{États gén. 4789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (Bailliage de Mohon.j 729 CAHIER GÉNÉRAL Des doléances et remontrances des trois ordres du bailliage de Mohon (1). Les députés voteront des remercîments au Roi d’avoir rétabli la nation dans ses droits de s’assembler ; il sera supplié de fixer le retour périodique aux Etats généraux. Les fidèles et humbles sujets de Sa Majesté demandent d’être conservés dans l’intégrité des privilèges dont sa principauté de Mohon a toujours joui ou dû jouir depuis qu’elle a eu le bonheur d’être réunie et incorporée au royaume de France. Déclarent néanmoins qu’ils y renoncent volontiers si tous et un chacun de ses sujets des autres pays, terres, provinces de son royaume renoncent aussi aux leurs, pour à l’avenir ne plus se regarder que comme enfants d’une même famille, afin d’en supporter les charges proportionnellement. On demande que, pour fixer les résolutions que vont prendre les Etats généraux, on y opine par tête, non autrement, avec égalité du tiers aux deux autres ordres. Que l’on y pose, dans les formes les plus authentiques, les bases et les principes d’une nouvelle et permanente constitution. D’y arrêter que le pouvoir législatif réside dans l’assemblée des Etats généraux. Qu’aucune loi ne soit réputée telle qu’après avoir été consentie par eux et ensuite revêtue du sceau royal. Nul impôt perçu sans le libre consentement de la nation, la durée limitée, sans pouvoir en excéder ni outre-passer le terme, sous peine de concussion. Reconnaître la dette de l’Etat, mais pour la considérer telle et vraiment nationale, en rejeter tous objets qui n’y ont pas de rapport. Avant d’en consentir l’acquittement, en fixer invariablement la quotité. Chercher les moyens les moins onéreux à adopter pour en opérer l’extinction. Une seule et unique contribution pour l’acquit des charges de l’Etat, en la portant de préférence sur tous les objets de luxe et les choses les moins nécessaires à la vie, dont la perception simple s’en fasse au moins de frais possible, par des membres de chaque communauté ( dont elle répondra) qui tiendront à honneur et distinction cette marque de confiance. Que la taille cesse d’avoir ce nom et que l’industrie soit abolie pour les manouvriers. Les corvées étant utiles à tous, seront payées par tous sans distinction d’ordre. Tout sujet quelconque payera proportionnellement à ses facultés, tant mobilières qu’immobilières ; en conséquence , tous privilèges, exemptions pécuniaires, à quelque titre qu’ils soient accordés ou réclamés, supprimés. Toutes charges, emplois de finances ou militaires inutiles, supprimés. Celles indispensables, non multipliées, afin de diminuer la masse des gages qui y sont attachés. Gouvernements militaires, états-majors, commissaires des guerres, etc., toutes, espèces de logements, droits, émoluments, .franchises accordés à ces différents officiers, supprimés. Les intendants de même. (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l'Empire. Suppression des trésoriers de France, trésoriers-receveurs généraux et particuliers des finances; tailles, subsides, bois, domaines, consignations et autres de cette nature, étant prouvé que c’est avec les propres deniers de leur caisse qu’ils font payer au Roi et à l’Etat, sous prétexte d’avance, des intérêts usuraires qui grossissent la masse des dettes. Egalement les offices de priseurs-vendeurs, dont la création a été aussi nuisible que vexatoire envers tous ceux qui sont contraints de les employer. Examen aussi prompt que scrupuleux et impartial de tous dons, pensions, grâces, appointements de retraite et toutes gratifications sous quelque titre ou dénomination que ce soit et sur quelque partie qu’ils puissent se trouver assignés, afin de les réduire à ce qui est de nécessité, tout Français devant préférer l’honneur à l’argent. Suspension dès à présent pour leur acquit jusqu’à nouvelle fixation, hors celles qui ne peuvent être regardées que comme alimentaires et n’exô-dant pas 1,200 livres. Limitation des fonds dont elles seront accordées, afin d’éviter l’abus et la prodigalité. Dépense de chaque département fixée et dont son ministre sera responsable, et les états publiés annuellement. Rétraction de la loi humiliante au tiers-état qui l’exclut des dignités, charges ou emplois, soit dans le militaire, l’Eglise ou la robe, le vrai mérite donnant droit à tout. La milice payée en argent au lieu d’assujettir au sort celui qui, pour l’ordinaire, est l’unique soutien de sa famille. Les péages, banalités, corvées féodales abolis, sauf l’indemnité aux propriétaires s’il y a lieu. Reculement des barrières à l’extrémité réelle des frontières, la nation ne devant pas être étrangère à elle-même. Un tarif uniforme pour ne plus gêner la liberté du commerce de province à province. Le sel au même prix par tout le royaume. Les aides et autres droits réunis sous la même dénomination de régie générale, incompréhensibles par leur multiplicité et leurs dénominations, modifiés et réduits en un seul s’il est possible. Les directeurs, receveurs, contrôleurs et autres employés supprimés ou réduits ainsi que leurs appointements, dont le haut taux absorbe le prix de leur perception. Le produit de l’emploi de chaque espèce de perception rendu public au bout du terme limité pour ce faire, afin d’être connu de tous. Les usines dont le plus grand nombre s’est multiplié sans assez d’examen, donnent lieu à vendre les bois, matière de première nécessité pour le public, à un prix excessif de traite. Les gardes-étalons supprimés. Poids et mesures uniformes. Nouveau et simple tarif de contrôle des actes, qui, après avoir été présenté en assure la date, en fixe les droits d’une manière claire à ne plus donner lieu à recherches ni extension de droits. Le droit de franc-fief étant nuisible aux ventes et mutations, totalement aboli. Aliénation des petites portions du domaine de la couronne, permise. Toutes celles antérieures, revues pour être sanctionnées et réunies, si elles sont d’objets considérables ou qu’il y ait lésion. La propriété des biens de l’Eglise conservée, et dans le cas d’échanges, affranchie de tous droits et amortissement. 730 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Mohon.] Toutes rentes foncières, préciput, droits et autres prestations de cette nature à eux dus, en laissant néanmoins subsister un cens ou une reconnaissance de la dette (si lesdites prestations étaient seigneuriales) rachetable en donnant des fonds de même valeur et rapport ; pareilles charges empêchant les ventes et les partages des biens qui en sont grevés. Résidence de tous les bénéficiers dans le lieu de leur bénéfice. Collégiales conservées pour les canonicats ; n’en être donné à l’avenir qu’à des ecclésiastiques qui auront vieilli dans le ministère ou à professer dans les collèges. Supprimer le casuel onéreux pour les peuples et avilissant pour le ministère et y substituer un fixe relatif à la population et aux annexes, tant pour les curés que pour les vicaires dont les portions congrues sont absolument insuffisantes. Le fruits décimables réglés pGur éviter toutes contestations. Petites maisons religieuses réunies, pour la règle et leur institution y être observées sous des abbés et supérieurs de leur ordre. Que les religieux soient tenus de l’éducation et chargés des collèges. L’émission des vœux des religieux conformément au concile de Trente ou de la déclaration du Roi de 1768, reculée. POUR LA JUSTICE. Une cour souveraine dans chaque province. Suppression de toutes justices seigneuriales et de villages comme abusives, sauf à laisser jouir les propriétaires d’icelles, dont la concession, l’établissement auront été reconnus légitimes et légaux, de tous droits honorifiques y attachés, nulle possession en cette matière ne pouvant servir ni équivaloir à titre. Suppression de tous tribunaux d’exception, en remboursant la finance aux titulaires. Doubles minutes d’actes des notaires. Le nombre des notaires, réduit, avec résidence et arrondissements, sans néanmoins qu’on soit obligé de se servir de celui en son domicile plus que d’un autre. Création de bailliages ou sièges royaux sous une même dénomination, dont le district sera de quatre ou cinq lieues au plus, avec pouvoir d’y E jusqu’à concurrence de 1,200 livres et tous îcessoires. La communauté de Montey demande que l’officier public de chaque communauté juge les amendes champêtres et reçoive leurs bans, gardes à serment et leurs bourgeois. Deux simples degrés de juridiction. Jugements motivés. Plus d’épices aux juges, que l’on gagera suffisamment, et privés sans retour en cas de prévarication ou négligence. Tous tribunaux supérieurs ou subalternes tenus de veiller à la conservation des domaines de la couronne, au maintien et à l’observation des lois sans pouvoir rien y changer. Aucune destitution sans forfaiture préalablement jugée. Lettres de cachet abolies. Plus de détention, sous quelque prétexte que ce soit, qu’en vertu de la loi. Propriété, sûreté individuelle et personnelle sous la sauvegarde de la loi et de la nation ; en conséquence, tout citoyen arrêté sera remis à son juge naturel. Liberté de la presse en prenant certaines précautions. Abréviation dans la forme de procéder au civil. Diminution des droits qui en sont perçus pour le Roi, La procédure criminelle publique. Un conseil aux accusés ou prévenus après le premier interrogatoire. Plus de sellette. Prisons spacieuses et salubres. Peines et punitions infligées aux condamnés sans distinction de condition. Des Etats provinciaux, lesquels répartiront les impositions, dont tous états tant en recettes qu’en dépenses seront publiés annuellement. Les membres en seront choisis par chaque ordre librement comme pour les Etats généraux, et en même proportion. La nomination aux charges municipales rendue aux habitants des villes et des campagnes. Compte de la gestion desdites municipalités, annoncé au prône, afin que chaque citoyen puisse assister à sa reddition et y faire telles observations que de droit. Magasin de grains dans chaque ville pour subvenir aux besoins du peuple en cas de disette. Plus d’ anoblis par charges non plus qu’aucun membre du tiers aux Etats généraux. Les députés entretiendront une correspondance exacte et suivie avec leurs commettants de province, afin d’en avoir tous éclaircissements et des mémoires et conseils pour les opérations qui s’y régleront. N’accorderont aucun impôt ni subside quelconques que pour l’année seulement, afin que le redressement des objets demandés ne puisse être éludé ni retardé. Que l’on s’en rapporte à la bonté du Roi et à la prudence des ministres et des députés pour opérer le plus promptement possible le bonheur de la France. Signé en la minute, dont toutes les pages ont été cotées et paraphées comme dit est : Nicot; Yaalet, curé de Montey-Notre-Dame ; Bourguignon, chanoine de Mézières ; Godfrain ; Beauvallet ; le marquis de Moriolles ; Le Sage ; Julion; Beaudesson, greffier; Moulinay ; Roulé; Henon; Lagarre; Gailly fils aîné; Menesson, procureur du Roi; Millet delà Mambré, lieutenant général. Collationné en présence demondit sieur le lieutenant général et susdit soussigné, et délivré par moi, greffier dudit bailliage de Mohon, aussi soussigné, ce 26 mars 1789. Signé Millet de la Mambré, lieutenant général ; et Beaudesson, greffier.