chaque ordre, on ne délibère que par ordre. 16° Que les villes soient rétablies dans la libre élection de leurs officiers municipaux et dans la disposition des revenus des communes, qui ne seront plus soumis à l'inspection des commissaires départis, ni à celle des ministres, mais bien à l’inspection des Etats provinciaux. 17° Que tout privilège exclusif destructeur du commerce et de l’industrie soit aboli pour toujours et qu’il n’en soit plus accordé à l’avenir. 18° Que tous offices, charges et commissions, places, appointements, gages, rétributions, pensions inutiles ou excessives soient supprimés ou modérés. 19° Que la confection et l’entretien des grandes routes soient mis à la charge des voyageurs, rou-liers, etc., etc., au moyen d’un léger péage, qui se lèvera sur eux à chacune des barrières qui seront établies à cet effet, ainsi que cela se pratique dans plusieurs Etats voisins, et qu’à ce moyen le peuple soit déchargé de la prestation pécuniaire représentative de la corvée, qui sera abolie. 20° Que le commerce des grains soit déclaré libre, et l’exportation permise de province à province et même chez l’étranger, sans autre limitation que celle qu’exigerait une disette extraordinaire, et pour prévenir ce malheur, qu’il soit établi, sous l’inspection des Etats provinciaux, des magasins publics qui soient toujours bien fournis, et où, dans le cas de disette, le pauvre puisse toujours trouver du blé à un prix juste et raisonnable. 21° Que les lois et les institutions publiques tendent principalement au maintien de la religion, au rétablissement des mœurs, à augmenter l’attachement des citoyens pour leur patrie, à exciter l’émulation des choses honnêtes, à encourager l’agriculture, l’industrie, le commerce et les arts; à supprimer d’un côté la mendicité, et de l’autre tous les moyens d’acquérir subitement une grande fortune et de s’enrichir sans travail ; qu’il soit établi dans tout le royaume des ateliers de charité; qu’il soit formé des établissements de la meilleure éducation nationale, et qu’il soit pourvu à ce que tous les moyens possibles d’insiruction soient répandus dans tout le royaume. 22° Que les Etats généraux ne se séparent pas avant d’avoir rédigé de la manière la plus claire et la plus précise la déclaration des droits de la nation et les lois de sa constitution, pour être publiée et inscrite dans tous les registres publics de tous les tribunaux et lus deux fois par an dans toutes les paroisses du royaume. 23° Que les Etats généraux �établissent aucune commission intermédiaire, mais seulement des bureaux particuliers composés de personnes éclairées qui seront choisies par les Etats seuls, lesquels bureaux seront chargés chacun distinctement, soit d’une partie déterminée des travaux préparatoires que les Etats généraux auront ordonné sur les matières qui n’auront pas pu être réglées dans la première Assemblée nationale, soit du soin de recevoir et recueillir les notes, les observations et les preuves relatives aux diverses violations des lois et décisions nationales, qui 220 [Etats gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Bar-le-Duc.j leur seront fournies par les Etats particuliers des différentes .provinces, ou par leur commission intermédiaire, pour en être fait rapport à la prochaine assemblée des Etats généraux. 24° Qu’il soit permis à la noblesse de l’Etat de faire un commerce en gros, sans déroger, ainsi qu’il est libre aux nobles de le faire en Angleterre. 25° Qu’il est essentiel de demander qu’il ne soit admis dans les élections de l’ordre du tiers, que les personnes supportant toutes une certaine somme d’impositions personnelles ou foncières, afin d’éviter les cabales inséparables de la forme des élections actuelles. L’assemblée déclare que, sur tous les autres objets non exprimés ci-dessus, qui pourraient être proposés ou discutés aux Etats, tant pour l’intérêt de la nation en corps, que pour le bonheur personnel de chacun de ses membres, elle s’en rapporte à ce que son député estimera en son âme et conscience devoir être statué et décidé poulie plus grand bien commun ; elle s’abstient d’insérer dans le présent cahier plusieurs autres objets de détail qui tiennent aux intérêts locaux de la province, tant parce que les Etats généraux ne doivent point être distraits du soin exclusif qu’exigeront les grandes matières relatives à l’état général du royaume, que parce que ces objets particuliers d’administration intérieure seront plus utilement confiés à la sollicitude des Etats provinciaux, dont le rétablissement fera partie de la constitution générale proposée au présent cahier. L’assemblée déclare enfin qu’en consentant de se joindre sur ce point au régime commun d’administration qui sera délibéré par les Etats généraux, sauf les exemptions et le régime particulier qu’exigeront ses localités différentes, elle n’a d’autre intention que celle de lier les intérêts de la province à ceux du reste du royaume, et de faciliter la régénération générale par l’uniformité de principes et de gouvernement ; mais qu’elle réserve formellement tous les droits particuliers de la province dans le cas où, pour quelque raison que ce soit, les Etats généraux se trouveraient hors d’état de remplir les vues importantes qui la déterminent. Un des droits particuliers de la province de Lorraine, celui qui lui est le plus précieux, qui fait sa principale ressource et dont la privation entraînerait infailliblement sa ruine, est celui de pouvoir commercer librement avec l’étranger , droit dont elle a toujours joui sous le gouvernement de ses ducs, qu’elle a exercé constamment depuis qu’elle est réunie à la couronne de France et dans lequel elle a été maintenue par le traité de cession qui stipule la conservation des privilèges des trois ordres : ainsi, dans le cas que les Etats généraux décideraient que les barrières seront portées à la frontière extrême du royaume, l’assemblée enjoint à son député de demander que la Lorraine en soit exceptée; que du moins elle soit exempte du tarif général; que dans aucun cas, elle n’y soit assujettie ; mais que son commerce extérieur et d’entrepôt lui soit conservé, et qu’elle soit maintenue dans le droit qu’elle a, et qu’elle a toujours constamment exercé, de pouvoir commercer librement avec l’étranger. Si les Etats généraux n’approuvaient point la vente des domaines pour l’acquittement de la dette publique, et qu’ils se décidassent à les conserver à la couronne, notre député demandera que les aliénations de domaines faites par les anciens souverains de Lorraine soient déclarées ir-! révocables, vu surtout que ceux qui ont été aliénés par le duc Léopold ont été retirés par le ! duc François, son successeur ; que du moins il fasse tous ses efforts pour qu’il soit lîxé une époque, au delàde laquelle on ne puisse plus rechercher les anciens domaines aliénés ; qu’il réclame vivement contre les envahissements scandaleux des grandes propriétés du domaine, faites depuis peu d’années, notamment contre l’échange du comté de Sancerre dont il demandera que l’examen et la vérification soient faites par les Etats généraux. L’assemblée donne pouvoir à son député de déclarer à l’assemblée des Etats généraux qu’elle donne son consentement à l’abolition de toutes exemptions pécuniaires, en cas qu’elle ait lieu dans tout le reste du royaume et que les impôts que les Etats généraux jugeront à propos d’établir soient répartis également entre tous les citoyens, en proportion de leurs forces et facultés, sans aucune distinction d’ordre, à charge qu’il sera fait un rôle particulier pour la noblesse, laquelle se réserve toutes les prérogatives de rang, d’honneur et de dignité qui lui appartiennent, ainsi que la paisible jouissance de tous les droits féodaux attachés à ses domaines, qui sont des propriétés sacrées auxquelles la justice ne permet pas de donner atteinte et qui sont sous la sauvegarde des lois, comme toutes les autres propriétés, sauf néanmoins que si parmi ces droits il s’en trouvait quelques-uns qui gênent la liberté individuelle et qui frappent sur les personnes, il sera libre de s'en rédimer en les achetant à un prix juste et raisonnable. Ainsi signé des commissaires, de tous les membres présents, du président et du secrétaire. Collationné par le greffier en chef au bailliage royal d’Etain soussigné. Signé BÉGUINET. CAHIER DES PLAINTES ET DOLÉANCES DE L’ORDRE DU CLERGÉ DU BAILLIAGE DU BA3SIGNY, Séant à la Marche , pour présenter aux Etats généraux (1). Dans ces temps heureux, où notre monarque bienfaisant s’occupe essentiellement du bonheur de ses sujets, nous, que des liens sacrés unissent à lui, nous rougirions de nous montrer indifférents dans une cause où l’intérêt particulier doit tout sacrifier à l’intérêt général ; nous connaissons nos droits, ils sontaussi anciens que le trône : et si la religion dont nous sommes les dépositaires et les ministres, l’a établi sur des fondements solides et inébranlables par un concours heureux d’amour et de reconnaissance, le trône doit nous couvrirde ses ailes paternelles, protéger et défendre un corps respectable, en qui il trouve lui-même sa force et son appui. Nous supplions donc très-instamment Sa Majesté de continuer d’accorder sa protection à la religion catholique, apostolique et romaine, et de la détendre de toute son autorité royale, envers et contre tous : principalement contre les écrits éphémères et scandaleux, qui tendent à ternir son éclat et à jeter dans le cœur des fidèles le poison de l’incrédulité et de l’insubordination. Il est du devoir des trois ordres de concourir au bien général, en entrant dans les vues bienfaisantes de Sa Majesté, qui les honore de sa confiance, en les appelant autour delui, pour l’aider à surmonter toutes les difficultés où il se trouve (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l’Empire . 220 [Etats gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Bar-le-Duc.j leur seront fournies par les Etats particuliers des différentes .provinces, ou par leur commission intermédiaire, pour en être fait rapport à la prochaine assemblée des Etats généraux. 24° Qu’il soit permis à la noblesse de l’Etat de faire un commerce en gros, sans déroger, ainsi qu’il est libre aux nobles de le faire en Angleterre. 25° Qu’il est essentiel de demander qu’il ne soit admis dans les élections de l’ordre du tiers, que les personnes supportant toutes une certaine somme d’impositions personnelles ou foncières, afin d’éviter les cabales inséparables de la forme des élections actuelles. L’assemblée déclare que, sur tous les autres objets non exprimés ci-dessus, qui pourraient être proposés ou discutés aux Etats, tant pour l’intérêt de la nation en corps, que pour le bonheur personnel de chacun de ses membres, elle s’en rapporte à ce que son député estimera en son âme et conscience devoir être statué et décidé poulie plus grand bien commun ; elle s’abstient d’insérer dans le présent cahier plusieurs autres objets de détail qui tiennent aux intérêts locaux de la province, tant parce que les Etats généraux ne doivent point être distraits du soin exclusif qu’exigeront les grandes matières relatives à l’état général du royaume, que parce que ces objets particuliers d’administration intérieure seront plus utilement confiés à la sollicitude des Etats provinciaux, dont le rétablissement fera partie de la constitution générale proposée au présent cahier. L’assemblée déclare enfin qu’en consentant de se joindre sur ce point au régime commun d’administration qui sera délibéré par les Etats généraux, sauf les exemptions et le régime particulier qu’exigeront ses localités différentes, elle n’a d’autre intention que celle de lier les intérêts de la province à ceux du reste du royaume, et de faciliter la régénération générale par l’uniformité de principes et de gouvernement ; mais qu’elle réserve formellement tous les droits particuliers de la province dans le cas où, pour quelque raison que ce soit, les Etats généraux se trouveraient hors d’état de remplir les vues importantes qui la déterminent. Un des droits particuliers de la province de Lorraine, celui qui lui est le plus précieux, qui fait sa principale ressource et dont la privation entraînerait infailliblement sa ruine, est celui de pouvoir commercer librement avec l’étranger , droit dont elle a toujours joui sous le gouvernement de ses ducs, qu’elle a exercé constamment depuis qu’elle est réunie à la couronne de France et dans lequel elle a été maintenue par le traité de cession qui stipule la conservation des privilèges des trois ordres : ainsi, dans le cas que les Etats généraux décideraient que les barrières seront portées à la frontière extrême du royaume, l’assemblée enjoint à son député de demander que la Lorraine en soit exceptée; que du moins elle soit exempte du tarif général; que dans aucun cas, elle n’y soit assujettie ; mais que son commerce extérieur et d’entrepôt lui soit conservé, et qu’elle soit maintenue dans le droit qu’elle a, et qu’elle a toujours constamment exercé, de pouvoir commercer librement avec l’étranger. Si les Etats généraux n’approuvaient point la vente des domaines pour l’acquittement de la dette publique, et qu’ils se décidassent à les conserver à la couronne, notre député demandera que les aliénations de domaines faites par les anciens souverains de Lorraine soient déclarées ir-! révocables, vu surtout que ceux qui ont été aliénés par le duc Léopold ont été retirés par le ! duc François, son successeur ; que du moins il fasse tous ses efforts pour qu’il soit lîxé une époque, au delàde laquelle on ne puisse plus rechercher les anciens domaines aliénés ; qu’il réclame vivement contre les envahissements scandaleux des grandes propriétés du domaine, faites depuis peu d’années, notamment contre l’échange du comté de Sancerre dont il demandera que l’examen et la vérification soient faites par les Etats généraux. L’assemblée donne pouvoir à son député de déclarer à l’assemblée des Etats généraux qu’elle donne son consentement à l’abolition de toutes exemptions pécuniaires, en cas qu’elle ait lieu dans tout le reste du royaume et que les impôts que les Etats généraux jugeront à propos d’établir soient répartis également entre tous les citoyens, en proportion de leurs forces et facultés, sans aucune distinction d’ordre, à charge qu’il sera fait un rôle particulier pour la noblesse, laquelle se réserve toutes les prérogatives de rang, d’honneur et de dignité qui lui appartiennent, ainsi que la paisible jouissance de tous les droits féodaux attachés à ses domaines, qui sont des propriétés sacrées auxquelles la justice ne permet pas de donner atteinte et qui sont sous la sauvegarde des lois, comme toutes les autres propriétés, sauf néanmoins que si parmi ces droits il s’en trouvait quelques-uns qui gênent la liberté individuelle et qui frappent sur les personnes, il sera libre de s'en rédimer en les achetant à un prix juste et raisonnable. Ainsi signé des commissaires, de tous les membres présents, du président et du secrétaire. Collationné par le greffier en chef au bailliage royal d’Etain soussigné. Signé BÉGUINET. CAHIER DES PLAINTES ET DOLÉANCES DE L’ORDRE DU CLERGÉ DU BAILLIAGE DU BA3SIGNY, Séant à la Marche , pour présenter aux Etats généraux (1). Dans ces temps heureux, où notre monarque bienfaisant s’occupe essentiellement du bonheur de ses sujets, nous, que des liens sacrés unissent à lui, nous rougirions de nous montrer indifférents dans une cause où l’intérêt particulier doit tout sacrifier à l’intérêt général ; nous connaissons nos droits, ils sontaussi anciens que le trône : et si la religion dont nous sommes les dépositaires et les ministres, l’a établi sur des fondements solides et inébranlables par un concours heureux d’amour et de reconnaissance, le trône doit nous couvrirde ses ailes paternelles, protéger et défendre un corps respectable, en qui il trouve lui-même sa force et son appui. Nous supplions donc très-instamment Sa Majesté de continuer d’accorder sa protection à la religion catholique, apostolique et romaine, et de la détendre de toute son autorité royale, envers et contre tous : principalement contre les écrits éphémères et scandaleux, qui tendent à ternir son éclat et à jeter dans le cœur des fidèles le poison de l’incrédulité et de l’insubordination. Il est du devoir des trois ordres de concourir au bien général, en entrant dans les vues bienfaisantes de Sa Majesté, qui les honore de sa confiance, en les appelant autour delui, pour l’aider à surmonter toutes les difficultés où il se trouve (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l’Empire . 221 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Bar-le-Duc.] relativement à ses finances, à réformer les abus, enfin à établir uu ordre fixe et durable dans toutes les. parties de l’administration, pour la prospérité générale du royaume et le bien de tous et un chacun de ses sujets. Le clergé du bailliage du Bassigny, s’unissant de zèle et de sentiment au corps entier du clergé du royaume, a résolu et statué les articles qui suivent, pour être mis sous les yeux de Sa Majesté, et y faire le droit que sa justice y avisera : CHAPITRE PREMIER. Objet des finances. 1° Dans le malheur présent où la dette nationale devient la nôtre, nous consentons à payer proportionnellement à nos fortunes, et tel est le vœu / généralement de tout l’ordre, qui ne désire rien tant que de contribuer aux charges de l’Etat d’une manière qui lui soit propre, et en conformité des deux autres ordres. 2° Jusqu’à présent nous n’avons pas porté la charge la moins pesante des impositions publiques, sous le nom modifié de don gratuit, impôt consenti, mais qui n’avait été établi que pour un temps, toute pesante qu’était cette imposition réelle, surtout au clergé du second ordre, par le défaut de contribution personnelle de la part des prélats et tous ceux que l’on se permet d’appeler haut clergé-, nous l’avons supportée sans nous plaindre et sans rappeler à Sa Majesté l’époque de son abolition. Puisque tant d’efforts aujourd’hui paraissent impuissants, nous imaginons que le moyen le plus efficace de soulager le second ordre du clergé, serait d’établir une répartition plus juste, plus apparente et mieux proportionnée aux facultés de chaque contribuable. 3° On s’est écrié avec violence dans le temps contre l’imposition territoriale ; néanmoins nous estimons qu’elle était selon Injustice et l’équité, et que ceux qui sont personnels et égoïstes n’ont pu lui prêter des idées nuisibles et désastreuses, que par cela seul que cette nouvelle imposition leur était onéreuse. En conséquence, nous consentons à substituer aux impositions actuelles du clergé l’impôt territorial en argent, dont aucune espèce de propriété domaniale, féodale, ecclésiastique, même de l’ordre de Malte et autre, ne pourra être exempte. 4° Supplions humblement Sa Majesté, dans la nouvelle administration qu’elle se propose d’établir, d’observer que le clergé de France dans différents besoins a contracté des dettes auxquelles celui du Bassigny n’a point participé ; et dès que nous avons satisfait dans tous les temps de nos propres fonds au désir de Sa Majesté, nous espérons de sa justice que nous ne serons point compris dans l’ordre du clergé de France pour l’acquit de ses dettes anciennes. 5° Pour vouloir remédier aux maux de l’Etat, ce n’est pas assez de proposer des moyens, il faut en fournir : nous avons dans les campagnes beaucoup de curés mal rétribués; personne n’ignore que la plupart sont à portion congrue ; d’ailleurs il y a beaucoup de villages sans curé et même sans prêtre résidant, à raison de la dureté de certains gros décimateurs, qui exposent les ministres à une indigence personnelle, à être témoins de la misère de leur peuple, et qui, dans ces scènes affligeantes, n’ont que des larmes impuissantes à leur offrir : encore si le malheureux reuclait justice aux sentiments de son pasteur ! mais non : dans son abandon, il l’accuse souvent de dureté et d’avarice. Qu’il serait à désirer qu’on pût remédier à tant de maux ! Qu’il nous soit permis de l’indiquer, ce remède. Sans vouloir altérer la piété de nos fondateurs, il nous semble le trouver dans ces riches abbayes en commende, dans ces grands prieurés si multipliés, dont le revenu suffit au luxe d’un seul, lorsque, dispensé avec économie et sagesse, il fournirait abondamment aux pasteurs peu rétribués et à la classe nombreuse des malheureux. Et si l’on nous demande ce que l’on doit faire du superflu, on répondrait : Où pourrait-il mieux être employé qu’à établir des hôpitaux et fournir par ce moyen un asile et des secours à l’humanité souffrante! Et pour parvenir à ces faits, ne serait-il pas à propos de fixer la portion congrue des curés à quinze cents livres, pour les campagnes, et à une somme proportionnelle pour les curés de ville? Cette somme mettrait les uns et les autres dans le cas de subsister avec décence; alors les pasteurs pourraient décharger leurs ouailles d’un casuel qui les gêne, et' les familles honnêtes ne craindraient plus de dévouer leurs enfants aux fonctions du saint ministère. La fixation de la portion congrue des curés à quinze cents livres serait-elle une démarche injuste, eux qui, principalement dans ces temps de révolutions pourraient réclamer la dîme en général, comme leur ancien patrimoine ? Estimons, en outre, que les prébendes des chapitres séculiers, même nobles, retournent à leur première institution et qu’elles deviennent la retraite des curés émérites. Depuis longtemps on regarde comme très-important que toutes les cures de patronage ecclésiastique soient données au mérite par la voie du concours diocésain, sous le suffrage d’examinateurs nommés par les doyens ruraux, qui eux-mêmes seraient élus par les curés de leurs arrondissements. Demandons que, désormais, aucune suppression d’ordre religieux ne puisse se faire sans le consentement de la nation, ni celle d’aucun chapitre séculier sans le consentement des Etats provinciaux sous lesquels ils ressortissent. Permettre que les ad ministrateurs des fabriques, des hôpitaux, des bureaux de charité et les maisons religieuses "des deux sexes fondées pour l’instruction de la jeunesse, soient autorisés à placer dorénavant leurs fonds pécuniaires déjà amortis, à qui bon leur semblera. CHAPITRE II. Réforme des abus dans la société. 1° La vénalité des charges qui donnent à une multitude de propriétaires, qui n’ont pour mettre le reste à l’abri de toute imposition que donnent les exemptions meurtrières pour cette classe laborieuse des indigents; surcharge qui aggrave., leur joug, môme leur industrie, arrête la population et par conséquent diminue les ressources de l’Etat {sic.) Il n’est aucune ville dans le royaume qui ne renferme dans son sein plus de vingt riches privilégiés ; tels sont, par exemple, ces différents officiers municipaux, qui, loin de travailler efficacement à l’entretien des villes, épuisent pour eux-mêmes une grande partie des fonds qui devaient être employés aux besoins publics. Tels sont tant de contrôles, tant de commis inutiles, tant de suppôts, qui, par leurs exemptions, ne fassent retourner à la charge du peuple des impositions qu’ils devraient partager. Une plus juste répartition, en diminuant la cote du laboureur, du manouvrier, du cultivateur, redonnerait une 222 [Etats gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Bar-le-Duc. nouvelle force à leur activité et les rappellerait à l’aisance ; on ne verrait plus alors dans les campagnes de misère , que celle qui est la suite de l’inertie et du libertinage. 2° Un abus non moins préjudiciable à l’intérêt de l’Etat, est l’aliénation des domaines ; nous voyons avec douleur les personnes memes du Roi, qui par état devraient se montrer les plus dévouées à ses intérêts, être assez peu délicates pour en retenir les parties les plus fructueuses. Cet abus est plus généralement étendu dans la province de Lorraine et Bar, que dans le reste de la France. Est-il, en effet, rien de plus abusif que de voir tant d’alluvions de prairies abondantes et tant d’autres parties domaniales de la plus grande valeur être souvent accordées pour un cens très-modique ? Toutes ces dépendances réunies ne rapporteraient-elles pas au Roi des sommes considérables, si elles étaient fidèlement versées dans ses coffres ? 3° La majesté du prince doit se prémunir contre sa propre bienfaisance. Qu’un militaire qui a bien mérité de son prince et de la patrie, en raison de ses services essentiels, jouisse, lorsqu’il n’est plus dans l’âge de la défendre, d’une retraite convenable et relative, ce n’est plus un tort fait à l’Etat, c’est une justice qu’il doit attendre de la bonté de son prince ; mais que cette pension si bien acquise, se reverse indistinctement sur des héritiers qui ne le sont pas de ses vertus, c’est un vol fait à la société. Oserions-nous représenter tant de ministres qui ont joui des faveurs et des bienfaits du prince, après avoir surpris sa religion, sont forcés de quitter leurs places avec des pensions énormes? Si vous y joignez tant de favoris qui obsèdent le trône; qui, loin d’en soutenir l’éclat, souvent le déshonorent, que dirons-nous encore de ces hommes qui quittent des places où ils se sont engraissés de la substance du malheureux, et qui tout surchargés qu’ils sont de ses dépouilles, cherchent encore, par une cupidité insatiable, à perpétuer dans leurs familles les bienfaits du souverain? La patrie n’avait-elle déjà pas assez acquitté des services si meurtriers pour elle ; devait-elle en payer le souvenir? 4° Changer l’administration des eaux et forêts, attendu que celle des officiers actuels est trop dispendieuse, vexe les peuples, absorbe le produit des bois et nuit à leur reproduction, tandis qu’on peut adopter une régie économique et renvoyer le contentieux aux officiers de la justice. 5° Puisque les hommes ne sont pas assez rai-sonnab'es pour se respecter et se concilier entre eux, pour ne point porter atteinte à leurs droits, à leurs professions respectives, il a donc fallu établir une société d’hommes instruits qui, connaissant les lois du prince et les droits du citoyen, pussent les faire régner toutes deux avec vigueur; il fallut une barrière à l’injustice et à l’iniquité des hommes; il fallait un tribunal où les ruses du méchant fussent connues, pour venger l’innocent et punir le coupable; corps auguste et respectable sans doute, s’il se fût conservé dans sa première intégrité; mais, hélas! le temps qui détruit tout, fait bien voir que la force qui n’est appuyée que sur l’homme, n'est que faiblesse; car qu’on nous demande d’où vient un si grand mépris de la part du peuple pour ses magistrats, on répondra aussitôt que le peu de soin que l’on a apporté à choisir parmi les plus dignes, que celte malheureuse vénalité des charges, origine funeste de tous nos maux, loin d’illustrer le sénat, en a terni l’éclat, et nous réduit aujourd’hui à chercher les moyens de lui rendre son ancienne splendeur. Tout le monde se plaint que la justice est mal rendue. Il ne faut pas aller loin pour en trouver la cause. Bien des juges ne sont pas suffisamment instruits, nos écoles de droit trop faciles, le savoir n’y est pas assez discuté, et le sujet pas assez approfondi. La justice est mal rendue, parce que l’intérêt des juges l’emporte souvent sur la partie blessée : alors, les passions, les préjugés, la partialité, les préventions peuvent gagner dans tous les cœurs, et souvent le crédit du puissant n’y prévaut que trop sur la faiblesse du pauvre. La justice est longue à obtenir ; ce n’est pas faute que les bailliages ne soient pas assez multipliés dans notre province, mais par la position, locale de ce bailliage plusieurs communautés en sont éloignées, et que ce bailliage lui-même est trop éloigné du Parlement. La justice est ruineuse, c’est par les formes abondantes dont les procédures sont surchargées ; les incidents multipliés, les replis impénétrables de ses suppôts, les tortuosités de la chicane, souvent emportent le fond et ne remplacent que trop la droiture et l’équité ; et le peuple entêté croit trouver son salut dans la justice, tandis qu’il n’y trouve que sa ruine. C’est un impôt terrible qui tombe également sur le riche et sur le pauvre. La justice du prince nous permet d’espérer qu’il travaillera efficacement et à réformer les abus de la justice et à abréger les procédures. Et d’après un juste examen, nous avons estimé que dans le nombre des bailliages qu’il plaira à Sa Majesté de conserver dans la province de Lorraine et Bar, le bailliage du Bassigny soit résidant dans la ville de la Marche, qui', par sa situation éloignée des autres villes, mérite cet égard pour le bien des campagnes qui l’environnent. On regarde généralement l’office d’huissier priseur pernicieux et insupportable pour tous les ordres. On attend de la justice Sa Majesté, qu’elle voudra bien le supprimer, aux offres que nous faisons, concurremment avec les deux autres, ordres, d’en rembourser la finance. L’édit de la régie des hypothèques est sage et généralement applaudi ; on demande cependant une modification, de la faire annoncer par affiche dans les lieux où l’hypothèque est située, comme elle l’est à l’auditoire du siège royal. Pour la justice criminelle, déterminer exactement les crimes, délits et peines, de manière que tout le monde puisse connaître ses devoirs et le danger de les enfreindre ; adoucir celles de ces peines qui paraissent trop rudes, mais établir aussi quelques lois plus sévères sur quelques points où le relâchement se fait craindre, comme tout crime grave contre la religion et les mœurs, sur les banqueroutes frauduleuses et autres délits qui troublent l’ordre social et ne sont point assez réprimés. Que le Roi couronne sa nouvelle législation criminelle par la destruction absolue du préjugé qui note d’infamie les parents des suppliciés. 6° Tout ce qui intéresse le bien général du peuple, mérite du souverain, qui en est le père, la plus vive sollicitude. Le sel, qui est une des denrées les plus utiles, était naguère à un prix relatif à sa nécessité ; les gens de la campagne s’en servaient pour engraisser leurs bestiaux; cette nourriture leur donnant cet embonpoint qui flattait le marchand , la Lorraine n’était point obligée d’exporter son argent en Suisse, en Allemagne, pour acheter à grands frais de [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Bar-le-Duc.] 223 quoi fournir nos boucheries, meubler ses marcare-ries, et atteler ses charrues ; mais aujourd’hui que la ferme a entravé cette branche de commerce en fixant la livre de sel au prix exorbitant de six sols trois deniers, tandis que, par une contrariété inconcevable, elle la cède à deux sols aux étrangers , presque plus de nourris en Lorraine, le labour languissant et beaucoup d’autres inconvénients qui en résultent si préjudiciables aux intérêts du peuple, fait que nous espérons de la bonté du Roi qu’il y apportera remède. 7° Une autre exaction qui sans doute n’est pas bien connue du gouvernement, est l’établissement des acquits-à-caution, qui nécessite le Lorrain à un impôt destructeur de son commerce, lorsqu’il fait exporter son vin ou ses autres denrées sur les frontières du Barrois, de Franche-Comté et de Champagne. Si encore l’impôt n’avait d’onéreux que la somme intrinsèque, mais il repousse l'étranger indigné de ses vexations, et il est pour les aborigènes un piège qui, présenté avec adresse, loin de les détourner de la contravention, semble les y inviter. Et quel est l’esclave qui ne secoue et brise, s’il le peut, sa chaîne ! Et de là des reprises multipliées, des procès destructeurs et la ruine de mille familles. Touchés de tous les maux qui se passent sous nos yeux, nous supplions le souverain de les faire finir. 8° Il est encore une infinité d’abus dont la suppression est absolument nécessaire, tel, par exemple, que la multiplicité des bouches à feu dont les administrateurs vont au loin chercher les bois pour leur consommation, et contribuent à porter dans la province la cherté des bois à un prix excessif, au détriment du pauvre qui se trouve par là dans le cas de dégrader les bois qui ne sont point en coupe ; la multiplicité des colombiers et les abus qui en résultent, lesquelles suppressions ou réformations seront demandées, discutées dans le cahier du tiers-état, aux vœux duquel nous adhérons. CHAPITRE III. Etablissement d'un bon ordre. Nous obéissons à un monarque qui ne fait consister son bonheur que dans celui de ses sujets. Ses vues sont celles de la bienfaisance et son règne celui de l’amour ; nous lui obéissons en enfants libres et non en vils esclaves. D’après ces principes , comment a-t-on pu surprendre à son équité et à sa bonté cette loi dure et injuste, destructive de notre liberté : c’est celle qui dispose d’un citoyen, qui l’arrache à sa famille, à son état, pour le réduire à une flétrissante détention, qui lui ôte les moyens de repousser loin de lui l’idée du crime et de justifier son innocence. Que le Roi se fasse ouvrir les portes de la Bastille et des autres prisons d’Etat; qu’il interroge les malheureux qui y sont détenus ; il serait surpris sans doute d’y trouver un si grand nombre de victimes de là passion, de l’injustice des hommes qui ont abusé de son autorité royale. Cette loi du prince scellée de son sceau si souvent surpris à ses mains paternelles, répugnera à sa bonté par l’abus qu’on en fait, et désormais il voudra que le citoyen qu’on lui a dit coupable, trouve toutes les ressources de justification aux yeux d’une nation toujours prête à venger le prince, si réellement on avait blessé ses droits. 1° G’est dans ces circonstances surtout où la franchise, la liberté, le patriotisme et le cri de la conscience pourraient être nuagés, interprétés à crime, que nous demandons que les députés des trois ordres ne puissent être gênés dans leur liberté, parce qu’ils auront développé en conscience le mal et le bien de l’Etat, les abus et les remèdes. 2° Aux yeux d’un souverain juste appréciateur, la seule différence qu’il met entre ses sujets est celle qui naît de la différence du mérite; ce principe a toujours été senti par nos augustes monarques, dont le nôtre est la vive image, et c’est de ce principe même que jaillit la source des distinctions, des privilèges qui constituent l'état de la noblesse. Le premier noble fut celui qui mérita le mieux de son prince ; pourquoi donc aujourd’hui la noblesse haute et fière voudrait-elle écarter des bontés du prince des sujets qui peuvent les mériter au môme titre qu’elle? Est-il donc plus glorieux de naître gentilhomme que de commencer à l’être par un mérite transcendant et soutenu; et pour avoir hérité du nom de ses ancêtres, l’est-on toujours de ses vertus? L’honnête et humble citoyen ne voit qu’avec la plus vive peine tous les efforts du noble pour repousser le roturier; c’est au Roi à prendre sa défense, et à rapprocher de lui son zèle, ses lumières, sa droiture, son mérite, enfin pour s’en servir utilement selon les circonstances. L’état ecclésiastique demande que les grades, les avantages et les dignités soient accordés indistinctement à tout sujet du second ordre qui a utilement et dignement servi l’Eglise, et par une égale justice, nous faisons les mêmes vœux pour qu’un brave militaire qui a servi la patrie avec intelligence et utilité, puisse être promu à toutes les places et à toutes les prérogatives qui servent de véhicule au patriotisme et qui le font éclore. 3° Nous supplions également Sa Majesté d’ordonner que, dans la suite, aucun sujet ne soit pourvu de plus d’un bénéfice, et que tout bénéficier soit astreint à une résidence au moins de neuf mois : la loi ecclésiastique prescrit ces deux devoirs, c’est au souverain à lui prêter pour son exécution toute son autorité; il résulte de son infraction les plus grands inconvénients ; la pluralité des bénéfices entretient sur la même tête une aisance ennemie du travail, et en détruisant chez les autres l’espérance, mobile qui agit si puissamment sur l’homme, elle détruit toute l’émulation ; l’athlète n’entre dans l’arène pour combattre que lorsqu’il voit de loin 1a, récompense; l’absence des bénéficiers est très-nuisible aux lieux qu’ils n’habitent presque jamais ; ils exportent les denrées et le numéraire local, qui tous deux vont se perdre dans le gouffre des villes, comme un faible ruisseau dans l’Océan. Si ces riches propriétaires observaient une résidence exacte, ils feraient une consommation locale, et par une heureuse reproduction, ils verseraient par partie dans chaque famille ce qu’ils en ont tiré, et alors, loin d’appauvrir les campagnes, ils seraient pour elles autant de sources abondantes qui arrosent, fécondent et vivifient. 4° Une cause destructive des bonnes mœurs, de la religion, de l’ordre dans nos campagnes, c’est la fréquentation des cabarets, où le père de famille dépense en pure perte un argent qui servirait à substanter sa femme et ses enfants; où les jeunes gens vont perdre leur simplesse, leur raison, leur santé dans les débauches qui souvent ne bornent pas à eux seuls leurs effets meurtriers; ce sont ces courses nocturnes si préjudiciables à l’innocence surprise, aux possessions dévastées : ajoutez à cela ces jeux tumultueux où la scène est quelquefois ensanglantée, ces danses grossières 224 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Bar-le-Dac.] et corruptrices, scandale sans doute affreux et dans tous les temps -, mais ce qui inspire plus d’horreur encore, c’est lorsqu’ils se commettent les jours consacrés au Seigneur, ce qui n’est, hélas ! que trop ordinaire. Nous, pasteurs, que des maux si grands touchent d’une manière bien sensible, trop faibles pour les faire cesser, nous nous lassons de ne pouvoir qu’en gémir : nous prions instamment le souverain de faire revivre ses anciennes ordonnances à ce sujet, et d’intimer à la police locale trop indifférente de les faire exécuter dans la plus grande sévérité. La plaie de l’Etat est profonde; nous en jugeons par la peine extrême dont notre auguste monarque est pénétré. Les princes, à son exemple, nous ont donné des marques de leur sensibilité ; ne cherchons point la cause de nos malheurs, nous serions forcés de faire un reproche trop amer à ceux qui s’en sont rendus les auteurs ; tâchons au contraire de trouver les moyens de les éviter à l’avenir. La France n’a eu que trop souvent à gémir sur riulidélitô de ceux qui ont administré les finances. Le digne ministre qui les gouverne, ne doit sa place qu’à son mérite et à la sagesse du Roi, qui voit son choix se justifier dans le cœur des Français. Sous de si heureux auspices, ce vrai patriote ne nous laisse que d’heureuses espérances : mais nous, citoyens instruits par nos malheurs passés, creusons douloureusement dans l’avenir, unissons nos efforts à ceux d’un ministre respectable et équitable pour prévenir ces déprédations désastreuses, ces abus destructeurs qui ont ouvert le précipice. L’expérience nous convainc que l’espérance de l’impunité enhardit le coupable; un ministre ambitieux et prévaricateur se fait de son élévation, de son autorité, de sa puissance, du crédit de ses créatures, un bouclier qui le met à couvert du glaive de la justice ; comme il ne craint plus rien, il ne garde plus de mesures dans ses vexations, il abuse souvent de la confiance de son souverain, s’approprie injustement le bien de l’Etat et croit n’en devoir aucun compte à la nation. Abus terrible! Nous espérons de la justice et autorité de notre monarque qu’il en détruira le principe en livrant le coupable à la sévérité d’une nation dont il aura blessé les droits, abusé de la confiance, et qui a des lois qui doivent faire trembler l’illustre coupable, comme l’obscur criminel. Le moyen d’entretenir l’harmonie dans tous les corps, d’assurer une paix profonde et durable au monarque et à ses sujets, sera de ménager, autant et selon l’exigence des cas, le retour périodique des Etats généraux, rapprochement si utile à l’un et à l’autre. Mais pour prévenir les abus qui pourraient se glisser pendant leur absence, nous estimons nécessaire d’établir dans chaque province un corps représentatif de leur autorité, connu sous le nom d’Etats provinciaux, organisés comme les assemblées provinciales, auxquels on attribuerait les grandes fonctions renvoyées’ jusqu’alors aux chambres des comptes, à la Régie des fermes et aux commissaires départis; mais pour ne pas surcharger ces Etats d’un travail pénible et trop étendu, il sera bon d’établir des bureaux de district, des municipalités dans chaque communauté ; de leur donner toute la force requise, lesquels correspondraient graduellement aux Etats de la province et leur seraient comptables. Ces derniers seraient chargés de la police des lieux. Ces places, revêtues d’un caractère honorable, les ferait rechercher; sans rien offrir à la cupidité, elles ne seront accordées qu’aux plus dignes à la pluralité, des suffrages ; et pour ne point laisser trop longtemps l’autorité dans les mômes mains, ce qui est toujours dangereux, on procédera à une nouvelle élection, chaque deux ou trois ans, comme il serait déterminé par le règlement. Nous demandons en outre que, dans l’administration générale et pour le bien commun, les trois ordres opinent par tête ; mais dès qu’il s’agira des privilèges soit du clergé, ou de la noblesse, ou de l’intérêt d’un ordre isolé, alors les suffrages se prendront par ordre, afin qu’un ou deux autres ordres réunis ne puissent opprimer le troisième. Enfin, pour ne laisser rien à désirer aux députés du second ordre du clergé, nous espérons, d’après les promesses de notre monarque, que nos seigneurs du clergé verront sans peine nos représentants auxEtats généraux former un nombre au moins égal au leur; et pourrait-on avec justice nous refuser ce droit, à nous qui avons les mêmes intérêts à discuter, et la même cause à défendre? Le Roi, que nous chérissons, désire le bien : ne formons qu’un môme vœu avec lui. Fasse le Seigneur, qui veille particulièrement sur la France, qu’il prospère ce bien si nécessaire et si longtemps désiré ! Fait, clos et arrêté en l’assemblée de l’ordre du clergé, aujourd’hui vingtième mars de l’an mil sept cent quatre-vingt neuf. Entendons néanmoins que nos députés aux Etats généraux se modèleront sur les articles contenus au présent cahier, pour remontrer, aviser, consentir pour le bien de l’Etat et la prospérité du royaume. Collationné et copie délivrée conforme à l’original par le prêtre secrétaire de l’ordre du clergé du bailliage du Bassigny séant à la Marche, soussigné. Signé Fouillette, prêtre secrétaire de l’ordre du clergé du bailliage du Bassigny. CAHIER DES REMONTRANCES ET DOLÉANCES DES HABITANTS DE MÉNIL-LA-HORGNE, BAILLIAGE DE COMMERCY, ADRESSÉES A M. LE GARDE DES SCEAUX. 26 avril 1789. Monseigneur, Nous avons recours à votre charité et votre justice pour vous supplier de mettre aux pieds de notre bon Roi nos respectueuses représentations et doléances que nous n’avons pu faire comprendre dans le cahier commun de notre convocation au bailliage de Commercy. Les pauvres communes de la campagne y ont été méprisées; les officiers et praticiens du siège se sont emparés de tout. Nous étions trente-deux communautés de la campagne, et malgré que nous nous étions bien concertées pour profiter d’une circonstance si heureuse et si favorable à la réforme des abus qui portent principalement sur nous, les six députés de la ville font emporté en tout point, pour la rédaction des cahiers, pour être scrutateurs et enfin députés à l’arrondissement de Bar. Malgré la timidité desgens de la campagne, on n’a pu s’empêcher de murmurer; on a dit même hautement qu’il y avait eu cabale, séduction, etc.; l’avocat du Roi, quoiqu’un des députés de la ville, s’est vu dans le cas de joindre sa voix aux plaignants ; mais l’autorité ou du moins l’ascendant ayant prévalu, un conseil- 224 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Bar-le-Dac.] et corruptrices, scandale sans doute affreux et dans tous les temps -, mais ce qui inspire plus d’horreur encore, c’est lorsqu’ils se commettent les jours consacrés au Seigneur, ce qui n’est, hélas ! que trop ordinaire. Nous, pasteurs, que des maux si grands touchent d’une manière bien sensible, trop faibles pour les faire cesser, nous nous lassons de ne pouvoir qu’en gémir : nous prions instamment le souverain de faire revivre ses anciennes ordonnances à ce sujet, et d’intimer à la police locale trop indifférente de les faire exécuter dans la plus grande sévérité. La plaie de l’Etat est profonde; nous en jugeons par la peine extrême dont notre auguste monarque est pénétré. Les princes, à son exemple, nous ont donné des marques de leur sensibilité ; ne cherchons point la cause de nos malheurs, nous serions forcés de faire un reproche trop amer à ceux qui s’en sont rendus les auteurs ; tâchons au contraire de trouver les moyens de les éviter à l’avenir. La France n’a eu que trop souvent à gémir sur riulidélitô de ceux qui ont administré les finances. Le digne ministre qui les gouverne, ne doit sa place qu’à son mérite et à la sagesse du Roi, qui voit son choix se justifier dans le cœur des Français. Sous de si heureux auspices, ce vrai patriote ne nous laisse que d’heureuses espérances : mais nous, citoyens instruits par nos malheurs passés, creusons douloureusement dans l’avenir, unissons nos efforts à ceux d’un ministre respectable et équitable pour prévenir ces déprédations désastreuses, ces abus destructeurs qui ont ouvert le précipice. L’expérience nous convainc que l’espérance de l’impunité enhardit le coupable; un ministre ambitieux et prévaricateur se fait de son élévation, de son autorité, de sa puissance, du crédit de ses créatures, un bouclier qui le met à couvert du glaive de la justice ; comme il ne craint plus rien, il ne garde plus de mesures dans ses vexations, il abuse souvent de la confiance de son souverain, s’approprie injustement le bien de l’Etat et croit n’en devoir aucun compte à la nation. Abus terrible! Nous espérons de la justice et autorité de notre monarque qu’il en détruira le principe en livrant le coupable à la sévérité d’une nation dont il aura blessé les droits, abusé de la confiance, et qui a des lois qui doivent faire trembler l’illustre coupable, comme l’obscur criminel. Le moyen d’entretenir l’harmonie dans tous les corps, d’assurer une paix profonde et durable au monarque et à ses sujets, sera de ménager, autant et selon l’exigence des cas, le retour périodique des Etats généraux, rapprochement si utile à l’un et à l’autre. Mais pour prévenir les abus qui pourraient se glisser pendant leur absence, nous estimons nécessaire d’établir dans chaque province un corps représentatif de leur autorité, connu sous le nom d’Etats provinciaux, organisés comme les assemblées provinciales, auxquels on attribuerait les grandes fonctions renvoyées’ jusqu’alors aux chambres des comptes, à la Régie des fermes et aux commissaires départis; mais pour ne pas surcharger ces Etats d’un travail pénible et trop étendu, il sera bon d’établir des bureaux de district, des municipalités dans chaque communauté ; de leur donner toute la force requise, lesquels correspondraient graduellement aux Etats de la province et leur seraient comptables. Ces derniers seraient chargés de la police des lieux. Ces places, revêtues d’un caractère honorable, les ferait rechercher; sans rien offrir à la cupidité, elles ne seront accordées qu’aux plus dignes à la pluralité, des suffrages ; et pour ne point laisser trop longtemps l’autorité dans les mômes mains, ce qui est toujours dangereux, on procédera à une nouvelle élection, chaque deux ou trois ans, comme il serait déterminé par le règlement. Nous demandons en outre que, dans l’administration générale et pour le bien commun, les trois ordres opinent par tête ; mais dès qu’il s’agira des privilèges soit du clergé, ou de la noblesse, ou de l’intérêt d’un ordre isolé, alors les suffrages se prendront par ordre, afin qu’un ou deux autres ordres réunis ne puissent opprimer le troisième. Enfin, pour ne laisser rien à désirer aux députés du second ordre du clergé, nous espérons, d’après les promesses de notre monarque, que nos seigneurs du clergé verront sans peine nos représentants auxEtats généraux former un nombre au moins égal au leur; et pourrait-on avec justice nous refuser ce droit, à nous qui avons les mêmes intérêts à discuter, et la même cause à défendre? Le Roi, que nous chérissons, désire le bien : ne formons qu’un môme vœu avec lui. Fasse le Seigneur, qui veille particulièrement sur la France, qu’il prospère ce bien si nécessaire et si longtemps désiré ! Fait, clos et arrêté en l’assemblée de l’ordre du clergé, aujourd’hui vingtième mars de l’an mil sept cent quatre-vingt neuf. Entendons néanmoins que nos députés aux Etats généraux se modèleront sur les articles contenus au présent cahier, pour remontrer, aviser, consentir pour le bien de l’Etat et la prospérité du royaume. Collationné et copie délivrée conforme à l’original par le prêtre secrétaire de l’ordre du clergé du bailliage du Bassigny séant à la Marche, soussigné. Signé Fouillette, prêtre secrétaire de l’ordre du clergé du bailliage du Bassigny. CAHIER DES REMONTRANCES ET DOLÉANCES DES HABITANTS DE MÉNIL-LA-HORGNE, BAILLIAGE DE COMMERCY, ADRESSÉES A M. LE GARDE DES SCEAUX. 26 avril 1789. Monseigneur, Nous avons recours à votre charité et votre justice pour vous supplier de mettre aux pieds de notre bon Roi nos respectueuses représentations et doléances que nous n’avons pu faire comprendre dans le cahier commun de notre convocation au bailliage de Commercy. Les pauvres communes de la campagne y ont été méprisées; les officiers et praticiens du siège se sont emparés de tout. Nous étions trente-deux communautés de la campagne, et malgré que nous nous étions bien concertées pour profiter d’une circonstance si heureuse et si favorable à la réforme des abus qui portent principalement sur nous, les six députés de la ville font emporté en tout point, pour la rédaction des cahiers, pour être scrutateurs et enfin députés à l’arrondissement de Bar. Malgré la timidité desgens de la campagne, on n’a pu s’empêcher de murmurer; on a dit même hautement qu’il y avait eu cabale, séduction, etc.; l’avocat du Roi, quoiqu’un des députés de la ville, s’est vu dans le cas de joindre sa voix aux plaignants ; mais l’autorité ou du moins l’ascendant ayant prévalu, un conseil- [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Bar-le-Duc.] 225 1er du siège et un avocat-juge, gardedans plusieurs villages, sont restés députés à Bar. La noblesse avait déjà choisi pour son député M. le lieutenant général; ainsi la députation à Bar s’est trouvée composée de trois officiers de judicature. Si cette nomination était l’effet d’un choix parfaitement libre, elle ne serait pas sans inconvénient, mais il n’y aurait rien à dire; il résulte au contraire que les trente-deux communautés delà campagne n’auront point de vrais représentants aux Etats. Et c’est ainsi que les pauvres habitants de la campagne ne peuvent jamais faire parvenir leurs vœux à leur souverain, qui désire leur bien et qui prend tous les moyens pour l’opérer. Les cahiers des doléances de la campagne renfermaient surtout des articles essentiels sur les réformes de la justice, sur les abus qui résultent de son état actuel et qui sont le plus rude impôt sur les campagnes ; ces articles ont été supprimés; on a mis en place sur le cahier commun un éloge long et pompeux du bailliage de Gommercy et un exposé très-détaillé de ses prétentions particulières. Nous, avions demandé qu’on nous rendît du moins nos cahiers, lorsque tout a été fini; on nous les a refusés, et nous savons que par un abus manifeste de confiance, ce dépôt est ouvert à qui veut les examiner, pour nous rendre ainsi les objets de la censure publique. Gomment oser une autre fois exposer sincèrement ce qu’on a à dire? Pour toute satisfaction sur ces différents griefs, on nous a dit qu’il nous était libre de vous adresser à vous, Monseigneur, un mémoire particulier : permettez-nous donc de le faire, et daignez nous accorder, nous vous en supplions, la grâce d’en considérer les motifs et les objets. Jusqu’alors nous n’avons rien perdu, si nous trouvons accès, par votre bienfaisance, près de notre bon Roi, le tendre père de tous ses sujets, dont nous nous faisons gloire d’être les enfants les plus affec * tionnés et les plus soumis. 1° Nous représentons très-respectueusement que pour nous faire partager les heureux effets de l’influence générale qui nous est accordée par les dispositions généreuses de Sa Majesté et par la sagesse de ses ministres, il eût été bien à désirer pour nous que l’on adoptât une forme de convocation où le tiers-état des campagnes ne pût être ainsi subjugué par celui des villes, surtout par les officiers de judicature. Tout inspire à leur égard de la timidité aux habitants des campagnes. Le premier officier du siège président, assisté du procureur du roi et du greffier du bailliage; les autres juges et avocats près d’eux comme députés de la ville, cet appareil ressemble trop à une audience, gêne absolument la liberté des suffrages et inspire autant de crainte que de méfiance aux pauvres villageois, habitués de trembler devant des gens qui disposent de leur fortune presque à leur gré. 2° Pleins de confiance dans la bonté du Roi, nous le supplions de faire procéder à la réforme de la justice, du moins dans les, tribunaux des petits bailliages, où les praticiens sont les véritables sangsues des pauvres gens de la campagne ; nous demandons instamment que ces tribunaux n’aient toujours qu’une médiocre attribution. Il y aurait le plus grajid inconvénient à êtrejugé en dernier ressort par un tribunal trop proche et gui se laisse facilement prévenir. Qu’il soit libre à chacun de plaider sa cause dans ces petits tribunaux : que l’avocat, s’il est employé, soit en même temps leur procureur, qu’il soit libre aux parties d’exposer leur cause par leurs propres écritures, s’il y a lieu ; et qu’en ce cas, les écri-lre Série. T. II. tures et appointements soient défendus de la part des praticiens, sinon de l’aveu formel et sous la signature des parties; que l’on ait désormais plus d’égard au fond de l'affaire qu’à la forme; que celle-ci soit tellement simplifiée que les frais ne puissent passer le tiers de la valeur de la chose, et que les affaires soient jugées au moins dans les six mois à ces tribunaux pour l’être enfin dér fmitivement, en cas d’appel, au tribunal du ressort dans l’année. Les abus énormes et fréquents auxquels on remédierait par là équivalent, surtout pour les campagnes, à un impôt très-considérable. C’est un fait que les frais de justice chaque année se portent dans cette communauté, comme dans bien d’autres à un tiers en sus pour le moins de ce que nous payons pour les impositions ordinaires et accessoires, second objet essentiel de nos doléances, dont nous avions exprimé le vœu dans notre cahier, ainsi que les suivants. 3° Nous supplions Sa Majesté de nous continuer le bienfait de l’administration municipale sous la direction des Etats de la province ou de leur commission intermédiaire; et si l’organisation actuelle est adoptée, nous demandons instamment qu’il soit remédié aux lenteurs qui en résultent pour la décision des affaires, soit par les entraves et les formalités qui la retardaient, soit par le défaut d’une autorité suffisante dans les officiers préposés à l’administration. A ce moyen cet établissement produira le plus grand bien. Nous représentons très-humblement que pour obtenir l’heureux effet d’un régime uniforme, surtout dans les campagnes, il est" bien à désirer que les officiers municipaux soient les seuls établis avec le degré d’autorité convenable pour agir avec succès; qu’ils soient préposés à tout ce qui intéresse le bien commun, l’ordre, la police, la tranquillité publique. . Qu’ils soient déclarés arbitres dans toutes les affaires avant qu’il soit libre aux parties d’y procéder en justice, du moins pour les descentes et vues de lieux si fréquentes par les anticipations, et dont ils peuvent mieux connaître que des étrangers qu’il faut toujours diriger ; lesquelles discussions deviennent par là presque aussi préjudiciables aux demandeurs qu’aux défendeurs et toujours fort dispendieuses par les formalités usitées. Qu’ils soient préposés à l’apposition des scellés, confection d’inventaire etc., lorsqu’il n’y aura lieu à contestation. Que ces officiers municipaux aienf principalement l’administration des bois communaux et la manutention des deniers provenant des ventes des arbres dépérissants, pour satisfaire aux charges de la communauté, avec obligation d’en faire état dans le compte qui se rend chaque année. Les bois étant maintenant en coupe réglée, le ministère des gruyers est une surcharge annuelle, un autre cens trop considérable sur cette portion si chétive et cependant unique de notre patrimoine ; d’ailleurs les bois, seule ressource pour bien des villages, seront mieux ménagés par ceux qui y mettent un intérêt particulier, et qui les surveillent de plus près. Nous ne pouvons nous dispenser d’observer, et c’est le cri général du moins dans les campagnes, que d’après l’administration actuelle des bois, dans peu on n’y trouverait plus rien; presaue plus d’arbres pour les bâtissants, par l’abus de comprendre dans la vente des dépérissants des arbres qui pourraient profiter dans une seconde révolution ; par l’abus du balivage trop facilement 15 226 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Bar-le-Duc.} confié aüx forestiers et singulièrement négligé, et enfin par celui qui résulte des malversations trop fréquentes de ces derniers qui s’entendent avec les adjudicataires au préjudice des communautés et dont les manœuvres échappent presque toujours à la vigilance des officiers actuels. Qu’afin de parer à ces désordres, pour le contentieux des bois, les rapports en délit soient faits au greffe de la municipalité pour être, avec l’avis délibéré et motivé des officiers municipaux, renvoyés dans le mois à la commission intermédiaire des Etats de la province, pour y être fait droit, s’il y a lieu, et jugés, sauf appel à la chambre ou à la cour souveraine et non au bailliage, du moins en dernier ressort. 4° Nous représentons très-respectueusement à Sa Majesté, que notre communauté, ainsi que bien d’autres, a été forcée d’aliéner ses communes dans des temps de calamité, en 1638 et 1729. Nous sommes dépouillés depuis ce temps d’une partie considérable de nos bois : ce qui nous reste est absolument insuffisant. Nous avions réclamé dans le temps le bienfait accordé aux communautés à cet égard par l’édit de 1667, et d’autant mieux que nos bois ôtant domaniaux, ils ont été aliénés sans la permission du souverain. Nos réclamations ont été étouffées par le crédit des acquéreurs, et quoique le procureur général fit cause commune avec nous, nos démarches n’ont abouti à la chambre qu’à des frais très-considérables sans fruit, n’ayant point de facultés pour suivre l’affaire au conseil, où nous avons lieu de croire que notre demande si bien fondée eût ôté accueillie. Nous demandons de la justice et de la bonté du Roi que, dans cette année mémorable. Sa Majesté veuille bien remettre en vigueur l’êdit de 1667, qui autorise les communautés à rentrer sans forme de procès, et en remettant le prix des ventes, dans leurs bois aliénés, comme il est porté par l’édit depuis 1620 jusqu’alors , la prescription ne pouvant avoir lieu contre des mineurs non autorisés et contre les intérêts du souverain. Les bois étant Tunique ressource de notre communauté, nous supplions également Sa Majesté de nous faire rétablir dans l’usage des portions de bois anticipées sur nous il y a quinze ans, par un système particulier, dans la vue d’établir des lignes droites de séparation, ce qui nous prive de plus de 40 arpents, dont la preuve est facile à faire par les anciennes bornes et limites qui existent, objet considérable pour une pauvre communauté, et de nous accorder comme ci-devant la propriété et l’usage d’une grande vallée, principalement pour la vaine pâture, n’avant pas d’autre ressource pour nos bestiaux, pendant tout l’étéj ce qui, depuis les quinze ans qu’un nous en a privé, a porté un grand préjudice à notre agriculture. 5® Nous exposons avec confiance à notre bon Roi le principe de notre misère dans notre communauté ; le village trois fois incendié, dont une en totalité, dans l’espace d’un demi-siècle ; un terrain fort élevé, ingrat et aride qui nous rend à peine le prix des semences et de notre labeur, les droits énormes des accises joints aux contributions ordinaires et accessoires, aux vingtièmes et aux cens de nos bois. Nous demandons du moins que ces droits d’accises, qui nous tenaient lieu de tout impôt envers nos anciens souverains, entrent en considération dans ceux établis ou à établir. Au surplus, que les impôts soient désormais répartis sur tous sans aucune exception et selon les règles de la justice distributive ; qu’ils parviennent dans les coffres du souverain sans les intermédiaires qui les absorbaient ci-devant, bous sommes prêts à donner nos biens et notre vie. s’il le faut, pour la tranquillité de notre bon Roi et le service de la patrie. Que du moins les abus soient réformés et l’ordre rétabli. 6° Un des plus grands abus, qu’il nous soit permis de l’exprimer, c’est celui qui regarde les dîmes. Personne n’ignore que dans leur origine et dans leur institution primitive, elles n’étaient qu’une espèce d’aumône et d’oblation volontaire que le peuple offrait à Dieu dans la personne de ses ministres pour leur subsistance, l’entretien des églises et le soulagement des pauvres. C’est ce qui est parfaitement justifié par tous les monuments de Phistoire,parles saints canons et par les mêmes ordonnances de nos rois qui les ont rendues obligatoires. Hélas ! que nous sommes loin à tous égards de cette fin ! Des étrangers qui ne rendent aucun service dans nos campagnes se sont emparés de tout, et ceux qui y travaillent n’ont presque rien ; les églises aussi, pour la plupart, sont dans l’état le plus déplorable, insuffisantes, ne pouvant contenir qu’une partie des paroissiens, et les pauvres sont encore les plus ma! partagés. Cet abus est trop révoltant. Dans la régénération générale qui va se faire, nous osons espérer des droites intentions du souverain et des lumières réunies de la nation française, que celle-ci, sous la bienfaisance et la direction du père commun rentrant dans ses droits , remettra les choses comme elles doivent être, surtout si les parties intéressées aux abus n’obtiennent pas la prépondérance des suffrages. C’est incontestablement le vœu du tiers-état de toutes les campagnes ; mais peut-il, d’après ce que nous avons éprouvé dans nos élections, se flatter qu’il sera mis au pied du trône ? Quel avantage pour nous si le produit des dîmes ramené à sa destination primitive, était employé comme il devrait l’être! il convient sans doute d’y prélever l’honnête nécessaire d’un zélé pasteur; mais pourquoi n’y prendre qu’une partie de ce qui est nécessaire aussi pour les constructions et entretien des églises et laisser l’autre au compte des habitants assez surchargés d’ailleurs ? Qu’il est à désirer qu’un règlement sage vienne à leur secours ! Que les décimateurs, s’ils sont maintenus dans la perception de la dîme, soient obligés aussi à la construction totale et complète de tout ce qui appartien t à l’édifice et à l’entretien » Que la réédification ait fieu lorsque l’église est insuffisante ou que le service ne peut plus y être fait avec décence, d’après le rapport des experts nommés par l’évêque et par la commission intermédiaire, sans donner lieu désormais aux discussions si préjudiciables aux gens de la campagne, qui savent peu se défendre et qui sont presque toujours opprimés par le crédit et par la puissance. Il conviendrait aussi pour le bien public, lorsque la reconstruction a lieu, de la faire suivant l’ancien usage avec voûte pour prévenir les accidents, surtout celui des incendies, et fournir dans ce cas un asile et une retraite. Enfin, pour la troisième destination de la dîme, que les pauvres du lieu, les vieillards infirmes sans ressources, les veuves, les orphelins hors d’état de subsister de leur travail, puissent se retirer avec confiance prés des décimateurs pour en obtenir les secours nécessaires, au lieu de se répandre dans la province pour y mendier; les dîmes reviendraient ainsi à leur objet, nous y satisferions sans regret et sans murmure. Que du moins, si les abus de ce genre ne peuvent être entièrement corrigés aux prochains Etats gêné- [Étais gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Bar *Ie*Duc.] 227 raux, qu’il y soit défendu que les dîmes soient désormais une occasion de vexations annuelles, lorsque ceux qui s’en disent les propriétaires les amodient à des praticiens du siège qui, se prévalant de leur facilité pour traduire en justice, découragent et abîment le pauvre cultivateur par leurs chicanes perpétuelles. Est-il permis qu’en nous privant ainsi du prix de nos sueurs, pour une destination étrangère, on nous en fasse encore payer si cruellement la façon ! L’objet de la dîme des pommes de terre que l’on plante chaque année dans les versaines depuis quelque temps et dout la grosse dîme s’est emparée ici en présente de nouveaux. Après la récolte, le fermier de la dîme va enlever dans les maisons à sa volonté ce qui lui convient. Pour éviter d’entrer en difliculté avec un procureur du siège fermier du chapitre de Gommercv, déci-mateur, on prend le parti de le laisser décimer comme il veut. Dans cette province, il n’y a rien de fixe sur cette dîme : dans quelques endroits c’est menue dime, ailleurs elle fait partie de la grosse -, là le fermier la perçoit au trentième, ici à l’onzième, dans un autre lieu c’est au champ, dans un autre, on lui abandonne un nombre de verges du terrain pour les arracher lui-même et les emmener. Si cette dîme est réputée légitime dans le haut pays, où ce fruit coûte tant à cultiver, il conviendrait du moins qu’elle fût réglée autrement pour faire cesser les vexations auxquelles elle donne lieu. 7°. Nous représentons respectueusement qu’il serait fort nécessaire, à raison de la pénurie des pâturages dans ce lieu, de faire un règlement sur le droit de vaine pâture que prétend sur notre communauté l’abbaye de Riéval qui est voisine. La crainte d’entrer en procès avec elle sur la discussion d’un droit aussi abusif nous a imposé silence jusqu’alors. Cette abbaye , d’après un principe de commerce qui nous est fort préjudiciable, nourrit un troupeau fort considérable de bêtes à cornes et surtout de bêtes blanches, brebis et moutons. Ces bestiaux parcourent tout notre finage aux dépens d’une grande partie de nos pâturages. C’est un abus de conséquence pour une communauté si misérable à cet égard et qu’il est' de la justice de réprimer, soit en fixant des limites au parcours, soit en déterminant le nombre de, bestiaux, supposé que d’aprèsl’exhibi-tion des titres l’abbaye puisse justifier de son droit. Cette abbaye, également par le même principe, entretient un énorme colombier qui ne fait pas un moindre préjudice à notre agriculture. Gelui-la et ceux des seigneurs voisins sont pour les campagnes üne surcharge considérable : comme il n’y a point de règle à cet égard, chacun augmente son droit à sa volonté par la capacité du colombier et la multitude des pigeons. Nous demandons, sinon la suppression, du moins la réduction de ces colombiers ; que ceux qui sont fondés dans ce droit soient bornés dans l’usage, et que pour prévenir les abus, la visite chaque année en soit faite par les officiers municipaux du ban ; que la capacité de ces colombiers soit déterminée par proportion de celle des voiliers accordés à la plupart des curés de cette province par la déclaration du duc Léopold de 1711. Ceux-ci du moins sont appuyés sur des motifs raisonnables exprimés dans la concession; c’est en faveur de l’hospitalité et du soulagement des paroissiens malades ; ils sont fondés sur le bien public : la capacité du voilier est fixée à 120 bourrés ; il ne peut en résulter grand préjudice ; mais les autres sont ordinairement de 1,000 et de 2,000 et quelquefois plus : c’est un abus répréhensible. 8° Nous supplions Sa Majesté d’accorder la suppression des huissiers priseurs, autres fléaux des campagnes ; et au préalable, de rendre publique l’exception faite depuis l’édit de leur rétablissement, en faveur des fabriques, et déclarer que cet édit de 1771 ne donnant aux nouveaux huissiers que les mêmes attributions dont jouissaient les anciens, comme il est dit par l’édit, ils n’ont pu et ne peuvent s’immiscer dans les adjudications annuelles des revenus des fabriques, en quelque manière que ce puisse être, sans tomber dans des abus condamnables. Cet objet importe surtout aux manœuvres et aux indigents du lieu qui peuvent s’approvisionner à des conditions favorables dans ces ventes des fabriques après les récoltes, ce qui n’aurait plus lieu, si pour, se soustraire au ministère de ces huissiers, les fabriques étaient obligées de faire conduire leurs grains dehors. Celte déclaration préalable que nous sollicitons de la bonté du Roi mettrait fin d’abord aux recherches par lesquelles ces huissiers inquiètent actuellement les fabriques. 9° Nous représentons enfin que le trop grand nombre d’ordres mendiants qui viennent quêter dans cette paroisse est une charge d’une autre espèce qui mériterait d’être modifiée par un règlement sage. Nous ne demandons point leur suppression, puisque leur établissement est formé sous les auspices de la religion, et que de tous les religieux ce sont ceux qui nous paraissent avoir le mieux conservé l’esprit de leur état, et s’être maintenus dans les principes de leurs règles ; mais sans déroger aux motifs de charité dont nous sommes toujours animés envers eux, nous désirerions que le nombre de ceux qui peuvent se répandre dans nos campagnes fût limité et déterminé à ceux qui viennent partager quelquefois avec notre pasteur les services spirituels. Des six différents ordres qui viennent à la quête, que ce droit soit réservé à deux; et que ces deux soient tenus en reconnaissance aux secours du pasteur en cas de maladie, ou d’absence nécessaire et aux époques oü la fréquentation des sacrements le surchargerait trop. Noos avons pensé que ce règlement n’était pas indigne d’être proposé à ia sagesse du gouvernement. Telles sont, Monseigneur, les respectueuses remontrances et doléances que nous, habitants soussignés de la commurtauté de Ménil-la-Horgne, vos très-humbles et très-dévoués serviteurs , avons l’honneur de vous exposer, en vous suppliant très-instamment de les mettre pour nons aux pieds du trône du meilleur et du plus juste des rois, en lui présentant les vœux sincères et ardents que nous, ses fidèles et très-affectionnés sujets, ne cessons de former pour son bonheufj celui de l’Etat, et l’heureux succès des sublimes intentions de son génie bienfaisant. Ménil-la-Horgne, en Lorraine , bailliage de Commercy, arrondissement de Bar, le 26 avril 1789. Signé Dieud. Caussin, maire, Bontemps lieutenant, P. Rigal, élu, Glaude-RénéGouvet, syndic, Marchand, G. Petit, Christophe Huot, C. Marbolte, An. Sarvie, Biaise l’ainé, F. Mezot, Louis Leraux, Joseph Levard, F. Paris, N. Marchand, J. Husson, J. Denaix, G. Paris, Didolo, F. Caussin, J. Lela-boureur, Glande Bouchon, F. Rolin, Etienne Gai-lotel, J. Tessevant, F. Lallemand, Jean Coignard, Claude Ragache, J. -F. ‘Tisserand, B. Bfaise, Joseph Martel, Joseph Allezot, J.-F. Caussin, J. Laboureur, Pierre Drame, J. Alzot, F. Husson, Tagnet, J.-F. Lallemand, D. Didolot. 228 [Élats gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Bar-le-Duc.] CAHIER DES POUVOIRS ET INSTRUCTIONS DONNÉS AUX DÉPUTÉS DU CLERGÉ DU BAILLIAGE DE PONT-A-MOUS-SON, A LA VILLE DE BAR, POUR LES ÉTATS GÉNÉRAUX (1). Aujourd’hui 18 mars 1789 , nous, soussignés, députés de l’ordre du clergé des villes et communautés du bailliage de Pont-à-Mousson, conformément à l’ordonnance du lieutenant du bailli dudit bailliage en date du 27 février dernier, avons procédé à la rédaction des pouvoirs que nous confions à nos députés pour l’assemblée de la nation qui doit se tenir à Versailles lé 27 avril prochain. Et d’abord les avons chargés de porter aux pieds de Sa Majesté l’hommage de notre profond respect, de notre amour et attachement pour sa personne sacrée, et de notre vive reconnaissance pour sa bonté paternelle, qui daigne appeler auprès d’elle l’élite de la nation pour opérer avec elle la restauration de la France, déraciner les abus et faire circuler le bonheur dans les différentes provinces. Pleins de confiance en la pureté des intentions de Sa Majesté, nous nous livrerions sans réserve à tout ce qu’elle pourrait* régler et ordonner, si la prudence n’exigeait pas des précautions pour l’avenir, parce qu’on peut surprendre la religion du meilleur des rois. Considérant l°que le bien que Sa Majesté se propose de faire dans cette respectable assemblée, ne peut résulter qu’autant que chaque ordre, comme chaque membre, pourra déduire librement ses opinions et les raisons qui les motivent, nous protestons contre toute violence qui pourrait être faite à aucun ordre ou membre, et déclarons illégal ce qui serait arrêté et décidé en conséquence. Nous demandons aussi qu’il puisse y avoir une correspondance libre entre les députés et leurs commettants respectifs, sans qu’aucune autorité puisse arrêter ou ouvrir aucune lettre. 2° Que les propriétés de tous les ordres de citoyens étant l’apanage le plus précieux de la liberté civile et sous la sauvegarde des lois indestructibles, nous protestons également et chargeons nos députés de protester contre tout ce qui pourrait y donner atteinte. 3° Que si Je monarque était seul législateur, il serait nécessairement despote ; ni qu’en son nom, ses ministres pourraient faire des lois attentatoires à notre constitution qui veut que le Français soit libre. Nous chargeons expressément nos députés de poser pour principe qu’aucune loi, hormis celle de simple administration provisoire, ne pourra obliger la nation, qu’elle n’ait été librement consentie par elle ; même consentement pour toute espèce d’impôt. 4° Que personne ne pouvant plus connaître les besoins d’une province, y pourvoir et en opérer le bien, qu’un assemblage d’hommes choisis, tirés des différentes classes et parties de la province, pour réunir en masse leurs lumières, ils demanderont que les duchés de Lorraine èt de Bar soient formés en Etats particuliers, qui aient la pléni-.tuae des pouvoirs d’administration, sans qu’aucune partie leur puisse être soustraite. 5° Que comme dans une vaste monarchie il peut y avoir des classes d’hommes qui vivent de rapines, qui ont intérêt à propager les abus et à écarter l’ordre que l’on voudrait mettre dans les finances, nous enjoignons expressément à nos députés de ne consentir aucun impôt que préala-(1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l’Empire. blement on ait examiné l’état actuel des nôtres, qu’on ne soit remonté aux causes du déficit qui doit s’y trouver, et qu’on ait pris des moyens efficaces pour prévenir à jamais toute déprédation. Pour cela ils demanderont une connaissance exacte des dettes de l’Etat et des dépenses de la maison du Roi, des différents départements et des charges quelconques, pour, après avoir réduit tous les genres de dépenses inutiles, superflues, assigner à chaque département et objets une somme fixe qu’on ne pourra excéder. 6° Que comme les plus sages lois et ordonnances n’atteignent leur effet qu’autant qu’elles sont constamment surveillées et mises en activité, ils demanderont le retour périodique des Etats généraux, qui seront tenus à époques fixes, et ils feront rendre compte de la manière dont leurs lois et règlements, nommément sur l’objet important des finances, auront été observés et exécutés, qui prorogeront, suspendront et diminueront les impôts selon les besoins de l’Etat. Ces préliminaires posés et consentis, mais non autrement, nous donnons pleins pouvoirs à nos députés d’approuver, consentir, statuer avec les autres membres de l’assemblée générale, tout ce qui pourra tendre à la bonne constitution du royaume, à la réforme des abus et au bonheur du peuple français-, leur défendant expressément de recevoir aucune grâce ou faveur de la cour pendant la durée de leurs pouvoirs et les trois années qui suivront. Fait et arrêté à Pont-à-Mousson les jour, mois et an susdit, et ont tous messieurs du clergé signé à la minute. Collationné, certifié véritable par nous, avocat en parlement, greffier en chef à Pont-à-Mousson soussigné. Signé Vistor, avec paraphe. CAHIER Des pouvoirs pour MM. les députés de l’ordre de la noblesse du bailliage de Pont-à-Mousson. Aujourd’hui 18 mars 1789, les membres composant l’ordre de la noblesse du baillage de Pont-à-Mousson, assemblés en exécution des lettres de Sa Majesté pour concourir à la rédaction du cahier des remontrances, plaintes et réclamations qu’ils entendent être portées par la voix de leurs députés au bailliage de Bar, à l’assemblée des Etats généraux convoqués à Versailles le 27 avril prochain, et pour conférer leurs pouvoirs auxdits députés, déclarent qu’ils acceptent, avec les sentiments d’une vive reconnaissance, la grâce que Sa Majesté daigne leur faire de les consulter sur les plans de réforme et d’amélioration que sa sollicitude paternelle lui suggère comme une occasion précieuse de lui acquitter en corps pour la première fois depuis la réunion des deux duchés au domaine de sa couronne le tribut du respect profond et de l’attachement inviolable qu’ils portent à la personne de Sa Majesté et qu’ils partagent avec l’ordre entier de leur province. Ils chargent donc leurs députés d’en présenter à Sa Majesté l’hommage le plus pur et le plus sincère; de la supplier d’agréer pareillement celui d’un dévouement sans bornes à son service et au bien de l’Etat, et de lui exprimer les vœux qu’ils font de répondre à sa confiance par un sacrifice absolu de leurs propres intérêts et de concourir de tous leurs efforts et de concert avec (I) Nous reproduisons ce cahier d’après un manuscrit des Archives de V Empire. 228 [Élats gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Bar-le-Duc.] CAHIER DES POUVOIRS ET INSTRUCTIONS DONNÉS AUX DÉPUTÉS DU CLERGÉ DU BAILLIAGE DE PONT-A-MOUS-SON, A LA VILLE DE BAR, POUR LES ÉTATS GÉNÉRAUX (1). Aujourd’hui 18 mars 1789 , nous, soussignés, députés de l’ordre du clergé des villes et communautés du bailliage de Pont-à-Mousson, conformément à l’ordonnance du lieutenant du bailli dudit bailliage en date du 27 février dernier, avons procédé à la rédaction des pouvoirs que nous confions à nos députés pour l’assemblée de la nation qui doit se tenir à Versailles lé 27 avril prochain. Et d’abord les avons chargés de porter aux pieds de Sa Majesté l’hommage de notre profond respect, de notre amour et attachement pour sa personne sacrée, et de notre vive reconnaissance pour sa bonté paternelle, qui daigne appeler auprès d’elle l’élite de la nation pour opérer avec elle la restauration de la France, déraciner les abus et faire circuler le bonheur dans les différentes provinces. Pleins de confiance en la pureté des intentions de Sa Majesté, nous nous livrerions sans réserve à tout ce qu’elle pourrait* régler et ordonner, si la prudence n’exigeait pas des précautions pour l’avenir, parce qu’on peut surprendre la religion du meilleur des rois. Considérant l°que le bien que Sa Majesté se propose de faire dans cette respectable assemblée, ne peut résulter qu’autant que chaque ordre, comme chaque membre, pourra déduire librement ses opinions et les raisons qui les motivent, nous protestons contre toute violence qui pourrait être faite à aucun ordre ou membre, et déclarons illégal ce qui serait arrêté et décidé en conséquence. Nous demandons aussi qu’il puisse y avoir une correspondance libre entre les députés et leurs commettants respectifs, sans qu’aucune autorité puisse arrêter ou ouvrir aucune lettre. 2° Que les propriétés de tous les ordres de citoyens étant l’apanage le plus précieux de la liberté civile et sous la sauvegarde des lois indestructibles, nous protestons également et chargeons nos députés de protester contre tout ce qui pourrait y donner atteinte. 3° Que si Je monarque était seul législateur, il serait nécessairement despote ; ni qu’en son nom, ses ministres pourraient faire des lois attentatoires à notre constitution qui veut que le Français soit libre. Nous chargeons expressément nos députés de poser pour principe qu’aucune loi, hormis celle de simple administration provisoire, ne pourra obliger la nation, qu’elle n’ait été librement consentie par elle ; même consentement pour toute espèce d’impôt. 4° Que personne ne pouvant plus connaître les besoins d’une province, y pourvoir et en opérer le bien, qu’un assemblage d’hommes choisis, tirés des différentes classes et parties de la province, pour réunir en masse leurs lumières, ils demanderont que les duchés de Lorraine èt de Bar soient formés en Etats particuliers, qui aient la pléni-.tuae des pouvoirs d’administration, sans qu’aucune partie leur puisse être soustraite. 5° Que comme dans une vaste monarchie il peut y avoir des classes d’hommes qui vivent de rapines, qui ont intérêt à propager les abus et à écarter l’ordre que l’on voudrait mettre dans les finances, nous enjoignons expressément à nos députés de ne consentir aucun impôt que préala-(1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l’Empire. blement on ait examiné l’état actuel des nôtres, qu’on ne soit remonté aux causes du déficit qui doit s’y trouver, et qu’on ait pris des moyens efficaces pour prévenir à jamais toute déprédation. Pour cela ils demanderont une connaissance exacte des dettes de l’Etat et des dépenses de la maison du Roi, des différents départements et des charges quelconques, pour, après avoir réduit tous les genres de dépenses inutiles, superflues, assigner à chaque département et objets une somme fixe qu’on ne pourra excéder. 6° Que comme les plus sages lois et ordonnances n’atteignent leur effet qu’autant qu’elles sont constamment surveillées et mises en activité, ils demanderont le retour périodique des Etats généraux, qui seront tenus à époques fixes, et ils feront rendre compte de la manière dont leurs lois et règlements, nommément sur l’objet important des finances, auront été observés et exécutés, qui prorogeront, suspendront et diminueront les impôts selon les besoins de l’Etat. Ces préliminaires posés et consentis, mais non autrement, nous donnons pleins pouvoirs à nos députés d’approuver, consentir, statuer avec les autres membres de l’assemblée générale, tout ce qui pourra tendre à la bonne constitution du royaume, à la réforme des abus et au bonheur du peuple français-, leur défendant expressément de recevoir aucune grâce ou faveur de la cour pendant la durée de leurs pouvoirs et les trois années qui suivront. Fait et arrêté à Pont-à-Mousson les jour, mois et an susdit, et ont tous messieurs du clergé signé à la minute. Collationné, certifié véritable par nous, avocat en parlement, greffier en chef à Pont-à-Mousson soussigné. Signé Vistor, avec paraphe. CAHIER Des pouvoirs pour MM. les députés de l’ordre de la noblesse du bailliage de Pont-à-Mousson. Aujourd’hui 18 mars 1789, les membres composant l’ordre de la noblesse du baillage de Pont-à-Mousson, assemblés en exécution des lettres de Sa Majesté pour concourir à la rédaction du cahier des remontrances, plaintes et réclamations qu’ils entendent être portées par la voix de leurs députés au bailliage de Bar, à l’assemblée des Etats généraux convoqués à Versailles le 27 avril prochain, et pour conférer leurs pouvoirs auxdits députés, déclarent qu’ils acceptent, avec les sentiments d’une vive reconnaissance, la grâce que Sa Majesté daigne leur faire de les consulter sur les plans de réforme et d’amélioration que sa sollicitude paternelle lui suggère comme une occasion précieuse de lui acquitter en corps pour la première fois depuis la réunion des deux duchés au domaine de sa couronne le tribut du respect profond et de l’attachement inviolable qu’ils portent à la personne de Sa Majesté et qu’ils partagent avec l’ordre entier de leur province. Ils chargent donc leurs députés d’en présenter à Sa Majesté l’hommage le plus pur et le plus sincère; de la supplier d’agréer pareillement celui d’un dévouement sans bornes à son service et au bien de l’Etat, et de lui exprimer les vœux qu’ils font de répondre à sa confiance par un sacrifice absolu de leurs propres intérêts et de concourir de tous leurs efforts et de concert avec (I) Nous reproduisons ce cahier d’après un manuscrit des Archives de V Empire. [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Bar-le-Duc.l 229 tous les ordres de la nation à l’exécution des grands dessein qui préparent le retour inébranlable de son bonheur et de sa prospérité. L’assemblée considère que les maux de l’Etat ont été grands, et que la confiance qui porte le peuple français à en voir la fin prochaine, repose essentiellement sur la promesse solennelle que Sa Majesté vient de lui faire, d’écouter favorablement ses avis, sur tout ce qui peut intéresser sa félicité, et de faire tendre son affection et sa bonne volonté à l’accomplissement d’une œuvre si désirable ; mais que si la tendresse de Sa Majesté pour ses sujets est sans bornes et ses intentions droites et bienfaisantes, l’instabilité des événements peut en arrêter l’heureuse in-. fluence ; et qu’ainsi il est indispensable pour la nation qu’elle s’occupe d’abord et sans délai à rétablir d’abord l’édifice de sa constitution et à en garantir les fondements des vicissitudes qui pourraient en ébranler de nouveau la solidité. L’assemblée croit donc qu’elle peut, sans blesser la foi pleine et entière qu’elle porte à la parole auguste de Sa Majesté, se livrer à l’impulsion d’une prévoyance salutaire et prescrire à ses représentants quelques points de recommandation, dont l’accomplissement préliminaire ait pour but d’écarter dès les premiers pas et pour toute la suite de leurs opérations les entraves gui pourraient gêner l’étendue de leurs pouvoirs, et nuire au succès qu’ils auraient lieu de s’en promettre : et c’est dans cette vue intéressante qu’elle leur recommande expressément ce qui suit : 1° Aussitôt que l’assemblée des Etats généraux sera formée, les députés demanderont que les pouvoirs de chacun de ses membres soient reconnus et vérifiés, afin que rien ne puisse altérer la certitude qu’ils doivent avoir de n’être environnés que de vrais et de fidèles représentants de la nation. 2° Ils demanderont que la liberté individuelle des citoyens de tous les ordres et de toutes les classes, soit désormais à l’abri des atteintes de l’autorité arbitraire, et qu’en conséquence l’usage des lettres de cachet, des lettres d’exil, ou de tous autres ordres supérieurs de cette nature soit entièrement aboli, sauf aux Etats généraux à se concerter avec Sa Majesté sur les moyens d’arrêter promptement et provisoirement seulement les auteurs des délits et les perturbateurs de l’ordre public, pour les remettre sans délai au pouvoir de l’autorité juridique, et les faire punir selon les lois constitutionnelles de l’Etat. 3° Que le retour fixe et périodique des Etats généraux devienne le régime permanent de l’administration du royaume, et notamment que l’époque des Etats qui doivent suivre immédiatement ceux de 1789, soit déterminée et déclarée invariablement; 4° Que l’on accorde à la province de Lorraine et Barrois l’exercice libre de ses Etats particuliers, suivant la constitution des Etats généraux actuels, et d’après les plans d’organisation qui en auront été proposés ou convertis aux Etats généraux ; 5° Que l’octroi d’aucun impôt, d’aucun emprunt ou d’un subside quelconque, ne puisse être consenti ni accordé qu’après qu’il aura été pourvu efficacement à la stabilité de la constitution nationale; * 6° Qu’il ne puisse être établi ou prorogé aucun impôt, subsides ou emprunts sur toute une partie de la nation, pour quelque cause que ce soit, sans le consentement libre de toute la nation elle-même, dûment convoquée en Etats généraux, et que ceux des impôts qui seront établis ou prorogés de cette manière ne puissent l’être qu’autant et seulement pour la durée de l’iDtervalIe à courir jusqu’au retour des Etats, dont l’époque sera fixée, après laquelle ils cesseront de plein droit, quand bien même les Etats généraux se seraient rassemblés pour les renouveler, 7° La noblesse, dont un vil intérêt n’arrêta jamais les sacrifices, lorsqu’ils ont dû concourir au bien de la patrie, et parfaitement instruite d’ailleurs qu’ils ne peuvent dans aucune circonstance porter atteinte à la constitution antique, et certaine de ses droits et de ses prérogatives, ne mettra jamais aucun obstacle à l’union et à l’harmonie si nécessaire au succès des opérations des Etats généraux. Guidée par ces sentiments l’assemblée ne croit donc devoir prescrire aucunes bornes au pouvoir de ses députés, relativement à la -grande question de savoir si dans les Etats généraux on opinera par tête ou par ordre ; son vœu le plus précis est que, sans aucune distinction d’ordre ni de privilèges, la répartition des impôts se fasse par qui. il sera jugé convenable en raison des biens et des facultés (ffes individus, dans la proportion la plus juste et la plus égale qu’il se pourra ; ce vœu qui sans doute sera exprimé dans l’ordre du clergé, détruisant toute contradiction dans les intérêts des différents ordres, détruira donc aussi toute opposition dans les avis, pour les diriger à l’unanimité, et dans des circonstances aussi favorables, les députés ne pourront mieux faire que de se conformer aux opinions du plus grand nombre dans les Etats généraux; et surtout de se rapprocher de celles qui tendront le plus particulièrement à l’avantage inappréciable d’une constitution nationale bien organisée. Ils veilleront cependant à ce qu’il ne soit attenté en aucune manière aux droits sacrés et immuables de la propriété, parce que le moindre coup qui leur serait porté, serait le premier pas, et en même temps le plus difficile et le plus dangereux vers la destruction des biens sociaux. 8° Les députés demanderont qu’il soit libre à chacun de ceux qui composeront l’assemblée, d’entretenir et de conserver une correspondance directe avec leurs concitoyens des villes ou des provinces qu’ils représenteront, et de recevoir d’eux, pendant tout le temps que durera leur mission, toutes les instructions et tous les renseignements relatifs à leurs pouvoirs et aux différents objets de demandes de leurs cahiers, sans qu’on puisse, en aucun cas et sous aucun prétexte, attenter au secret, à la sûreté, ni à l’activité de cette communication. 9° Enfin les députés représenteront à l’assemblée générale qu’il est de la plus grande importance pour le bien des Etats généraux que ses membres conservent aux yeux et dans l’opinion des concitoyens qu’ils représentent, ce caractère de pureté de délicatesse et de désintéressement qu’ils doivent regarder comme le plus beau titre de leur mission ; que si les intentions de Sa Majesté sont l’émanation fidèle de la droiture de son cœur, et portent l’empreinte de la sensibilité avec laquelle elle daigne compatir aux maux de ses sujets, il eut exister des ennemis de sa gloire et du bon-eur de ses peuples, capables, par des avis sourds et ténébreux, de tendre des pièges à la bonne foi et à la loyauté des coopérateurs du bien général; et que pour en éviter le dangereux écueil, il est indispensable que tous et chacun des députés aux Etats généraux s’engagent solennellement et pu- 230 [États gén. \ 789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Bar-le-Duc.] bliqueroent, sous la foi inaltérable de leur hon-Leur, à ne solliciter et à n’accepter de la cour aucunes grâces, faveurs, pensions ni gratifications, soit directement ou indirectement, non-seulement pendant tout le temps que dureront les Etats généraux, mais encore dans la révolution des trois années qui leur succéderont, à moins que le consentement des Etats provinciaux ou des compagnies souveraines de la province ne leur permette de les solliciter et de les accepter, Ou que le vœu de l’opinion publique ne les y appelle, Get engagement solennel sera la sauvegarde des âmes faibles et timides et peut-être le fléau de l’égoïsme de ceux qu’un esprit d’ambition ou de cupidité aurait portés à des machinations et à un système d’intrigue pour surprendre les suffrages dume élection en leur faveur. L’assemblée, persuadée que chacun des objets de recommandation qui viennent d’être exposés, sera regardé par ses députés comme un point essentiel et constitutif du caractère de sa mission, dont il ne sera pas possible de s’écarter, n’a plus de bornes à prescrire aux pouvoirs qu’elle est dans le cas de leur conférer. Elle déclare donc unanimement et librement qu’elle donne par le présent acte, tftix. personnes qui seront choisies par la voix légitime du scrutin, ses pouvoirs généraux et suffisants pour la représenter aux Etats généraux, y proposer, remontrer, aviser et consentir tout ce qui peut concerner les besoins de l’Etat, la réforme des abus, l’établissement d’un ordre fixe et invariable dans toutes les parties de l’administration, la prospérité générale du royaume et le bonheur tant commun que particulier de tous les sujets français; et qu’elle approuve et ratifie dès à présent tout ce que ses députés auront fait, proposé, remontré, avisé et consenti relativement à ces vues importantes. Fait et arrêté double les jour et an que dessus, et ont MM, les membres présents signé à la minute, CAHIER Des-plaintes , doléances et remontrances de la ville de Pont-h-Mousson et de toutes les communautés du ressort de son bailliage (1), Les Etats généraux étant les dépositaires des pouvoirs de la nation, et par conséquent chargés des destinées nationales, la constitution à donner au plus beau royaume de l’Europe va devenir leur ouvrage. Les représentants des bailliages ayant dans les actes relatifs â cette convocation une autorité légale, semblable à celle que les Etats généraux ont pour la totalité du royaume,, ils doivent s’occuper de la constitution nationale et de celle de la province, et fournir à leurs députés des cahiers qui aient un but général. Pour arriver à ce but, il faut un concours de volonté qui établisse l’union; il faut savoir que le désir de respecter en Lorraine les droits de chaque bailli d été le motif qui a engagé le gouvernement h faire faire la convocation par chacun des trente-quatre bailliages qui y sont établis, que cette convocation est nécessairement opposée au bien de la province, puisque non-seulement elle n’affre aucun ensemble, mais qu’au contraire elle présente le double inconvénient de proposer â la nation des demandes et des vues qui peuvent (4) Nou» reproduisons ce cahier d’après un manuscrit deâ Archives de l'Empire.. se croiser et do remettre à des députés des cahiers auxquels ils n’auront pas travaillé et dont ils ne connaîtront pas l’esprit, ou qui les forceront à former un vœu contraire à leur personnel. La prétention de la ville de Bar en réclamation de ses Etats particuliers, est la preuve sensible de cet inconvénient; d’après ces principes, il a été arrêté que, suivant tes lois incontestables d’une bonne représentation, le président du corps représentant doit être élu librement par l’assemblée; que tout autre présidence est contraire à ces lois en ce qu’elle n’offre à l’assemblée que le commissaire du Roi, chargé d'expliquer provisoirement ses intentions. Arrêté que les personnes qui seront choisies par le bailliage ne se rendront à Bar que pour n’apporter aucun retard à la convocation et aux élections, sans qu’ou puisse induire de cette marche respectueuse pour le Roi, aucun acquiescement aux prétentions mal fondées de la ville de Bar, ni qu’ellejpuisse en rien préjudiciera ses droits, que les députés seront chargés de revendiquer pour une seconde députation aux Etats généraux. Arrêté que les mêmes députés seront autorisés à déduire leurs cahiers avec les députés du bailliage du Barrois non mouvant, pour n’en former qu’un seul qui puisse offrir le vœu de cette partie du Barrois. Arrêté que les députés aux Etats généraux seront autorisés, aussitôt après leur nomination, de se mettre en rapport avec les députés choisis dans les trois autres bailliages de la province, et de s’assembler dans telle ville qu’ils voudront choisir pour prendre communication des cahiers qui leur seront confiés, et les combiner de manière à n’en faire qu’un seul qui présente en masse le vœu de la province et des trois ordres réunis, si la chose leur paraît possible. Arrêté que les Etats généraux assemblés, les députés réunis examineront si l’assemblée est vraiment représentative de la nation, si les droits politiques de chaque citoyen ont été respectés, et que sur les plaintes et représentations des représentants, il soit établi pour les assemblées à venir un mode de convocation constitutionnel qui embrasse toutes les assemblées élémentaires et qui en arrête les réductions successives par des règles de justice qui les rendent proportionnelles. Arrêté que toute délibération à prendre en Etats généraux ne pourra faire loi, qu’autant que la votation sera par tête et non par ordre, cette manière de voter étant la seule équitable. Après les préliminaires qui sont des formes Indispensables qui doiveut être constitutionnelles, on établira pour principe de la liberté politique de la nation entière : 1° Que la liberté française sera garantie ; qu’il est de l’essence de cette liberté que nul ne peutêtre arrêté ou constitué prisonnier qu’en vertu d’un décret décerné parles juges ordinaires, hors les cas provisoires qui seront déterminés par l’Assemblée, dans lesquels cas les détenus seront remis dans les vingt-quatre heures à leurs juges naturels et compéten ts qui seront tenus de statuer dans le plus bref délai sur le fait de l’emprisonnement, moyennant caution, si le délit ne faisait présumer aucune infliction de peines corporelles. Qu’en conséquence de ces lois qui établiront invariablement la liberté, aucun citoyen ne pourra être arrêté par un ordre ministériel bien vertudelettres decaohet. 2° Que la liberté indéfinie de la presse, émanant de notre liberté individuelle et politique, il soit arrêté que tous censeurs seront supprimés et qu’il sera libre à tout citoyen de faire imprimer 230 [États gén. \ 789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Bar-le-Duc.] bliqueroent, sous la foi inaltérable de leur hon-Leur, à ne solliciter et à n’accepter de la cour aucunes grâces, faveurs, pensions ni gratifications, soit directement ou indirectement, non-seulement pendant tout le temps que dureront les Etats généraux, mais encore dans la révolution des trois années qui leur succéderont, à moins que le consentement des Etats provinciaux ou des compagnies souveraines de la province ne leur permette de les solliciter et de les accepter, Ou que le vœu de l’opinion publique ne les y appelle, Get engagement solennel sera la sauvegarde des âmes faibles et timides et peut-être le fléau de l’égoïsme de ceux qu’un esprit d’ambition ou de cupidité aurait portés à des machinations et à un système d’intrigue pour surprendre les suffrages dume élection en leur faveur. L’assemblée, persuadée que chacun des objets de recommandation qui viennent d’être exposés, sera regardé par ses députés comme un point essentiel et constitutif du caractère de sa mission, dont il ne sera pas possible de s’écarter, n’a plus de bornes à prescrire aux pouvoirs qu’elle est dans le cas de leur conférer. Elle déclare donc unanimement et librement qu’elle donne par le présent acte, tftix. personnes qui seront choisies par la voix légitime du scrutin, ses pouvoirs généraux et suffisants pour la représenter aux Etats généraux, y proposer, remontrer, aviser et consentir tout ce qui peut concerner les besoins de l’Etat, la réforme des abus, l’établissement d’un ordre fixe et invariable dans toutes les parties de l’administration, la prospérité générale du royaume et le bonheur tant commun que particulier de tous les sujets français; et qu’elle approuve et ratifie dès à présent tout ce que ses députés auront fait, proposé, remontré, avisé et consenti relativement à ces vues importantes. Fait et arrêté double les jour et an que dessus, et ont MM, les membres présents signé à la minute, CAHIER Des-plaintes , doléances et remontrances de la ville de Pont-h-Mousson et de toutes les communautés du ressort de son bailliage (1), Les Etats généraux étant les dépositaires des pouvoirs de la nation, et par conséquent chargés des destinées nationales, la constitution à donner au plus beau royaume de l’Europe va devenir leur ouvrage. Les représentants des bailliages ayant dans les actes relatifs â cette convocation une autorité légale, semblable à celle que les Etats généraux ont pour la totalité du royaume,, ils doivent s’occuper de la constitution nationale et de celle de la province, et fournir à leurs députés des cahiers qui aient un but général. Pour arriver à ce but, il faut un concours de volonté qui établisse l’union; il faut savoir que le désir de respecter en Lorraine les droits de chaque bailli d été le motif qui a engagé le gouvernement h faire faire la convocation par chacun des trente-quatre bailliages qui y sont établis, que cette convocation est nécessairement opposée au bien de la province, puisque non-seulement elle n’affre aucun ensemble, mais qu’au contraire elle présente le double inconvénient de proposer â la nation des demandes et des vues qui peuvent (4) Nou» reproduisons ce cahier d’après un manuscrit deâ Archives de l'Empire.. se croiser et do remettre à des députés des cahiers auxquels ils n’auront pas travaillé et dont ils ne connaîtront pas l’esprit, ou qui les forceront à former un vœu contraire à leur personnel. La prétention de la ville de Bar en réclamation de ses Etats particuliers, est la preuve sensible de cet inconvénient; d’après ces principes, il a été arrêté que, suivant tes lois incontestables d’une bonne représentation, le président du corps représentant doit être élu librement par l’assemblée; que tout autre présidence est contraire à ces lois en ce qu’elle n’offre à l’assemblée que le commissaire du Roi, chargé d'expliquer provisoirement ses intentions. Arrêté que les personnes qui seront choisies par le bailliage ne se rendront à Bar que pour n’apporter aucun retard à la convocation et aux élections, sans qu’ou puisse induire de cette marche respectueuse pour le Roi, aucun acquiescement aux prétentions mal fondées de la ville de Bar, ni qu’ellejpuisse en rien préjudiciera ses droits, que les députés seront chargés de revendiquer pour une seconde députation aux Etats généraux. Arrêté que les mêmes députés seront autorisés à déduire leurs cahiers avec les députés du bailliage du Barrois non mouvant, pour n’en former qu’un seul qui puisse offrir le vœu de cette partie du Barrois. Arrêté que les députés aux Etats généraux seront autorisés, aussitôt après leur nomination, de se mettre en rapport avec les députés choisis dans les trois autres bailliages de la province, et de s’assembler dans telle ville qu’ils voudront choisir pour prendre communication des cahiers qui leur seront confiés, et les combiner de manière à n’en faire qu’un seul qui présente en masse le vœu de la province et des trois ordres réunis, si la chose leur paraît possible. Arrêté que les Etats généraux assemblés, les députés réunis examineront si l’assemblée est vraiment représentative de la nation, si les droits politiques de chaque citoyen ont été respectés, et que sur les plaintes et représentations des représentants, il soit établi pour les assemblées à venir un mode de convocation constitutionnel qui embrasse toutes les assemblées élémentaires et qui en arrête les réductions successives par des règles de justice qui les rendent proportionnelles. Arrêté que toute délibération à prendre en Etats généraux ne pourra faire loi, qu’autant que la votation sera par tête et non par ordre, cette manière de voter étant la seule équitable. Après les préliminaires qui sont des formes Indispensables qui doiveut être constitutionnelles, on établira pour principe de la liberté politique de la nation entière : 1° Que la liberté française sera garantie ; qu’il est de l’essence de cette liberté que nul ne peutêtre arrêté ou constitué prisonnier qu’en vertu d’un décret décerné parles juges ordinaires, hors les cas provisoires qui seront déterminés par l’Assemblée, dans lesquels cas les détenus seront remis dans les vingt-quatre heures à leurs juges naturels et compéten ts qui seront tenus de statuer dans le plus bref délai sur le fait de l’emprisonnement, moyennant caution, si le délit ne faisait présumer aucune infliction de peines corporelles. Qu’en conséquence de ces lois qui établiront invariablement la liberté, aucun citoyen ne pourra être arrêté par un ordre ministériel bien vertudelettres decaohet. 2° Que la liberté indéfinie de la presse, émanant de notre liberté individuelle et politique, il soit arrêté que tous censeurs seront supprimés et qu’il sera libre à tout citoyen de faire imprimer [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Bar-le-Due.J 231 ses opinions, ses vues et ses projets aux réserves qui seront jugées les plus convenables par l’assemblée pour le maintien des bonnes mœurs et de la paix des gens honnêtes et de l’ordre général. 3° Que le secret de la poste aux lettres devant être inviolable, il soit avisé aux moyens les plus convenables pour qu’il n’y soit porté aucune atteinte. 4° Le droit de propriété devant être protégé et défendu par toute la force de la nation qui seule a le droit d’accorder des subsides, d’en régler l’étendue, d’en fixer la durée et d’ouvrir les emprunts, que toute autre manière d’imposer étant illégale et inconstitutionnelle, tous impôts actuels seront déclarés nuis et de nul effet, sauf à la nation à les recréer provisoirement. 5° La nation ne formant qu’un seul corps, il ne sera arrêté aucune taxe ni imposition sous telles dénominations que ce puisse être , qu’elles ne soient supportées par les trois ordres, à raison de leur force et faculté. 6° Que les ministres seront responsables de leur gestion aux Etats généraux, qui pourront les faire juger sur le fait de l’exercice de leurs fonctions, par ses juges compétents, et à cet effet le compte de leur administration sera rendu public annuellement par la voie de l’impression. 7° Qu’aucune loi générale et permanente ne pourra être établie et promulguée qu’elle n’ait été faite par la nation assemblée enEtats généraux, et en ce qui concerne les lois de pure administration et de police générale, elles seront adressées provisoirement aux cours pendant l’intervalle de la tenue des Etats généraux, pour y être vérifiées et enregistrées librement, mais elles n’auront de force que jusqu’au retour périodique de l’Assemblée nationale, où elles seront nécessairement ratifiées pour continuer à être obligatoires. 8° Le retour périodique des Etats généraux sera fixé à un terme court, et dans le cas de régence, ils seront convoqués à la diligence du premier prince du sang dans un délai de six semaines au plus. 9° Il sera réglé que les députés du tiers aux Etats généraux seront toujours composésau moins d’un nombre égal de députés à celui des deux autres ordres réunis. 10° Le trône sera assuré à la famille royale, selon l’ordre de succession quia été suivi jusqu’à présent, sans que les femelles ni leurs transcendants puissent succéder, même dans le cas d’extinction de toutes les branches masculines. 11° On statuera que le monarque jouira de la puissance exécutive ; qu’il aura le droit de faire la paix, la guerre; de conclure des alliances tant défensives qu’offensives, afin de pourvoir par les moyens qu’il jugera les plus convenables à la sûreté et à la dignité de la nation dans tous ses rapports extérieurs et politiques. 12° On cherchera les meilleurs moyens d’assurer l’exécution des lois du royaume, en sorte qu’aucune ne puisse être enfreinte sans que quelqu’un en soit responsable. 13° On demandera la confirmation des capitulations et des traités qui unissent les provinces à la couronne, et particulièrement des conditions du traité de cession de la province de Lorraine au royaume de France. 14» On sollicitera avec instance le rétablissement des Etats de la Lorraine et Barrois, conformément au plan d’organisation qui sera approuvé des trois ordres légalement assemblés, et on demandera qu’ils alternent dans les différentes villes de la province. 15° On demandera qu’il ne soit rien prononcé sur le reculement des barrières que les Etats de la province n’aient été consultés : eux seuls pouvant discuter le pour et le contre de cette importante question. 16° Que les députés aux Etats généraux ne pourront statuer sur aucun secours pécuniaire à titre d’emprunt, d’impôt ou autrement, avant que les articles ci-dessus, qui tiennent à la constitution du royaume et de la province, n’aient été invariablement établis, reconnus et solennellement proclamés. 17° Alors il pourront consolider la dette de l’Etat, conformément aux clauses du traité de cession de la Lorraine. 18° Ils ne consentiront néanmoins à l’impôt qu’après la connaissance détaillée qu’ils auront prise des finances et des besoins de l’Etat rigoureusement démontrés, pour, après avoir opéré les réductions dont la dépense sera susceptible, consentir aux subsides qui seront jugés nécessaires dans la proportion qui devra être supportée par cette province, eu égard à l’époque de sa réunion au royaume, à charge que les subsides n’auront lieu que pour le temps fixé par les Etats généraux; et quiconque voudrait en faire la continuation sera poursuivi et condamné comme concussionnaire par les tribunaux de justice. 19° On demandera la réforme des abus de l’administration de la justice, la révision du Code criminel ; que les peines infligées au délit soient les mêmes pour tous les sujets des ordres de l’Etat, et qu’on avise aux moyens de détruire le préjugé ridicule qui note d’infamie les parents du supplicié. 20° Qu’aucun citoyen ne pourra être enlevé à ses juges naturels, et tout committimus% lettre d’évocation au conseil soient abolis. 21° En conséquence des réformes de la justice dont le besoin est senti par tous les individus, on demandera l’abréviation des procédures, un délai pour la décision de toutes affaires, de quelque importance qu’elles soient; l’abolition de la vénalité des offices de judieature; la suppression des chancelleries établies près des cours et tribunaux inférieurs, des procureurs, des huissiers-priseurs et de toutes les hautes justices; la'diminution des droits de sceau, du contrôle et des papiers et parchemins timbrés, lesquels droits seront fixés par un tarif clair, exempt de toute interprétation; enfin, la refonte sur un plan nouveau de l’édit concernant la conservation des hypothèques. 22° Que les Parlements seront composés de magistrats pris dans le tiers-état, en nombre égal à celui du clergé et de la noblesse réunis; le premier président choisi néanmoins dans l’ordre de la noblesse, et le procureur général dans celui du tiers-état. 23° Qu’à l’avenir aucun office de notaire ne fasse déroger, et qu’on ne puisse en être pourvu sans être gradué et sans avoir exercé les fonctions d’avocat pendant dix ans. 24° Que les inventaires soient faits par les officiers de communautés, assisté de deux experts sermentés à cet effet, et que la connaissance de la police locale et champêtre leur soit attribuée. 25° Que l’administration des eaux et forêts sera réformée ; que leurs officiers seront payés par vacation, en sorte qu’ils ne pourront plus rien prétendre, à titre de francs-vins, dans le prix des ventes annuelles des bois dépendants du domaine de Sa Majesté, de ceux appartenant aux communautés et gens de mainmorte ; enfin, que les affouages annuels des bois mis en régie seront délivrés par les officiers locaux. 232 [Etats gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Bar-le-Duc .] Si la force, qui n’est que pour défendre au dedans et au dehors les droits de l’Etat et les lois, peut être dirigée contre la constitution et la liberté de la nation, il est important que les Etats généraux prennent toutes les précautions imaginables pour maintenir et diriger cette force, de manière qu’elle ait, pour la défense de l’Etat et des lois, toute l’activité dont elle peut et doit être pourvue, et l’inertie absolue pour porter atteinte aux lois et à la liberté de la nation. En vertu de ce principe, nos représentants aux Etats généraux demanderont : 1° Une constitution fixe et invariable dans l’Etat militaire; que l’exclusion humiliante du tiers-état de tous les grades indistinctement qui détruit son émulation, soit proscrite, ainsi que tout ce qui est propre à avilir et abâtardir le courage de la nation la plus sensible à l’honneur; enfin, que le tiers-état soit admis dans toutes les écoles militaires alternativement avec la noblesse, sur la présentation qui en sera faite par les Etats provinciaux. 2° La stricte exécution des ordonnances concernant les congés de remplacement. 3° La conversion de la milice en prestation pécuniaire à la charge des trois ordres. 4° Que les provinces et les villes soient déchargées du logement et des fournitures à faire aux gouverneur, commandant et autres officiers des différents états-majors; que le nombre trop multiplié en soit réduit, ainsi que les traitements et pensions dont ils jouissent. 5° Que les différentes évolutions des troupes, les frais de logements et passages, ainsi que ceux du logement de celles en garnison ou en quartier et des fournitures qui doivent leur être faites, ■ étant dans l’intérêt général, soient, supportés par la nation. 6° Que la constitution du corps de maréchaussée soit examinée, et qu’il soit chargé du transport du revenu public dans les caisses provinciales et au trésor royal. La liberté nationale ne devant avoir de limites qu’autant qu’elle commencerait à nuire aux droits de la société, il résulte que la faculté de travailler, de produire, d’échanger et de consommer en émane, et que la loi protégeant tout et n’accordant rien, doit proscrire tous privilèges exclusifs, et favoriser toute liberté de commerce, d’industrie et d’exploitation, nos représentants demanderont : 1° La suppression de la vénalité des maîtrises d’arts et métiers ; celle de l’imposition, connue sous le nom d'industrie; ils solliciteront des encouragements pour les manufactures; la suppression ou modération des droits d’entrée, dans les provinces, sur les matières premières propres aux différentes fabrications, telles que laines, cotons, mines de plomb, etc., etc., etc. 2° L’abolition des privilèges exclusifs de roulages et de diligences, la modération des ports d’argent et des lettres qui excèdent le poids de quatre onces , afin d’en faciliter la remise aux bureaux des postes, toujours plus sûrs que toutes autres voies. 3° Suppression des commissions de distillateurs d’eaux-de-vie, dont le profit, onéreux aux citoyens, ne tourne pas au bénéfice de la chose publique. 4° Qu’on avise aux moyens de supprimer les entraves et les vexations que commettent journellement les salpêtriers dans l’exercice de leurs fonctions, tant à la ville qu’à la campagne. 5° La suppression des loteries, qui occasionnent la ruine de plusieurs familles, à moins que cette suppression ne présente des inconvénients politiques et insurmontables. 6° La suppression des parcours réciproques et la révocation de l’édit des clos, ou du moins que les intérêts des différentes communautés sur ces objets soient contradictoirement entendus et développés, ainsi que sur l’objet de la répartition des communes qui resteront dans leur ancien état, l’édit des clos et des défrichements étant très-préjudiciable à l’agriculture. 7° La démolition des colombiers établis contrairement aux ordonnances, la liberté du rachat de toute banalité, notamment des pressoirs et moulins, la stricte exécution des ordonnances concernant la plantation des vignes et la suppression des droits imposés sur les vins et eaux-de-vie de Lorraine, en faveur de la ville de Metz et des Trois-Evêchés. 8° Que les noms de corvée et prestations personnelles, tant domaniales que seigneuriales, soient à jamais abolis ; que le rachat qui les représente ne puisse leur survivre : en conséquence, les députés demanderont la suppression de toutes les servitudes et corvées qui portent particulièrement sur les cultivateurs et habitants des campagnes, et l’exemption absolue de toutes prestations pécuniaires qui y ont été subrogées; et quant aux autres droits seigneuriaux, tels que le tiers denier, les assises, les droits de lods et ventes, quint et requint, parcours des bestiaux dans les prairies et toutes redevances féodales, les droits de guet et garde, et généralement tous ceux qui ont pour principe des causes qui n’existent plus, qu’il soit établi une commission dans cette province pour en vérifier les titres, les constituer légalement ou les annuler après le rapport qui en sera fait. 9° Que le taux auquel l’exportation des grains à l’étranger devra être arrêté sera fixé annuellement par les Etats provinciaux, qui seront chargés d’animer et encourager les travaux de l’agriculture. 10° Qu’aucun citoyen domicilié en cette province ne pourra être traduit par-devant aucuns juges que ses juges naturels, nonobstant les soumissions qu’il aurait pu faire par billets ou autres effets de commerce dans lesquels il aurait élu domicile hors de la province. 11° L’exécution rigoureuse des règlements concernant les banqueroutiers frauduleux, lesquels seront tenus de porter une marque distinctive de la flétrissure qu’ils méritent ; enfin, que les séparations de biens soient rendues publiques. 12° Nos représentants pourront consentir, s’ils le croyent avantageux, à rengagement des domaines, pour un temps limité qui ne pourra excéder trente années, et demanderont la vérification des causes d’aliénation faites depuis 1736, de ceux situés dans cette province. 13° La suppression de la ferme générale et surtout l’affranchissement de tout impôt sur le sel, le tabac, dont la vente doit être libre, ainsi que toutes autres denrées de première nécessité, pareillement la suppression de la ferme désignée sous le nom de droits réunis. 14° Us proposeront d’examiner l’utilité ou le désavantage des salines et usines à feu établies en cette province et du tribunal de la réformation. 15° Ils demanderont l’exécution des règlements rendus sur le fait de pêche et de chasse; qu’il soit pourvu aux moyens propres à remédier aux abus dans cette partie. Un cri général annonce le besoin d’une réforme [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Bar-le-Dnc.] 233 dans nos mœurs; cependant l’esprit de la religion existe dans la première classe de la hiérarchie ecclésiastique, et il est suivi dans toute sa rigueur parmi les charitables pasteurs des villes . et campagnes ; mais ceux-ci manquent souvent des moyens avec lesquels ils peuvent travailler efficacement à la régénération des mœurs dans l’ordre du peuple qui leur a été confié. Pour cela il convient : 1° Rappeler les dîmes à leur première institution ; en employer le produit à la dotation des curés qu’il conviendrait d’ériger dans les lieux où il n’y a que des vicaires résidants ; pourvoir à l’honnête substantation des pasteurs qui à ce moyen n’exigeront aucun casuel ; au rétablissement des églises et presbytères, qui cesseront d’être à la charge des communautés, et à l’établissement des écoles gratuites ou autres fondations de charité. 2° D’examiner Remploi des revenus des bénéfices et économats et aviser au moyen de remédier à l’abus de porter à Rome le numéraire pour des objets purement spirituels. 3° De solliciter la suppression de toute abbaye et prieuré en commende; la réduction des revenus excessifs de plusieurs archevêchés et évêchés et l’application de l’excédant au clergé du second ordre. 4° Demander que la résidence des évêques et bénéficiers soit directement exigée au moins pendant neuf mois de l’année dans le lieu de leur bénéfice, sous peine de saisie de leur temporel applicable aux hôpitaux ou autres établissements publics, et que la pluralité des bénéfices incompatibles soit de nouveau prohibée. 5° Ils réclameront l’exécution de la disposition de l’édit concernant la conventualitédes religieux, et demanderont que tous gens de mainmorte indistinctement soient autorisés à prêter à intérêt au taux du prince, sans qu’ils puissent en induire la liberté d’augmenter leurs propriétés immobilières. 6° Que les religieux et religieuses soient rendus utiles, en employant les uns à l’enseignement des sciences et les autres à l’éducation des personnes du sexe; que l’ordre de Malte soit engagé d’ouvrir sur ses galères une école gratuite de navigation, dans laquelle sera placé un certain nombre de servants d’armes tirés du tiers-état. Les objets de l’utilité publique méritant l’attention des Etats généraux, il sera demandé : 1° Qu’on avise aux moyens de rendre plus utile, surtout à cette province, l’établissement des haras ; que l’on encourage les particuliers à former des pépinières qui puissent suppléer aux publiques. 2° Qu’il soit établi dans les villages des filles d’école, propres à fournir à l’instruction des enfants de campagne. 3° Que les femmes qui se destinent aux fonctions de matrones, soient tenus à faire un cours d’accouchement qui sera établi dans la capitale de la province, où elles seront envoyées, nourries, et entretenues pendant le temps qui sera jugé nécessaire pour leur instruction, et cela aux frais de la province. 4° Que les villes soint réintégrées dans leurs anciens privilèges ainsi que les communautés des campagnes ; qu’elles aient la liberté d’élire les officiers municipaux pour administrer les biens communaux et rendre compte annuellement aux Etats de la province qui ordonneront l’emploi des deniers restés en caisse. 5° Ils solliciteront le rétablissement des magasins d’abondance. 6° Ils aviseront aux moyens de racheter, con-curemment avec la province des Trois-Evêchés, les droits de foraine, dans le cas qu’on ne pourrait en obtenir la suppression absolue : ce droit étant une entrave commune aux deux provinces, nuisible à l’agriculture et au commerce. 7° Ils présenteront la nécessité urgente et indispensable de pourvoir incessamment au moyen de contenir dans ses bornes la rivière de Moselle, dont les fréquents débordements font courir les plus grands risques à la ville et aux villages situés le long de son cours, et demanderont que les alluvions soient accordées en indemnité des propriétés enlevées. 8" Ils demanderont le rachat de la banalité des moulins de la ville et villages, des droits de cordage et fouages, jaugeage y établis, pour être administrés par les officiers municipaux, ainsi que les autres fermes de la ville. 9° Que tous droits d’entrée et encavages des bières, imposés en faveur de la brasserie anciennement établie à Pont-à-Mousson, soient abolis. 10° Enfin ils réclameront l’Université de cette ville illégalement transférée à Nancy, contrairement à son titre d’érection et à l’article 14 du traité de cession de cette province, nonobstant une possession de près de deux cents ans et au préjudice de l’intérêt général et de celui particulier des campagnes qui avoisinent la ville et qui y versent leurs productions. 11° La stricte exécution des ordonnances de Lorraine concernant les Juifs, en sorte qu’ils n’aient pas la liberté de fixer leur domicile dans toutes les villes indifféremment, mais seulement dans celles qui leur sont indiquées par les règlements des anciens ducs de Lorraine, nos souverains. 12° Toutes les communautés, dans la crainte d’interrompre les Etats généraux des objets essentiels dont ils doivent être occupés par la réclamation des objets particuliers de localité, se réservent de les faire valoir près des Etats provinciaux. 13° Enfin ils aviseront au moyen de réduire en une seule mesure carrée les différentes usitées en cette province, ainsi que les aunes, poids et toises qui doivent être les mêmes. Et aujourd’hui 18 mars 1789, dans une salle du collège royal de Pont-à-Mousson, huit henres du matin, les députés du tiers-état de la ville de Pont-à-Mousson, ainsi que ceux des communautés du ressort de son bailliage, étant assemblés dans ladite salle, sous la présidence de M. Bre-ton, chevalier, conseiller du Roi, lieutenant général civil et criminel dudit bailliage, ayant eu lecture du présent cahier de plaintes, doléances et remontrances, en tout sont consenls, ont déclaré unanimement l’agréer en tous ses points, lequel ils ont à l’instant signé avec nous président susdit, le procureur du Roi et notre greffier en chef, et ensuite l’avons coté et paragraphé par première et dernière page ne varietur, le tout en conformité des lettres du Roi et règlement y annexé du 24 janvier dernier. Fait et achevé les jour et an ci-dessus, sur les deux heures de relevée. Signé : Demory, Empereur, Viard, Ragot, Willemin, Maugrais, Mallarmé, assesseur, Colombel, Naney, Lopinet, Bour, Nicolas, Guyot, Jollain, Manjot, Joseph Pierson Mazê, Dominique Levaque, Joseph Laveille, Genot, Ma-halin, Nicolas Hurion, Bonhoste, Magot, Nicolas Poinsot, Nicolas Gollinet, Verville, Nicolas Gha- 234 [État* gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, (Bailliage de Bar-le-Dnc.] lin, Chanot, Brocard, Jean Martin, Nicolas Petit, Cristophe Peucherin, Nicolas Bastien, Pardieu, Nicolas-Laurent Lopinet, Joseph-Blaise Rouyer, Christophe Guerrard, Gros-Jean, Rougemaître, Jean Simonin, François Galand, André-Louis Maire, Marchai, Perin, Pierson, Guillaumé, André Nallet, Chabaux, Claude Connard, François Che-misard, Jean Harmand, François Vincent, Firmin Guérard, Franc, Jean Tailly, Tailly, Louis André, Cuni, Marchai, Latour, Barbelin, Rémi, Martin, Nicolas Pierson, Giniez, Jean Boyer, Agathe, Gharraux, François Thouvenot, Joseph Poirot, François Monart, Pierre Gauthier, Mathieu Bellin, Nicolas Duponcel, Nicolas Defaux, Antoine Aus-saire, Jean Laurent, Charreaux, Blaize, Thiery, Châtel, Alizon, Pierre Toussaint, Hubert Brayara, Jean -François Mangin, Manel, Jean-Baptiste Bachelier, Petit-Jean, Joba, François Naudin, Nicolas Etienne, Jean Bello, Nicohîs Gerardin, Bourguignon, Charles Vincent, Jean Auger, Jacques Lanot, Huquet, Renaudin, Dominique, Petit-Mangin, Pierre Dardaine, Guste, Dominique Gillet, Dominique Henrion, Jacques Lemoine, Jean Baptiste Lallemand, Dominique Guérard, François Vallet, Charles Mangeot, Dominique Voynier, Jac-ues Pugné, Christophe Périot, Jean -Pierre Thi-ry, Jacques Thiory, Jean Charton, Claude Noi-zette , François Lucot , Jean Pierson , Charles Louis, Georges Daulquere, Charles G uerlin, Etienne Chèvre, Breton, président; Georges des Aulnois, procureur du Roi et Vistor, secrétaire du tiers. Collationné certifié véritable par l’avocat en Parlement, greffier en chef du bailliage royal de Pont-à-Mousson, soussigné, les susdits jour et an, Signe Vistor, avec paraphe. POUVOIRS de l'ordre de la noblesse du bailliage de Saint-Mihiel (1). Aujourd’hui vingt-six mars mil sept cent quatre-vingt-neuf, les six heures de relevée, la noblesse du bailliage de Saint-Mihiel, convoquée par son président dans la salle particulière de ses séances, à l’effet d’y résoudre en assemblée générale et donner des pleins pouvoirs à ses députés aux Etats généraux convoqués à Versailles au 27 avril de la présente année, déclare qu’elle accepte d’avance pour tels ceux que MM, de Bousmard de Chantraine et le baron de Manonville, électeurs par elle nommés, éliront le 31 de ce mois dans la ville de Bar-le-üuc, concurremment avec les électeurs nommés à cet effet dans les bailliages du reste du Barrois, par l’ordre de la noblesse, et qu’elle leur donne dès à présent ses pleins pouvoirs aux conditions suivantes : savoir. 1° Qu’ils se conformeront aux articles de notre cahier, tels qu’ils ont été arrêtés cejourd’hui dans notre assemblée générale. 2» Qu’ils observeront dans la poursuite et l’obtention desdits articles, l’ordre suivant... d’abord ils demanderont que les Etats généraux établissent, de concert avec le Roi, la constitution de l’Etat, et la liberté politique et individuelle des citoyens, suivant les principes contenus dans notre cahier etnotammentdans son premier chapitre, et voteront pour que les Etats généraux ne s’occupent d’aucune autre affaire que celle-ci, la plus importante de toutes pour la nation, ne soit ter-(1) Nous publions ce cahier d’après un piannscrit des Archives de l'Empire. minée à sa satisfaction par la promulgation d’une ou plusieurs lois déclarées irrévocames par tout autre pouvoir que par celui des Etats généraux. Ce point essentiel arrêté, ils demanderont que préalablement à l’octroi d’aucun impôt ou emprunt, les Etats généraux soient mis en état de prononcer sur l’étendue de la dette publique d’en vérifier et d’en apurer le compte, en rejetant les parties où il apparaîtrait de dol de la part des prétendus créanciers, qui, n’ayant fourni aucune valeur ou qu’une partie de valeur énoncée dans leurs titres, auraient fait comprendre au nombre des dettes de l’Etat des dons déguisés et excessifs. Avant d’accorder aucuns subsides il est également essentiel, pour en proportionner l’étendue à leur nécessité, de connaître l'état exact de recette des revenus de l’Etat, ainsique celui de l’emploi de ces revenus aux dépenses publiques. Nous chargeons donc expressément nos députés d’insister à ce que les. Etats généraux soient mis à même de vérifier et constater cette recette et cette dépense avant de se livrer à l’examen d’aucun projet de finances, lequel ne pourrait être raisonnablement assis que sur cette base. Que lesdits députés insistent également pour ue l’octroi des subsides ne soit point fait par les tats généraux, pour un temps plus long que celui de trois années, intervalle le plus considérable qu’il soit, selon nous, possible ae mettre entre la tenue prochaine de cette assemblée et la suivante. Ces conditions remplies, nous abandonnons au zèle de nos députés et à leurs lumières, la conduite qu’ils auront à tenir aux Etats généraux pour y parvenir aux fins des instructions portées par notre cahier ; et en leur enjoignant d’être constamment les interprètes fidèles de notre amour respectueux pour la personne sacrée du Roi, de notre attachement inviolable à son gouvernement, de notre zèle ardent pour la gloire de son règne, et de notre dévouement sans bornes à son service, nous les exhortons à exprimer en toute occasion les sentiments qui nous animent de respect pour la religion et ses ministres, de zèle pour l’honneur inaliénable de l’ordre entier de la noblesse, d’attachement sincère et d’union inaltérable au tiers-état et au bien général de la nation, qui ne peut s’obtenir que par l’accord des véritables intérêts des trois ordres qui la composent. C’est dans cet esprit que nous donnons à nosdits députés aux Etats généraux nos pleins et entiers pouvoirs, non-seulement d’insister dans leur assemblée, aux fins des articles de notre cahier, mais encore, en se conformant aux conditions exprimées ci-dessus, de proposer, remontrer, aviser et consentir tout ce qui peut concerner les besoins de l’Etat, la réforme des abus, l’établissement d’un ordre fixe et durable dans toutes les parties de l’administration, la prospérité générale du royaume et le bien de tous et un chacun de nos concitoyens. En foi de quoi nous avons tous signé. Fait à Saint-Mihiel, les jour et an avant dits, Signé Bousmard, président de la noblesse, Gondrecourt, le comte de Lignerille, Mannonviile, le comte de Rozières, le baron de Klostein, Mon-lauban, le chevalier de Taillonnet, de Margadel-de-Xivray, Platel de Plateau, Lartillier, Saint Thil-lier, Saint-Beaussant, de Rambucourt, de Rouvn, Régnault de Raulecourt, Guyon de Saint-Victor, Bousmard, Demery, de Procheville, le chevalier Damoiseau, le baron de Kaulbart, a’Alboncourt, llulys, Barrois de Manonville, Faillonnet, le marquis de Spada, Josselin, Rourrois, gendarme de la garde, Rouvroir l’aîné, Jean Breiot de Biley, Barrois de Mannonviile, Rouvroir le jeune, le che-r 234 [État* gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, (Bailliage de Bar-le-Dnc.] lin, Chanot, Brocard, Jean Martin, Nicolas Petit, Cristophe Peucherin, Nicolas Bastien, Pardieu, Nicolas-Laurent Lopinet, Joseph-Blaise Rouyer, Christophe Guerrard, Gros-Jean, Rougemaître, Jean Simonin, François Galand, André-Louis Maire, Marchai, Perin, Pierson, Guillaumé, André Nallet, Chabaux, Claude Connard, François Che-misard, Jean Harmand, François Vincent, Firmin Guérard, Franc, Jean Tailly, Tailly, Louis André, Cuni, Marchai, Latour, Barbelin, Rémi, Martin, Nicolas Pierson, Giniez, Jean Boyer, Agathe, Gharraux, François Thouvenot, Joseph Poirot, François Monart, Pierre Gauthier, Mathieu Bellin, Nicolas Duponcel, Nicolas Defaux, Antoine Aus-saire, Jean Laurent, Charreaux, Blaize, Thiery, Châtel, Alizon, Pierre Toussaint, Hubert Brayara, Jean -François Mangin, Manel, Jean-Baptiste Bachelier, Petit-Jean, Joba, François Naudin, Nicolas Etienne, Jean Bello, Nicohîs Gerardin, Bourguignon, Charles Vincent, Jean Auger, Jacques Lanot, Huquet, Renaudin, Dominique, Petit-Mangin, Pierre Dardaine, Guste, Dominique Gillet, Dominique Henrion, Jacques Lemoine, Jean Baptiste Lallemand, Dominique Guérard, François Vallet, Charles Mangeot, Dominique Voynier, Jac-ues Pugné, Christophe Périot, Jean -Pierre Thi-ry, Jacques Thiory, Jean Charton, Claude Noi-zette , François Lucot , Jean Pierson , Charles Louis, Georges Daulquere, Charles G uerlin, Etienne Chèvre, Breton, président; Georges des Aulnois, procureur du Roi et Vistor, secrétaire du tiers. Collationné certifié véritable par l’avocat en Parlement, greffier en chef du bailliage royal de Pont-à-Mousson, soussigné, les susdits jour et an, Signe Vistor, avec paraphe. POUVOIRS de l'ordre de la noblesse du bailliage de Saint-Mihiel (1). Aujourd’hui vingt-six mars mil sept cent quatre-vingt-neuf, les six heures de relevée, la noblesse du bailliage de Saint-Mihiel, convoquée par son président dans la salle particulière de ses séances, à l’effet d’y résoudre en assemblée générale et donner des pleins pouvoirs à ses députés aux Etats généraux convoqués à Versailles au 27 avril de la présente année, déclare qu’elle accepte d’avance pour tels ceux que MM, de Bousmard de Chantraine et le baron de Manonville, électeurs par elle nommés, éliront le 31 de ce mois dans la ville de Bar-le-üuc, concurremment avec les électeurs nommés à cet effet dans les bailliages du reste du Barrois, par l’ordre de la noblesse, et qu’elle leur donne dès à présent ses pleins pouvoirs aux conditions suivantes : savoir. 1° Qu’ils se conformeront aux articles de notre cahier, tels qu’ils ont été arrêtés cejourd’hui dans notre assemblée générale. 2» Qu’ils observeront dans la poursuite et l’obtention desdits articles, l’ordre suivant... d’abord ils demanderont que les Etats généraux établissent, de concert avec le Roi, la constitution de l’Etat, et la liberté politique et individuelle des citoyens, suivant les principes contenus dans notre cahier etnotammentdans son premier chapitre, et voteront pour que les Etats généraux ne s’occupent d’aucune autre affaire que celle-ci, la plus importante de toutes pour la nation, ne soit ter-(1) Nous publions ce cahier d’après un piannscrit des Archives de l'Empire. minée à sa satisfaction par la promulgation d’une ou plusieurs lois déclarées irrévocames par tout autre pouvoir que par celui des Etats généraux. Ce point essentiel arrêté, ils demanderont que préalablement à l’octroi d’aucun impôt ou emprunt, les Etats généraux soient mis en état de prononcer sur l’étendue de la dette publique d’en vérifier et d’en apurer le compte, en rejetant les parties où il apparaîtrait de dol de la part des prétendus créanciers, qui, n’ayant fourni aucune valeur ou qu’une partie de valeur énoncée dans leurs titres, auraient fait comprendre au nombre des dettes de l’Etat des dons déguisés et excessifs. Avant d’accorder aucuns subsides il est également essentiel, pour en proportionner l’étendue à leur nécessité, de connaître l'état exact de recette des revenus de l’Etat, ainsique celui de l’emploi de ces revenus aux dépenses publiques. Nous chargeons donc expressément nos députés d’insister à ce que les. Etats généraux soient mis à même de vérifier et constater cette recette et cette dépense avant de se livrer à l’examen d’aucun projet de finances, lequel ne pourrait être raisonnablement assis que sur cette base. Que lesdits députés insistent également pour ue l’octroi des subsides ne soit point fait par les tats généraux, pour un temps plus long que celui de trois années, intervalle le plus considérable qu’il soit, selon nous, possible ae mettre entre la tenue prochaine de cette assemblée et la suivante. Ces conditions remplies, nous abandonnons au zèle de nos députés et à leurs lumières, la conduite qu’ils auront à tenir aux Etats généraux pour y parvenir aux fins des instructions portées par notre cahier ; et en leur enjoignant d’être constamment les interprètes fidèles de notre amour respectueux pour la personne sacrée du Roi, de notre attachement inviolable à son gouvernement, de notre zèle ardent pour la gloire de son règne, et de notre dévouement sans bornes à son service, nous les exhortons à exprimer en toute occasion les sentiments qui nous animent de respect pour la religion et ses ministres, de zèle pour l’honneur inaliénable de l’ordre entier de la noblesse, d’attachement sincère et d’union inaltérable au tiers-état et au bien général de la nation, qui ne peut s’obtenir que par l’accord des véritables intérêts des trois ordres qui la composent. C’est dans cet esprit que nous donnons à nosdits députés aux Etats généraux nos pleins et entiers pouvoirs, non-seulement d’insister dans leur assemblée, aux fins des articles de notre cahier, mais encore, en se conformant aux conditions exprimées ci-dessus, de proposer, remontrer, aviser et consentir tout ce qui peut concerner les besoins de l’Etat, la réforme des abus, l’établissement d’un ordre fixe et durable dans toutes les parties de l’administration, la prospérité générale du royaume et le bien de tous et un chacun de nos concitoyens. En foi de quoi nous avons tous signé. Fait à Saint-Mihiel, les jour et an avant dits, Signé Bousmard, président de la noblesse, Gondrecourt, le comte de Lignerille, Mannonviile, le comte de Rozières, le baron de Klostein, Mon-lauban, le chevalier de Taillonnet, de Margadel-de-Xivray, Platel de Plateau, Lartillier, Saint Thil-lier, Saint-Beaussant, de Rambucourt, de Rouvn, Régnault de Raulecourt, Guyon de Saint-Victor, Bousmard, Demery, de Procheville, le chevalier Damoiseau, le baron de Kaulbart, a’Alboncourt, llulys, Barrois de Manonville, Faillonnet, le marquis de Spada, Josselin, Rourrois, gendarme de la garde, Rouvroir l’aîné, Jean Breiot de Biley, Barrois de Mannonviile, Rouvroir le jeune, le che-r [États gën.im Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (Bailliage de Bar-le-Buc.l 235 valier Aymé, de Bourgogne, Jollan de la Croix ; le marquis de Mpy, Drouot de la Cour, Delisle Du-moncet, Rouvoir. Collationné par moi, secrétaire de la noblesse lesdits jour et an que dessus. Signé Rouvoir et Bousmard, président. CAHIER De la noblesse du bailliage de Saint-Mihiel , pour servir d'instructions à ses députés aux États généraux (1). REMONTRANCES, PLAINTES ET RÉCLAMATIONS. Moyens et avis que la noblesse du bailliage de Saint-Mihiel, assemblée en vertu des lettres de convocation du 7 février 1789, charge ses députés de présenter à l’assemblée des Etats généraux du royaume , convoquée à Versailles, le 27 avril de la même année, CHAPITRE PREMIER. De la constitution du royaume. Le Roi, en convoquant les Etats généraux du royaume après une aussi longue interruption de ces assemblées constitutionnelles, manifeste de la manière la moins équivoque son désir magnanime, non-seulement de réintégrer la nation dans ses droits anciens, mais encore de la faire jouir de tous ceux qui peuvent fonder son bonheur et en assurer la stabilité. Le premier devoir de tous les ordres de citoyens est de seconder de tous leurs pouvoirs Sa Majesté dans cet important et généreux dessein : et les diverses assemblées dont les députations concourront à former la grande assemblée nationale, ne peuvent trop précisément faire connaître à ce corps législatif et à son auguste chef, leurs principes et leurs vœux. Voici ceux que la noblesse de ce bailliage charge ses députés de professer de sa part, et eu conformité desquels elle leur fait un devoir étroit de voter en toute occasion. Art. 1er, Qu’il ne soit porté aucune atteinte à la puissance exécutive du Roi, ni à son plein exercice, tant en dedans qu’en dehors du royaume; cette plénitude de pouvoir ôtant nécessaire au-dedans pour protéger efficacement la sûreté et la liberté de chaque ordre de citoyens et de chaque individu de quelque classe qu’il puisse être. Quant à son exercice au dehors, il est évident qu’il ne peut être mieux confié qu’au chef de l’Etat et au père de la patrie, dont l’intérêt et la gloire sont de faire respecter partout le nom français et de protéger dans tout l’univers ceux qui pnt l’honneur de le porter. Art. 2. Qu’il ne soit également porté aucune atteinte à la prérogative de Sa Majesté de conférer toutes les charges, nommer à tous les e n-plois, donner tous les bénéfices autres que ceux dont la collation fait partie de quelque propriété, accorder tous les litres, honneurs et grâces, enfin, ue la puissance et le nom du Roi soient fortifiés e tout ce qui peut leur concilier l’amour et le respect de tous les ordres de l’Etat. Art. 3. Qu’aucun acte de la puissance législative ne puisse être exercé qu’au nom seul de Sa Majesté, et formé que par le concours des avis des trois ordres, du clergé, de la noblesse et du tiers-état, et de sa royale volonté. Car, si des lois pouvaient être promulguées et exécutées sans la participation des Etats généraux, leur convoca-(1) Nous reproduisons ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l’Empire, tiou ne serait qu’une vaine formalité, et la nation continuerait de gémir sous le poids du despotisme ministériel ; et si l’assemblée des Etats généraux présumait de donner à ses décrets force de loi, avant d 'être revêtus du consentement du Roi, elle ferait un acte de souveraineté, le gouvernement deviendrait aristocratique, et le gouvernement monarchique sous lequel la France subsiste et accroît sa puissance et sa fidélité depuis tant de siècles, se trouverait détruit de fait, quoiqu’il existât toujours de droit et de nom. Art. 4. Qu’aucun tribunal, corporation ou Etats particuliers d’aucunes provinces du royaume, ne puissent rejeter ou même modifier les lois rendues par le Roi de l’avis et du consentement des Etats généraux; car, n’y ayant aucun citoyen d’aucune partie du royaume qui ne soit représenté aux Etats généraux ; les décrets de cette assemblée, revêtus du consentement du Roi, sont évidemment l’expression de la volonté générale de la nation, énoncée par ses représentations légitimes. Que si quelqu’une de ces lois avait pour quelque partie du royaume des inconvénients locaux, il soit libre aux tribunaux, corporations, et même aux simples particuliers, de les remontrer à l’assemblée des Etats généraux, et de demander par requêtes la réforme ou l’exception pour eux de la loi générale; mais que dans l'intervalle d’une assemblée d’Etats généraux à l’autre, il ne puisse être statué sur de semblables requêtes, autrement la volonté particulière du ministère ou du conseil du Roi serait mise au-dessus de la volonté générale et commune de la nation réunie à son Roi ; ce qui serait absurde, Art. 5. Que, pour assurer la liberté individuelle de tous les citoyens, en même temps que leur liberté politique, lesquelles ue peuvent subsister de fait l’une sans l’autre, nul Français, de quelque ordre qu’il soit, me puisse être désormais privé de sa liberté plus de vingt-quatre heures, sans être remis à ses juges naturels, pour recevoir en vertu de leur sentence, la punition de son délit, s il est trouvé coupable, ou des dommages et intérêts contre qui que ce soit qui l’ait fait arrêter, s’il est reconnu innocent ; et que l’officier, public ou tout autre qui sera chargé d’arrêter un citoyên, soit responsable en son pur et piivé nom de l’obligation imposée par le présent article. Art. 6. Pour établir la sûreté des propriétés, sans laquelle la liberté des personnes serait vaine et illusoire, qu’il soit interdit à qui que ce soit, s’aùtorisât-il du nom du Roi, même d’un ordre surpris à Sa Majesté, de percevoir aucun impôt que n’auraient pas accordé les Etats généraux, ou de prolonger la perception d’aucun d’iceux au delà du temps pour lequel ils l’auraient accordé; et qu’ils soit ordonné aux magistrats de condamner et punir comme concussionnaire quiconque contreviendra à cette interdiction, Art. 7. Que pour assurer le bonheur et la paix de la nation, et l’ordre de la succession au trône dans la maison auguste qui, depuis plus de huit cents ans, l’occupe avec tant de gloire, ainsi que les droits des princes du sang royal, les Etats généraux sanctionnent par une constitution que Je Roi publiera en forme d’édit, la renonciation au trône de France, faite par le roi d’Espagne, Philippe V, pour lui et ses descendants; et qu’en acceptant cette renonciation, ils renoncent réciproquement à appeler au trône de Fraqce aucun prince de la branche d’Espagne, à moins que (ce que la bonté divine ne daigne permettre) tou- 236 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Bar-le-Due. tes les branches de la maison royale existante en France ne viennent à s’éteindre* par mâle. Art. 8. Qu’il soit également statué par une loi fondamentale, sur la manière dont la nation pourra être promptement assemblée en Etats généraux, pour exercer, le cas échéant, son droit de conférer la régence du royaume que la plus antique possession, d'accord avec la raison, lui assure; nul n’ayant le droit de lui prescrire le choix ae celui qu’elle doit préposer à l exercice du pouvoir de la gouverner, quand son Roi ne peut pas lui-même exercer ce pouvoir. CHAPITRE II. De la constitution de la province. Art. 1er. Nos députés aux Etats généraux y insisteront à ce qu’il ne soit donné aucune atteinte au traité de cession des deux duchés de Lorraine et de Bar, et notamment à l’article 13, par lequel le feu roi Louis XV a promis, au nom de ses successeurs et de la nation française, que ces deux duchés ne formeront jamais qu’un même gouvernement. Qu’en conséquence ces deux duchés n’aient qu’une seule et même administration rovinciale; leur séparation pour former deux tats provinciaux particuliers , étant tout au moins aussi contraire à la lettre et à l’esprit de cet article, que le démembrement de quelques-unes de leurs parties pour être réunies à un autre gouvernement. Ainsi la formation d’Etats provinciaux particuliers pour le Barrois, demandée par la ville de Bar-le-Duc, entraînant d’ailleurs une foule d’inconvénients, tant actuels qu’éventuels, choque à la fois le traité qui fait la base de la constitution de la province, les véritables intérêts des deux duchés, le vœu unanime des trois ordres du duché de Lorraine et celui des trois quarts au moins des habitants du duché de Bar. Art. 2. Que les lois rendues par nos anciens ducs continuent à faire la base des décisions de nos tribunaux en tout ce à quoi il ne sera point dérogé par les édits et ordonnances du Roi, rendus de l’avis et à la demande des Etats généraux du royaume, qu’aucune partie de la province ressortissant aux tribunaux qu’elle a dans son sein, ne soit distraite de leur juridiction, pour être attribuée à celle d’aucun tribunal qui lui est étranger ; que même le Barrois mouvant soit détaché de l’immense ressort du Parlement de Paris, pour être réuni à celui de Nancy, tant pour unir d’une manière plus intime toutes les parties de la province que pour décharger les habitants de celte partie du Barrois et ceux de nous qui y ont des possessions, de la gêne d’aller chercher si loin et à grands frais une justice lente et tardive. Art. 3. Nos députés aux Etats généraux ne manqueront pas de réclamer formellement contre l’infraction de l’article 14 du traité de cession , laquelle grève tous les acquéreurs de fiefs dans le duché de Bar, d’un droit de marc d’or évalué et fixé au quatrième denier du prix des acquisitions; et sous le prétexte des lettres de confirmation que, pour la coutume, ils sont obligés de prendre du Roi, en sa qualité de suzerain, la noblesse et tous les possesseurs de fiefs de ce duché, perdant, par l’effet de cette extorsion, le quart de la valeur de leurs biens, lorsqu’ils sont obligés de les vendre. L’article cité du traité de cession promet qu’a-prôs la réunion des deux duchés à la couronne de France, subsisteront et seront maintenus les privilèges de l’Eglise, de la noblesse et du tiers-état. Or, un de ces privilèges était d’obtenir des lettres de confirmation pour l’acquisition des fiefs, sans payer le droit de marc d’or ou autre pour l’expédition de ces lettres. Le droit de marc d’or pour ces mêmes lettres établi par l’administration avide de la fin du dernier règne, est donc une atteinte honteuse à la foi de la nation française, et un grief évident dont la noblesse du Barrois doit obtenir le redressement. Il suffit, pour se convaincre du peu de fondement de ce droit de marc d’or, maintenant imposé aux lettres de confirmation, de remonter à l’origine et au but de ces lettres. Elles ne sont autre chose qu’un acte de renonciation que fait le suzerain à exercer le droit de retrait féodal qu’il a sur tout fief acquis dans sa mouvance. C’est en conséquence de ce droit que l’acquéreur est tenu de lui présenter son contrat, pour qu’il puisse juger s’il lui convient d’exercer le retrait. S’il ne juge pas à propos de le faire, il le déclare en accordant à l’acquéreur ses lettres de confirmation; et puisque dans le cas où il garde pour lui l’acquisition, il rembourse complètement l’acquéreur, il est évident que celui-ci ne lui doit rien pour la lui avoir laissée, et que puisque le suzerain ne lui ferait aucun tort dans le premier cas, il ne fait point de grâce dans le second, et qu’il n’y a par conséquent rien là qui puisse donner ouverture au droit de marc d’or. Qnant au retrait féodal, nous demandons que dans le cas où le Roi ne l’exercera pas, Sa Majesté veuille liien renoncer à le concéder à l’acquéreur ou à un tiers, cette faveur n’ayant d’autre effet que d’empêcher les familles d exercer le retrait lignager dans le cas où il leur serait le plus avantageux de le faire. CHAPITRE III. Des États généraux. Art. 1er. Attendu que les quatre dernières assemblées des Etats généraux dont il nous reste des monuments certains, ont opiné par ordres assemblés séparément ; que ce qui nous est parvenu des assemblées plus anciennes et la distinction entre les Etats bien plus prononcée à mesure qu’on remonte vers les premiers âges de la monarchie, rendent plus que probable que tel a toujours été l’ordre observé dans ces augustes assemblées; attendu que le principe, que nul ordre de citoyens ne soit taxé qu’en vertu de son consentement donné par des représentants de son choix est celui de toutes les nations qui tiennent des Etats libres et généraux ; que ce principe est consacré par l’ordonnance d’Orléans rendue de l’avis des Etats généraux du royaume tenus dans cette ville en 1560, qui statue qu’en matière d’impôts le consentement de deux ordres ne peut lier le troisième; la noblesse du bailliage de Saint-Mihiel charge expressément scs députés d’insister à ce qu’on opine par ordre dans la prochaine assemblée des Etats généraux. Art. 2. Justement jalouse que sa contribution et celle de tout ordre de la noblesse aux charges publiques ait tous les caractères d’un hommage libre et dicté par son dévouement à la patrie, et par son amour pour son Roi, elle déclare qu’elle ne peut regarder comme telle que celle qui sera consentie, en son nom, par le seul ordre de la noblesse; et que celle qui pourrait être imposée à cet ordre par les trois ordres réunis, dont les trois quart des députés ne sont point de son choix, et par conséquent point aptes à donner un consentement pour lui, ayant tous les caractères d’un tribut forcé, violerait sa liberté, et celle de la nation. Art. 3. Qu’il est également d’une justice rigou- [Etats gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Bar-le-Duc.] reuse que les voix soient comptées par ordre, et que les voix des trois ordres soient d’un poids égal en matière de législation , tous les ordres de l’Etat ayant droit à être traités avec égalité par les lois, et chacun d’eux ne pouvant perdre que de son consentement les droits, honneurs et prérogatives légitimes dont les lois du royaume et une possession immémoriale l’ont fait jouir jusqu’à présent. Art. 4. Qu’il est aussi conforme à la prudence qu’à la justice d’opiner par ordre en matière de législation , attendu que si une seule assemblée très-nombreuse décidait soudainement, sans appel et sans révision , elle pourrait, dominée par l’esprit de parti , ou emportée par cette chaleur qui s’introduit quelquefois dans les discussions, embrasser des résolutions extrêmes ; au lieu que les mesures que chaque ordre aura adoptées pour le bien public, étant successivement proposées aux deux autres ordres, acquerront, lorsqu’elles en seront agréées, le caractère d’une volonté générale de la nation, ne blesseront les droits légitimes d’aucune des classes qui la composent, et pourront être présentées au Roi avec confiance, pour que Sa Majesté, par son consentement et leur promulgation, leur imprime l’auguste caractère de lois. Art. 5. Qu’il soit passé en loi que les Etats généraux du royaume seront convoqués au moins tous les trois ans, et plus souvent si le besoin de nouvelles lois ou de nouveaux subsides en fait sentir la nécessité dans cet intervalle, sans que pendant sa durée il puisse être établi de commission intermédiaire desdits Etats généraux. Art. 6. La noblesse du bailliage de Saint-Mihiel réclame le droit de concourir directement et immédiatement, comme celle du reste du royaume, à l’élection de ses députés aux Etats généraux, au lieu d’être réduite ici à nommer deux électeurs, qui, réunis à Bar-le-Duc à quatorze autres électeurs du reste dufBarrois, doivent s’y réduire, pour la députation aux Etats généraux, à trois députés pris d’entre eux; car, outre que, de cette manière, elle n’exerce point dans toute sa plénitude son droit d’élection, il résulte un autre inconvénient plus grave du règlement du 7 février, c’est la remise des onze cahiers différents aux mêmes députés : car dans les cas où ces cahiers se contrarieraient entre eux, ou nos députés croiront ne devoir prendre aucun parti, et alors le Barrois n’exercera pas son droit de suffrage; ou bien ils prendront le parti que leurs lumières leur suggéreront, et alors nos cahiers ne nous auront servi de rien. Nous leur enjoignons toutefois, autant qu’il est en nous, de soumettre au jugement des Etats généraux les articles de notre cahier, contre lesquels ils auraient pris parti. Sans quoi la rédaction de nos demandes se réduirait à une vaine et inutile formalité. Nous réclamons également pour les futures convocations d’Etats généraux le droit du Barrois non mouvant, de ne point procéder ailleurs que dans ses bailliages à l’élection directe de ses députés, ce pays ayant formé jusqu’au commencement de ce siècle l’un des cinq grands bailliages, dans lesquels la province de Lorraine et Barrois était divisée; division suivie par le Roi, pour les quatre députations directes accordées à la province, et mise en oubli par nous seuls. Déclarons en outre que c’est uniquement pour respect pour les ordres de Sa Majesté et pour ne point retarder ou rendre incomplète l’assemblée prochaine des Etats généraux, que nous envoyons nos députés électeurs à Bar-le-Duc, ville de la juridiction de laquelle nous n’avons jamais dépendu. CHAPITRE TV. Des Etats provinciaux. Le Roi ayant, par l’organe de son ministre des finances, annoncé que l’intention de Sa Majesté était de donner des Etats provinciaux au sein des Etats généraux, il convient que la noblesse du bailliage de Saint-Mihiel mette ses députés aux Etats généraux en état d’y énoncer ses principes et ses vues, et de leur présenter son vœu à cet égard. Art. 1er. Que l’assemblée des Etats généraux soit le seul organe de la nation et de chacune de ses parties, soit pour offrir au Roi les sommes nécessaires au maintien de son gouvernement , soit pour concerter avec Sa Majesté les lois générales et particulières qu’il est à propos d’ajouter à celles qui nous régissent; et que les Etats particuliers ne chaque province soient en conséquence uniquement chargés de la répartition des impôts, de soigner leur perception et de la rendre la plus exacte et en même temps la moins dispendieuse possible. Art. 2. Que ces Etats provinciaux soient également chargés, chacun pour sa province, de déterminer, dans de certaines limites prescrites par les Etats généraux, la quotité-de l’impôt de toutes natures et de ceux qu’exigerait la confection de canaux et autres travaux utiles; qu’ils veillent à l’emploi de ces subsides et qu’ils les dirigent. Art. 3. Que dans l’intervalle d’une tenue d’Etats généraux à l’autre, ils s’occupent à dresser des mémoires sur l’état de leurs provinces respectives, et si quelques dispositions générales, adoptées par les Etats généraux, leur paraissent nuisibles à la prospérité de ces provinces, que ce soit seulement à l’assemblée des Etats généraux qu’ils en obtiennent la révocation. Art. 4. Que par respect pour la décision de Sa Majesté, du 27 décembre dernier, ces Etats provinciaux soient formés des ordres de l’Eglise et de la noblesse en nombre égal, et du tiers-état en nombre double de chacun d’eux, pourvu toutefois qu’en matière de législation, c’est-à-dire de lois et règlements à solliciter, on y opine par ordre, et qu’il faille le concours des trois ordres opinants de cette manière pour présenter la résolution des Etats provinciaux comme le vœu de la province entière, dont l’accomplissement ne puisse par conséquent nuire aux droits légitimes de qui que ce soit. Art. 5. Que tous les districts fournissent des . députés des trois ordres, aux Etats provinciaux, en raison composée de leurs populations et de leurs impositions respectives, et que le plus ou le moins de noblesse et de clergé, dans certains districts, ne serve pas de prétexte pour les traiter avec inégalité dans la députation de ces deux ordres, dont les représentants ne doivent pas être regardés comme simplement chargés des intérêts particuliers de leurs ordres respectifs, mais encore de l’intérêt général, en qualité de citoyens et en celle de propriétaires et de seigneurs de campagnes, de la protection spéciale des habitants de ces campagnes, toujours imparfaitement représentés par ceux des villes. Art. 6. Que les officiers des justices de seigneurs laïques et ecclésiastiques, et les fermiers de leurs terres, ne soient point privés de leur droit de suffrage, actif et passif, dans la composition des Etats provinciaux, nul ne devant perdre son droit de cité que pour cause de félonie ou de services rendus aux ennemis de l’Etat, et cette distinction aussi 238 lEtats gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Bar-le-Duc.) humiliante qu’injuste, ne pouvant que tourner au détriment de la chose publique, en empêchant les seigneurs de pourvoir leurs justices d’officiers honnêtes et considérés, et leurs terres de fermiers riches et bons cultivateurs, qui , humiliés de se voir dégradés au-dessous de l’ordre commun des citoyens, refuseraient de continuer à se charger d’une culture qui les avilirait. Art. 7. Pour faire connaître plus parfaitement à chaque administration provinciale chacun des districts de la province, ses ressources et ses besoins, et faire réciproquement connaître au peuple de chaque canton l’administration à laquelle il est soumis, que les Etats provinciaux se tiennent successivement dans les différents districts, et dans toutes les villes en état d’en recevoir rassemblée. CHAPITRE V. De ta noblesse. Art. Ie*. Cet ordre qui, dans tous les temps, a donné aux autres l’exemple du dévouement à la patrie et au service du Roi, doit saisir la première occasion qui se présente depuis la dernière tenue des Etats généraux pour offrir à Sa Majesté et à l’Etat sa renonciation à toute exemption des charges publiques; en conséquence, la noblesse du bailliage de Saint-Mihiel charge ses députés aux Etats généraux d’en faire ta proposition dans l’assemblée de la noblesse et non ailleurs, en observant toutefois que, comme une grande partie de ses biens, les hefs sont soumis à des prestations plus ou moins onéreuses de foi et hommages, aveux et dénombrement, lettres de confirmation, etc., il lui doit être tenu compte de ces frais autant en moins sur l’imposition et en justifiant par quittances, actes de voyages et autres pièces probantes. Art. 2. Lorque la noblesse aura renoncé à tout avantage pécuniaire, il n’y aura sans doute plus lieu à en faire l’objet d’un trafic ou d’une vente, en l’attachant à des charges vénales. Nous formons donc le vœu qu’on n’y donne désormais entrée qu’à la vertu, et que rappelée ainsi à son institution, elle ne devienne plus l’apanage de richesses quelquefois mal acquises. CHAPITRE VL Du clergé. Âft. tw. Que tout bénéficier à charge d’âmes soit astreint à une résidence continuelle, à moins qu’il ne soit appelé au dehors par des affaires de l’Etat ou le service du Roi*, et que tout autre bénéficier soit obligé à sept mois au moins de résidence chaque annôe5 dans le lieu où est situé son bénéfice, sous peine d’en perdre les fruits, lesquels seraient dans ce cas donnés aux pauvres du fieu. Cette clause, en faisant profiter chaque pays des bénéfices qui y ont été fondés, exclurait leur pluralité sur une même tête. AM. 2. Qu’il soit pourvu à ce que tous les ordres religieux soient également utiles â l’Etat et â la religion ; s’il n’y en a point qui présentent la possibilité d’être amenés à ce double but, qu’ils soient supprimés et leurs biens appliqués à des établissements utiles, formés dans les lieux mêmes où ils sont situés, ou employés à doter convenablement les curés ou vicaires des paroisses de ces mêmes lieux, ou des paroisses les plus voisines, qui seraient trop peu rentés. CHAPITRE VIL Du tiers-*état. Art. Ie*. Que toute distinction de tiers-état privilégié soif abolie, non-seulement entre les individus, mais encore entre les habitants desgrandes villes, dites franches, et ceux des petites villes, bourgs et villages, l’effet des exemptions réelles ou apparentes de ces villes franches, étant d’y attirer les habitants des campagnes, où ils abandonnent les occupations utiles de l’agriculture, pour venir consommer dans l’oisiveté le fruit dé leurs travaux. Art. 2. Que le même mode de répartition soit introduit dans ces villes aujourd’hui franches et dans les campagnes, afin que le peuple de celles-ci reconnaisse qu’il est traité en égalité avec le tiers-état de celles-là Que ce mode ne soit point de taxer les consommations, tant parce que les frais de régie et de recette de semblables taxes sont toujours très-considérables, que parce qu’eu elles-mômes elles produisent l’effet de diminuer les consommations et par conséquent de décourager l’agriculture, et qu’en outre elles ne sont nullement proportionnées aux moyens de ceux qui les acquittent; car les besoins” physiques de tous les hommes étant à peu de choses près égaux, un riche avare ne paye pas plus de cette sorte d’impôt que le dernier des indigents. Art. 3. Que si, pour échapper aux effets de cette égalité, les villes franches et privilégiées alléguaient leurs charges particulières, telles que pavés, boues et lanternes, on ne doit pas s’y arrêter : les petites villes, bourgs et villages ayant également leurs charges locales, telles que les dépenses de leurs ponts, fontaines, églises, presbytères, dont la proportion à leurs petits moyens est tout au moins aussi forte que celle qui existe entre les grandes dépenses et les moyens des grandes villes. Quant aux dépenses dont celles-ci seraient grevées pour leservice du Roi, telles qu’entretien de casernes et fournitures, il faut les en décharger pour leur enlever tout prétexte de ne point payer les impôts au taux et suivant le mode commun. Art. 4, Que le tiers-état continue à être admis, par la voie du mérite et des talents, à tous les emplois civils et militaires, et qu’une fois admis, il n’y ait plus aucune distinction désavantageuse pour lui, quant à l’avancement, aux prérogatives et à la considération ; ia noblesse ne pouvant qu’être honorée de voir placer sur la même ligne qu’elle le mérite des services, les talents et ia vertu. CHAPITRE VHI. Des dépenses de la nation , Art. 1er. Les moyens de pourvoir à ces dépenses ôtant le produit des sueurs du pauvre et souvent prissursa propre substance, il est dû devoir des Etats généraux, avant d’accorder aucun impôt, de réduire ces dépenses à ce qu’exigent strictement le maintien du gouvernement et la sûreté delà uation. En conséquence, la noblesse du bailliage de Saint-Mihiel charge expressément ses députés aux Etats généraux d’insister à ce que tout emploi non financé, dont l’utilité n’est pas évidente, soit immédiatement supprimé. Art. 2. Que tout emploi à finance dont l’inutilité serait prouvée, et qui rapporterait tant en gages qu’en émoluments, à celui qui en est revêtu, une rente plus considérable que celle fixée aux capitaux par la loi, soit également supprimé, et qu’il soit pris des arrangements pour en rembourser la finance; qu’il en soit de même de tous les fonds prêtés ou avancés au Roi, avec clause de remboursement, et qu’en conséquence il soit ouvert, sous la garantie des Etats généraux, un emprunt au taux de la loi, à la condition dœn payer les inté- [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Bar-le-Duc.J 239 rêts dans chaque recette particulière du royaume, et qu’à mesure que cet emprunt fournira des fonds, ils soient employés au remboursement des effets les plus onéreux à l’Etat, qui par là gagnera sur-le-cnamp la différence des intérêts* Art. 3. Que toute charge de finance produisant à son possesseur des taxations sur les fonds qu’il perçoit, plus fortes que la rente de son capital au taux légal, soit également supprimée et remboursée, de la même manière. Art. 4. Qu’afin de faciliter ces emprunts, il soit statué qu’il n’en sera plus fait aucun, soit viager, soit par forme de loterie ou autrement, à un intérêt plus haut que celui que la loi fixe entre particuliers; l’effet de cette facilité de tirer un gros intérêt de son argent dans les emprunts publics étant de détourner les capitaux de toute entreprise de commerce et d’agriculture, et de n’exciter que l’industrie stérile et souvent coupable de l’agiotage : l’effet, au contraire, de cette fermeté à ne donner que l’intérêt au taux légal, joint à la garantie de la nation, serait de baisser en peu d’an-néesl’intérêt de l’argent au pointoù nous le voyons dans quelques Etats, qui ont moins de numéraire, plus de dettes et moins de ressources, à proportion que nous, Art. 5. Que tout ce qui fait double emploi, tels ue les intendants, leurs bureaux et leurs sub-élégués, dans la supposition d’Etats provinciaux, ou seulement de la continuation des assemblées provinciales, soit supprimé : leurs fonctions d’administrateurs étant bien mieux remplies par ces corps, leurs pouvoirs judiciaires pouvant être mieux exercés par des magistrats tirés de ces mêmes corps, ou indiqués par eux à sa Majesté, et leurs fonctions de commissaires du Roi pouvant être remplies avec encore plus de dignité par les premiers magistrats des provinces, ou par des conseillers d’Etat. Art. 6. La noblesse du bailliage de Saint-Mihiel n’indique point au zèle de ses députés tous les genres d’emplois en particulier dont ils doivent provoquer la suppression, mais elle ne peut s’empêcher de spécifier celle des gouverneurs de places de guerre, villes et provinces, comme absolument inutiles et sans fonctions ; celle des receveurs généraux et particuliers des finances, dont les provinces pourront faire le service à bien moindre frais, et celle enfin des huissiers-priseurs, qui, remboursés par leurs taxations, en peu d’années, de la modique finance de leurs charges, sont un fléau bien nuisible pour les pauvres habitants des villes et surtout des campagnes, à charge à toutes les classes de citoyens ; en observant spécialement que ces dernières charges, les plus onéreuses de toutes, ne peuvent être trop promptement supprimées et remboursées. Art. 7. Le salut du peuple étant la suprême loi, et la justice à lui rendre étant la suprême justice, il est nécessaire qu’il soit procédé à la révision de toutes les pensions, qui, sur quelques caisses qu’elles soient assurées, sont toujours prises du pur sang du peuple ; qu’en conséquence, il soit proposé, dès les premières séances des Etats généraux, de faire ordonner à tous les pensionnaires de remettre chacun, au bureau de son district, l’état au net de ses pensions, avec un mémoire expositif deg services qui les lui ont fait obtenir, ainsique l’état actuel de sa fortune, pour le tout apostillé par ce bureau, l’être de nouveau par la commission intermédiaire de l’administration de la province, puis remis aux députés de la même province aux Etats généraux pour en faire rapport à leur assemblée, qui statuerait définitivement sur la radiation, diminution, confirmation ou augmentation de chacune de ces pensions. CHAPITRE IX. Dès impôts actuels. Art. 1er. Tous les impôts actuels étant, sans exception, inégalement répartis tant entre les habitants des villes et ceux des campagnes, qu’entre les différents ordres et les diverses provinces, par l’effet des abonnements et des différentes sortes d’objets sur lesquels ils sont assis, c’est l’opinion de la noblesse du bailliage de Saint-Mihiel qu’ils soient abrogés par tout le royaume, pour une époque déterminée, afin qu’à la même époque il leur en soit substitué de moins compliqués, et répartis également sur toutes les classes de citoyens et sur toutes les provinces du royaume, sans exception. Art. 2. S’il y avait quelque province à laquelle une sorte d’impôt la plus commode pour tout le reste du royaume ne convînt pas, que cet]impôt, évalué par les Etats généraux, pour cette province, soit remplacé par elle par un autre impôt d’un produit égal, qu’elle choisira tel, cependant, qu’il ne nuise pas au commerce du reste du royaume et qu’il ne tombe en aucune manière sur ses voisins. Art. 3. La gabelle étant de tous les impôts le plus inégalement assis et le moins en proportion avec les facultés individuelles des contribuables, puisque le riche ne peut faire une beaucoup plus forte consommation de sel que le pauvre, que cet impôt en particulier soit aboli et remplacé par une taxe additionnelle aux taxes, soit réelles, soit personnelles, soit industrielles, que payeront toutes les classes de citoyens, à proportion de leurs facultés, et le sel rendu marchand. Qu’en conséquence les salines de cette province ne soient plus regardées que comme des mines ou manufactures ordinaires, exploitées aux risques et périls des entrepreneurs, auxquels Sa Majesté ett passera bail comme de ses autres fermes on domaines. Art. 4. Qu’il soit libre aux communautés de substituer au tirage de la milice, des engagements volontaires. Rien entendu que les soins et la police des engagements seront confiés aux Etats provinciaux et aux corps qui en émaneraient et leur seraient subordonnés. Art. 5. Que l’impôt des routes et celui des ouvrages d’art des ponts et chaussées soient regardés comme des charges locales des provinces ; que leurs Etats particuliers ert fixent la quotité, d'après les besoins de ces provinces, et les répartissent par une taxe additionnelle à tous les autres impôts,? compris ceux sur les consommations, s’il en existe encore, et au marc la livre de chacun de ces impôts, afin que cette taxe qui doit remplir un objet d'utilité générale, atteigne toutes les classss de contribuables dans la proportion de leurs facultés. Que les appointements et les émoluments des ingénieurs des ponts et chaussées soient également à la Charge particulière de la province oû chacun d’eüx est employé, mais que leur école soit payée des fonds du trésor royal ; qu’enfintout ce qui ne tient pas à cette école dans l'administration, direction et inspection des ponts et chaussées soit supprimé, les Etats provinciaux pouvant sur ces objets correspondre, sans tout cet intermédiaire, avec le ministre des finances, ou tout autre délégué du Roi et de la nation. 240 [Etals gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Bar-le-Duc.] CHAPITRE X. Des voies et moyens de subvenir aux besoins du royaume. Art. 1er. Que ce ne soit point par la voie des emprunts qu’il soit pourvu aux besoins du royaume ; car tous les intérêts de ces emprunts croissant plus rapidement que ne peut le faire le revenu de l’Etat, il est évident qu’après chacun d’eux, il se trouve dans une situation pire que celle de laquelle on a voulu le tirer ; et que, par conséquent, vouloir faire face au déficit par de pareils moyens c’est creuser de plus en plus l’abîme, au lieu de travailler à le combler; qu’il ne soit donc plus fait d’emprunts que dans J’uni-que objet de rembourser sur-le-champ des charges plus onéreuses, et à un plus haut intérêt que celui qui serait payé par lesdits emprunts. Art. 2. Qu’il soft fait une masse, unique de toutes les dépenses indispensables de l’Etat, y compris toutes les rentes tant perpétuelles que viagères, constituées sur lui ; que toutes les anticipations y soient consolidées, en sorte que leurs intérêts entrent dans des dépenses annuelles, à la condition qu’aucune nouvelle anticipation ne pourra plus avoir lieu, et que les Etats généraux déclareront que désormais la nation n’entend en payer aucune. Art. 3. Qu’à cette masse de dépenses il en soit opposé une pareille de revenus : 1° en remettant le Roi en possession de tous les domaines que Sa Majesté ou ses prédécesseurs ont donnés ou aliénés à vil prix, depuis l’avénement du feu roi à la couronne, et pour cette province, depuis sa réunion à la France ; 2° en rompant tous les échanges non encore consommés, à quelque date qu’ils aient été entamés : l’échange au comté de Sancerre fournissant un exemple effrayant de la lésion énorme dont ces sortes de contrats peuvent être pour le souverain et la nation ; 3° en remettant la régie et l’administration des domaines du Roi dans chaque province à ses Etats provinciaux, qui s’en acquitteront à moindres frais, et d’une manière plus avantageuse pour l’Etat, que ne peut le faire une compagnie; 4° en rompant tout marché où il y a eu pour le Roi lésion évidente; 5° en maintenant les impôts sur le tabac, les cartes, la poudre et tous autres qui ne tombent que sur des superfluités ou objets de luxe, et en en établissant de nouveaux deacet espèce; 6° après avoir défalqué tous ces produits de la masse des dépeuses, il en faudra balancer le reste par des impôts sur les terres, sur les personnes et sur les produits de l’industrie, en sorte que les possessions des trois ordres payent dans la même proportion de leur fortune connue ou présumée, et leur industrie suivant la valeur des salaires ou des profits d’exploitation. Qu’à la masse résultant de ces .trois impôts soit jointe une taxe additionnelle, représentative de la gabelle, en sorte que, s’il est possible, ces moyens suffisent à balancer la dépense, sans conserver ce grand nombre d’impôts gênants et d’une perception dispendieuse, assis sur la fabrication des objets de première nécessité, tels que les cuirs, les fers, les huiles, savons, bière et eaux-de-vie, non plus que la plupart de ceux de traite et de douane et notamment celui d.e foraine et haut-conduit, qui, seul, dans notre province, gêne et décourage le commerce, sans presque fournir de produit à l’Etat. C’est ici le lieu de placer notre juste réclamation contre deux impôts locaux, et d’autant plus injustes que, destinés à acquitter les charges de deux villes d’une province voisine, c’est principalement sur nous que tombe le poids. Le premier est le droit de transit des vins et eaux-de-vie dans le Vermandois, établi à la demande de la ville de Verdun, pour acquitter son don gratuit, en sorte qu’une imposition locale et particulière de cette ville, non-seulement n'est point supportée par elle, mais est rejetée sur ses voisins, et surtout le commerce des vins et eaux-de-vie, qui payent chèrement dans le Vermandois l’exercice du droit naturel de prendre et de suivre le plus court chemin. Le second impôt est un octroi que la ville de Metzaobtenu sur les vins de Lorraine qui entrent à Metz, dans le pays messin et la terre de Gorze, pour y être consommés. Des traités anciens et fréquemment renouvelés dans le temps que cette ville et nous appartenions à deux différentes dominations, avaient établi entre elle et nous une liberté réciproque de commerce, qui nous eût défendus de l’inégalité vexatoire de cet impôt. Réunis aujourd’hui sous le même sceptre, nous ne devons pas le voir fléchir dû côté de nos voisins plutôt que du nôtre ; et avoir dénoncé ces abus qu’une administration soigneuse n’eût pas laissé s’établir, c’est avoir tout fait, sans doute, pour en obtenir la suppression. Art. 4. Que dans l’embarras de trouver promptement une règle sûre pour répartir entre les provinces ces différents impôts, il soit adopté celle de la raison composée de la population de chacune d’elles, et de ceux de ces impôts actuels, qui sont assis généralement sur tout le royaume, savoir, les vingtièmes, les décimes du clergé, la taille et autres impositions. Cette règle paraît d’autant plus avantageuse dans son application, que si, par l’effet de trop d’inégalité dans les impôts, la population a diminué ou augmenté quelque part, elle tendra à remettre jusqu’à un certain point, l’équilibre, qu’il faut s’efforcer d’établir entre les charges et les moyens respectifs de toutes les provinces. Art. 5. S’il est possible de parvenir à un système d’impôt aussi simple que celui que nous proposons, il devient inutile d’employer à leur perception, ni fermes, ni régies générales, ni aucune compagnie de finance; et nous demandons que les Etats provinciaux pourvoient, chacun dans sa province, à cette perception et à cette régie, suivant les règles que leur prescriront les Etats généraux. Art. 6. Que la collecte de ces impôts continue à être faite sans frais dans notre province, et y demeure une charge de communauté, ou devienne l’objet des soins gratuits de chaque municipalité, et que cet arrangement, qui a lieu chez nous de toute ancienneté, devienne commun à tout le royaume. CHAPITRE xi. De la justice et police. Art. 1er. La noblesse du bailliage de Saint-Mihiel, convaincue qu’il n’est pas indifférent à la liberté politique et individuelle des citoyens, en quelles mains réside le pouvoir de le juger, surtout en matière criminelle, charge ses députés aux Etats généraux d’y pourvoir et d’y proposer le rétablissement de l’ordre judiciaire qui a eu lieu autrefois en France , dans presque toute l’Europe, et qui s’est conservé en Angleterre, d’être jugé par ses pairs en matière criminelle; et en conséquence que cet ordre tel qu’il existe et qu’il s’est perfectionné dans cette île, serve de modèle à celui qu’il faut introduire parmi nous, en l’adaptant à nos mœurs. ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Bar-le-Duc.] 241 [États gén. 1789. Cahiers.] Art. 2. Que tout dépositaire de l’autorité du Roi, 1 et de la force publique, qui s’en servirait pour opprimer quelques particuliers, puisse être poursuivi par les voies de droit; et qu’en conséquence, il plaise au Roi de renoncer à évoquer à Sa Majesté et à son conseil de telles affaires, ou toutes autres, de quelque nature elles puissent être, et de révoquer tout privilège de causes commises à tout autre tribunal que celui des juges naturels. Art. 3. Que dans le cas où quelque ministre du Roi se rendrait coupable de prévarications qui blesseraient les droits et les intérêts de la nation entière, il puisse être traduit devant la cour des pairs, par l’assemblée des Etats généraux, n’y eût-il qu’un seul des trois ordres de cette assemblée qui se portât son accusateur. Art. 4. Que le travail entrepris par ordre de Sa Majesté pour la réformation des lois et l’abréviation des procédures, soit soumis à la considération des Etats généraux, lesquels doivent également inviter tous les gens de loi à leur adresser leurs vues à cet égard, pour sur le tout être pris, à l’unanimité des trois ordres, des résolutions qui, revêtues du consentement du Roi, demeurent lois générales et irrévocables par tout autre pouvoir que celui des Etats généraux. Art. 5. Que la police du royaume, relativement au port d’armes, et surtout d’armes défendues, et aux attroupements, émeutes, séditions, soit remise en vigueur, et qu’il y soit ajouté de nouvelles lois, si précises, que dans aucun cas les magistrats ne puissent les laisser sans exécution, et les dépositaires de la force armée leur refuser leur assistance pour réprimer l’audace et la violence qui tenteraient de s’élever au-dessus de la loi. CHAPITRE XII. De l'état militaire. Art. 1er. L’Etat étant trop obéré pour entretenir plus de forces militaires que celles qui sont indispensables pour le défendre d’une attaque soudaine , c’est l’opinion de la noblesse du bailliage de Saint-Mihiel que Sa Majesté ne devrait entretenir pendant la paix, constamment, que les ofticiers et bas officiers, et la moitié des soldats; ceux de l’autre moitié renvoyés chez eux pendant dix mois de l’année sans solde, ne rejoindraient leurs drapeaux que pendant deux mois pour manœuvres. Par là une épargne considérable serait produite sur le prix des engagements, sur la solde, le pain et l’habillement, sans que les troupes nationales ne deviennent plus mauvaises : la bonté de l’espèce d’hommes, le genre de vie laborieuse qu’ils mèneraient, compensant avantageusement cette recherche excessive dans la tenue et dans les exercices, qui n’a de prix que pendant la paix, et s’évanouit à la guerre, ou n’y est d’aucun effet. Art. 2. Attendu que c’est principalement de la capacité des officiers, et surtout de celle des chefs, que dépend le succès des armées, qu’il ne soit plus conservé d’emplois à la suite des troupes ou de remplacement, ces emplois ne coûtassent-ils peu ou même rien au trésor public : car ceux que leur naissance ou leur crédit portent aux emplois supérieurs, font servir les mêmes avantages à n’occuper que ces emplois qui n’exigent que peu de résidence et nul service actif; et parvenant ainsi à commander, sans jamais avoir obéi, se trouvent chargés des grandes opérations de guerre sans en avoir ni pratiqué les détails ni connu les éléments. Art. 3. Que les places de guerre qui ajoutent aux forces de la nation, sans ajouter nécessaire-lre Série, T. II. ment comme les troupes à ses dépenses annuelles, soit laissées pour la plupart sans entretien, jusqu’à des temps plus heureux : que les plus importantes et les plus avancées sur la frontière soient entretenues soigneusement, mais que toutes soient conservées, n’y en ayant point de nuisibles, et aucune qui ne puisse, suivant les circonstances, devenir essentiellement utile. Art. 4. Qu’à cette discipline avilissante qui depuis quelques années a été introduite dans nos troupes, et qui contraste si complètement avec les mœurs, le caractère de la nation et la liberté dont elle est si digne, succède une discipline fondée sur l’honneur telle que celle qui nous fit remporter tant de victoires, et qu’enfm les coups soient réservés pour les supplices, et que les supplices ne puissent être infligés qu’en vertu de la sentence d’un conseil de guerre régulier. Art. 5. Que le sort et la récompense des services de l’officier et du soldat soient réglés parla nation assemblée, de manière à concilier l’économie des dépenses de l’Etat avec ce qu’il doit à ceux qui ont prodigué leur sang et consumé leurs forces à le défendre, et qu’en général la constitution militaire et les dépenses qu’elle entraîne ne soient plus désormais abandonnées aux caprices et à la prodigalité des ministres qui, se succédant rapidement, ne paraissent jaloux que d’innover et de laisser plus d’abus nouveaux qu’ils n’en ont réformé d’anciens. Qu’en conséquence les nouvelles ordonnances et les plans du conseil de la guerre soient soumis à la considération des Etats généraux, pour y être statué, et après n’y être admis aucun changement, jusqu’à la tenue suivante; la constitution et le maintien des forces de la nation étant assez importants pour être réglés par la nation elle-même. CHAPITRE XIII. Du commerce. Art. 1er. L'objet et l’avantage du commerce pour l’Etat, étant de donner le plus de valeur possible à ses denrées surabondantes, et de lui fournir au meilleur marché possible celles dont il manque, et l’objet de l’avantage particulier du commerçant étant au contraire d’acheter à vil prix nos produits bruts, pour nous vendre cher, soit ces mêmes produits manufacturés, soit le produit du sol et de l’industrie des nations étrangères, nos députés devront, dans les propositions relatives au commerce qu’ils entendront faire, s’efforcer de discerner auquel de ces deux intérêts, du commerce ou des commerçants, elles doivent être attribuées, et de ne point manquer de s’opposer de tout leur pouvoir à tout règlement sollicité par l’avidité mercantile, qui tendrait à restreindre la vente d’aucune production territoriale, ou à gêner l’achat d’aucune marchandise de première nécessité, l’un et l’autre étant également contraires à l’intérêt des propriétaires et des consommateurs, et par conséquent à celui du grand corps du peuple, ou ce qui revient au même, à la prospérité de l’Etat. Art. 2. En formant des vœux pour que l’industrie de la nation se perfectionne un jour assez pour pouvoir admettre dans son commerce avec ses voisins le système généreux d’une liberté réciproque et indéfinie, qui élèverait son agriculture au plus haut degré de prospérité, et ne laisserait subsister que les branches vraiment productives de son industrie, nous chargeons expressément nos députés de faire tous leurs efforts pour conserver à notre province la liberté indéfinie du commerce dont elle jouit; etpuisqué 16 242 [Etats gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Bar-le-Duc.] nous nous trouvons parvenus naturellement à cet état de perfection, ce n’est point à nous à changer; d’autant que les barrières et le tarif qui les accompagneraient, auraient l’effet infaillible de renchérir tout ce que nous rachetons, sans augmenter la valeur de ce que nous vendons, les produits de notre agriculture, et que ces produits augmentant tous les jours, par l’effet de notre régime actuel, forment petit à petit, des capitaux qui servent à commencer des entreprises de manufactures dont les succès naissants ne peuvent que s’accroître puisqu’ils sont fondés sur la nature des choses, et non sur des privilèges exclusifs, et sur des prohibitions mercantiles. Art. 3. Nous avons également intérêt et même droit à réclamer contre l’arrangement qui pourrait être proposé de faire entrer les vins de Champagne francs de droit dans notre pays, pour ne les leur faire payer qu’en sortant pour passer à l’étranger : intérêt, en ce que ces vins étant très-abondants et d’une qualité supérieure aux nôtres les supplanteraient immanquablement, jusque dans notre propre consommation, et nous interdiraient la culture de nos vignes, qui occupe le quart de notre population ; droit, en ce que nos vignes ayant été plantées dans la confiance que quant à notre propre consommation, elles n’auraient point à redouter la concurrence de celles de la Champagne, confiance bien fondée, puisqu’elle reposait sur l’autorité de nos souverains particuliers , d’accord avec leurs intérêts ; les propriétaires et les cultivateurs de ces mêmes vignes ne doivent point être aujourd’hui frustrés du fruit de leurs travaux et des fonds qu’ils ont employés à ce genre de culture. Nous n’avons aucun droit, à la vérité, à nous opposer à ce que la Champagne use du droit naturel de tirer des bienfaits de son sol et des travaux de son agriculture tout le parti possible; mais alors que la liberté qu’on lui destine soit entière et ne vienne point expirer à la sortie de notre province : car obtenant cette liberté entière, ses vins alors renchériraient assez pour laisser jouir la qualité inférieure des nôtres d’un prix qui suffirait à en soutenir la production. Art. 4. Que si l’on proposait des mesures tendant à rompre notre traité de commerce avec l’Angleterre, qu’on assure nous être désavantageux, nos députés devront s’y opposer parce que : 1° la rupture des traités entraînerait la guerre, qui ferait infiniment plus de tort à l’Etat et à son commerce lui-même, que ne peuvent lui en faire les désavantages que peuvent avoir ces traités; 2° parce qu’il est possible de diminuer ces désavantages, sans rompre le traité, en avançant gratuitement, ou prêtant à très-bons intérêts de l’argent de la caisse publique, aux fabricants qui établiraient des machines tendant à perfectionner ou à rendre moins chère la main-d’œuvre; 3° enfin, parce que toute industrie qui n’est fondée que sur la prohibition de l’industrie étrangère, ne peut jamais s’exercer qu’aux dépens de l’intérieur du pays, n’v peut attirer aucune richesse et ne doit par conséquent pas être entretenue par la nation dans cet état, auquel elle ne prend qu’une part absolument passive. CHAPITRE XIV. De la portion d'imposition que doit supporter la province de Lorraine. S’il n’est pas juste de désirer que la province échappe à une partie des charges publiques, pour en rejeter le fardeau sur ses coétats, il ne serait pas raisonnable d’exiger d’elle d’en supporter plus que la part qui lui en revient légitimement. D’après ces considérations, nous croyons devoir prémunir nos députés contre les assertions qu’on pourrait hasarder sur l’état de ménagement, quant aux impositions dans lequel on nous supposerait et d’après lequel on croirait pouvoir nous taxer au delà de ce que nos impositions actuelles sembleraient permettre; car, f° quant aux vingtièmes, il faut faire attention que le Roi possédant chez nous plus de 2 millions de revenu annuel en possessions territoriales, ce sont environ 200,000 livres dont nos vingtièmes peuvent paraître trop faibles, eu égard à l’étendue et à l’état de culture de notre province. Le reste de ce revenu, c’est-à-dire 1,800,000 livres, au moins, sortant également chaque année de la province, avec tout ce qu’en emportent les grands propriétaires et les gros bénéficiers, contribue à l’appauvrir et à diminuer ses ressources ; 2° Quant à la capitation, on ne sait pas peut-être que nous n’en sommes exempts que de nom, mais que la province la paye de fait, et très-cher, par l’imposition pour les ouvrages d’art des ponts et chaussées et autres impositions réunies dont l’ensemble s’élève à la somme de 1,400,000 francs, ce qui est plus que ce que des provinces de même force que la nôtre ne payent de capitation et de ponts et chaussées réunis; 3° Les tailles chez nous sont très-fortes et pour le moins aussi fortes que dans quelque partie que ce soit du royaume ; ainsi nous sommes dispensés de toute apologie à cet égard ; 4° Nous avons des impôts qui nous sont particuliers, tels que les gages du Parlement de Nancy, et les dépenses des casernes que nous sommes obligés de bâtir pour y recevoir les corps nombreux de cavalerie qu’attire chez nous la bonté de nos fourrages ; 5° Placés sur le passage de l’Alsace à la Flandre et aux Evêchés, nous avons la charge et la gêne de continuels logements de troupes et convois militaires; et pendant la guerre, ces convois, souvent faits par corvée, sont fréquemment accompagnés de livraisons gratuites de fourrages. CHAPITRE XV* De divers objets de bien public. Art. 1er. Il est un de ces objets, auquel il devient bien pressant de pourvoir : c’est l’équilibre à rétablir entre la consommation du bois et sa production. Nous allons proposer nos moyens de diminuer l’une et augmenter l’autre, et en confiant ces moyens aux Etats provinciaux, nous assurer qu’ils seront employés avec cette mesure et ce rapport aux localités qui seuls peuvent les rendre d’une utilité efficace et permanente. Que les usines à feu, qui se sont multipliées à un point effrayant, dans notre province, soient réduites aux termes de leurs concessions, qu’elles n’auraient jamais dû. passer, et dans lesquels une administration patriotique et vigilante n’eût pas manqué de les contenir. Le renchérissement du bois, que l’excessive consommation de ces usines, occasionne, force le pauvre peuple d’user d’une extrême parcimonie dans l’usage de cette denrée de premier besoin, augmente sa misère de plus d’une manière et le met hors d’état d’acquitter ses impositions. Si l’on croyait avoir un grand avantage dans l’augmentation de valeur donnée aux fonds des terrains plantés de bois, par le nombre et l’activité de ces usines, il suffirait, pour se désabuser, de faire attention que tout ce que ces terrains gagnent, les terrains en culture le perdent, une [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Bar-le-Duc.j 943 partie plus considérable de leurs produits se trouvant absorbée par la consommation plus dispendieuse du bois de chauffage, de charronnage, de merrein, de cbalas et de charpente. C’est ici le lieu d’avertir d’un nouveau danger dont le reculement des barrières menace notre province. Nos fers n’entrent maintenant dans l’intérieur du royaume, qu’en acquittant un droit de 20 à 25 p. 0/0 de leur valeur : leur incorporation devient malgré ce droit exorbitant , de jour en jour plus considérable : si une fois elle est libre elle deviendra excessive, et l’activité de nos forges, dévorant en peu d’années, le peu de bois qui nous reste, ne s’arrêtera que quand nos forêts épuisées laisseront elles et nous dans le dénû-ment absolu des combustibles. Art. 2. Qu’il soit fait une loi somptuaire pour réprimer par quelques taxes, dans les grandes villes, et surtout dans la capitale, et même dans les châteaux et maisons de campagne des riches, la consommation superflue de bois qui s’y fait, et qui ne peut s’y faire qu’en restreignant celle du pauvre au-dessous du plus étroit nécessaire. Si le sel devient marchand et que nos salines soient réduites à n’être que des établissements de manufactures ordinaires et sans privilège, leur activité diminuera sans doute, et avec elle la consommation énorme de bois qui en est l’aliment. Art. 3. Que pour rendre la garde des bois plus facile, et leur conservation plus assurée, il soit, autant qu’il sera possible, pourvu à leur clôture, par les différents moyens qu’offrent les diverses localités. Que les gardes chargés de veiller à ce qu’il ne s’y commette point de délits, soient mieux gagés et par appointements fixes, tant pour les attacher à leur état que pour les sauver des tentations forcées de manquer à la probité, que donne trop souvent la misère. Enfin que les amendes, qui aujourd’hui ne sont plus en proportion avec les délits, soient augmentées en raison de l’accroissement qu’a pris la valeur des bois, depuis l’époque où elles ont été fixées. Art. 4. Que les anciennes ordonnances relatives au recepernent et repeuplement des bois dans leurs parties abrouties et dépéries, soient remises en vigueur, qu’il y soit procédé le plus promptement possible dans les bois du Roi, et que les ecclésiastiques et les communautés laïques y soient incessamment contraints. Art. 5. Que les communautés qui possèdent trop de communes et les particuliers qui sont propriétaires de terrains peu propres à toute autre culture, soient encouragés, par des primes et des avances gratuites, à les planter en bois et que les Etats provinciaux soient chargés des détails de ces moyens d'encouragement et du soin de placer ces avances. Lorsqu’elles l’aüront été avec discernement, on ne devra point les regarder comme un objet de dépense, mais comme de l’argent placé au profit de l’Etat, au plus haut intérêt. Art. 6. Qu’il soit fixé au retour périodique des coupes de nos forêts un terme plus long en général, et plus en proportion avec la bonté de leur sol et la durée des croissances de leurs essences d’arbres dont elles sont peuplées , tant pour obtenir de plus beaux bois de charpente, que pour* en retirer un produit plus abondant en bois de chauffage. Art. 7. Qu'il soit pourvu à perfectionner l’administration des bois et à la rendre moins dispendieuse. et que les Etats provinciaux soient chargés d’en indiquer les moyens les plus convenables à la constitution de leurs provinces respectives, et autorisés à s’occuper essentiellement de cet objet important de bien public, de la même manière que tous les autres confiés à leurs soins. Art. 8. Un objet plus urgent encore, s’il est possible que la restauration des forêts, c’est l’extmc-tion de la mendicité. Nous ne proposerons pas à l’assemblée de la nation de ces moyens coactifs qui, jusqu’à présent insuffisants, répugneraient à l’humanité et à la douceur des mœurs de la nation française; mais nous lui offrirons un moyen d’empêcher cette lèpre honteuse de naître et” de s’étendre d’une manière aussi effrayante sur les dernières classes du peuple. Ce moyen serait, selon nous, qu’il se formât dans chaque district une association de toutes les personnes charitables qui l’habitent, laquelle embrassât dans ses soins bienfaisants l’universalité des pauvres de ce même district, et s’efforçât de proportionner à leurs besoins les secours à leur offrir en prix de leur travail. Qu’en conséquence, tout celui de la réparation des routes leur fût réservé, pour être fait par eux dans les temps de l’année morts pour l’agriculture, et qu’il n’y eût de compris dans les adjudications de ces routes que la fourniture des matériaux et leur transport à pied d’œuvre. Art. 9. La source la plus fêcoüde de mendicité étant l’impossibilité où sont une foule de pères et mères de pourvoir par leur travail à l’entretieh d’un trop grand nombre d’enfants que ce soit principalement vers ces hommes chargés de famille que se dirigent les secours des associations et qu’ils leur soient donnés en supplément du prix de leurs journées, en sorte que celles-ci puissent suffire à leur conserver exempte de honte et de reproches une vie laborieuse et utile à l’Etat. Art. 10. Une infortune plus grande encore et moins méritée, est celle qui accable les fruits innocents de l’union illégitime des deux sexes, oü de la malheureuse fécondité des mariages des indigents. Nous enjoignons à nos députés de recommander spécialement le sort de ces infortunés à l’humanité, nous osons dire à la justice de la nation assemblée, qui trouvera aisément, sans doute, dans sa sagesse, les moyens d’acquitter la dette la plus sacrée, sans trop surcharger l’Etat, et sans favoriser la dépravation des mœurs. Art. 11. Les principes de la libre représentation de tous les ordres de citoyens dans les Etats généraux et provinciaux, s’étendront sans doute aux municipalités des villes, qu’une spéculation fiscale a entachées de vénalité, en dépit de toutes les convenances et de toutes les vues de bien public. Que ces charges soient mises au nombre deâ plus onéreuses, dont le remboursement et la suppression puissent être statués par l’assistance de? Etats généraux, et qu’ensuite il soit formé des municipalités électives, composées des trois ordres, dans la proportion adoptée par les Etats généraux et provinciaux, auxquels seuls elles correspondront pour tout ce qui aura trait à leur administration. Art. 12. L’éducation nationale est l’objet le plus important, peut-être, qui puisse être offert à la considération des Etats généraux ; la classe qu’il est le plus essentiel qui reçoive une bonne éducation, c’est la classe nombreuse du peuple; que celle qui lui sera donnée, sans sortir de la simplicité des connaissances qui suffit à ses besoins, tende à l’instruire de ses devoirs et de ses droits, et, en les lui rendant également chers, à l’attacher aux lois et à la patrie par le sentiment et la conviction du bonheur qu’elles lui assurent; qu’il soit donc pourvu à ce que les écoles des villages. 244 [Etats gen. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Bar-le-Duc. outre la lecture, l’écriture et un peu d’arithmétique qu’elles continueront à enseigner, joignent à l’étude du catéchisme religieux qui renferme la base de tous les devoirs moraux, celle d’un catéchisme patriotique, qui expose d’une manière simple et élémentaire les obligations que renferme le titre de citoyen, et les droits qui dérivent nécessairement de ces obligations, quand elles sont bien remplies; qui fonde sur ces obligations et ces droits, le respect pour les lois et surtout pour les lois de la propriété, l’obéissance aux magistrats, le dévouement à la patrie et au Roi, qui en est le père. Que les pasteurs des paroisses de campagne exercent sur ces écoles, et sur la manière d’y inculquer aux eufants les vérités importantes qu’on leur y enseignera, l’inspection la plus active et la plus suivie et ne dédaignent point cette fonction, la plus essentielle, peut-être, de leur ministère. Art. 13. Que les écoles du peuple des villes aient le même plan d’étude, mais confiées à des maîtres plus habiles, et soumises à une discipline plus soignée que celles des campagnes, telle à peu près qu’elle s'exerce chez les Frères des Écoles chrétiennes ; qu’en outre de l’inspection des pasteurs, elles soient soumises à celle des officiers municipaux et des magistrats. Art. 14. Que l’institution des premières classes de citoyens, ou de tous ceux que leur fortune met en état de suivre des études plus longues et plus parfaites, soit confiée à ce grand nombre de corps réguliers qui, déjà rentés, n’attendent que le signal de se rendre maintenant aussi utiles à l’Etat qu’ils l’ont été dans tous les temps à la religion. Qu’il soit dès à présent tiré de ceux de ces corps qui déjà s’occupent de l’éducation de la jeunesse, ainsi que de toutes les universités du royaume, des commissaires qui, réunis, concerteront, avec l’Université de Paris, le plan d’études et de discipline le plus convenable à établir dans tous les collèges et universités du royaume. Que le même catéchisme patriotique des petites écoles soit enseigné dans les grandes, n’y ayant pas deux genres de devoirs pour les différents ordres de citoyens; que seulement il en soit fait une étude plus approfondie. Art. 15. Il est malheureux que la plupart des universités et des établissements d’éducation , soient placés dans de grandes villes, où la jeunesse trouve, à côté des leçons de science et de vertu qu’elle reçoit, l’exemple de la dissipation et du vice. L’Université de notre province avait heureusement été mise à l’abri de ce danger, par la sagesse de nos anciens souverains qui l’avaient placée à Pont-à-Mousson, où elle florissait ; transférée à Nancy, pour augmenter le lustre de cette capitale, elle est devenue dans cette ville de luxe un écueil dangereux non-seulement pour les mœurs et la santé de la jeunesse, mais encore pour la fortune des parents. D’après ces considérations d’un intérêt direct pour nous et pour les citoyens de tous les ordres de la province, nous chargerons nos députés de faire la demande particulière du retour de notre Université dans la ville de Pont-à-Mousson, qui a conservé les établissements les plus convenables, et où la vie, moins dissipée, est bien moins chère qu’à Nancy, et permet de donner à la jeunesse une éducation plus soignée et moins dispendieuse. Art. 16. Les liens qui nous unissent au chef visible de l’Eglise, étant tout spirituels, doiventêtre conservés sans doute, et resserrés, s’il est possible, ar tout ce que peuvent y ajouter le respect et l’o-éissance filiale à tous les décrets qui émanent de lui ; mais tout ce que, dans les temps d’ignorance et de corruption, l’ambition et l’avarice de la cour de Rome ont su y joindre d’avantages temporels, doit, dans ce siècle de lumières, être abrogé. Qu’en conséquence nos députés aux Etats généraux y proposent qu’il soit pris, de concert avec le Roi, des arrangements tels que, sans nous écarter du centre de l’unité et de la suprématie que nous reconnaissons dans le siège de Rome, il soit pourvu à l’obtention des dispenses et des bulles sans autres frais que ceux de leur expédition, et qu’il soit suppléé au payement des annates par quelques marques authentiques du respect de la nation pour le Saint-Siège; car, à peine en état de subvenir au payement des charges de son gouvernement, il est absurde qu’elle continue à payer à une nation étrangère un tribut annuel de plusieurs millions. Art. 17. Que désormais tout citoyen, revêtu d’un office civil ou militaire, ne puisse en être dépouillé sans un jugement préalable, rendu par des juges compétents. Aujourd’hui vingt-six mars mil sept cent quatre-vingt-neuf, à neuf heures du matin, la noblesse du bailliage de Saint-Mihiel, convoquée dans la salle particulière des séances, en l’abbaye de cette ville, en vertu de l’ajournement à elle donné le vingt desdits mois et an, par son président, les articles ci-dessus ont été lus, approuvés et arrêtés dans leur assemblée générale, afin d’être présentés à l’assemblée des Etats généraux du royaume, convoqués à Versailles au vingt-sept avril de la présente année, et être proposés à ladite assemblée par ses députés, auxquels elle donne charge spéciale de proposer le présent cahier dans tout son contenu à ladite assemblée des Etats généraux. En foi de quoi ont signé le président, secrétaire et commissaires à la rédaction dudit cahier. Signé Brousmard , président ; le chevalier Damoiseau ; le chevalier de Faillonnet; Bâillonne! de Domrémy ; Bonsmard de Chantraine ; le baron de Manonville ; F. -G. Rouvroir, secrétaire. CAHIER DES DOLÉANCES DES TROIS ORDRES DU BAILLIAGE ROYAL DE VILLIERS-LA-MONTAGNE (1). On remarque dans la lettre de Sa Majesté pour la convocation des trois ordres de ce royaume, que la matière des plaintes et doléances doit se rapporter à deux objets généraux : 1° Etablir un ordre constant et invariable dans toutes les parties du gouvernement qui intéressent le bonheur des sujets et la prospérité du royaume ; 2° Surmonter les difficultés qui se rencontrent dans l’état des finances. Il n’y a pas un Français qui n’ait ouï parler de ce déficit immense, incalculable jusqu’à présent ; il s’agit de trouver des mesures pour établir l’équilibre entre la recette et la dépense de l’Etat, et d’épargner au nom français la honte d’une banqueroute déshonorante aux yeux de touiel’Ëurope. Ces deux objets présentent 'des branches infinies à la réflexion des politiques. Les trois ordres de ce bailliage, réunis par l’accord d’une volonté unanime, ne se flattent pas d’atteindre le but auquel tous les souhaits doivent aboutir; ils vont hasarder succinctement quelques réflexions : et pleins de confiance dans la parole sacrée d’un (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des A rchives de l’Empire. 244 [Etats gen. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Bar-le-Duc. outre la lecture, l’écriture et un peu d’arithmétique qu’elles continueront à enseigner, joignent à l’étude du catéchisme religieux qui renferme la base de tous les devoirs moraux, celle d’un catéchisme patriotique, qui expose d’une manière simple et élémentaire les obligations que renferme le titre de citoyen, et les droits qui dérivent nécessairement de ces obligations, quand elles sont bien remplies; qui fonde sur ces obligations et ces droits, le respect pour les lois et surtout pour les lois de la propriété, l’obéissance aux magistrats, le dévouement à la patrie et au Roi, qui en est le père. Que les pasteurs des paroisses de campagne exercent sur ces écoles, et sur la manière d’y inculquer aux eufants les vérités importantes qu’on leur y enseignera, l’inspection la plus active et la plus suivie et ne dédaignent point cette fonction, la plus essentielle, peut-être, de leur ministère. Art. 13. Que les écoles du peuple des villes aient le même plan d’étude, mais confiées à des maîtres plus habiles, et soumises à une discipline plus soignée que celles des campagnes, telle à peu près qu’elle s'exerce chez les Frères des Écoles chrétiennes ; qu’en outre de l’inspection des pasteurs, elles soient soumises à celle des officiers municipaux et des magistrats. Art. 14. Que l’institution des premières classes de citoyens, ou de tous ceux que leur fortune met en état de suivre des études plus longues et plus parfaites, soit confiée à ce grand nombre de corps réguliers qui, déjà rentés, n’attendent que le signal de se rendre maintenant aussi utiles à l’Etat qu’ils l’ont été dans tous les temps à la religion. Qu’il soit dès à présent tiré de ceux de ces corps qui déjà s’occupent de l’éducation de la jeunesse, ainsi que de toutes les universités du royaume, des commissaires qui, réunis, concerteront, avec l’Université de Paris, le plan d’études et de discipline le plus convenable à établir dans tous les collèges et universités du royaume. Que le même catéchisme patriotique des petites écoles soit enseigné dans les grandes, n’y ayant pas deux genres de devoirs pour les différents ordres de citoyens; que seulement il en soit fait une étude plus approfondie. Art. 15. Il est malheureux que la plupart des universités et des établissements d’éducation , soient placés dans de grandes villes, où la jeunesse trouve, à côté des leçons de science et de vertu qu’elle reçoit, l’exemple de la dissipation et du vice. L’Université de notre province avait heureusement été mise à l’abri de ce danger, par la sagesse de nos anciens souverains qui l’avaient placée à Pont-à-Mousson, où elle florissait ; transférée à Nancy, pour augmenter le lustre de cette capitale, elle est devenue dans cette ville de luxe un écueil dangereux non-seulement pour les mœurs et la santé de la jeunesse, mais encore pour la fortune des parents. D’après ces considérations d’un intérêt direct pour nous et pour les citoyens de tous les ordres de la province, nous chargerons nos députés de faire la demande particulière du retour de notre Université dans la ville de Pont-à-Mousson, qui a conservé les établissements les plus convenables, et où la vie, moins dissipée, est bien moins chère qu’à Nancy, et permet de donner à la jeunesse une éducation plus soignée et moins dispendieuse. Art. 16. Les liens qui nous unissent au chef visible de l’Eglise, étant tout spirituels, doiventêtre conservés sans doute, et resserrés, s’il est possible, ar tout ce que peuvent y ajouter le respect et l’o-éissance filiale à tous les décrets qui émanent de lui ; mais tout ce que, dans les temps d’ignorance et de corruption, l’ambition et l’avarice de la cour de Rome ont su y joindre d’avantages temporels, doit, dans ce siècle de lumières, être abrogé. Qu’en conséquence nos députés aux Etats généraux y proposent qu’il soit pris, de concert avec le Roi, des arrangements tels que, sans nous écarter du centre de l’unité et de la suprématie que nous reconnaissons dans le siège de Rome, il soit pourvu à l’obtention des dispenses et des bulles sans autres frais que ceux de leur expédition, et qu’il soit suppléé au payement des annates par quelques marques authentiques du respect de la nation pour le Saint-Siège; car, à peine en état de subvenir au payement des charges de son gouvernement, il est absurde qu’elle continue à payer à une nation étrangère un tribut annuel de plusieurs millions. Art. 17. Que désormais tout citoyen, revêtu d’un office civil ou militaire, ne puisse en être dépouillé sans un jugement préalable, rendu par des juges compétents. Aujourd’hui vingt-six mars mil sept cent quatre-vingt-neuf, à neuf heures du matin, la noblesse du bailliage de Saint-Mihiel, convoquée dans la salle particulière des séances, en l’abbaye de cette ville, en vertu de l’ajournement à elle donné le vingt desdits mois et an, par son président, les articles ci-dessus ont été lus, approuvés et arrêtés dans leur assemblée générale, afin d’être présentés à l’assemblée des Etats généraux du royaume, convoqués à Versailles au vingt-sept avril de la présente année, et être proposés à ladite assemblée par ses députés, auxquels elle donne charge spéciale de proposer le présent cahier dans tout son contenu à ladite assemblée des Etats généraux. En foi de quoi ont signé le président, secrétaire et commissaires à la rédaction dudit cahier. Signé Brousmard , président ; le chevalier Damoiseau ; le chevalier de Faillonnet; Bâillonne! de Domrémy ; Bonsmard de Chantraine ; le baron de Manonville ; F. -G. Rouvroir, secrétaire. CAHIER DES DOLÉANCES DES TROIS ORDRES DU BAILLIAGE ROYAL DE VILLIERS-LA-MONTAGNE (1). On remarque dans la lettre de Sa Majesté pour la convocation des trois ordres de ce royaume, que la matière des plaintes et doléances doit se rapporter à deux objets généraux : 1° Etablir un ordre constant et invariable dans toutes les parties du gouvernement qui intéressent le bonheur des sujets et la prospérité du royaume ; 2° Surmonter les difficultés qui se rencontrent dans l’état des finances. Il n’y a pas un Français qui n’ait ouï parler de ce déficit immense, incalculable jusqu’à présent ; il s’agit de trouver des mesures pour établir l’équilibre entre la recette et la dépense de l’Etat, et d’épargner au nom français la honte d’une banqueroute déshonorante aux yeux de touiel’Ëurope. Ces deux objets présentent 'des branches infinies à la réflexion des politiques. Les trois ordres de ce bailliage, réunis par l’accord d’une volonté unanime, ne se flattent pas d’atteindre le but auquel tous les souhaits doivent aboutir; ils vont hasarder succinctement quelques réflexions : et pleins de confiance dans la parole sacrée d’un (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des A rchives de l’Empire. 245 . [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Bar-le-Duc. Roi qui ne veut régner que par l’amour et la félicité publique, ils supplient très-humblement et très-respectueusement Sa Majesté de consentir que la nation, rendue à ses antiques et imprescriptibles prérogatives, jouisse à l’avenir d’une constitution fixe et invariable, étant de la nature d’une monarchie d’en avoir une. En conséquence, il est à désirer quel’on établissepar une loi générale et nationale : 1° Que l’assemblée des trois ordres du royaume aura un retour périodique ; que Sa Majesté décernera des lettres de convocation aux époques à fixer, et que tous les subsides qui seront consentis par la nation cesseront de plein droit si les Etats généraux ne sont pas convoqués aux époques fixées, sauf à Sa Majesté à les assembler en d’au � très temps, suivant les circonstances et les besoins de l’Etat. 2° Que toutes les lois seront proposées, délibérées et sanctionnées dans les Etats généraux, pour être ensuite promulguées au nom du monarque. 3° Que les Etats généraux seront seuls le corps représentatif de la nation, dans la proportion et la forme qui sera adoptée par les Etats généraux, lesquels pourront seuls décerner la régence. 4° Que les ministres et autres administrateurs subalternes seront comptables de leur conduite publique à la nation. 5° Qu’aucun démembrement du royaume ne pourra être fait par cession, échange ou autrement que par le consentement des Etats généraux. 6° Que tous les magistrats ordinaires, supérieurs et inférieurs, inamovibles par essence, ne pourront être destitués que pour cas de forfaiture. 7° Que tout citoyen ne pourra être jugé que par les lois et ses magistrats naturels ; que les lettres de cachet seront proscrites, excepté celles sollicitées par les familles pour la conservation de leur honneur, après une assemblée de parents dans les formes légales, pourvu toutefois que les crimes ne soient pas publics et capitaux. 8° Sa Majesté sera très-humblement suppliée d’accorder des Etats particuliers à la province de Lorraine et Barrois; de décider que ces Etats auront seuls le droit derépartir les subsides, d’en faire faire la levée, de connaître définitivement et en dernier ressort de toute contestation qui pourrait naître à ce sujet : qu’à eux seuls appartiendra l’administration générale de la province, le soin de former un plan d’étude et d’éducation pour la jeunesse; la construction, réparation et entretien des ouvrages publics, sous les ordres du gouvernement ; qu’ils pourront proposer tous les moyens que la connaissance parfaite de leur localité pourra leur suggérer, pour améliorer toutes les parties qui ont un rapport direct ou indirect à l’agriculture ou au commerce ; en un mot, tous les projets qu’ils jugeront propres à amener la province à l’état de police et de prospérité dont elle peut être susceptible. 9° Quoique l’ordonnance civile et criminelle du duc Léopold, qu’on suit aujourd’hui en Lorraine, soit regardée comme un chef-d’œuvre, elle a encore besoin d’un second coup d’œil de la raison ; c’est pourquoi on demande unanimement qu’elle soit soumise à l’examen des jurisconsultes les plus sages et les plus instruits ; que les tribunaux d’exception, commissions, etc., soient supprimés, ainsi que les privilèges exclusifs, les huissiers-priseurs et le marc d’or nouvellement établi en Barrois, sur les terres seigneuriales. 10° Le tiers-état des bailliages, réunissant son vœu à tous les individus de son ordre qui ont de la sensibilité, de l’énergie dans l’àme, et se font gloire d’être Français, supplie avec la pius vive instance Sa Majesté de ne lui donner aucune exclusion formelle aux emplois militaires, civils ou ecclésiastiques, et de faire entrer les curés ainsi que les évêques et autres prélats dans les corps politiques de l’Etat. 11° Que la liberté indéfinie de la presse soit autorisée , à la charge par l’imprimeur d’apposer son nom à tous les ouvrages qu’il imprimera, et de répondre personnellement de tout ce qu’il pourrait v avoir de contraire à la religion, à l’ordre et à l’honnêteté publique. 12° Que les portions des curés et vicaires soient augmentées et fixées de manière à leur procurer une subsistance honnête, proportionnée à leurs charges, et qui les mette à même de renoncer aux dîmes , par amour de la paix, et au casuel non fixe, aussi onéreux aux habitants de la campagne qu’humiliant pour la dignité de leur caractère, et qu’il soit assigné une pension de retraite aux curés et vicaires qui ne pourront plus exercer leur ministère à raison de leur âge ou de leurs infirmités. 13° Sa Majesté sera très-humblement suppliée, de prendre en considération la réclamation de tous les ordres de l’Etat contre le concordat entre François Ier et Léon X. 14° D’ordonner que tous étrangers soient exclus de tout office et bénéfice du royaume, attendu la non-réciprocité. 15° Que les revenus des biens situés en France, et qui appartenaient aux ci-devant Jésuites de Trêves, soient rendus à la nation, et affectés à l’éducation des sujets de Sa Majesté, faisant partie du diocèse de Trêves, sous la direction des Etats provinciaux. 16° Qu’il soit établi dans chaque province un tribunal héraldique, composé de gentilshommes, pour juger définitivement de toutes les preuves de noblesse et en donner une justification indéfinie. 17° Que toutes charges anoblissant à prix d’argent soient supprimées et que la noblesse ne soit accordée qu’à des personnes qui l’auront méritée par des services utiles ou des talents essentiels. 18° Que tout privilège pécuniaire soit supprimé, et qu’il ne soit établi aucun subside sans être reparti sur tous les ordres indistinctement. 19° Que tous droits ou impôts tels que la gabelle , foraine, tabacs, faciende, encavage de bière et ceux connus particulièrement dans cette province sous le nom odieux de châtrerie, rif-flerie, etc., soient supprimés et remplacés par un subside de deux espèces, dont l’un territorial payable en argent , et l’autre représentatif ou personnel pour les capitalistes, commerçants, négociants, etc. 20° Que les chasses, pêches et autres biens domaniaux à l’exception des bois, étant plus à charge que profitables au souverain, soient aliénés pour en appliquer le produit au besoin du moment ; que surtout dans la province de Lorraine et Barrois on ne puisse faire la recherche du droit de franc-fief, non plus que de l’aliénation des biens domaniaux, au delà de l’année 1736, époque de la cession. 21° Que les fruits de la régale, ceux de tous les bénéfices en commende, qui viendrontà vaquer dans la suite, en un mot tout l’argent qu’on envoie à Rome, pour bulles, brefs, etc., soit appliqué à la libération des dettes de l’Etat et au soulagement du peuple. 246 [Etats génï 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Bar-le-Duc. 22° Qu’en suivant les plus pures maximes de l’Eglise qui permettent d’aliéner les choses saintes pour secourir les pauvres et obvier aux maux pressants et imprévus, on se fasse aujourd’hui une ressource utile de toutes les richesses accumulées et conservées dans différents lieux, sous le nom de trésor, et qui ne servent qu’à l’ostentation ou à la curiosité. 23° L’on pourrait encore, en cas de nécessité, établir un impôt, tendant à diminuer le poids des deux premiers et qui ne tomberait que sur les objets d’un luxe nuisible et dangereux, comme sur les chevaux non destinés à l’agriculture et au commerce, sur les domestiques superflus et qui dérobent leurs bras à la culture et aux arts nécessaires ; bien entendu cependant que ce dernier impôt serait combiné dans une proportion si modérée, que son établissement ne pût devenir la source de sa destruction. 24° La révolution subite et forcée du prix des bois, à laquelle différentes causes ont concouru, semble menacer le royaume d’une disette prochaine de cette matière de première nécessité; c’est d’avertir le gouvernement que le régime actuel des forêts est vicieux, qu’il faut lui en substituer un autre plus parfait, plus économique, qui ne mette pas les intérêts du souverain et du public dans les mains des maîtrises. 25° Il paraît nécessaire que la France jouisse en tout temps d’une marine puissante; mais a-t-elle besoin d’environ deux cent mille hommes de troupes en temps de paix ? Pourquoi n’en pas destiner une partie au service de la maréchaussée ? 26° Les banalités et corvées de toute espèce étant un vice intolérable, et leur suppression attaquant les propriétés des seigneurs, des censitaires et du Roi, il paraît expédient de permettre aux banaux de se racheter et de rompre leurs chaînes ; et que si les communautés ne veulent pas se racheter, les gentilshommes soient libres de se racheter. Cependant le tiers-état réclame que MM. les seigneurs consentent à supprimer les banalités purement et simplement. 27° Que la réduction qui a été faite sur les pen - sions soit continuée jusqu’à la liquidation parfaite de la dette nationale, et qu’elles ne puissent être accordées désormais qu’aux services, au mérite et aux talents reconnus. 28° Sa Majesté sera très-humblement suppliée de revenir sur l’important objet de la législation des grains, de la faire méditer, et d’en faire calculer les inconvénients, d’après le produit annuel des récoltes, la consommation des habitants, le superflu qui peut en rester ; ce n’est jamais que le superflu qu’on doit exporter. 29° La suppression de la corvée en nature, ordonnée il n’y a pas longtemps par des motifs de compensation pour le peuple, donnant lieu à des réclamations vives et générales, Sa Majesté sera suppliée de rétablir les choses sur l’ancien pied en ordonnant que les villes, bourgs et villages qui en étaient affranchis, soit par privilège, ou un trop grand éloignement des routes, contribueront aux nouvelles constructions à la décharge de ceux qui supporteront l’entretien des anciennes routes, par un impôt pécuniaire et léger, lequel sera administré par les Etats provinciaux. 30° S’étant glissé de très-grands abus dans le commerce des ventes de biens en détail, et l’intérêt de ce bailliage, qui est tout agriculteur, exigeant qu’on les réforme, il soit établi désormais qu’un ou deux officiers de justice soient présents aux adjudications qui en seront faites. 31° On demande une seule loi, un seul poids et une seule mesure. 32° Nos députés s’occuperont d’abord à constater la dette nationale ; ils ne pourront consentir aucun subside, que la constitution ne soit préalablement établie et que tous les articles ci-dessus n’aient été proposés aux Etats généraux et soumis à leur délibération, après laquelle ils pourront seulement accorder des secours proportionnés aux besoins réels de l’Etat. Fait et achevé le 19 mars mil sept cent quatre-vingt-neuf, et ont tous les membres des trois ordres signé à la minute des présentes. Collationné conforme à l’original par le soussigné, secrétaire-greffier du bailliage royal de Villers-la-Montagne. Signé Le Blanc.