[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [21 septembre 1791.] 135 tion et propose, en conséquence, la rédaction suivante : « Il sera nommé par le roi deux substituts du commissaire du roi auprès du tribunal de cassation. <■ Ces deux substituts auront les deux tiers du traitement fixé pour le commissaire du roi auprès dudit tribunal. » (Ce décret est mis aux voix et adopté.) Un membre dénonce à l’Assemblée les abus résultant des établissements, dans certaines villes, des usines contraires à la salubrité et nuisibles à la sûreté des citoyens-, il propose le projet de décret suivant : « Les anciens règlements de police relatifs à l’établissement ou l’interdiction, dans les villes, des usines, ateliers ou fabriques qui peuvent nuire à la sûreté ou à la salubrité de la ville, seront provisoirement exécutés. » (Ce décret est mis aux voix et adopté.) M. le Président fait lecture d’une adresse du sieur Deleyre qui fait hommage à l’Assemblée d’un livre dont il est l’auteur et ayant pour titre: « Essai sur la vie de M. Thomas, de l’Académie française. » (L’Assemblée ordonne qu’il sera fait mention honorable de cet hommage dans le procès-verbal.) M. Duport, au nom des comités de Constitution et de législation criminelle. Messieurs, le département et la municipalité de Paris sollicitent par instance une loi pour l’établissement d’une force de police, dans cette ville. Il y a des juges de paix, des commissaires de police des bureaux de conciliation ; mais il n’y a point de force instituée pour la surveillance et pour l’arrestation des personnes suspectes ; il n’y a point encore de véritable police desûreté instituée pour la délivrance des mandats d’arrêt. Cependant il est aisé de reconnaître combien il est nécessaire qu’il existe une police active dans une ville qui contient un si grand rassemblement d’hommes, où il y a un si prodigieux concours d’hommes qui compromettent journellement non seulement la sûreté publique, mais les propriétés individuelles. Ce n’est que par des soins continuels qu’on peut maintenir une si grande quantité d’hommes. Le premier moyen que l’on pourrait employer, cetui d’une force armée, ne pouvant l’être que d’une manière ouverte, et, pour ainsi dire, grossière, l’est souvent sans succès. La garde nationale de Paris a donné, sans doute, des preuves multipliées de son zèle ; mais on ne saurait exiger d’elle un service aussi continu après la Révolution. Quant au moyen de l’espionnage, il suffit de vous l’indiquer pour vous le faire rejeter avec horreur. Un troisième moyen se présente, et l’ancien gouvernement l’avait employé. Les officiers du commerce arrêtaient d’une manière très simple, sans aucune violence ; c’est cette institution que nous vous proposons de rétablir, comme la seule qui convienne à un peuple libre. Un seul homme se présente avec le caractère de la loi ; il ordonne à celui qu’il veut arrêter de le suivre chez le juge de paix; alors les citoyens sentent leur dignité ; ils n’obéissent plus à la force armée, dont l'emploi convient au despotisme, ni à la force invisible des espions, mais à la force irrésistible de la loi, à laquelleles citoyens sont toujours prêts à prêter appui. Cette institution, qui peut être utile dans tout le royaume, est indispensablement nécessaire à Paris, où il faut qu’il existe des moyens de police les plus prompts et les plus efficaces. Et quoique le commerce ne se soit pas encore senti de la fabrication des faux assignats, cependant plusieurs tentatives ont été faites et il n’existe en ce moment aucun moyen pour dépister ces fabricateurs. Je suis, en conséquence, chargé par les comités de Constitution et de législation criminelle, de vous présenter le projet de décret suivant : Art. 1er. « Il sera établi à Paris 24 officiers de police, sous le nom d 'officiers de paix, avec les fonctions ci-après. » (Adopté.) Art. 2. « Les officiers de paix seront chargés de veiller à la tranquillité publique! de se porter dans les endroits oùellesera troublée, d’arrêter les délinquants, et de les conduire devant le juge de paix. » (Adopté.) Art. 3. « Ils seront nommés par les officiers municipaux, et leur service durera 4 ans. » (Adopté.) Lecture est faite de l’article 4, ainsi conçu : « Ils porteront pour marque distinctive un bâton blanc à la main. » M. Chabroud observe qu’il est utile d’investir les officiers de paix d’une certaine autorité ; il propose, par addition à cet article, de décréter que les citoyens seront tenus de leur prêter assistance à leur réquisition et que ceux qui refuseraient de leur obéir seront condamnés, pour cela seulement, à trois mois de détention. » (Cette proposition est adoptée.) En conséquence, l’article modifié est mis aux voix comme suit : Art. 4. « Ils porteront pour marque distinctive un bâton blanc à la main. Ils diront à celai qu’ils arrêteront : « Je vous ordonne, au nom de la loi, de me suivre devant le juge de paix. » Les citoyens seront tenus de leur prêter assistance à leur réquisition; et ceux qui refuseront d’obéir aux officiers de paix seront condamnés, pour cela seulement, à trois mois de détention. * (Adopté.) • ' ■ Les articles 5 à 7 du projet de décret sont successivement mis aux voix, sans changement, comme suit ; Art. 5. « Les officiers de paix , pendant la nuit, pourront retenir les personnes arrêtées ; elles seront conduites, au jour, devant les commissaires de police, s’il s’agit d’objets attribués à la municipalité. » (Adopté.) . Art. 6. « S’il s’agit d’objets du ressort de la police correctionnelle ou de la police de sûreté, les officiers de paix conduiront les prévenus, soit devant le juge de paix du district, soit devant le bureau central des juges de paix. » (Adopté.) Art. 7. « Les officiers de paix ne pourront être destitués que par trois délibérations successives du 136 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [21 septembre 1791.] bureau central des juges de paix, prises à huit jours de distance l’une de l’autre. » (Adopté.) Lecture est faite de l’article 8 (et dernier) du projet de décret, ainsi conçu : « Le traitement annuel des officiers de paix sera de 3,000 livres. » Un membre propose d’ajouter à l'article ces mots : aux frais de la commune ». (Cette addition est adoptée.) En conséquence, l’article modifié est mis aux voix comme suit : Art. 8. « Le traitement annuel des officiers de paix sera de 3,000 livres, aux frais de la commune. » (Adopté.) Un membre propose de décréter par article additionnel que les gardes du commerce continueront leurs fonctions. M. Duport, rapporteur. On demande qu’il soit fait mention dans le décret que vous venez de rendre que les fonctions des gardes du commerce ne sont pas détruites. Cette observation me paraît de toute justice ; on peut donc dire que le présent décret ne porte en rien préjudice aux fonctions attribuées aux gardes du commerce, lesquelles continueront d’être exercées par eux comme par le passé. M. Goupil-Préfeln. La Constitution porte l’abolition de la vénalité des offices ; or, par la même raison que l’Assemblée a cru nécessaire de supprimer les offices de notaires, afin que rien ne contrariât le principe établi par la Constitution, il n’est pas possible de conserver la vénalité des offices des gardes du commerce. M. Duport, rapporteur. L’observation du préopinant esi juste en soi, parce qu’il s’agit en effet d’un reste de la vénalité des offices. Gomme il est cependant impossible qu’il y ait aucune interruption dans ces fonctions très importantes pour le commerce, je demande qu’il soit dit que ce maintien est simplement provisoire, jusqu’à ce qu’il y ait été pourvu autrement. (Assentiment.) Voici J article nouveau que je propose : Art. 9. « Les gardes du commerce continueront, provisoirement et personnellement, à exercer les fonctions qui leur sont attribuées par les lois. » (Adopté.) M. «JonpSI-Préfeln. Messieurs, je demande la permission de faire deux motions d’ordre. Vous avez renvoyé à votre comité de Constitution la proposition des mesures à prendre ou plutôt de la loi répressive à porter pour empêcher l’usage scandaleux des qualités qui sont abrogées par la Constitution; il est d’autant plus nécessaire que cette loi soit portée qu’il a été distribué, avec une affectation insolente, une prétendue protestation revêtue d’un certain nombre de signaturesoù l’on voit, chose remarquable, des noms accompagnés des titres de marquis, baron, etc..., et appartenant à des gens nés d’extraction roturière dans le temps qu’il y avait pareille extraction. (Rires et applaudissements.) Je demande donc que le comité de Constitution nous présente très incessamment un projet de loi répressive à cet égard. Le second objet de ma motion porte sur la situation actuelle de l’Assemblée. Vous voyez, Messieurs, à quel point la séance se trouve dégarnie. Je demande que, pour terminer notre mission et notre longue carrière avec la dignité qui convient, en annonçant à la nation la fidélité avec laquelle nous avous rempli les fonctions dont sa confiance nous avait chargés, il soit décrété que le vendredi 30 de ce mois il sera fait un appel nominal. (Applaudissements.) M. Ce Chapelier, au nom du comité de Constitution. Sur la première motion de M. Goupil, j’observe que le comité s’en occupe actuellement ; sur la deuxième, je ferai remarquer qu’il y a un décret qui défend de s’absenter sans congé. M. Chabroud. Je crois que le délit qui vous a été dénonce par M. Goupil et que commet celui qui prend un titre proscrit par la Constitution est un délit très grave, parce qu’il ren-f rme une sorte de révolte contre la Constitution ; et je suis d’avis qu’on doit le poursuivre avec toute la rigueur de la loi. Mais, d’un autre côté, j’estime, à l’égard de ceux qui le commettent, que ce délit tient à un grand orgueil et que c’est dans ce sens qu’il faut chercher la peine répressive, c’est-à-dire dans l’humiliation. Telles sont les deux observations d’après lesquelles je proposerai la peine qui me semble convenable. Il y a ensuite des officiers publics qui se prêtent aux faiblesses de l’orgueil et qui, dans les actes qu’ils dressent, donnent aux personnes qui y stipulent les anciens titres de la vanité dont vous avez pronom é l’abrogation. A leur égard, je crois que l’intérêt étant le mobile qui les porte à se prêter à cette faiblesse, c’est dans l’intérêt qu’il faut prendre le genre de la peine. Je demande donc que ceux qui, au mépris de la loi, prendront les divers titres qui ont été abolis et que la loi défend de prendre soient condamnés pendant 3 heures au carcan (Murmures dans l’Assemblée; applaudissements dans les tribunes.), et que les officiers publics qui prêteront leur ministère pour une semblable contravention soient punis par la destitution de leur emploi. (Applaudissements dans les tribunes.) L’Assemblée a paru, par un mouvement subit, improuver la peine du carcan. Je la prie de se rappeler l’observation que j’ai faite en débutant, que le délit dont il est question tient à l’orgueil, à l’éloignement de l’égalité. (Exclamations.) Je dis que ce délit tient à une répugnance évidente pour les décrets constitutionnels et que les délits de ce genre ne peuvent être punis que par l’humiliation. Mais, Messieurs, si la peine est extrêmement dure, si elle est extrêmement révoltante, qu’arrivera-t-il ? Il arrivera que personne ne contreviendra à la loi. (Applaudissements dans les tribunes.) M. Ce Chapelier, au nom du comité de Constitution. Je demande le renvoi de cet objet au comité de Constitution qui s’en est déjà occupé; et j’observe que le meilleur moyen de faire exécuter les lois, c’est de ne pas y mettre trop de rigueur, car on sait bien par expérience que les lois trop rigoureuses sont difficilement exécutées. Voulez-vous que les titres proscrits par la Constitution ne puissent plus être pris par personne, sans que ces personnes soient puqies ? Infligez à