(Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES» [17 février 1791.] 233 tous juges ordinaires doivent et peuvent informer et décréter pour tout crime de quelque nature qu’il soit, sauf le renvoi au Châtelet de ceux dont la connaissance lui était provisoirement accordée. Nous vous proposons le projet de décret suivant : « L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité des recherches, décrète que la procédure commencée au tribunal de Beaune sera continuée et jugée en dernier ressort par le tribunal de Besançon; à l’effet de quoi les procédures seront transférées au greffe dudit tribunal, les accusés transférés de ladite ville de Beaune au tribunal de Besançon-, charge son président de se retirer par devers le roi, pour le prier de donner des ordres nécessaires à l’exécution du présent décret. » M. d’André. Je n’ai rien à dire sur le fondde l’affaire; mais j’observe que le décret que l’on propose est contraire à tous les principes. Vous avez voulu que la voie de l’appel fût ouverte à tous les accusés; et cependant on vous propose d’autoriser le tribunal du district de Besançon à juger en dernier ressort. Je demande que le décret soit amendé et que l’affaire soit renvoyée au tribunal de Besançon, en laissant aux accusés la faculté que vous avi z donnée à tous les accusés du royaume, lorsqu’ils auront été jugés en premier ressort à Besançon, de se pourvoit par appel à un des sept tribunaux, dans la forme décrétée. M. Voidel, rapporteur. Je ne demande la parole sur l’amendement que pour dire que je l’appuie, parce qu’il paraît conforme aux principes. M. de Tracy. J’avais demandé la parole pour faire le même amendement qui vient d’être proposé; je me borne à l’appuyer. Je suis bien aise de saisir cette occasion de certifier que j’ai servi pendant 8 ans avecM. Chaillot, qui est l’honneur et la raison mêmes. (L’Assemblée adopte l’amendement de M. d’André.) M. Salle. Il y a dans les prisons de Paris plusieurs personnes décrétées de prise de corps pour crimes de lèse-nation : je demande qu’elles soient renvoyées pardevaut les tribunaux de Paris, pour y être jugées. Le projet de décret est adopté dans ces termes ; « L’Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité des recherches, relu tif à l’arrestation de Mme de Constable, et des sieurs Chaillot et Dauquoi, décrète que la procédure commencée au tribunal de Beaune sera continuée et jugée par le tribunal du district de Besançon, sauf l’appel à l’un des sept tribunaux de l’arrondissement, à l’effet de quoi, les procédures seront transportées au greffe dudit tribunal, et les accusés transférés dans les prisons de ladite ville de Besançon; « Charge son président de se retirer dans le jour par devers le roi, pour le prier de donner les ordres nécessaires à l’exécution du présent décret. » Une députation de la municipalité de Pans est admise à la barre. M. l’abbé Mulot présente la députation et dit : « Messieurs, l’assemblée du conseil général de la commune de Paris vient avec confiance vous découvrir l’une des sources des maux qui l'affligent davantage. Depuis longtemps elle s’en occupe, et quand le législateur profond et élo-uent qui vous présidait dernièrement, a cru evoir rappeler à l’une de ses députations cette maladie anticivique, elle avait, pour ainsi dire, épuisé tous ses remèdes ; oui, Messieurs, nous avons épuisé toutes nos ressources ; mais nous avons encore votre secours à attendre, et nous venons le solliciter. Quelque incurable que la plaie des jeux nous paraisse, elle ne pourra pas résister à votre puissance ; et vous, qui avez guéri toutes les plaies politiques de PEmpire, les ulcères invétérés qu’avaient causés à la France tous les genres de despotisme, vous guérirez encore celui-ci. L’orateur de la commune va vous dévoiler tous les détails de la maladie, et nous comptons sur les moyens que votre sagesse vous indiquera pour la vaincre. » L’orateur de la députation s’exprime ainsi : « Messieurs, les citoyens de Paris, dont nous sommes les organes, viennent à la source des lois en réclamer une contre les désordres dont les progrès ont menacé trop longtemps la tranquillité de la capitale. « A mesure que vos lois bienfaisantes nous régénèrent, nous souffrons davantage des restes de nos désordres, et la frénésie des jeux est un des derniers malheurs, auxquels la patrie vous demande d’apporter un promet remède. « L’ancien régime nous avait laissé des habitudes odieuses, qu’à la honte des mœurs on l’a vu tolérer : il était permis à des subalternes favorisés de fonder des fortunes immenses sur le produit des jeux ; fortunes scandaleuses et faciles, qui révoltaient à la fois la probité, la délicatesse, le mérite et les talents. Un nouvel ordre de choses succède à cet ancien régime ; mais, pendant qu’il s’établit, la licence effrénée des jeux s’accroît par l’impunité, et vient augmenter le désordre en offrant de tous côtés des appâts trompeurs à la crédule indigence. « Toutes b s fois que, sans risquer de blesser les droits de l’homme, de violer les asiles, de causer quelques secousses dangereuses, la municipalité provisoire et la municipalité définitive ont pu mettre les ordonnances en vigueur, elles l’ont fait avec une scrupuleuse exactitude ; mais, peu assurées dans une marche qui n’était pas tracée par la Constitution, leurs efforts pour l’exécution des anciennes lois ont pre-gue toujours été impuissants. Alors 3,000 maisons de jeu se sont successivement ouvertes, et des jeux établis sur des places publiques, sur les quais, dans tous les coins de la capitale, tentent la misère, séduisent la faiblesse, et favorisent la mauvaise foi. Par les jeux, l’oisiveté passagère devient une oisiveté invétérée et criminelle ; l’homme demande à la fortune infidèle ce qu’il ne veut plus obtenir du travail ; et nous avons vu avec douleur la misère enfanter le désespoir, le vice conduire au crime, et les ruines multipliées produire des rixes, des vols, des assassinats et des suicides. Pour arrêter ce désordre, pour fermer ces abîmes, où vont s’engloutir les fortunes et les mœurs, vainement nous avons voulu recourir aux lois en vigueur, inapplicables aux circonstances; à côté d’elles nous avons toujours rencontré l’insuffisance et l’inutilité ; tous les règlements nous présentent le jeu comme un