194 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. { « Le représentant du peuple envoie encore une paire de boucles d’argent que le citoyen Naudet, commissaire du comité de Salut public, donne à la patrie. Les ministres du culte commencent à déposer tous les ornements de leurs temples. Bernard déclare qu’il substitue à ses noms d’André et d’Antoine, ceux de Pioche et Fer qui remplacent les premiers dans le nouveau calen¬ drier. Suit le texte de la lettre du représentant Bernard (de Saintes) et des pièces y jointes d’après les originaux gui existent aux Archives nationales ( 1 ). Bernard (de Saintes), représentant du peuple, à ses collègues les membres du comité de Saint public. « Montbéliard le 14 frimaire, an II de la Bépublique, une et indivisible. « Citoyens collègues, « Je vous adresse, par mon secrétaire, que j’envoie exprès à Paris, copie des soumissions acceptées par le département de la Haute-Saône pour faire acheter en Suisse des draps, poudre de guerre, cuivre et cuir; je fais le même envoi au ministre de la guerre et joins ici copie de la lettre que je lui écris, tous ces objets sont trop précieux pour ne pas y donner une prompte attention. « J’ai aussi des émissaires en marche pour ;onder, en Suisse, les moyens d’y acheter des fusils de guerre, s’il est possible de réussir, je vous en ferai part. Il me semble qu’indépen-damment des besoins de la Bépublique il y a un grand avantage pour elle de tirer de l’étranger tout ce que pourraient y prendre d’utile nos ennemis, et que, dans la perspective d’une nou¬ velle campagne, nous ne saurions trop remplir aos magasins. « Je vous envoie (n° 3) copie du marché qu’a¬ vait passé en Suisse le citoyen Bouillon, procu¬ reur syndic de ce district, et très chaud patriote, et qu’il n’a pu exécuter par le silence du ministre Pache. « Sous le n° 4, vous trouverez deux pièces qui attestent l’incivisme du citoyen Humbert, adjoint de Bourdon, pour achat de chevaux. Humbert est parti pour aller vous demander une recommandation ainsi qu’au ministre de la guerre, sans doute il obtiendra celle qu’il mérite. « Je vous dénonce encore les frères Merianne Kicher, négociants de Paris, qui font souvent des voyages en Suisse pour acheter des assi¬ gnats à 72 et 73 livres de perte par cent. J’ai vu entre les mains du citoyen Trefous, de Belfort, un traité de ce genre souscrit par Merianne, vous voudrez bien prendre des mesures contre cette cupidité effrénée qui n’a pourtant pas empêché que nos assignats aient depuis peu pris une très grande faveur en Suisse. « J’ai lu avec bien du plaisir votre rapport sur cette nation, mais j’aurais désiré plus qu’une (1) Archives nationales, carton AFii 152, pla¬ quette 1231, pièce 23. M. Aulard, dans son Recueil des actes et de la correspondance du comité de Salut public, t. 9, p. 197, donne une analyse de cette lettre. neutralité. Une alliance, et la plus étendue, news serait bien utile, mes amis, et je sais qu’en Suisse on dit assez hautement que si elle n’existe pas, c’est la faute de notre diplomatie. Le scé¬ lérat Brissot nous a visiblement escamoté Mou-tier Grandval, dont le poste de Pierre Pertuis nous serait si avantageux. Encore une fois, une alliance et nous l’aurions, et les circonstances actuelles sont favorables. Pardon si je m’avise de diplomatiser, l’amour de la patrie ne permet pas de taire ce qu’on sent. « Puisque vous le voulez, j’oublierai le décret qui déclare le gouvernement révolutionnaire jusqu’à la paix, pour me conformer aux prin¬ cipes concernant les fonctionnaires publics, mais je ne peux vous taire qu’en les écartant des comités de surveillance je ferai plus qu’alarmer le patriotisme, car si je vous ai écrit que tous les esprits se ralliaient à la bonne cause, j’ai dû ajouter que nous le devions aux patriotes actuel¬ lement en place; au reste, je ferai tout pour le mieux et jamais le mal ne viendra de mon in¬ tention. « Mon secrétaire, que je vous prie d’expédier promptement, vous remettra deux vases et deux tableaux de terre étrangère, avec un atlas et quelques cartes, aussi étrangères, qui peuvent vous être très utiles, aussi n’ai-je pas voulu qu’il en fût vendu une seule. Vous recevrez dans quel¬ que temps les meilleurs tableaux et quelques livres que j’ai fait encaisser. « Je vous envoie un procès-verbal du serment de fidélité à la France prêté par le peuple de ce pays, vous serez peut-être étonné que j’y aie parlé du Père éternel, mais, pour bien se faire entendre je tiens qu’il faut parler le langage du pays, et cela n’a pas empêché que j’aie fait pren¬ dre gaiement un arrêté pour faire enterrer sans prêtre les hommes de toutes les religions dans le même champ, et que les ministres portent tous les jours à la municipalité les ornements de leurs temples; et ce qui est inconcevable, c’est qu’ils aiment leur Bon Dieu et ne sont ni républicains, ni patriotes, ni aristocrates. « Enfin, j’ajoute un arrêté que je viens de prendre pour se fixer sur les émigrés et nos enne¬ mis et faire main basse sur leurs biens. « Salut et fraternité. « Pioche-Fer Bernard. « P. -S. Si Billaud-Varenne et Carnot étaient ici, je leur ferais boire de l’eau pour m’avoir dit vous, c’est la peine que j’ai établie dans le pays pour pareille faute, et déjà elle n’a plus lieu. Quoi ! Montbéliard serait au pas et des membres du comité de Salut public n’y seraient pas ! » Extrait des registres du département de la Haute-Saône (1). A la séance publique tenue par le conseil géné¬ ral du département de la Haute-Saône, le dix frimaire, an second de la République une et indivisible, présidée par le citoyen François-Simon Daval. Sur la motion d’un membre au nom du comité de surveillance du département qui a représenté que le citoyen Humbert, ci-devant procureur au (1) Archives nationales, carton AFii 152, pla¬ quette 1231, pièce 19.