56 ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [États généraux.) [29 mai 1789.] voirs en commun et la délibération par tête ou par ordre. Cette motion n’est pas adoptée. ÉTATS GÉNÉRAUX. Séance du vendredi 29 mai 1789. NOBLESSE (1). Il s’élève de grandsdébats pour savoir de quelle manière on députera vers le Roi. Les députés seront-ils choisis à tour de rôle ou par gouvernement? Ces graves discussions terminées, la députation se rend au château où elle est reçue à midi ar Sa Majesté, environnée de tous ses ministres. a députation rapporte la réponse suivante faite par le Roi : « Je recevrai toujours avec bonté les témoignages de respect et de reconnaissance de la noblesse de mon royaume; j’attends de son attachement et de son zèle qu’elle saisisse avec empressement tous les moyens propres à assurer une conciliation que je désire. C’est en maintenant l’harmonie que les Etats généraux pourront acquérir l’activité nécessaire pour opérer le bonheur général. » M. le comte de Lally-Tollendal, députe de la ville de Paris, fait la motion suivante (2) : Messieurs, il y a un an que la France appelle les Etats généraux ; c’est son unique espoir, sa seule ressource ; sa perte ou son salut en dépendent. 11 y a vingt jours que les représentants nommés par la nation pour former les Etats généraux sont réunis dans le même lieu, et il n’y a point d’Etats généraux 1 Un seul ordre est constitué; il s’est constitué lui-même; il l’a fait déclarer aux deux autres ordres. Non-seulement ces deux derniers ne sont pas constitués, mais un d’eux nie que le premier le soit, soutient que les trois ordres ne peuvent être constitués qu’ensemble, et que la vérification des pouvoirs de tous les députés ne doit se faire qu’en commun, On invoque pour la vérilication séparée un usage constant. On allègue pour la vérification en commun des raisons frappantes. Parmi ces raisons, voici sans contredit la plus forte. Tous les représentants de la nation quels qu’ils soient, sont comptables l’un à l’autre de la légitimité de leurs pouvoirs; s’il s’élève une difficulté à cet égard, il faut qu’elle soit jugée. Autrefois, lorsque le droit des nations était méconnu, ou mis en oubli, on rendait compte des vérifications au Conseil qui jugeait les contestations par arrêts, et comme les trois ordres trouvaient bon de se soumettre à ces arrêts, ce garant leur suffisait pour se reconnaître l’un l’autre suffisamment constitués. Aujourd’hui qu’il n’est plus permis d’ignorer que chaque membre des Etats généraux pris individuellement est sujet; mais que les Etats généraux, collectivement, forment (1) La séance du 29 mai de la Chambre de la noblesse est incomplète au Moniteur. (2) Le discours de M. de Lally-Tollendai n’a pas été inséré au Moniteur. une partie intégrante de la souveraineté, on ne voudra certainement pas qu’un procès né dans l’Assemblée de la nation soit tranché par un arrêt 1 du Conseil : elle seule peut et doit le juger. Mais comme ce titre d’Assemblée de la nation, comme la portion de souveraineté qui lui est inhérente, appartiennent au corps entier et non à tel ou tel ordre de ceux qui le composent, il en résulte que les trois ordres, sans la réunion desquels il n’y a point d’Etats généraux, doivent juger et par conséquent vérifier en commun* Cet argument paraîtsans réplique ; mais les adversaires de la vérification commune viennent tout à coup lui en opposer un autre. D’abord ils citent une exception aux Etats qui se sont soumis aux arrêts du Conseil, et ils soutiennent que ceux de 1588 n’ont jamais voulu y consentir. Us disent ensuite: que l’on vérifie en commun; qu’il s’élève une seule contestation et voilà nécessairement la délibération par tête introduite ; or, quelle que soit notre opinion individuelle sur cet objet,' nous avons fait serment de maintenir la délibération par ordre. J’avoue que, d’abord, cet argument paraît admettre encore moins de réplique que le premier; et je conçois que ceux, à qui il n’était pas permis de consentir à la délibération par tête, aient pu croire dans le premier moment qu’il ne leur était pas permis davantage de consentir à la vérification en commnn. Voilà donc le point de la difficulté ; c’est par là seulement que la vérification commune ou séparée a pu acquérir tant d’importance, mais aussi c’est par là qu’elle en a acquis une telle, que l’existence des Etats généraux , l’établissement delà constitution et le salut de l’empire peuvent en dépendre. Qu’on ne dise pas que celte difficulté est décidée par l’arrêté de la Chambre; qu’il n’y a plus à y revenir. Elle a été hier l’objet de la lettre du Roi ; elle va être celui de la conférence que la Chambre a acceptée pour ce soir, elle est encore la cause de l’inexistence des Etats généraux. Ne pourrait-on pas, avant d’atlaquer de front cette difficulté, chercher encore à la détourner? Ne pourrait-on pas dire qu’un excès de délicatesse honorable mais périlleux a entraîné au delà des justes bornes ceux qui se sont crus obligés à rejeter la vérification en commun par le même serment qui les oblige à rejeter l’opinion par tête; que la première ne préjuge en rien la seconde ; que l’intention de nos commettants n’a pu évidemment porter que sur nos délibérations, quand nous serons constitués ; et que surtout la première de leurs intentions a été qu’il y eût des Etats généraux? Au bailliage de Dourdans j’ai vu prescrire impérativement l’opinion par ordre et les pouvoirs avaient été vérifiés en commun. Dans l’Assemblée de Paris, intra-muros , les pouvoirs ont été vérifiés en commun et personne n’est plus astreint que nous à défendre l’opinion par ordre, i puisque, quand même la pluralité déciderait le j contraire, nous devons rester dans la minorité et , en demander acte. Si ce premier point était une fois reconnu, s’il était bien décidé qu’il n’y a rien de commun entre la vérification avant d5être constitués et la délibération après l’avoir été , où serait donc le danger que chaque ordre se vérifiât d’abord dans son intérieur, comme a fait la noblesse, qu’en-suite les trois autres se rendissent compte mutuellement de leurs vérifications particulières, des difficultés élevées, des jugements portés, et qu’ils les ratifiassent par l’eutreniise de leurs