BAILLIAGE DE CHALONS-SUR-MARNE. CAHIER Des doléances du clergé du bailliage de Châlons-sur-Marne , remis à monseigneur V évêque , comte de Châlons , pair de France , élu député pour les Etats généraux en 1789 (1). Le clergé du bailliage de Châlons, assemblé dans la salie de l’hôtel de ville, en vertu des lettres de convocation des Etats généraux, et de l’ordonnance de M. le baron de Freval, grand bailli d’épée, présidée par monseigneur l’évêque, comte de Châlons, pair de France , Considérant que le désordre des ‘finances, le poids accablant des impôts, la masse effrayante de la dette publique, la multiplicité des abus et des maux qu’a fait naître l’incertitude de notre constitution, enfin le danger imminent de l’Etat, réveillent le patriotisme dans tous les cœurs; Considérant en outre que le Roi, profondément touché du malheur de ses peuples, ne veut plus d’intermédiaire entre lui et ses sujets, qu’il les rassemble autour de son trône pour apprendre d’eux-mêmes les sacrifices qu’il doit faire à leur bonheur et pour fonder la prospérité de l’Etat, non sur des réformes momentanées, mais sur üne constitution inébranlable ; Considérant enfin que cette heureuse renaissance doit être préparée dans les assemblées du bailliage, et que chaque ordre doit y apporter le tribut de ses lumières et de son zèle, Le clergé du bailliage reconnaît cette Providence éternelle dont l’action, toujours sentie et jamais aperçue, dispose seule du sort des empires ; il la remercie d’avoir inspiré au Roi cette grande résolution, dont le succès doit assurer également la gloire de son règne et le bonheur de la génération future ; et s’il se rappelle dans ce moment qu’il forme une partie du premier ordre de l'Etat, ce n’est que pour donner le premier exemple du dévouement le plus entier. Le premier objet de ses délibérations a été de charger son député de porter aux pieds du trône l’hommage de sa reconnaissance, de son amour et de son respect ; de rappeler ensuite à Sa Majesté l’engagement qu’elle a pris, à son sacre, de maintenir et faire respecter l’antique foi de nos pères, de continuer sa protection royale à l’Eglise de France, de la défendre contre les attaques des ennemis de la religion, qui sont toujours ceux de l’Etat, et de conserver au clergé séculier et régulier l’affection qu’il a toujours méritée par sa fidélité et son attachement. Après avoir rempli un devoir inspiré par le sentiment et commandé par la religion, le clergé du bailliage de Châlons présente à l’assemblée des Etats généraux son vœu sur les grands objets qui intéressent également tous les ordres de l’Etat ; il demande : (1) Nous publions ce cahier d’après un imprimé de la Bibliothèque du Sénat , ' ; SUR LA CONSTITUTION 1° Que l’ancienne constitution, essentiellement monarchique, et reposant sur la distinction réelle et permanente des trois ordres, soit conservée. 2° Qu’on assure le droit imprescriptible et inaliénable que les Etats généraux ont seuls et exclusivement de voter et consentir l’impôt. 3° Qu’on reconnaisse l’adhésion des trois ordres pour valider l’impôt et ses formes, de manière que deux ordres consentants ne puissent jamais engager le troisième, s’il est dissident. 4° Qu’on vote en conséquence par ordre et non par tête. 5° Qu’on fixe les limites de l’autorité confiée aux différents corps intermédiaires entre le souverain et la nation, lorsqu’elle n’est pas assemblée, de manière qu’ils ne puissent jamais, oubliant leur première institution et la nature de leurs fonctions, prétendre modifier, interpréter ou même rejeter les lois concernant l’administration générale et particulière qui auraient été sanctionnées par le concours de l’autorité royale et des Etats généraux ; qu’il soit arrêté en conséquence que toutes les ordonnances rendues de concert avec les représentants légitimes de la nation, seront vérifiées et publiées sans opposition ni délai. 6° Que, pour remédier efficacement au malheur de l’Etat et en prévenir le retour, il soit déclaré que l’on ne peut ni ne doit s’occuper de l’examen des questions relatives aux dettes publiques ou à l’état des finances que préalablement on n’ait reconnu comme loi fondamentale la convocation des Etats généraux, lesquels s’ajourneront à trois ans, sans qu’il soit besoin de lettres particulières ni d’autres règlements que ceux qui auraient été délibérés et consentis par les représentants de la nation dans leurs prochaines séances. 7° Que, dans l’intervalle des assemblées des Etats généraux, il n’y ait point de commission intermédiaire chargée de les représenter et de veiller à l’exécution de leurs arrêtes. 8° Qu’en exécution des promesses solennelles faites par le souverain, il soit établi des Etats particuliers dans toutes les provinces, et spécialement dans celle de Champagne, sur laquelle le poids des impôts s’est aggravé d’une manière si fâcheuse. 9° Que ces Etats provinciaux soient chargés exclusivement de l’assiette et de la perception des impôts, sous la condition d’abonnements particuliers, dont la proportion avec la masse générale du royaume aura été déterminée par les Etats généraux ; qu’on assure en même temps aux provinces l’autorité d’administration nécessaire pour opérer un bien réel et durable, et les délivrer de toutes les entraves qui retarderaient leur marche. • 10° Que toutes les exemptions pécuniaires soient abolies, parce qu’en supposant Pexereieë de la liberté nationale justement tempéré, et lq [Etats gén. 4789. Cahiers.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Châlons-sur-Marne.J concours de tous les ordres à l’administration de l’impôt, elles ne pourraient être qu’abusivement considérées comme une suite des prérogatives essentiellement distinctives, et tendraient à altérer le respect que tous bon Français doit conserver pour les principes dé justice constitutionnelle qui sont la base de toutes ces prérogatives. 11° Que le montant de la dette publique, pour qu’elle soit reconnue nationale, soit vérifié et constaté de la manière la plus authentique dans les Etats généraux. 12° Que si, en constatant la dette publique, il est reconnu qu’il a été accordé des intérêts au-dessus du taux fixé par la loi, ils soient réduits comme usuraires. 13° Qu’on propose aux Etats généraux, comme moyens de parvenir à liquider la dette : 1° la vente des domaines royaux, à laquelle les divers Etats provinciaux seraient chargés de procéder successivement, en détail, sur les lieux, pour la partie située dans leurs districts ; par conséquent, qu’on révoque la loi portée par les Etats de 1 356, qui déclarèrent les domaines du Roi inaliénables, loi aujourd’hui sans objet et sans motifs ; 2° les bonifications qu’une sage économie peut assurer dans toutes les parties de l’administration ; 3° la fixation invariable des monnaies et l’établissement d’une caisse nationale, dont les administrateurs seraient choisis par les Etats généraux, et comptables à eux seuls. 14° Que chaque année l’état des pensions et rentes viagères éteintes par la mort des rentiers soit rendu public, et que le bon résultant desdites extinctions forme une niasse destinée au remboursement de rentes foncières. 15° Que, conformément aux principes d’équité qui détermineront les trois ordres à consentir des impôts également répartis, toutes les provinces sans exception , et comme faisant partie du même Etat, contribueront aux charges publiques d’une manière proportionnée à leurs ressources, sans pouvoir se prévaloir de leurs capitulations particulières, dont les différentes clauses n’ont jamais pu justifier d’autres droits que celui de consentir l’impôt. Qu’il soit observé cependant que les raisons de commerce ou déposition peuvent apporter quelques modifications à cette règle générale. 16° Qu’on prononce la suppression et extinction permanente des droits de gabelle, dont les inconvénients et les abus sont malheureusement trop connus. Même vœu pour les aides. 17° Que tous impôts territoriaux ou personnels actuellement existants : la taille et ses accessoires, la corvée, la capitation et les vingtièmes, soient supprimés comme n’ayant jamais été consentis par la nation, ou ne l’ayant été qu’en partie, et sous des modifications et restrictions, tant pour la durée que pour la quotité, qui n’ont point été respectées, mais au contraire rendues de nul effet par des extensions arbitraires et fiscales. 18° Qu’on examine quel pourrait être le produit de l’impôt territorial, unique, propre à remplacer les impôts du même genre qui auraient été supprimés, et dont la répartition pût être également faite sur les trois ordres en raison de leurs propriétés. 11 doit être observé que l’impôt territorial en nature paraîtrait le plus juste, le plus simple et le moins dispendieux, en supposant 1° qu’il serait perçu dans une proportion modérée et telle que l’industrie agricole ne pût éprouver aucun découragement ; 2° que les soins de la perception seraient confiés aux Etats provinciaux ; 3° que cette perception ne pourrait jamais, sous aucun prétexte et dans aucune circonstance, être abandonnée à une compagnie de régisseurs ou de fermiers généraux, mais serait adjugée particulièrement dans chaque paroisse par les délégués des Etats provinciaux, en présence de la municipalité; 4° que les pailles seraient consommées dans les paroisses. 19° Que tous les contrats et effets soient enregistrés dans une chambre chargée de la répartition de l’impôt, trois mois après son établissement, et qu’au défaut d’enregistrement dans le délai ci-dessus déterminé , lesdits contrats et effets soient déclarés nuis, si le commerce n’en souffre pas. Que les effets royaux devenus immeubles fictifs soient taxés comme les réels immeubles. 20 Qu’il soit établi une capitation personnelle et proportionnelle aux facultés réelles. 21° Que les droits à établir sur les consommations soient dirigés principalement sur celles de luxe, afin que, portant sur le superflu, ils pèsent le moins qu’il sera possible sur les classes qui ont besoin d’être allégées. 22° Qu’on fixe les dépenses ordinaires pour tous les départements ministériels, et que cette fixation reste invariable jusqu’à la tenue des Etats suivants. 23° Qu’on détermine également la somme qui pourrait être distribuée en pensions ; qu’on supprime celles dont le motif paraît être insuffisant, et qu’on réduise celles qui seraient jugées trop fortes ; que Sa Majesté serait suppliée de vouloir bien, conformément à rengagement qu’elle en a pris elle-même avec la nation, en rendre l’état public à la fin de chaque année, ainsi que le compte général de ses finances. 24° Que, pour éviter ou diminuer au moins les frais occasionnés dans le régime actuel par les mouvements de caisse, le produit des impositions perçues dans chaque province serve à acquitter directement et sans déplacer les fonds les dépenses particulières, et même la partie des dépenses générales dont les objets se trouveraient compris dans l’étendue des districts provinciaux. 25° Qu’on vote la modération ou même la suppression de tous les droits domaniaux, ne réservant que ceux des papiers timbrés ou autres nécessaires pour conserver la notoriété des actes; mais qu’ils devraient être si légers qu’ils parussent plutôt aux contribuables une précaution sage qu’un impôt ; en conséquence, que les Etats provinciaux soient chargés de surveiller la fabrication des papiers, afin que la qualité des fournitures soit toujours conforme à celle des échantillons. SUR LA JUSTICE. 1° Qu’on s’occupe de réformer les abus qui existent dans l’administration de la justice, en sorte* qu’elle soit plus prompte, plus facile à obtenir, moins dispendieuse, et rapprochée des justiciables dans une proportion convenable et déterminée avec les rapports de population et d’étendue des provinces, particulièrement pour la Champagne. 2° Qu’on supprime les épices, et qu’elles soient remplacées par des honoraires fixes et suffisants. 3° Qu’on réclame l’abréviation des procédures, dont les formes soient simplifiées et dégagées de toutes les entraves de la chicane ; que, pour assurer l’exécution de ce vœu, on demande l’établissement d’un nouveau code criminel et civil, qui énonce d’une manière précise et invariable, 584 [États gén. 1789. Cahiers.} ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Châlons-sur-Marne. dans l’interprétation , les grands principes du droit public et particulier; en conséquence, qu’on interdise à tous les juges, soit supérieurs, soit inférieurs, l’usage de ce qu’ils appellent la jurisprudence de la cour, qui les rend arbitres de la loi, lorsqu’ils ne devraient en être que les organes. 4° Qu’il soit établi dans chaque province un nombre de tribunaux correspondant à celui des arrondissements, et auxquels ressortiraient toutes les causes, même celles pour les impositions, qui seraient jugées en première instance par une chambre particulière de ces bailliages ou présidiaux, et iraient ensuite par appel à la cour souveraine de la province. 5° Que le nombre des notaires soit réduit dans une proportion convenable. 6° Que les offices de procureur soient supprimés à la mort des titulaires, et que leurs fonctions soient réunies à celles des avocats. 7° Que dès à présent les charges d’huissiers-priseurs et de greffier des experts soient remboursées et éteintes. 8° Qu’on abolisse les droits de committimus , les privilèges du sceau du Ghâtelet de Paris, les commissions particulières, et toutes les évocations au conseil. 9° Que la juridiction consulaire soit maintenue, et que toute cause de commerçant à commerçant ou de particulier (de quelque qualité qu’il soit) à commerçant, pour marchandises fournies, soit jugée souverainement par les juges consuls. 10° Qu’il soit créé pour les pauvres, dans chaque province, auprès de chaque siège royal, un tribunal gratuit de paix, dont les juges soient choisis par les municipaux, et prononcent sur toutes les contestations, sauf aux parties à se pourvoir. 11° Qu’on assure la liberté individuelle de chaque citoyen, et qu’aucun ne puisse être arrêté que pour être remis à ses juges naturels. 12° Qu’il soit établi cependant dans le royaume un tribunal de confiance qui juge, toujours sous le sceau du secret, de la nécessité d’accorder quelquefois des ordres extraordinaires aux familles pour la détention d’un sujet qui compromettrait leur honneur, s’ils avaient recours à la publicité et à la lenteur des procédures ordinaires. 13° Que les Etats généraux, de concert avec le souverain , avisent aux moyens de vaincre ou d’affaiblir le préjugé injuste qui fait rejaillir sur une famille entière l’opprobre d’un de ses membres. 14° Que les corps ecclésiastiques et autres bénéficiers soient autorisés à recevoir le remboursement des censives différentes du droit seigneurial, ca-rités, lots et ventes, et à acheter des fonds pour placement de la valeur desdites censives au denier quarante, la carité trois fois, et les lots et ventes de même, sur le pied du dernier contrat, sans payer le droit d’amortissement ni obtenir de lettres patentes à cet effet, à la charge toutefois, par les corps et les particuliers, de justifier à l’ordinaire du remplacement. 15° Que les maîtrises des eaux et forêts soient supprimées ; que l’administration en soit confiée aux Etats provinciaux, et le contentieux renvoyé aux juges royaux. SUR LE BIEN PUBLIC. 1° Qu’en attendant qu’il soit possible de former un plan général pour abolir entièrement la mendicité, l’administration des dépôts soit confiée aux Etats provinciaux. 2° Que les aumônes du Roi soient répandues chaque année dans les provinces, et que la distribution en soit confiée à un bureau composé de l’évêque, d’un chanoine, d’un curé de la ville et deux de la campagne. 3° Que l’établissement des Quinze-Vingts soit supprimé, et que les fonds en soient répartis également dans toutes les provinces pour être distribués par le canal du même bureau, où l’on appellera de plus quatre notables nommés par les officiers municipaux. 4° Que l’on diminue le nombre des usines qui mettent des entraves à la navigation, et dont la multiplicité produit la rareté et la cherté des bois. 5° Qu’il soit défendu de planter des ozeraies dans le lit des grandes rivières. 6° Qu’on supprime les grau des routes qui seraient jugées inutiles par les Etats provinciaux. 7° Qu’on supprime également toutes les garennes qui existent sans titres, et celles mêmes qui, avec titres, ne sont pas revêtues des conditions prescrites par la loi. 8° Que, pour favoriser l’agriculture, sur laquelle pèsent toutes les charges, il soit établi une proportion plus juste entre le taux de l’intérêt de l’argent et le produit des fonds. 9° Que, l’incertitude des possessions étant une source de procès et de discussions continuelles en Champagne, il soit ordonné que chaque paroisse fera dresser un cadastre général des propriétés de son territoire, aux frais des municipalités et des propriétaires , opération qui deviendra d’ailleurs avantageuse à l’administration provinciale. 10° Que, pour remédier aux abus de l’administration des revenus des biens communaux dans les villes, dont les conseils sont vicieux dans leurs formations, dont l’administration est partagée en deux corps, où les communes ne sont pas appelées pour les élections, et où les échevins, excluant les conseillers, rendent leurs gestions mystérieuses, il soit ordonné que l’on appellera à l’avenir les députés de tous les corps pour l’élection ; qu’il sera formé un conseil composé d’un certain nombre de membres choisis dans les trois ordres, suivant la population des villes; que les comptes seront rendus conseil tenant; enfin, qu’il sera soumis à la surveillance des Etats provinciaux; qu’il en soit de même pour l’administration des hôpitaux. SUR LE COMMERCE. 1° Qu’il soit avisé aux moyens d’encourager le commerce, pour arrêter les suites funestes du traité consenti avec l’Angleterre, et qui a fait peut-être un tort irréparable à nos manufactures, particulièrement à celles de Champagne et de Normandie. Qu’il soit examiné s’il est avantageux de sanctionner ce traité, ou s’il est plus convenable de le rompre; 2° Qu’on discute les avantages et les inconvénients des privilèges exclusifs accordés ou vendus par des ministres avides à des compagnies dont les intérêts particuliers se trouvent presque toujours en opposition avec les véritables intérêts du commerce national. 3° Que, pour honorer le commerce et diriger vers le bien public le goût prédominant des Français pour les distinctions flatteuses, le Roi soit supplié d’accorder des lettres d’anoblissement aux négociants qui se seraient rendus recommandables par leur patriotisme et l’étendue de leurs spéculations, à condition qu’ils conti- [Etats gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, [Bailliage de Châlons-sur-Marne.] ggg nueraient pendant cent ans une profession aussi honorable qu’utile. 4° Qu’on supprime toutes les barrières qui mettent des entraves au commerce intérieur, et qu’on les recule jusqu’aux frontières. SUR LA NOBLESSE. 1° Que, pour concentrer dans l’ordre de la véritable et ancienne noblesse le respect et les privilèges honorifiques dont il a toujours joui dans l’Etat, il soit établi que les Etats provinciaux se feront représenter et vérifieront les titres nécessaires pour justifier la noblesse d’extraction, à l’effet de dresser des nobiliaires exacts ; et qu’il soit ordonné que tous ceux qui différeraient après un délai donné, ou même qui refuseraient de s’y faire inscrire, seraient déchus des prérogatives de l’ordre auquel ils prétendraient appartenir. 2° Qu’on supprime et rembourse toutes les charges donnant la noblesse que le Roi, par le droit de sa couronne, ne peut jamais conférer sous aucune condition pécuniaire, mais seulement pour encourager les vertus patriotiques et récompenser les services rendus à l’Etat; que ces charges soient distinguées en deux classes : les premières, dont les fonctions seront toujours nécessaires pour le maintien de l’ordre et la distribution de la justice; les secondes, dont l’exercice est nul ou nuisible au peuple; que les premières soient conservées, mais sans privilège de noblesse, sinon pour les titulaires actuels; que le Roi puisse néanmoins accorder de son propre et libre mouvement le privilège de la noblesse aux magistrats ou aux autres qui auraient mérité cette distinction par celle de leur service ; que les secondes restent éteintes, sans avoir cependant un effet rétroactif. 3° Que le Roi veuille bien faire remettre aux Etats, lors de leurs séances périodiques, l’état des anoblissements accordés. 4° Que l’assemblée des Etats généraux mette au nombre des objets les plus dignes de fixer l’attention du Roi et d’exciter sa sensibilité, la nécessité de venir au secours de la noblesse pauvre de son royaume, qui a la générosité de renoncer à une partie de son nécessaire en renonçant à toute exemption pécuniaire, qui fait à l’Etat les mêmes sacrifices que la haute noblesse sans avoir les mêmes dédommagements, et qui éprouve tous les besoins du tiers-état sans profiter de ses ressources. SUR LE CLERGÉ. 1° Que l’ordre du clergé, pour prouver au Roi et à la nation qu’il n’a témoigné tant d’attachement à ses formes antiques que parce qu’il les regardait comme le dernier monument de l’ancienne liberté nationale en matière d’impôt, et qu’il n’a jamais considéré ses privilèges distinctifs comme ur moyen de se soustraire aux charges, non-seulement consent, mais sollicite la suppression de tout impôt distinctif et le remplacement par une imposition commune aux trois ordres. Qu’en conséquence les décimes et chambres diocésaines soient abolies. 2° Que les dettes qui ne pourraient être considérées que comme des anticipations sollicitées par le souverain, toujours nécessitées par les besoins de l’Etat, dont les impositions annuelles qu’elles représentaient étaient l’hypothèque et le moyen de remboursement, dont la masse ne s’est accumulée que parce que de nouveaux besoins de l’Etat ont successivement sollicité de nouveaux emprunts avant le remboursement des premiers dons gratuits, soient mises au nombre des dettes nationales. 3° Que le clergé, qui n’acquiert plus, qui n’est qu’usufruitier, qui, régénéré sans cesse par les deux autres ordres, ne peut se considérer que comme le dépositaire des biens dont il jouit, ne puisse, dans aucun cas, consentir l’aliénation de ses propriétés. 4° Que les droits honorifiques des corps étant pour eux des propriétés qui intéressent leurs dignités et leurs prépondérances, le clergé soit maintenu dans la jouissance des siens, qui lui sont précieux comme monument de son antiquité et de son lustre, comme privilèges distinctifs accordés par nos rois et avoués par la nation. 5° Que le clergé, en renonçant à la forme des dons gratuits, s’adresse au Roi et à la nation assemblés pour obtenir: 1° la conservation de tous ses autres privilèges, dont le corps et les individus ont toujours joui ; 2° le retour périodique de ses assemblées qui auront désormais pour objet tout ce qui peut intéresser la religion, la morale et la dicipline ecclésiastique. 6° Qu’il y ait, en conséquence, tous les ans, un synode dans chaque diocèse ; que tous les trois ans on assemble un concile provincial ; que tous les objets qui y auront été traités soient portés à un concile national qui aurait lieu tous les cinq ans, auquel seraient députés un évêque de chaque province, un régulier et deux représentants du second ordre, dont un au moins serait pris dans la classe de MM. les curés. 7° Que la décadence des études étant devenue malheureusement trop sensible, il soit créé un corps enseignant, dont le clergé présentera le régime, et aura seul la surveillance. 8° Que la loi qui accorde des effets civils aux non catholiques soit interprétée relativement aux droits de patronage affecté aux fiefs qu’ils pourraient posséder ; que cet article ayant déjà excité le zèle du Parlement et les inquiétudes de la dernière assemblée du clergé, on suspende le droit de patronage attaché aux fiefs, jusqu’à ce qu’ils rentrent en des maius catholiques, et qu’en attendant on le fasse exercer par l’ordinaire. 9° Que, malgré la tolérance civile accordée aux non catholiques, le culte extérieur de la religion catholique et romaine soit le seul eu France, et qu’il soit reconnu comme une loi fondamentale. 10° Qu’on s’oppose à la suppression de tout bénéfice ayant office public; qu’on sollicite vivement, en conséquence, la cassation de l’arrêt du conseil qui a ordonné la suppression de toutes les saintes chapelles du royaume, et notamment celle de la Sainte-Chapelle de Paris, qui est le dernier monument de la piété de saint Louis. 11° Qu’on restitue au clergé les biens qui lui ont été enlevés par la suppression de plusieurs ordres religieux , tels que les Grammontains, Saint-Ruf, les Antonins, les Célestins et autres. 12° Que le Roi et la nation prennent sous leur protection spéciale tous les ordres religieux, et les mettent à l’abri de l’influence de la commission, ou de toute autre semblable, en attendant que les premiers conciles nationaux prononcent sur les moyens les plus sûrs de rendre la conservation de tous les ordres religieux de plus en plus utiles à l’Eglise et à l’Etat. 13° Que Sa Majesté soit suppliée d’assimiler les propriétés de mainmorte à celles de la noblesse et du tiers-état, et retirer ses arrêts -du 21 janvier 1738 et du 7 septembre 1785, concernant 586 [États gén. 1789. Cahiers.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES» [Bailliage de Châlons-sur-Marne.! les formalités à observer pour les constructions et reconstructions des bâtiments appartenant aux gens de mainmorte. 14° Qu’il soit pourvu à une dotation suffisante des fabriques. 15° Que les collateurs ne puissent être prévenus qu’un mois après la vacance. 16° Que les collateurs soient obligés, par une loi expresse, de donner aux curés J a moitié des canonicats de cathédrales et collégiales vacants par mort. 17° Que les annexes qui sont trop éloignées pour pouvoir être desservies commodément par le curé de la mère-église, et qui sont assez considérables pour exiger la résidence .d’un pasteur, soient érigées en titre de cures. 18° Que dix ans d’exercice dans une cure de campagne supplée au droit de gradué pour posséder une cure de ville. 19° Que les dispenses de temps d’études pour obtenir des degrés dans les universités soient abolies. 20° Que les classes les plus laborieuses et les plus utiles aux yeux de la religion et de l’Etat doivent avoir les premiers droits aux bienfaits de Sa Majesté; il serait injurieux aux principes de justice et de sagesse qui la caractérisent, qu’on pût soupçonner qu’elle exclue, par un principe d’administration, les curés de son royaume des grâces ecclésiastiques; en conséquence, qu’elle soit suppliée de les faire participer à ses bienfaits en raison même de leur utilité; que, conformément aux règles canoniques, les pensions sûr tous les bénéfices consistoriaux ne puissent excéder le tiers du revenu. * 21° Que la gloire du clergé et la reconnaissance de tous les citoyens réunissant le vœu des trois ordres pour améliorer le sort de MM. les curés, le plan qui sera présenté à la nation leur assure une existence honorable dans leurs vicariats, dans le cours de leurs fonctions pastorales, et même dans leur noviciat, leurs maladies et leur vieillesse. En conséquence : Qu’on dote, pour les jeunes gens qui se destinent au sacerdoce, des maisons d’éducation gratuite, dans lesquelles ils seront admis au concours. Qu’ou fixe la portion congrue des vicaires à 500 livres, celle des curés de campagne à 1000 livres au moins, et celle des curés de ville à 1500 livres au moins. Qu’on fonde, pour les curés que leur âge ou leurs infirmités mettent hors d’état de remplir les fonctions du ministère, non des maisons, mais des pensions de retraite. Que, pour rendre les portions congrues et les pensions indépendantes des révolutions que peuvent éprouver le prix des denrées et la valeur des espèces, on les fixe en grains. 22° Que les dîmes, dont l’abandon a réduit au strict nécessaire plusieurs églises cathédrales et collégiales du royaume, sans enrichir les curés, soient considérées comme un moyen insuffisant de parvenir aux augmentations et établissements ci-dessus proposés; que ce moyen soit encore rejeté comnie destructeur de plusieurs établissements utiles, tels que les collèges, les hôpitaux, les séminaires, les communautés religieuses, dont la dîme est le soutien. 23° Que, d’après les obstacles qu’éprouverait de la part du souverain la réunion d’un grand nombre de bénéfices consistoriaux, et d’après les inconvénients qu’entraînerait celle des autres bénéfices. et l’extinction d’un grand nombre de titres, il ne puisse être procédé par la voie des réunions à la dotation des cures et des établissements projetés; 24° Que cependant, pour y parvenir sans attaquer aucune propriété, sans affaiblir le clergé par l’extinction d’aucun titre, et sans exciter les plaintes d’aucun contradicteur, Sa Majesté soit suppliée d’ordonner que tous bénéfices qui ne seraient pas à charge d’âmes, et qui viendraient à vaquer, demeurassent un an sans que le nommé commençât à en toucher les fruits qu’après une année révolue. 25° Qu’en conséquence il soit établi un séquestre qui jouirait pendant un an du revenu de tous les bénéfices, qui ne nuirait point au droit de collateur, mais retarderait la jouissance du nouveau pourvu, et qui acquitterait les charges du bénéfice pendant ladite année. 26° Que la masse des fonds déposés dans le séquestre serve a l’acquit des charges diocésaines, à l’augmentation nouvelle des portions congrues, aux pensions de retraites et autres établissements utiles au diocèse. 27° Que l’administration ordinaire du séquestre soit confiée à une commission ou bureau, dont les membres seraient choisis par le clergé du diocèse , lequel bureau serait composé d’un représentant des abbés, d’un représentant des chapitres, de quatre curés, dont un régulier, du syndic et du trésorier, et serait toujours présidé par l’évêque ou son représentant. 28° Que le bureau rende, chaque année, un compte public et imprimé de sa dépense et de sa recette ; que le compte, avant d’être livré à l’impression, soit rendu dans une assemblée composée des personnes ci-dessus désignées, et en outre de deux députés de chaque doyenné. 29° Qu’en outre ce séquestre établi dans chaque diocèse, il en soit établi un général à Paris, auquel correspondraient 4ous les séquestres particuliers. 30° Que l’objet de cette correspondance soit d’établir une solidarité respective entre les diocèses ; qu’à cet effet chaque séquestre diocésain verse dans le séquestre général l’excédant annuel de sa recette, ou y puise le déficit de sa dépense. Que ce séquestre général rende annuellement aussi le compte de sa recette et de sa dépense dans une assemblée composée de représentants de chaque diocèse, et le rende public par la voie de l’impression. 31° Que Sa Majesté soit suppliée de consentir la suppression des économats, qui excitent depuis longtemps la réclamation de tous les ordres, et que chaque séquestre diocésain soit chargé du soin confié çi-devant aux économats de veiller aux réparations dépendantes des bénéfices vacants. 32° Que Sa Majesté soit également suppliée de permettre que quelques-unes des riches abbayes qui sont vacantes, ou viendraient à vaquer, restent dans les séquestres diocésains, jusqu’à ce qu’un nombre suffisant d’autres bénéfices vacants fournissent auxdits séquestres des revenus proportionnés à leurs besoins, en sorte que les curés et autres personnes intéressées au succès de ce projet entrent incessamment en jouissance des augmentations et pensions projetées. 33° Que MM. les curés proposant de faire le sacrifice du casuel tarifé qui leur est accordé, le dédommagement dû à chacun d’eux soit réglé dans le synode diocésain, et fasse partie des charges ordinaires du séquestre général. 34° Que s’il arrivait (ce qui ne paraît pas possible, d’après les calculs particuliers à quelques fÉtats gén. 1789. Cahiers. J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliags de Châlons-sur-Marne.] 587 diocèses) que les fonds de cet économat général fussent encore au-dessous de ses charges, il soit permis alors de chercher des ressources auxiliaires dans la réunion des bénéfices qui seraient, ou trop modiques pour nourrir un ecclésiastique, ou trop considérables pour être le patrimoine d’un seul. CAHIER De V ordre de la noblesse du bailliage de Châlons-sur-Marne , remis à M. de Pintinville de Cernan, élu député aux Etats généraux , le22mars 1789 (1). Avant de présenter les vœux que forme la noblesse du bailliage de Châlons pour le rétablissement des affaires publiques, elle croit devoir porter £& pied du trône l’hommage du très-profond respect, de„la fidélité inviolable et de la vive reconnaissance dont elle est pénétrée pour Sa Majesté; elle éprouve avec transport les sentiments que doit inspirer à tous ses sujets un roi qui, n’écoutant qu’une vertu sublime, a conçu le projet de fonder le bonheur de son peuplelsur la liberté publique , qui , des désastres mêmes de son royaume, va recueillir une gloire plus solide que celle que les triomphes eussent pu lui assurer. En vain le désordre qui s’est introduit dans l’administration des finances aura creusé, pendant des siècles, un précipice où semblait devoir se perdre la nation ; la sagesse de son auguste roi lui fait trouver, dans les malheurs de l’Etat, les principes d’une nouvelle prospérité. Sa gloire va devenir celle de ses sujets, et leur amour un sentiment profond et réliéchi, dans lequel il trouvera la récompense de ses vertus. Tel est le pur hommage qu’offre à Sa Majesté la noblesse de son bailliage de Châlons, et qui doit l’assurer d’une fidélité qu’elle est prête à faire éclater en toute circonstance. Et pour atteindre au but qu’elle se propose, elle va lui présenter les vœux et les demandes qu’elle forme pour le bonheur et la gloire de son monarque, et la félicité de son peuple. Art. 1er. Pour prévenir les variations qui sont survenues fréquemment dans les formes de convocation des Etats généraux, ainsi que dans la proportion des représentants des provinces et de chacun des trois ordres, Sa Majesté sera suppliée de permettre que ces formes soient fixées invariablement par la première assemblée qu’elle a convoquée pour le 27 avril prochain en sa ville de Versailles. Art. 2. De permettre aussi que le retour périodique des Etats généraux soit fixé par la délibération qu’ils prendront sur cet objet, et que Sa Majesté voudra bien approuver pour être érigée en loi fondamentale. Art. 3. Sa Majesté est également suppliée d’ordonner que les délibérations des Etats généraux seront prises par chacun des ordres séparément, sans que les deux ordres, formant un même vœu, puissent jamais obliger celui qui formerait un vœu contraire ou différent ; néanmoins les ordres seront libres de se réunir pour opiner par tête sur un objet particulier, lorsqu’il aura été voté dans chacun des trois ordres d’employer cette forme de délibération en commun et par individu. Art. 4. Il sera proposé aux Etats généraux d’examiner s’il ne serait pas possible d’établir une combinaison des suffrages recueillis par individus dans chaque ordre, telle que, sans sou-(1) Nous publions ce cahier d’après un ipiprimé delà pibliathègue du Sénat, mettre précisément un ordre à la volonté des deux autres réunis, elle produisît cependant un résultat qui dût être considéré comme le vœu général des trois ordres ; par exemple, dans le cas où les ordres ne pourraient se réunir au même avis, les voix individuelles seraient comptées dans chaque ordre; et s’il arrivait que deux ordres réunis, pour former la même demande, offrissent chacun cinq sixièmes des voix dont il sérail composé, et que le troisième, quel qu’il fût. présentât un tiers de ses voix,- qui se joindraient à l’avis des deux autres, la délibération serait censée être unanime dans les trois ordres. Get exemple uniquement présenté pour expliquer plus clairement l’idée. Art. 5. Il ne sera porté aucune nouvelle loi constitutionnelle, ni dérogé à aucune des anciennes lois qui intéressent la constitution, que sur la demande ou le consentement des Etats généraux. Quant aux lois particulières qui seront portées par Sa Majesté pour le maintien de l’ordre public et l’administration intérieure, elles seront vérifiées et enregistrées par les cours souveraines, autant qu’elles ne contiendront rien de contraire aux lois constitutionnelles, pour être exécutées par provision seulement, jusqu’à ce qu’elles aient été ratifiées par les Etats généraux lors de leur première assemblée. Art. 6. Toutes les lois portées par Sa Majesté, d’après la demande ou le consentement des Etats généraux, seront enregistrées dans les différentes cours souveraines, pour qu’elles aient à s’y conformer et à les faire exécuter. Art. 7. Sa Majesté sera très-instamment suppliée d’assurer la liberté individuelle de tous ses sujets par l’abolition de toutes lettres de cachet et autres ordres arbitraires, de manière qu’aucun citoyen ne puisse être arrêté que provisoirement, et pour être remis, dans un délai qui sera fixé par la loi, entre les mains de ses juges naturels. Il n’y aura d’exception que dans le cas où une famille solliciterait l’ordre de séquestrer un de ses membres qui la déshonorerait; et il ne sera reçu aucun mémoire à cet effet qu’il ne soit signé de six parents, ou autres personnes domiciliées et notables, lequel mémoire sera remis dans un dépôt particulier, et communiqué à la personne détenue en vertu dudit ordre, qui pourra se pourvoir, par elle-même ou toute autre personne pour elle, contre ceux qui l’auront signé, et les traduire devant les tribunaux ordinaires, qui décerneront contre eux, en cas d’infidélité dans l’exposé, tels dommages et intérêts, même telle peine qu’il appartiendra, et ordonneront l’élargissement de la personne privée injustement de sa liberté. Art. 8. Sa Majesté sera suppliée de permettre qu’aucune imposition ni perception de droits ou emprunts ne pourront être établis qu’au préalable les droits qui appartiennent à chaque citoyen individuellement et à la nation entière, n’aient été reconnus et invariablement fixés. Art. 9. II ne sera porté aucune loi bursale que sur la demande et le consentement de la nation. Quant aux lois particulières relatives à la perception de l’impôt, qui seront portées par Sa Majesté, elles seront vérifiées par les cours souveraines, qui ne pourront les enregistrer que provisoirement et autant qu’elles ne contiendront rien de contraire à la demande et au consentement des Etats généraux. Art. 10. Sa Majesté sera suppliée de foire présenter aux Etats généraux, par son ministre des finances, un tableau du produit de toutes les im- fÉtats gén. 1789. Cahiers. J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliags de Châlons-sur-Marne.] 587 diocèses) que les fonds de cet économat général fussent encore au-dessous de ses charges, il soit permis alors de chercher des ressources auxiliaires dans la réunion des bénéfices qui seraient, ou trop modiques pour nourrir un ecclésiastique, ou trop considérables pour être le patrimoine d’un seul. CAHIER De V ordre de la noblesse du bailliage de Châlons-sur-Marne , remis à M. de Pintinville de Cernan, élu député aux Etats généraux , le22mars 1789 (1). Avant de présenter les vœux que forme la noblesse du bailliage de Châlons pour le rétablissement des affaires publiques, elle croit devoir porter £& pied du trône l’hommage du très-profond respect, de„la fidélité inviolable et de la vive reconnaissance dont elle est pénétrée pour Sa Majesté; elle éprouve avec transport les sentiments que doit inspirer à tous ses sujets un roi qui, n’écoutant qu’une vertu sublime, a conçu le projet de fonder le bonheur de son peuplelsur la liberté publique , qui , des désastres mêmes de son royaume, va recueillir une gloire plus solide que celle que les triomphes eussent pu lui assurer. En vain le désordre qui s’est introduit dans l’administration des finances aura creusé, pendant des siècles, un précipice où semblait devoir se perdre la nation ; la sagesse de son auguste roi lui fait trouver, dans les malheurs de l’Etat, les principes d’une nouvelle prospérité. Sa gloire va devenir celle de ses sujets, et leur amour un sentiment profond et réliéchi, dans lequel il trouvera la récompense de ses vertus. Tel est le pur hommage qu’offre à Sa Majesté la noblesse de son bailliage de Châlons, et qui doit l’assurer d’une fidélité qu’elle est prête à faire éclater en toute circonstance. Et pour atteindre au but qu’elle se propose, elle va lui présenter les vœux et les demandes qu’elle forme pour le bonheur et la gloire de son monarque, et la félicité de son peuple. Art. 1er. Pour prévenir les variations qui sont survenues fréquemment dans les formes de convocation des Etats généraux, ainsi que dans la proportion des représentants des provinces et de chacun des trois ordres, Sa Majesté sera suppliée de permettre que ces formes soient fixées invariablement par la première assemblée qu’elle a convoquée pour le 27 avril prochain en sa ville de Versailles. Art. 2. De permettre aussi que le retour périodique des Etats généraux soit fixé par la délibération qu’ils prendront sur cet objet, et que Sa Majesté voudra bien approuver pour être érigée en loi fondamentale. Art. 3. Sa Majesté est également suppliée d’ordonner que les délibérations des Etats généraux seront prises par chacun des ordres séparément, sans que les deux ordres, formant un même vœu, puissent jamais obliger celui qui formerait un vœu contraire ou différent ; néanmoins les ordres seront libres de se réunir pour opiner par tête sur un objet particulier, lorsqu’il aura été voté dans chacun des trois ordres d’employer cette forme de délibération en commun et par individu. Art. 4. Il sera proposé aux Etats généraux d’examiner s’il ne serait pas possible d’établir une combinaison des suffrages recueillis par individus dans chaque ordre, telle que, sans sou-(1) Nous publions ce cahier d’après un ipiprimé delà pibliathègue du Sénat, mettre précisément un ordre à la volonté des deux autres réunis, elle produisît cependant un résultat qui dût être considéré comme le vœu général des trois ordres ; par exemple, dans le cas où les ordres ne pourraient se réunir au même avis, les voix individuelles seraient comptées dans chaque ordre; et s’il arrivait que deux ordres réunis, pour former la même demande, offrissent chacun cinq sixièmes des voix dont il sérail composé, et que le troisième, quel qu’il fût. présentât un tiers de ses voix,- qui se joindraient à l’avis des deux autres, la délibération serait censée être unanime dans les trois ordres. Get exemple uniquement présenté pour expliquer plus clairement l’idée. Art. 5. Il ne sera porté aucune nouvelle loi constitutionnelle, ni dérogé à aucune des anciennes lois qui intéressent la constitution, que sur la demande ou le consentement des Etats généraux. Quant aux lois particulières qui seront portées par Sa Majesté pour le maintien de l’ordre public et l’administration intérieure, elles seront vérifiées et enregistrées par les cours souveraines, autant qu’elles ne contiendront rien de contraire aux lois constitutionnelles, pour être exécutées par provision seulement, jusqu’à ce qu’elles aient été ratifiées par les Etats généraux lors de leur première assemblée. Art. 6. Toutes les lois portées par Sa Majesté, d’après la demande ou le consentement des Etats généraux, seront enregistrées dans les différentes cours souveraines, pour qu’elles aient à s’y conformer et à les faire exécuter. Art. 7. Sa Majesté sera très-instamment suppliée d’assurer la liberté individuelle de tous ses sujets par l’abolition de toutes lettres de cachet et autres ordres arbitraires, de manière qu’aucun citoyen ne puisse être arrêté que provisoirement, et pour être remis, dans un délai qui sera fixé par la loi, entre les mains de ses juges naturels. Il n’y aura d’exception que dans le cas où une famille solliciterait l’ordre de séquestrer un de ses membres qui la déshonorerait; et il ne sera reçu aucun mémoire à cet effet qu’il ne soit signé de six parents, ou autres personnes domiciliées et notables, lequel mémoire sera remis dans un dépôt particulier, et communiqué à la personne détenue en vertu dudit ordre, qui pourra se pourvoir, par elle-même ou toute autre personne pour elle, contre ceux qui l’auront signé, et les traduire devant les tribunaux ordinaires, qui décerneront contre eux, en cas d’infidélité dans l’exposé, tels dommages et intérêts, même telle peine qu’il appartiendra, et ordonneront l’élargissement de la personne privée injustement de sa liberté. Art. 8. Sa Majesté sera suppliée de permettre qu’aucune imposition ni perception de droits ou emprunts ne pourront être établis qu’au préalable les droits qui appartiennent à chaque citoyen individuellement et à la nation entière, n’aient été reconnus et invariablement fixés. Art. 9. II ne sera porté aucune loi bursale que sur la demande et le consentement de la nation. Quant aux lois particulières relatives à la perception de l’impôt, qui seront portées par Sa Majesté, elles seront vérifiées par les cours souveraines, qui ne pourront les enregistrer que provisoirement et autant qu’elles ne contiendront rien de contraire à la demande et au consentement des Etats généraux. Art. 10. Sa Majesté sera suppliée de foire présenter aux Etats généraux, par son ministre des finances, un tableau du produit de toutes les im- 588 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Chàlons-snr-Marne.l positions et perceptions de droits, comme aussi de tous frais de régie et perception, et des droits et émoluments affectés à toutes les places de finance, pour être, relativement aux impôts qui seraient prorogés, avisé par les Etats généraux aux moyens de suppression, réduction et réformes qui paraîtront convenables, j Art. 11. De faire constater par les Etats généraux toutes les dettes contractées tant par Sa Majesté que par ses prédécesseurs, afin d’en arrêter définitivement l’état ; d’ordonner l’établissement d’une caisse dont les administrateurs seront comptables aux Etats généraux, dans laquelle seront versés tous les fonds destinés au payement des rentes et au remboursement des capitaux , et seront tous les revenus de l’Etat affectés et hypothéqués à la sûreté desdites rentes. Art. 12. Le Roi voudra bien permettre que les ministres soient responsables à la nation de l’exécution de toutes les délibérations prises par les Etats généraux, et qui auraient été approuvées par Sa Majesté, tant sur l’emploi des fonds que sur les objets faisant partie de leur département. Art. 13. Sa Majesté sera suppliée d’établir en Champagne des Etats provinciaux, qui seront revêtus de tous les pouvoirs nécessaires pour opérer le plus grand bien de la province. Art. 14. De ne porter aucune loi particulière applicable à une province que sur la demande ou le consentement des Etats provinciaux. Art. 15. Sa Majesté sera encore suppliée de permettre qu’il ne soit statué sur aucune imposition, perception de droits, ou secours pécuniaires quelconques, avant que les dépenses aient été fixées par les Etats généraux, et d’ordonner qu’il leur soit remis des Etats de dépenses de chaque département, pour déterminer les sommes qu’il sera nécessaire de lui affecter. Art. 16. La noblesse du bailliage de Châlons serait disposée à consentir au sacrifice de ses immunités pécuniaires ; mais regardant les droits qu’elle a reçus de ses pères comme une substitution dont elle est comptable à sa postérité, elle croit qu’il ne dépend pas d’elle de prendre une détermination sur un objet si important. Elle observe, qu’exclue du commerce et de tous les états utiles, les seuls que la noblesse peut professer sont onéreux et même ruineux pour la plupart ; qu’ils sont déjà une contribution personnelle, et qu’il paraît juste que cette considération continue à influer dans la répartition des impôts. L’ordre de la noblesse offre néanmoins, dans le cas où il serait nécessaire d’établir un surcroît d’impôt pour mettre la balance entre la recette et la dépense, d’y contribuer dans une proportion égale à celle des deux autres ordres. Art. 17. L’ordre de la noblesse, malgré le désir qu’il aurait de voir établir une exacte répartition, ne croit pas pouvoir voter pour l’impôt territorial en nature, attendu les inconvénients qu’il renferme, qui seraient destructifs de l’agriculture en Champagne. Art. 18. Il sera représenté au Roi et aux Etats généraux que la province de Champagne paye actuellement tous les genres d’impôts existants, et dans les plus fortes proportions -, et que sa contribution aux charges de l'Etat est dans un rapport injuste avec celle des autres provinces. Art. 19. Sa Majesté sera suppliée de supprimer les droits de traites dans l’intérieur du royaume, et d’ordonner que toutes les barrières soient reportées sur les frontières. Art. 20. D’attribuer à ses cours, et aux tribunaux qui leur sont subordonnés, la connaissance de tous les droits incorporels du domaine, pour ue ces contestations ne soient plus dans le cas ’être jugées arbitrairement ; de faire rédiger un tarif détaillé de tous ces droits, qui les fixe invariablement ; d’ordonner que tout acte qui aura une fois été présenté au contrôle ne puisse, par la suite, donner lieu à aucune demande ou recherche de la part des régisseurs ou fermiers des droits; et que les amendes encourues en ces matières soient dorénavant proportionnées aux délits, Article que l’ordre de la noblesse croit essentiel, pour assurer le repos des sujets du Roi. Art. 21. Sa Majesté sera suppliée de vouloir bien combiner l’impôt de la gabelle et les droits d’aides, de manière à les rendre beaucoup moins onérqux à la province de Champagne. m Art. 22. Le Roi sera pareillement supplié de prendre pour la confection des chemins un régime moins onéreux que celui qui est actuellement suivi, et d’ordonner qu’il soit délibéré sur cet objet aux Etats généraux, qui prendront en considération les avantages qui pourraient résulter de l’établissement des barrières dans tout le royaume. Art. 23. Sa Majesté sera priée de ne plus" accorder la noblesse qu’à des services importants rendus à l’Etat, et généralement reconnus. De ne plus créer d’offices qui confèrent la noblesse; de diminuer le nombre de ceux qui existent, et les réduire à mesure qu’ils viendront à vaquer, en ne conservant que ceux dont les services sont vraiment utiles à l’Etat; ordonner que la noblesse ne sera transmissible à la postérité du titulaire qu’autant qu’il aurait rempli les fonctions de son office personnellement pendant vingt ans, sauf à compléter dans ladite charge, par les enfants, le temps prescrit par la loi. Art. 24. Il sera représenté à Sa Majesté qu’il est nécessaire de procéder à la réforme des lois civiles ; de fixer précisément les peines pour tous les genres de délits; de faire les règlements nécessaires pour simplifier les actes de procédure, diminuer les frais, et procurer aux sujets de Sa Majesté la plus prompte justice, observant que les moyens d’y pourvoir qui paraîtraient à la noblesse les plus naturels, seraient d’augmenter les pouvoirs des présidiaux, et de ne laisser subsister que deux espèces de tribunaux inférieurs, dont l’un connaîtrait de toutes les affaires civiles, de police et criminelles, et l’autre, de toutes les matières d’impositions, ou qui intéressent l’administration des finances. Art. 25. Sa Majesté sera suppliée de ne plus permettre qu’il soit donné aucune commission qui tende à distraire ses sujets de leurs juges naturels, ni qu’il soit prononcé aucune évocation ni cassation que dans les cas prévus et réglés par l’ordonnance. Art. 26. De conserver les seigneurs dans les droits de leurs justices ; de supprimer en conséquence les huissiers-priseurs et greffiers des experts qui viennent les y troubler, et à maintenir leurs offices dans le droit d’y faire les inventaires et ventes de meubles, pour rendre ces actes moins onéreux à leurs vassaux. Art. 27. Sa Majesté sera priée de n’admettre à l’éducation des Écoles royales et militaires, et à celle de Saint-Cyr, que des enfants de la noblesse qui lui seraient présentés par les Etats provinciaux . ces places ayant été depuis longtemps trop souvent accordées sur des exposés peu exacts du besoin des familles qui les ont sollicitées. Art. 28. De vouloir bien assurer plus de stabi- [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Châlons-sur-Marne.] 589 lité dans les lois militaires, et de laisser à toute la noblesse la perspective, et même la certitude, d’atteindre à tous les honneurs auxquels on doit parvenir par le mérite et la vertu. Il sera très-humblement représenté au Roi que les réformes faites par Sa Majesté dans ses troupes, et qui depuis quelque temps sont devenues fréquentes, arrêtent au milieu de leur carrière ceux qui se sont voués à la profession des armes, leur font perdre le fruit de leurs services, les privent de toutes ressources, et les mettent dans l’impossibilité d’arriver au but auquel ils ont droit de prétendre. Art. 29. Il sera exposé à Sa Majesté qu’il est à désirer pour tous ses sujets, et particulièrement pour la classe la plus malheureuse, que toutes les dispenses de mariage puissent être accordées par l’ordinaire. Que les annates qui se payent en cour de Rome ne fassent plus sortir du royaume des sommes considérables; qu’il est également à désirer que les bénéfices ne puissent être obtenus en cour de Rome par prévention, résignation ou permutation, et qu’elles soient faites entre les mains de l’évêque. Art. 30. Sa Majesté sera suppliée de vouloir bien faire examiner s’il ne serait pas possible de trouver un moyen d’empêcher que les successions des ecclésiastiques, pourvus de bénéfices consistoriaux et autres, ne soient consommées en frais qui obligent leurs héritiers d’v renoncer, dans la crainte d’être ruinés par les recherches des économats, ou du successeur au bénéfice. Art. 31. D’accorder la liberté de la presse, limitée de telle manière qu’aucun ouvrage ne pourra être imprimé que par un imprimeur en titre, et sur un manuscrit signé; ordonner que l’imprimeur sera tenu de représenter l’auteur ; et que, dans tous les cas (excepté pour les mémoires des parties), il soit responsable du contenu en l’ouvrage qu’il aura imprimé. Art. 32. Sa Majesté sera suppliée de réformer les abus qui se seront introduits dans l’administration des eaux et forêts ; d’attribuer aux juges ordinaires toute leur juridiction contentieuse; d’ordonner qu’en aucun cas la surveillance et l’emploi des fonds provenant des ventes des bois des communautés d’habitants ne puissent jamais appartenir aux maîtrises par aucune attribution qui leur serait donnée par arrêt du conseil ou autrement, et qu’à l’instant même où les adjudications seront passées, l’emploi des fonds en soit ordonné, suivi et réglé par les Etats provinciaux, également intéressés à la conservation des bois et au plus grand bien des communautés ; Sa Majesté sera priée d’ordonner qu’il ne soit plus fait de retenue du dixième du prix des quarts en réserve appartenant aux communautés d’habitants. L’ordre de la noblesse du bailliage de Châlons-sur-Marne donne pouvoir à M*** de se rendre au jour indiqué par Sa Majesté en sa ville de Versailles, pour y assister et prendre place dans Rassemblée des Etats généraux du royaume, en qualité de député dudit ordre et pour ledit bailliage. Lui donnant également pouvoir de proposer, remontrer, aviser et consentir tout ce qui peut concerner les besoins de l’Etat, la réforme des abus, l’établissement d’un ordre fixe et durable dans toutes les parties de l’administration, en se conformant par ledit*** aux instructions contenues au cahier de demandes qui lui sera remis avec ces présentes. Chargeant spécialement ledit député de faire tout ce qui sera en lui pour obtenir pleine et entière satisfaction sur tout ce qui est contenu audit cahier ; et dans le cas où Rassemblée des Etats généraux se porterait à former des vœux différents ou contraires, à faire tous ses efforts pour convaincre de la justice des demandes dudit ordre de la noblesse dudit bailliage. Autorisant néanmoins ledit député à prendre, suivant sa prudence, tel avis qui lui paraîtrait le plus se rapprocher des vœux contenus audit cahier, dans le cas où la majorité des voix tendrait à en former un autre. Dçmne également pouvoir général et suffisant audit député pour proposer, remontrer, aviser et consentir en ladite assemblée, sur tous les objets qui ne sont pas exprimés dans le cahier de l’ordre de la noblesse dudit bailliage et qui seraient ou devraient être agités, discutés, résolus par les Etats généraux, chargeant ledit député en toutes les matières qui seraient connexes et liées aux demandes formées par l’ordre, de se tenir attaché aux principes et motifs qui les ont déterminés. L’ordre de la noblesse s’eu rapportant, sur le tout, aux sentiments d’honneur et de loyauté qu’il est certain de trouver dans un de ses membres chargé de le représenter. Signé le marquis Du Causé de Nazelle-Cappy d’Atnie, le président Le Rebours, d’Argent, Au-belin, Le Gorlier, le chevalier flocart, Masson de la Motte, de Pinteville, baron de Cernon, l’évêque de Pouilly, C.-M. Guillemeau de Freval, de Pinteville de Cernon, secrétaire. Du 22 mars 1789. En l’assemblée de l’ordre de la noblesse du bailliage de Châlons, il a été fait lecture du cahier et des pouvoirs projetés par MM. les commissaires. Lesdits cahiers et pouvoirs ont été définitivement arrêtés et signés en présence de l’assemblée par M. le grand bailli et MM. les commissaires. Il a été ensuite procédé, par la voie du scrutin, dans la forme prescrite par le règlement, à la nomination des trois scrutateurs, et les suffrages se sont réunis sur MM. de Porlier, le comte de Chieza et de Cappy d’Athie. Lesdits scrutateurs ayant pris place, il a été procédé de même, par là voie du scrutin, à l’élection du député, et au premier tour de scrutin, les scrutateurs ayant annoncé qu’aucune des personnes désignées n’avait réuni plus de moitié des suffrages, Il a été à l’instant procédé à un second scrutin, lequel étant vérifié, M. de Cappy d’Athie s’est trouvé avoir obtenu 37 voix, et M. de Pinteville de Cernon, seigneur de Vesigneul-sur-Côle, 30; et au troisième tour de scrutin M. de Pinteville de Cernon a été déclaré élu député de l’ordre aux Etats généraux à la pluralité de 65 voix, contre 43 en faveur de M. Cappy d’Athie. Des mémoires et notes" de MM. de Pouilly, Le Rebours, de La Motte, de Cappy, Le Gorlier, de Na-zelle, de Cernon, Baudouin de Charmoi, chevalier de La Vigne, de Tarade, de Montigny, de Buri, ont été remis au député, pour y avoir recours lorsque les questions qui y sont traitées seront agitées aux Etats généraux. S90 [Étais gen. 1789. Cahiers.] ARCHIVÉS PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Châlons-sur-Marne. PLAINTES, DOLÉANCES Et très-humbles supplications et remontrances du tiers-étât du bailliage de Châlons-sur-Marne , à résenler au Roi à la prochaine assemblée des tats généraux du royaume, du 27 avril 1789, dressées par les commissaires soussignés , nommés en l'assemblée générale des députés dudit iiefs-état , du 12 mars 1789, lues et arrêtées en celle du 23 du même mois (1). Sire, le tiers-état de votre bailliage de Châlons, pénétré de la plus vive Reconnaissance pour le double bienfait que la nation vient de recevoir de Votre Majesté par le rétablissement des Etats généraux et l’égalité de représentation entre les trois ordres de l’Etat, s’empresse de déposer ses très-humbles actions de grâces aüx pieds de Votre Majesté. Pour recueillir le fruit de ce bienfait, et répondre aux vues de sagesse et de bonté de Votre Majesté, le tiers-état de votre bailliage de Châlons a cru devoir moins s’occuper de retracer à Votre Majesté les maux dont son peuple est accablé, et les justes plaintes qu’il pourrait lui en porter, que de lui présenter les moyens qu’il croit propres à y remédier. Votre peuple, Sire, peut-il, en effet, douter que vous ne connaissiez toute l’étendue de ses maux? Pourrait-il douter de la sensibilité de Votre Majesté, après avoir vu tant de fois le doux épanchement de son cœur? Pourrait-il douter de son extrême envie de le soulager, en voyant tous les moyens qu'il prend pour y parvenir? Oui, Sire, notre confiance est sans bornes dans le monarque bienfaisant qui nous retrace la sensibilité et la bienfaisance de nos meilleurs rois; mais elle se fortifie encore quand nous voyons vos dispositions paternelles secondées par un sage qui sembie ne réunir les talents et les vertus des plus grands ministres que pour les faire tourner au bonheur de vos peuples et à la gloire de Votre Majesté. Cet esprit de justice et de sagesse qui, dans cet instant du salut et delà régénération de l’Etat, anime Votre Majesté, nous espérons, Sire, le retrouver dans les deux premiers ordres de la nation, si dignes de vous approcher par leur rang, si dignes de leur rang par leurs vertus. Le clergé et la noblesse, Sire, savent que le tiers-état, la portion la plu# considérable de la nation, ou plutôt qui la compose presque tout entière, gémit sous le poids d’impôts et charges publiques qui lui sont personnelles; il savent que tout ce que le clergé et la noblesse font pour l’Etat, le tiers y concourt avec eux dans la proportion de sa population, quoiqu’il n’y en ait aucune dans leurs possessions respectives ; que, dans tous les genres de services, le tiers-état est au rang le plus pénible; que surtout dans celui des armes, Rassure, par des Rots de son sang, les succès et la gloire dont jouit seule la noblesse. Le clergé et la noblesse savent encore que leurs biens sont immenses et leurs charges presque nulles. Ils nous voient accablés sous le poids des impôts ; ils voient l’Etat dans la détresse par le désordre et le déficit des finances, et ils sentent tout à la fois et la nécessité de venir à-son secours, et l’impossibilité comme l’injustice qu’il y aurait d’augmenter les charges du peuple. (1) Nous publions ce cahier d’après un imprimé delà Bibliothèque du Sénat . Ils savent que si leürs biens et leurs facultés étaient assujettis à la contribution des impôts, les impôts s’accroîtraient pour l’Etat et diminueraient pour le peuple. A ces lumières se joignent le sentiment de l’équité et l’impulsion du patriotisme ; et déjà une portion considérable de ces deux ordres a, dans tout le royaume, renoncé à ses privilèges d’exemption. Dévouement bien naturel à un ordre aussi respectable par le ministère de charité et de bienfaisance qu’il exerce, que par les vertus qui J’en rendent digne ! Sacrifice qui consacre à jamais notre vénération pour une noblesse généreuse qui a tant de fois donné l’exemple de ce patriotisme, la vertu la plus digne d’elle, et qui dans les circonstances devient un besoin de l’Etat ! Un si généreux exemple, Sire, sera sans doute généralement suivi par les deux ordres. Gomment d’ailleurs pourraient-ils s’y refuser, puisque votre bonté les y invite, et que votre justice pourrait commandér ? Les grands objets qui, suivant les expressions mêmes de Votre Majesté, doivent occuper les prochains Etats généraux, sont : 1° La restauration des finances. 2° La réformation des abus. 3° L’établissement d'un ordre constant et invariable dans toutes les parties de l'administration qui peuvent intéresser le bonheur de vos sujets et la prospérité de votre royaume. Nous pensons, Sire, que, pour pouvoir traiter avec fruit et remplir avec succès tous ces objets, Votre Majesté doit commencer par donner aux Etats généraux le caractère de la stabilité, et assurer leur retour périodique, pour que la nation ne soit plus exposée à craindre l’abrogation d’un droit si précieux, et qu’elle puisse se rassembler souvent, et remédier plus facilement aux abus qui pourraient naître. Ensuite nous supplierons Votre Majesté d’organiser leur composition de manière que chaque ordre y ait une juste et libre représentation, et qu’ayant autant de voix que de députés (seule manière de jouir de la représentation dans toute son étendue), le tiers-état puisse aussi recueillir le fruit de cette égalité avec les deux autres ordres, que Votre Majesté lui aurait en vain accordé, si les voix se comptaient par ordre et non pas par tête. Enfin, Votre Majesté sera suppliée de déterminer le pouvoir des Etats généraux relativement aux impôts, aux emprunts et aux lois. Ces objets ainsi consentis et arrêtés, les Etats généraux pourront examiner l’Etat des finances, en constater le déficit, vérifier la dette de l’Etat et s’en charger, fixer ses charges et ses dépenses annuelles, réformer les impôts les plus désastreux, en substituer d’autres suffisants, mais plus simples et moins onéreux, et pour l’économie, charger de la répartition et de la perception les Etats provinciaux, qu’ils vous supplieront d’accorder. Ils doivent ensuite remonter aux causes du désordre, les proscrire et réformer les abus ; et pour que ces abus et leurs causes désastreuses ne renaissent pas, ils doivent, de concert avec Votre Majesté, faire des retranchements dans tous les objets de dépenses, y rétablir l’ordre et l’économie, et prendre les précautions nécessaires pour les assurer et les maintenir. , Portant encore leurs regards sur d’autres par� ties importantes de l’administration générale, les Etats généraüx proposeront à Votre Majesté les [États géh. 1789. Catiiérs.} ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Ghâlotis-süf-Maffle.l g9j réformes et les améliorations convenables dans chaque partie. L’agriculture, cette source première des vraies richesses, désolée parles impôts et par mille abus divers ; Le commerce, qui amène à l’Etat des richesses étrangères et fait valoir les siennes ; Les arts, qui font fleurir le commerce et multiplient les moyens de subsistance, en propageant l’industrie. Dans ces deux parties importantes, i’activité est presque étouffée sous la servitude ruineuse de la fiscalité ; L’administration de lajUstice, si nécessaire pour maintenir l’ordre an dedans, mais si compliquée par la diversité des tribunaux et par la multiplicité des officiers, si accablante par les longueurs, si ruineuse par les frais et par l’éloignement des cours souveraines, d’ailleurs trop Surchargées d’affaires ; Nos lois et notre jurisprudence civiles si défectueuses et si variables ; Notre jurisprudence criminelle assez injuste pour flétrir l’accusé avant de PaVoir condamné, pour ajouter à son Supplice les tourments affreux de la torture, pour le laisser sans secours pendant l’instruction Contre l’appareil imposant de la justice, pour livrer le coupable à des peines disproportionnées avec son crime, pour priver des enfants innocents des biens d’un père coupable; Un préjugé barbare qui enveloppe dans les flétrissures du condamné une famille irréprochable ; Un domaine autrefois la seule richesse du monarque et les seules ressources permanentes de l’Etat, aujourd’hui la proie de la cupidité, le modèle de l’instabilité dans les aliénations, sources trop fécondes de troubles et d’injustices contre les détenteurs ; un domaine immense, enfin, qui ne rapporte presque rien à Votre Majesté, et qui pourrait être employé très-utilement au soulagement de l’Etat ; La violation de la liberté par de trop fréquents abus de l’autorité et les moyens d’éclairer ces abus, de démasquer les vices et de propager la lumière, étouffés sous la gêne de la presse. Un clergé assez opulent pour soulager le peuple en contribuant aux impôts et pour venir au secours de quelques-uns de ses membres les plus intéressants et les plus respectables, et ces dignes pasteurs trop longtemps négligés, trop longtemps victimes de l’inégale et injuste répartition des biens de l’Eglise ; Enfin, en descendant de l’intérêt général de l’Etat à celui de notre province, les Etats généraux verront la Champagne trop surchargée d’impôts, privée d’une cour souveraine, et pressée du besoin de voir ses manufactures encouragées, ses bois ménagés, l’agriculture favorisée, les entraves qui gênent son commerce et son industrie levées. C’est, Sire, sur ces idées et sur ce plan que le tiers-état de votre bailliage de Châlons ose supplier Votre Majesté d’accorder et ordonner aux prochains Etats généraux, comme loi constitutionnelle : Art. 1er. Le rétablissement à perpétuité des Etats généraux. Art. 2. Qu’ils seront à l’avenir convoqués et assemblés périodiquement tous les trois ou cinq ans. Art. 3. Qu’ils ne pourront jamais être composés que des trois ordres : du clergé, de la noblesse et du tiers-état. Art. 4. Que les députés du tiers-état y seront toujours au moins en nombre égal à ceux des deux autres ordres réunis. Art. 5. Que les députés de chaque ordre ne pourront être pris que dans l’ordre même. Art. 6. Que chaque ordre composant lesdits Etats généraux pourra s’assembler séparément, sous la présidence d’un orateur qui ne sera choisi que dans son ordre. Art. 7. Qu’aüxdits Etats généraux les voix seront prises par tête et non par ordre. Art. 8. Qu’à l’avenir toutes les nominations graduelles qui auront lieu poür parvenir à l’élection des députés à envoyer aux Etats généraux, seront faites au scrutin. Art. 9- Qu’aux Etats généraux seuls appartiendra le droit d’accorder les impôts, de consentir aux emprunts, et de Sanctionner les lois. Art. 10. Que les impôts n’y seront jamais Consentis que pour un temps limité. Art. 11. Que pour pouvoir constater le déficit actuel dans les finances, le besoin d’un secours extraordinaire à accorder pour l’instant, et déterminer la quotité de l’impôt à lever par la suite pour subvenir aux charges et dépenses annuelles de l’Etat, il sera représenté aux Etats généraux : 1° Un état exact de la dette nationale ; 2° Un semblable état de toutes les charges et dépenses annuelles de l’Etat; 3° Un autre état du produit des impôts et autres impositions généralement quelconques , actuellement subsistantes. Art. 12. Que la dette ainsi reconnue sera acceptée par les Etats généraux comme dette de la nation, pour être acquittée sur le produit des impôts, dont une partie sera même spécialement affectée à des remboursements annuels. Art. 13. Qu’ayant de déterminer la quotité de l’impôt, et pouf aider à sa diminution, on aura recours à des retranchements et à une sage économie dans toutes les parties de l’administration. Art. 14. Que, pour tous les objets de dépenses de la maison de Votre Majesté, de Celle de la Heine et de la famille royale, Votre Majesté voudra bien accepter une somme annuelle qu’elle déterminera elle-même. Art. 15. Que dans toutes les parties de l’administration il ne subsiste que des emplois indispensables, payés dans une juste proportion avec le travail et l’utilité. Art. 16. Que les pensions et les gratifications dans toutes les parties ne seront accordées à l’avenir qu’aux vrais services rendus à l’Etat ; que la liste en sera annuellement rendue publique par la voie de l’impression, et que les causés qui les auront fait accorder y seront énoncées. Art. 17. Qu’il sera représenté aux prochains Etats généraux un état exact des pensions qui subsistent actuellement, afin qu’elles puissent être modérées ou retranchées sur le degré de services des pensionnaires. Art. 18. Qu’à Uaveoir ii ne sera payé par le trésor royal aucunes sommes pour dépenses étrangères aux affaires de l’Etat. Art. 19. Que le ministre des finances sera tenu de rendre public tous les ans, par la voie de l’impression, le compte de son administration par articles détaillés de recettes et de dépenses. Art. 20. Que tous les comptes seront présentés à chaque assemblée des Etats généraux, et qu’euX seuls pourront les arrêter valablement et en donner une décharge légale au ministre. Art. 21. Qu’il n’y aura aucune commission intermédiaire dans Uintervalle des assemblées des Etats généraux, et que tous îes pouvoirs que l’on pourrait donner à une telle commission sêrôiît 592 i Étas gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Chàlons-sur-Marne.] réservés aux Etats provinciaux, qui seront établis dans chaque province. IMPOTS A RÉFORMER ET A REMPLACER. Art. 1er. Qu’il plaise à Votre Majesté supprimer les tailles, taillons, accessoires de la taille, l’im-pôt représentatif de la corvée, les vingtièmes et les aides, et ordonner le remplacement de tous ces impôts : 1° Par un impôt territorial qui se percevra en nature sur les fruits des terres, prés et vignes, savoir : pour les terres et prés, sur la place même, et pour les vignes, ainsi qu’il sera expliqué à l’article 3 ci-après ; 2° Par un impôt qui se percevra en argent sur les autres espèces de biens, comme bois, rivières, étangs, prés et marais en pâture, maisons, parcs, jardins, vergers, moulins, bâtiments, forges, verreries et autres usines généralement quelconques ; comme aussi sur le produit des biens incorporels, tels que rentes foncières, féodales et autres profits de fiefs annuels ; 3° Par une capitation qui se percevra sur tous les sujets de Votre Majesté indistinctement, à l’exception des laboureurs et des vignerons ; 4° Par une industrie sur les banquiers, commerçants, artisans, et généralement sur toutes les personnes qui y ont été assujetties jusqu’à présent, à l’exception néanmoins des manouvriers des campagnes et journaliers des villes qui n’auraient d’autres ressources que leurs bras, et qui seraient, ou chargés de six enfants en bas âge, ou infirmes, ou âgés de soixante ans, le tout d’après l’avis des municipalités ; 5° Par un droit, une fois perçu, sur tous brevets de pensions et provisions d’offices, dignités et emplois. ♦ Art. 2. Que l’impôt territorial sur les terres et prés sera perçu avant toute espèce de dîmes et terrages. Art. 3. Quant aux vignes, qu’il sera perçu sur les vins dans les celliers, immédiatement après les vendanges, et aussi avant toute espèce de dîmes. Art. 4. Qu’à l’instant où l’impôt territorial commencera à être perçu, les propriétaires des biens affermés seront tenus d’indemniser leurs fermiers, si mieux n’aiment ces derniers résilier leurs “baux. Art. 5. Que les débiteurs de rentes retiendront annuellement à leurs créanciers le dixième de la rente. Art. 6. Qu’il plaise également à Votre Majesté supprimer les gabelles et traites de l’intérieur, et ordonner le remplacement de ces impôts : 1° Par des traites qui seront reportées aux frontières, et qui consisteront en des droits modérés sur les objets d’importation ou d’exportation, droits qui seront réglés sur la balance du commerce, et le plus ou moins d’intérêt qu’aura la nation à les hausser et baisser, plutôt pour l’avantage de son propre commerce que pour l’intérêt du fisc. 2° Par un impôt sur le sel, qui se percevra dans les salines, et qui sera tel, que le prix de la livre de sel, qui sera rendu marcliand, ne pourra excéder six ou sept sols aux plus grandes distances, lequel sel ne pourra être tiré des magasins qu’a-près y être resté le temps prescrit par les règlements, et sera soumis à l’avenir à l’inspection des juges des lieux pour en prévenir l’altération. Art. 7. Que les droits sur les huiles, savons, cuirs, cartons, papiers, amidons, et sur les fers, seront supprimés, et trouveront leur remplacement dans l’industrie sur les fabricants et commerçants. Art. 8. Que tous les impôts ci-dessus seront communs à toutes les provinces du royaume, nonobstant tous privilèges, qui demeureront supprimés. Art. 9. Que les trois ordres du clergé, de la noblesse et du tiers-état seront également assujettis à l’impôt territorial en nature et argent, à la capitation, dont il ne sera fait qu’un seul et même rôle pour les trois ordres, et que tous privilèges pécuniaires, de quelque nature qu’ils soient, relativement à l’exemption des impositions et charges publiques, à quelques provinces, ordres,. villes, corps ou particuliers qu’ils appartiennent, seront irrévocablement supprimés. Art. 10. Que le gouvernement ne pourra à l’avenir mettre aucun des impôts ci-dessus en fermes ou régies, et qu’il ne pourra être fait, pour aucun desdits impôts, aucuu abonnement général par le gouvernement à aucune province, ni par aucune province à aucune ville, bourg, village, ordre, corps ou particuliers. Art. 11. Que toutes les charges et dépenses de l’Etat, soit générales, comme les corvées, soit particulières à des provinces, villes ou cantons, comme ponts, casernes, hôpitaux, édifices publics, dans le cas où le gouvernement vient à leur secours, seront acquittées avec les impôts ci-dessus, sans qu’on puisse jamais en lever de particuliers pour ces objets. Art. 12. Que les droits de francs-fiefs et nouveaux acquêts du centième denier en collatérale seront supprimés. Art. 13. Qu’il sera dressé dans chaque bailliage un état exact du domaine réel de Votre Majesté; qu’il sera déclaré par Votre Majesté et les Etats généraux aliénable, et comme tel, vendu, et le prix employé au payement des dettes de l’Etat; et qu’au cas où il ne plairait pas à Votre Majesté d’en ordonner ainsi, qu’à l’avenir il n’en sera fait aucune vente ou échange sans le consentement des Etats généraux. Art. 14. Qu’il sera accordé aux Etats généraux la faculté de reviser les anciennes aliénations par voie de vente, échange ou autrement, pour pourvoir à la lésion qui aurait pu en résulter. Art. 15. Qu’il sera accordé à vos sujets la faculté de racheter, à tel denier qu’il plaira à Votre Majesté de déterminer, les droits de stellage, minage, mesurage, portage, halage, péage, et tous autres de pareille nature, ensemble les mainmortes, les banalités, les corvées réelles, personnelles et mixtes, à tels seigneurs que ces droits puissent appartenir, même à Votre Majesté, ainsi que les censives, les carilés non seigneuriales , dues tant à Votre Majesté, qu’aux corps et communautés ecclésiastiques , fabriques, hôpitaux et autres gens de mainmorte. Art. 16. Que toutes les loteries généralement quelconques seront abolies, comme ruineuses pour votre peuple. ADMINISTRATION DE LA IUSTICE, LOIS CIVILES ET CRIMINELLES, LIBERTÉ DES CITOYENS ET DE LA PRESSE. Art. 1er. Qu’il sera établi dans chaque province une cour souveraine dans le chef-lieu de la généralité. Art. 2. Que l’administration de la justice dans tout le royaume sera remise entre les mains de Votre Majesté, par la suppression des justices seigneuriales et des justices ecclésiastiques, tant en matière civile que criminelle, même entre ecclésiastiques, sauf l’indemnité des seigneurs, s’il y a lieu. [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Châlons-sur-Marne.] 593 Art. 3. Que tous les tribunaux d’exception et d’attribution, tant en première instance qu’en dernier ressort, en matière civile, Criminelle ou d’impôts, seront supprimés, et les finances remboursées par l’Etat. Art. 4. Qu’il sera établi, dans chaque ville et bourg considérable, un seul et unique tribunal, auquel on circonscrira un arrondissement, et qui connaîtra en première instance, et sauf l’appel à la cour souveraine, de toute matières, même de celles d’impôts, excepté celles du commerce, et qu’il sera composé d'un nombre de juges proportionné à l’étendue de son arrondissement. „ Art. 5. Que toute espèce de committimus, lettres de garde gardienne et autres privilèges attributifs de juridiction seront supprimés à tels corps, tribunaux ou particuliers qu’ils puissent appartenir, même celui du scel au Châtelet et de toutes les universités. Art. 6. Qu’il n’v aura dans chaque village de l’arrondissement qu’un commissaire pour les matières de police et de délits, dont il dressera de simples procès-verbaux qu’il renverra sur-le-champ au tribunal du ressort pour y être pourvu, qui recevra le serment des gardes messiers, apposera les scellés, fera les créations de tutelle, curatelle, avis de parents, et autres actes d’hôtel. Art. 7. Que la vénalité des charges de judicature sera abolie, et que la finance des charges supprimées sera remboursée par l’Etat. Art. 8. Que les juges, tant des cours souveraines que des tribunaux inférieurs, seront honorablement gagés ; en conséquence, que leurs fonctions seront gratuites et leurs offices néanmoins inamovibles. Art. 9. Que le droit de choisir les membres de ces tribunaux appartiendra à Votre Majesté, sur la présentation qui lui sera faite par les communes de trois sujets pris parmi les avocats qui-auront exercé près d’un tribunal pendant un temps déterminé, et recommandables par leur savoir et leur intrégritê. Art. 10. Que les cours souveraines ne pourront être composées que d’anciens magistrats tirés des tribunaux inférieurs, sur la présentation que les Etats de la province feront à Votre Majesté de trois sujets, parmi lesquels elle choisira. Art. 11. Que toutes les charges de judicature et de finance, même celles de chancelleries donnant la noblesse, seront supprimées. Art. 12. Que le nombre des notaires, procureurs et huissiers sera réduit dans la proportion des besoins de leurs arrondissements, réduction qui ne s’opérera néanmoins que par le décès du titulaire, aux héritiers duquel la finance de l’office supprimé sera remboursée par l’Etat. Art. 13. Que dès à présent les receveurs des consignations, les commissaires auxsaisies réelles, les huissiers-priseurs, les greffiers des experts seront supprimés, et qu’en conséquence les dépôts des deniers de justice seront faits entre les mains des notaires ou greffiers, sans frais ; que les ventes de meubles seront exemptes de tous droits, et que les experts pourront rédiger eux-mêmes leurs procès-verbaux, qu’ils seront tenus de déposer au greffe du tribunal qui les aura commis. Art. 14. Qu’il sera fait un règlement pour prévenir les frais et la longueur des procédures ; en conséquence, que tous les droits de scel, présentation, contrôle, droits réservés et autres généralement quelconques, qui se perçoivent sur les actes de justice contentieuse, seront supprimés, et que tout procès sera terminé dans l’année. Art. 15. Qu’il sera dressé un nouveau tarif pour lre Série, T. II. Jes droits de contrôle, centième denier et insinuation, dans lequel les citoyens et les contrats seront classés de manière à ne plus prêter à l’arbitraire. Que ce tarif sera déterminé sur les sommes et qualités. Que toute interprétation en sera défendue. Que toute recherche ultérieure sera interdite, sous quelque prétexte que ce soit, après que l’acte aura été contrôlé. Art. 16. Que la connaissance de l’exécution de ce tarif sera attribuée aux juges ordinaires, lesquels jugeront sur simple mémoire, sans frais ni amende, sauf l’appel à la cour souveraine, où l’instruction se fera aussi sans frais ni amende. Art. 17. Que, pour remédier à la confusion de nos lois civiles, il sera dressé une loi générale ui sera le véritable droit commun du royaume, roit auquel les coutumes et la jurisprudence particulières à chaque pays feront seules exception. Art. 18. Que ces coutumes et cette jurisprudence seront enfin recueillies et confirmées d’une manière aussi authentique qu’invariable. Art. 19. Que notre jurisprudence criminelle sera réformée, et notamment que l’usage de la sellette et de la question sera aboli ; qu’il sera donné un conseil aux accusés après le premier interrogatoire ; que le surplus de l’instruction sera fait sous l’assistance et en présence du conseil de l’accusé ; que les peines seront mitigées et les confiscations abolies. Art. 20. Qu’il sera pourvu, par les moyens les plus convenables, à détruire l’injuste préjugé qui fait rejaillir sur une famille entière la flétrissure d’un de ses membres. Art. 21. Que la liberté individuelle de chaque citoyen sera rendue sacrée et inviolable par l’abolition des lettres de cachet. Art. 22. Que la liberté de la presse sera accordée. j CLERGÉ. Art 1er. Qu’il sera pourvu à l’acquit des dettes du clergé, tant en principal que rentes. Art. 2. Que pour les rentes, elles soient acquittées concurremment avec la dette nationale et sur les impôts publics, si le clergé consent à contribuer avec le tiers-état aux impôts quelconques sur ses biens et facultés, sans distinction ni privilège, et pour le remboursement des capitaux par les moyens et ainsi qu’il suit. Art. 3. Que, pour faciliter ces remboursements, tous les bénéfices simples à la nomination du Roi, d’un revenu de deux mille livres et au-dessus, déterminé d’après les derniers baux, seront mis pendant trois ans en économat à chaque vacance. Art. 4. Que les annates des bénéfices qui v sont sujets ne seront plus payées à la cour de Rome, et qu’elles seront employées au même objet. Art. 5. Que l’on s’occupera des moyens d’empêcher de sortir du royaume les sommes qui se versent annuellement à la cour de Rome, pour provisions, dispenses, . etc., et qu’elles seront aussi employées au même objet. Art. 6. Qu’après l’extinction des dettes du clergé, le produit des annates, provisions, dispenses, etc., sera versé au trésor royal pour les besoins de l’Etat. Art. 7. Qu’il sera permis aux gens de mainmorte de placer leurs fonds à constitution sur les particuliers, pour l’utilité du commerce. Art; 8. Que la retenue du dixième, qui se fait ordinairement sur les ventes des bois appartenant aux communautés d’habitants en faveur 38 594 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Châlons-sur-Marne. des pau vres communautés religieuses, n’aura plus Jteii. Art. 9. Que, pour régler tout ce qui a rapport à la discipline ecclésiastique, il sera ordonné un concile national, dont le retour sera périodique. Art. 10. Qu’il sera pourvu à la réduction du trop grand nombre de fêtes et jours fériés comme nuisibles surtout à la classe la plus indigente du peuple. Art, U. Que les canons et règlements qui prescrivent la résidence des bénéficiers, et défendent la pluralité des bénéfices, seront ponctuellement exécutés. Art-12. Que les petits bénéfices simples, comme chapelles et prébendes collégiales, seront conservés comme étant des ressources pour les familles. Art. 13. Que, pour posséderun canonieat, il faudra ayoir exercé pendant quinzeans dans le ministère. Art. 14. Qu’il sera donné aux curés et vicaires des revenus suffisants et relatifs à la population de leurs paroisses, et qu’il y sera pourvu par la réunion des biens des bénéficiers autres que ceux énoncés en l’article 12 ci-dessus, au moyen de quoi le casuel sera supprimé, et il sera interdit aux curés de faire aucun commerce ni de prendre aucune ferme, même celle des dîmes. Art. 15. Que chaque annexe et succursale aura son titulaire particulier lorsque les habitants le demanderont, et que les Etats provinciaux l’auront approuvé. Art. 16. Que k construction et l’entretien des presbytères seront à la charge du clergé. Art. 17. Que l’émission des vœux en religion, pour l’un et l’autre sexe, ne pourra se faire avant l’âge de vingt-cinq ans. Art. 18. Que toutes les maisons religieuses de l’un et de l’autre sexe, où il n’y aura pas dix sujets, seront supprimées, et leurs biens mis en économat pour l’acquit des dettes du clergé, dotation des curés et vicaires, construction et entretien des presbytères, etc., à l’exception néanmoins des maisons religieuses qui se trouveront seules dans les petites villes et gros bourgs, à la charge par les religieux, comme condition expresse de leur conservation, d’ouvrir un cours gratuit d’études et d’instruction. Art. 19. Que les bénéficiers seront tenus d’entretenir les baux faits par leurs prédécesseurs, au moins pour la récolte des terres que le fermier actuel aurait labourées ou ensemencées. NOBLESSE ET SERVICE MILITAIRE. Art. 1er. Que la noblesse continuera de jouir de toutes les distinctions honorifiques qui lui sont propres, à l’exception des privilèges pécunaires auxquels une partie considérable de cet ordre a déjà renoncé par cet esprit de générosité qui lui est si naturel. Art. 2. Que, pour en assurer et en conserver l’éclat, elle ne sera plus le prix de la vénalité, mais celui des vrais services rendus à l’Etat dans la profession des armes, la magistrature, dans le commerce, les sciences et les beaux-arts. Art. 3. Que néanmoins l’injuste et humiliante distinction qui éloigne le tiers-état des grades militaires disparaîtra à jamais devant le mérite et les vrais services ; en conséquence, que la déclaration de 1784 soit révoquée, et celle de 1750 rétablie. ADMINISTRATION PARTICULIÈRE A LA CHAMPAGNE. Le tiers-état de votre bailliage de Ghâlons supplie Votre Majesté de prendre en considération que la province de Champagne est de toutes les provinces du royaume la plus surchargée d’impôts , proportionnellement à sa population et au produit de son sol, étant démontré que la somme de ses impôts excède celle de son produit ; d’où suit la nécessité, quelque parti que Votre Majesté prenne sur les impôts, de lui accorder une juste diminution. Pour que cette province puisse faire elle-même la répartition de ses impôts avec justice, et la perception avec le moins de frais possible, et que Votre Majesté puisse y voir, comme elle le désire, augmenter la population et l’aisance de ses habitants, en favorisant l’agriculture, le commerce et les arts, le tiers-état supplie Votre Majesté d’accorder et ordonner : Art. 1er. Que la province de Champagne sera érigée en Etats provinciaux organisés comme ceux du Dauphiné, et avec les mêmes pouvoirs pour la répartition et la perception des impôts. Art. 2. Qu’il n’y aura qu’un seul receveur des impositions dans chaque chef-lieu de département, et que celui qui sera établi près les Etats provinciaux sera en même temps le receveur général de la province, et versera directement au trésor royal. Art. 3. Que la cour souveraine, dont on a demandé l’établissement pour chaque province, aura son siège à Ghâlons, centre de la province et chef-lieu de la généralité. Art. 4. Que les entrées et octrois dans les villes seront supprimés, ou au moins modifiés et simplifiés, et que les municipalités ne pourront en obtenir sans le vœu des communes assemblées et autorisées par les Etats provinciaux. Art. 5. Que les comptes de tous les établissements publics seront chaque année rendus publics par la voie de l’impression ; qu’il ne sera fait aucune levée de deniers pour le secours des établissements de charité, qu’elle n’ait été accordée par les commuues. Art. 6. Que dans chaque ville considérable de la. province, if y aura des greniers publics toujours remplis et fournis au compte de sa municipalité. Art. 7. Que le régime des eaux et forêts sera mis sous l’administration des Etats provinciaux, le contentieux réservé aux juges ordinaires; que le nombre des usines à feu sera diminué à cause de la rareté extrême des bois dans cette province, et que la plantation en sera encouragée. Art. 8. Que le génie des ponts et chaussées ne sera plus employé dans cette province, et que les Etats provinciaux seront autorisés à supprimer les grandes routes qu’ils jugeront inutiles, et à en former d’autres qu’ils jugeront nécessaires. Art. 9. Que les privilèges exclusifs des messageries seront révoqués et supprimés, comme nuisibles à la liberté des citoyens et à la facilité du commerce. Art. 10. Que le tirage de la milice sera fait au moins de frais possible, et que tous les domestiques, même ceux des ecclésiastiques et des nobles, y seront assujettis, à la réserve d’un domestique par chaque ecclésiastique attaché au ministère, par chaque gentilhomme un domestique par chaque charrue, et un domestique vigneron, à raison de dix arpents de vignes; si mieux n’aiment les garçons sujets au sort fournir à leurs frais des hommes au Roi : Art. 11. Qu’il n’y ait aucune exemption pour le logement des gens de guerre, même pour le clergé et la noblesse, si ce n’est pour les ecclésiastiques, curés, vicaires, militaires en activité, et les femmes veuves et les filles tenant seules leur ménage. [États gén. 1789. Cahiers.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Châlons-sur-Marne.] 59£> Art. 12. Que les règlements sur la mendicité 5 seront strictement exécutés; que les pauvres seront nourris par leurs communautés, et que dans les cas où ils mendieront hors de leurs communautés, ils seront arrêtés’ et enfermés dans les maisons de force. Art. 13. Que, pour l’encouragement dp l’agriculture en Champagne, les haras seront supprimés dans la province. Art. 14. Que, pour la conservation des fruits de la terre, il sera pourvu, par des règlements, à la trop grande multiplication du gibier et animaux nuisibles aux empouilles» Qu’en conséquence toutes garennes sans titres seront détruites ; que les seigneurs qui auront le droit d’en conserver, seront tenus de dédommager les cultivateurs des dégâts que les lapins. auront pu causer, et qui pourront être constatés par une simple visite faite avant les moissons, à l’effet de quoi les arrêts des 21 juillet 1778 et 15 mai 1779 seront révoqués. Que, pourempêcherlamultiplication despigeons et les inconvénients qui en résultent, les Etats provinciaux seront autorisés à déterminer la quantité d’arpents de terre nécessaires pour avoir une volière, relativement à la qualité du sol de chaque pays. Art. 15. Que, pour favoriser le commerce en Champagne, il sera pourvu aux moyens les plus propres à faciliter la navigation sur les rivières qui traversent cette province, et particulièrement sur la rivière de Marne* Art. 16. Que tous droits de rivières, péages et autres de pareille nature seront supprimés, sauf l’indemnité en faveur des seigneurs. Art. 17. Qu’il sera accordé à cette province la liberté indéfinie du commerce et de l’exercice des arts et métiers. Art, 18. Que les manufactures seront encouragées, et que l’on ne choisira pour les inspecter que des fabricants intelligents et honnêtes. Art. 19. Qu’il sera établi, dans chaque ville considérable de la province, une caisse pour faciliter le commerce et détruire l’usure. Art. 20. Que les poids et mesures seront uniformes dans tout le royaume, au moins dans chaque province. Art, 21. Que la compétence des juridictions consulaires soit établie dans l’état’ où elle était avant la déclaration du 17 avril 1759, et même augmentée, s’il se peut, à raison de l’augmentation de la valeur du numéraire. Art. 22. Que l’on n’accorde aucun arrêt de surséance ni lettres de répit en matière de commerce. Art. 23. Que les règlements concernant les charlatans et les empiriques seront renouvelés et suivis. Art. 24. Qu’il ne sera permis à aucun chirurgien de s’établir dans les campagnes qu’après un examen fait par ceux qui doivent y procéder aux termes des règlements, et en présence du procureur du Roi du siège du ressort, et sur un certificat des examinateurs et du magistrat. Telles sont, Sire, les plaintes et doléances et et les très-humbles Supplications et remontrances que le tiers-état de votre bailliage de Ghâlons a l’honneur de présentera Votre Majesté et auxquelles il vous supplie d’avoir égard et faire droit suivant les vues de votre sagesse et les sentiments de votre bonté paternelle. Fait et rédigé par nous , commissaires soussignés , 4n la Salle d’audience du bailliage royal de Châlons, en seize vacations , les 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20 et 21 mars 1789 ; sur les cahiers des plaintes et doléances des communautés dudit bailliage , réunis par leurs députés composant l’assemblée géneraleduâit bailliage dudit jour 12 mars ; signé en fin . Thomas , Billy, Gharlier, Folias, Pïcart, Hachetté, Coque-taux, Barbat, Gamiat, Savetier, Gobillart, Marguet, A.-L. Grojean, Joly, de Beaumont, Ghoizy, Sab-hathier, de La Cour, Huguet, P. Loehet, Cellier, Lalire, Degaulle, Prieur, Martin, procureur du Roi, et Bremont, lieutenant-général, Présentées , lues et arrêtées en l’assemblée générale du tiers-état du bailliage de Châlons, tenue en l’église du collège , le lundi 23 mars 1789, par nous , Charles-Jean-Bremont, conseiller du Roi, lieutenant général au bailliage et siège présidial de Châlons , président , en présence du procureur du Roi audit siège , suivant le procès-verbal dudit jour , et ont les députés , composant ladite assemblée , signé en grand nombre , les signatures desquels députés se trouvent en fin au nombre de 246, Pour copie collationnée et délivrée conforme à l’original des présentes par moi, greffier en chef au bailliage et siège présidial de Châlons-sur-Marne, soussigné. Signé SOULLIÉ. CAHIER ' Des plaintes et doléances du tiers-état dé lâ ville de Châlons, remis à MM> Pierre-François Richard et Jean-Baptiste Jourdain, élus députés aux prochains Etats généraux pat l’ordre du tiers-état du bailliage royal , le 10 mars 1789 (1). Le tiers-état de la ville de Châlons ne séparera pas, dans ses doléances, sa cause d’avec celle du reste du tiers-état du royaume ; l’intérêt général de l’Etat étant son objet le plus cher , il désire ardemment que tous les intérêts particuliers s’y réunissent et s y Confondent. Habitant d’une ville franche et conséquemment privilégiée, le premier acte de patriotisme dont le tiers-état de cette ville pourrait offrir l’hommage à l’intérêt public, serait le sacrifice de ses privilèges, s’il pouvait être de quelque utilité générale, et de demander à contribuer aux impôts et charges publiques dans la plus parfaite égalité avec le reste du tiers-état, ou plutôt avec tous les ordres de l’Etat, relativement à ses propriétés, ses facultés, son commerce et son industrie. Il se contentera seulement d’observer, pour l’intérêt particulier des citoyens de cette ville, qu’outre les charges communes avec le tiers-état, ils sont encore grevés en particulier de l’entretien des murs, fossés, ponts, portes et pavés de la ville, d’une garnison qui n’est pas casernée , et d’une foule de passages de troupes» Que les deniers patrimoniaux de la ville n’étant pas suffisants pour toutes ces charges, elle est obligée de recourir à des octrois considérables aux entrées, aux passages, au détail, lesquels enchérissent les denrées de consommation, nuisent à la circulation générale des objets de commerce, et détruisent pour la ville eh particulier tous les genres de ressources. Que plusieurs seigneurs jouissent dans cette ville de droits extrêmement nuisibles au commerce des grains en particulier , tels que celui d’instituer des mesures au porteur aux bateaux et autres, dont Userait avantageux que la commune pùt être autorisée à faire le rachat. Qu’enfinla police est tellement divisée en cette (1) Nous publions te tahier d’après un imprimé de la . Bibliothèque du Corps législatif . [États gén. 1789. Cahiers.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Châlons-sur-Marne.] 59£> Art. 12. Que les règlements sur la mendicité 5 seront strictement exécutés; que les pauvres seront nourris par leurs communautés, et que dans les cas où ils mendieront hors de leurs communautés, ils seront arrêtés’ et enfermés dans les maisons de force. Art. 13. Que, pour l’encouragement dp l’agriculture en Champagne, les haras seront supprimés dans la province. Art. 14. Que, pour la conservation des fruits de la terre, il sera pourvu, par des règlements, à la trop grande multiplication du gibier et animaux nuisibles aux empouilles» Qu’en conséquence toutes garennes sans titres seront détruites ; que les seigneurs qui auront le droit d’en conserver, seront tenus de dédommager les cultivateurs des dégâts que les lapins. auront pu causer, et qui pourront être constatés par une simple visite faite avant les moissons, à l’effet de quoi les arrêts des 21 juillet 1778 et 15 mai 1779 seront révoqués. Que, pourempêcherlamultiplication despigeons et les inconvénients qui en résultent, les Etats provinciaux seront autorisés à déterminer la quantité d’arpents de terre nécessaires pour avoir une volière, relativement à la qualité du sol de chaque pays. Art. 15. Que, pour favoriser le commerce en Champagne, il sera pourvu aux moyens les plus propres à faciliter la navigation sur les rivières qui traversent cette province, et particulièrement sur la rivière de Marne* Art. 16. Que tous droits de rivières, péages et autres de pareille nature seront supprimés, sauf l’indemnité en faveur des seigneurs. Art. 17. Qu’il sera accordé à cette province la liberté indéfinie du commerce et de l’exercice des arts et métiers. Art, 18. Que les manufactures seront encouragées, et que l’on ne choisira pour les inspecter que des fabricants intelligents et honnêtes. Art. 19. Qu’il sera établi, dans chaque ville considérable de la province, une caisse pour faciliter le commerce et détruire l’usure. Art. 20. Que les poids et mesures seront uniformes dans tout le royaume, au moins dans chaque province. Art, 21. Que la compétence des juridictions consulaires soit établie dans l’état’ où elle était avant la déclaration du 17 avril 1759, et même augmentée, s’il se peut, à raison de l’augmentation de la valeur du numéraire. Art. 22. Que l’on n’accorde aucun arrêt de surséance ni lettres de répit en matière de commerce. Art. 23. Que les règlements concernant les charlatans et les empiriques seront renouvelés et suivis. Art. 24. Qu’il ne sera permis à aucun chirurgien de s’établir dans les campagnes qu’après un examen fait par ceux qui doivent y procéder aux termes des règlements, et en présence du procureur du Roi du siège du ressort, et sur un certificat des examinateurs et du magistrat. Telles sont, Sire, les plaintes et doléances et et les très-humbles Supplications et remontrances que le tiers-état de votre bailliage de Ghâlons a l’honneur de présentera Votre Majesté et auxquelles il vous supplie d’avoir égard et faire droit suivant les vues de votre sagesse et les sentiments de votre bonté paternelle. Fait et rédigé par nous , commissaires soussignés , 4n la Salle d’audience du bailliage royal de Châlons, en seize vacations , les 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20 et 21 mars 1789 ; sur les cahiers des plaintes et doléances des communautés dudit bailliage , réunis par leurs députés composant l’assemblée géneraleduâit bailliage dudit jour 12 mars ; signé en fin . Thomas , Billy, Gharlier, Folias, Pïcart, Hachetté, Coque-taux, Barbat, Gamiat, Savetier, Gobillart, Marguet, A.-L. Grojean, Joly, de Beaumont, Ghoizy, Sab-hathier, de La Cour, Huguet, P. Loehet, Cellier, Lalire, Degaulle, Prieur, Martin, procureur du Roi, et Bremont, lieutenant-général, Présentées , lues et arrêtées en l’assemblée générale du tiers-état du bailliage de Châlons, tenue en l’église du collège , le lundi 23 mars 1789, par nous , Charles-Jean-Bremont, conseiller du Roi, lieutenant général au bailliage et siège présidial de Châlons , président , en présence du procureur du Roi audit siège , suivant le procès-verbal dudit jour , et ont les députés , composant ladite assemblée , signé en grand nombre , les signatures desquels députés se trouvent en fin au nombre de 246, Pour copie collationnée et délivrée conforme à l’original des présentes par moi, greffier en chef au bailliage et siège présidial de Châlons-sur-Marne, soussigné. Signé SOULLIÉ. CAHIER ' Des plaintes et doléances du tiers-état dé lâ ville de Châlons, remis à MM> Pierre-François Richard et Jean-Baptiste Jourdain, élus députés aux prochains Etats généraux pat l’ordre du tiers-état du bailliage royal , le 10 mars 1789 (1). Le tiers-état de la ville de Châlons ne séparera pas, dans ses doléances, sa cause d’avec celle du reste du tiers-état du royaume ; l’intérêt général de l’Etat étant son objet le plus cher , il désire ardemment que tous les intérêts particuliers s’y réunissent et s y Confondent. Habitant d’une ville franche et conséquemment privilégiée, le premier acte de patriotisme dont le tiers-état de cette ville pourrait offrir l’hommage à l’intérêt public, serait le sacrifice de ses privilèges, s’il pouvait être de quelque utilité générale, et de demander à contribuer aux impôts et charges publiques dans la plus parfaite égalité avec le reste du tiers-état, ou plutôt avec tous les ordres de l’Etat, relativement à ses propriétés, ses facultés, son commerce et son industrie. Il se contentera seulement d’observer, pour l’intérêt particulier des citoyens de cette ville, qu’outre les charges communes avec le tiers-état, ils sont encore grevés en particulier de l’entretien des murs, fossés, ponts, portes et pavés de la ville, d’une garnison qui n’est pas casernée , et d’une foule de passages de troupes» Que les deniers patrimoniaux de la ville n’étant pas suffisants pour toutes ces charges, elle est obligée de recourir à des octrois considérables aux entrées, aux passages, au détail, lesquels enchérissent les denrées de consommation, nuisent à la circulation générale des objets de commerce, et détruisent pour la ville eh particulier tous les genres de ressources. Que plusieurs seigneurs jouissent dans cette ville de droits extrêmement nuisibles au commerce des grains en particulier , tels que celui d’instituer des mesures au porteur aux bateaux et autres, dont Userait avantageux que la commune pùt être autorisée à faire le rachat. Qu’enfinla police est tellement divisée en cette (1) Nous publions te tahier d’après un imprimé de la . Bibliothèque du Corps législatif . 596 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Châlons-sur-Marne.] ville, que le défaut de concert entre les différents seigneurs qui en jouissent chacun dans leurs bans respectifs, la rend presque nulle : ce qui a fait désirer à la ville, dans tous les temps, que l’exercice en fût confié à ses frais aux officiers municipaux, qui ne seraient alors que les pairs ou jurés de leurs concitoyens. Passant ensuite aux deux grands et principaux objets qui doivent occuper les prochains Etats généraux , c’est-à-dire « de remédier au mau-« vais état des finances, et d’établir un ordre « constant et invariable dans toutes les parties du «■ gouvernement quipeuvent intéresser le bonheur « du peuple et la prospérité du royaume, » le tiers-état de la ville de Châlons proposera sur ces deux objets les doléances suivantes, qui embrasseront : L’administration générale ; La partie des impôts ; Le commerce ; Les administrations provinciales; La noblesse et le militaire ; Les réformes à faire dans le clergé et ses biens ; Dans l’administration de la justice ; Dans nos lois civiles et criminelles ; Dans les domaines réels; Enfin dans quelques parties importantes de la féodalité le plus à charge au peuple. ADMINISTRATION GÉNÉRALE. Le tiers-état de la ville de Châlons demande, Art. 1er. Qu’aux prochains Etats généraux les voix soient prises par tête et non par ordre. Art. 2. Qu’à l’avenir toutes les nominations graduelles qui auront lieu pour parvenir à l’élection des députés à envoyer aux Etats généraux soient faites au scrutin. Art. 3. Qu’auxdits prochains Etats généraux il soit demandé au Roi et arrêté comme loi constitutionnelle : 1° Que les Etats généraux ne puissent jamais être composés que des trois ordres, du clergé, de la noblesse et du tiers-état, et de manière que les députés du tiers-état y soient toujours au moins en nombre égal à ceux des deux autres ordres réunis, et que les députés de chaque ordre ne puissent être pris que dans l’ordre même ; 2° Que lesdits Etats généraux soient déclarés irrévocables, qu’ils soient à l’avenir convoqués et assemblés périodiquement tous les trois ou cinq ans. Art. 4. Que chaque ordre composant lesdits Etats généraux puisse s’assembler séparément sous la présidence d’un orateur, qu’il ne pourra choisir que dans son ordre. Art. 5. Qu’aux Etats généraux seuls appartienne le droit de consentir les impôts et les emprunts, et de sanctionner les lois, dont l’enregistrement ne sera confié aux tribunaux que pour leur donner la publicité nécessaire dans chaque ressort. Art. 6. Que les impôts ne puissent y être consentis que pour un temps limité, et proportionnellement aux besoins de l’Etat. Art. 7. Qu’il soit décidé que les trois ordres contribueront également, en raison de leurs propriétés et facultés, à toute espèce d’impositions, et que tous les privilèges pécuniaires, de quelque nature qu’ils soient, relatifs à l’exemption des impositions et charges publiques, seront irrévocablement supprimés. Art. 8. Que les prochains Etats généraux se fassent représenter : 1° Un état exact de la dette nationale; 2° Un semblable état de toutes les charges et dépenses annuelles de l’Etat. 3° Un autre état du produit des impôts et impositions généralement quelconques actuellement subsistants. Art. 9. Que, par la comparaison de ces états, l’on constate le déficit actuel, le besoin du secours extraordinaire à accorder pour l’instant, et enfin que l’on détermine la quotité de l’impôt à lever par la suite pour fournir aux charges et dépenses annuelles. Art. 10. Que la dette ainsi reconnue soit acceptée par les Etats comme dette de la nation, et soit acquittée sur le produit des impôts, dont une partie soit même spécialement affectée à des remboursements annuels. Art. 11. Que toutes les charges et dépenses de l’Etat, soit générales comme les corvées, soit particulières à des provinces, villes ou cantons, comme ponts, casernes, hôpitaux, édifices publics, dans le cas où le gouvernement vient à leur secours, soient prises sur l’impôt général, sans qu’on puisse jamais en lever de particulier pour ces objets. Art. 12. Qu’avant de déterminer la quotité de l’impôt, et pour aider à sa diminution, l’on ait recours à des retranchements et à une sage économie dans toutes les parties de l’administration. Art. 13. Que pour tous les objets de dépense de la maison du Roi, de la Reine et de la famille royale, le Roi soit supplié d’accepter une somme annuelle, qu’il voudra bien déterminer lui-même. Art. 14. Qu’à l’avenir il ne soit payé par le trésor royal aucune somme pour dettes étrangères aux affaires de l’Etat. Art. 15. Que dans toutes les parties de l’administration il ne subsiste que des emplois indispensables, payés dans une juste proportion avec le travail et l’utilité. Art. 16. Que les appointements des gouverneurs des provinces et des villes, des lieutenants du Roi et majors de places soient réduits dans une juste proportion avec leurs services et leur représentation. Art. 17. Que les pensions et les gratifications dans toutes les parties ne soient accordées à l’avenir qu’aux vrais services rendus à l’Etat, à la condition que la liste en sera annuellement rendue publique par l’impression, et que les causes qui les auront fait accorder seront énoncées. Art. 18. Que les Etats généraux se fassent représenter un état exact des pensions qui subsistent actuellement , afin qu’elles puissent être modérées ou retranchées sur le degré de service des pensionnaires. Art. 19. Que le ministre des finances soit tenu de rendre public tous les ans, par la voie de l’impression, le compte de son administration par articles détaillés de recette et de dépense. Art. 20. Que tous ces comptes soient présentés à chaque assemblée des Etats généraux, et qu’eux seuls puissent les arrêter valablement et donner décharge légale au ministre. Art. 21. Qu’il n’y ait aucune commission intermédiaire dans l’intervalle des assemblées des Etats généraux, et que tous les pouvoirs que l’on pourrait donner à une telle commission pour assurer l’exécution des résolutions des Etats généraux, soient réservés aux Etats provinciaux, dont on va demander l’établissement. IMPOTS A RÉFORMER ET A REMPLACER. Art. 1er. Que les tailles, taillons, accessoires de [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Châlons-sur-Marne.] 597 la taille, vingtièmes , aides, gabelles, traites de l’intérieur, soient supprimées. Art. 2. Que ces impôts soient remplacés : 1° Par des traites qui soient reportées aux frontières, et consistent dans des droits modérés sur les objets d’importation et d’exportation, droits qui soient réglés sur la balance du commerce et le plus ou moins d’intérêt qu’aura la nation à les hausser ou baisser, plutôt pour l’avantage de son propre commerce que pour l’intérêt du fisc ; 2° Par un impôt territorial qui se perçoive en nature sur les fruits des fonds immeubles, comme terres, prés, vignes, sauf à le porter à un taux assez considérable sur les vins, pour qu’il puisse tenir lieu d’aides ; 3° Par le même impôt perçu en argent sur les autres espèces de biens, comme bois, riv-ières, étangs, prés et marais en pâture, parcs, jardins, vergers, moulins, bâtiments, forges, verreries et autres usines généralement quelconques ; 4° Sur les produits des droits incorporels, comme rentes foncières, féodales et autres profits de fiefs annuels ; 5° Par une capitation ou industrie sur les capitalistes, banquiers, commerçants, rentiers, artisans, et toutes personnes qui ne tiennent à aucune corporation, à l’exception néanmoins des manouvriers des campagnes et des journaliers des villes qui n’ont d’autre ressource que leurs bras; 6° Par un impôt sur le sel, perçu dans les salines, et qui soit tel que le prix de la livre de sel, qui sera rendu marchand, ne puisse excéder sept ou huit sols aux plus grandes distances ; lequel sel ne pourra être tiré des magasins qu’après y être resté le temps prescrit par les règlements, et sera toujours soumis à l’avenir à l’inspection des juges des lieux pour en prévenir l’altération ; 7° Par un droit une fois perçu sur tous brevets et provisions d’offices, dignités et emplois. Art. 3. Que l’on détermine la quotité des impôts ci-dessus sur les besoins de l’Etat, comparés avec le produit des impôts à supprimer. Art. 4. Qu’il n’y ait pour aucune espèce d’impôts aucun abonnement général ou particulier. COMMERCE. Art. 1er. Que les jurandes pour le commerce et les arts et métiers soient rétablies telles qu’elles étaient avant l’édit de 1777, sans distinction d’anciennes et nouvelles communautés, dont les membres actuels soient réunis en une seule; en conséquence, que chaque communauté se règle suivant ses anciens statuts. Art. 2. Que leur police soit soumise au juge royal. Art. 3. Que le colportage soit défendu. Art. 4. Que les brevets de maîtrise soient donnés par le Roi et à son profit, sur les certificats des jurés de chaque corporation, et qu’en conséquence, l’Etat demeure chargé des dettes anciennes de toutes les communautés. Art. 5. Que les visites dans chaque communauté se fassent gratuitement, et qu’il en soit de même de la reddition des comptes des syndics et jurés. Art. 6. Que les droits sur les huiles, savons, cuirs, cartons, papiers, amidons et de la marque d’or et d’argent et sur les fers, soient supprimés. Art. 7. Que les poids, mesures et jauges soient uniformes dans tout le royaume. Art. 8. Que la compétence des juridictions consulaires soit établie dans l’état où elle était avant la déclaration du 17 avril 1759, et même augmentée, s’il se peut, à raison de l’augmentation de la valeur du numéraire. Art. 9. Que la connaissance de tout ce qui concerne les faillites leur soit attribuée exclusivement. Art. 10 Que l’on n’accorde aucun arrêt de surséance ni lettres de répit en matière de commerce. Art. 1 1 . Que les manufactures soient encouragées, et que l’on ne choisisse pour inspecteurs que les fabricants les plus intelligents et les plus honnêtes. Art. 12. Qu’il soit établi dans chaque ville du royaume, pour favoriser le commerce, des caisses à l’instar de celle de Poissy. Art. 13. Que les règlements concernant les charlatans et empiriques soient renouvelés et ponctuellement exécutés. ADMINISTRATION PARTICULIÈRE DE LA CHAMPAGNE. Art. 1er. Que la province de Champagne soit érigée en Etats provinciaux organisés comme ceux du Dauphiné. Art. 2. Que le Roi et les Etats généraux soient suppliés de prendre en considération que la province de Champagne est, de-toutes les provinces, la plus surchargée d’impôts, proportionnellement à sa population et au produit de son sol, étant démontré que la somme de ses impôts excède celle de son produit. Art. 3. Qu’il n’y ait qu’un seul receveur de� impositions dans chaque chef-lieu de département, et que celui près des Etats provinciaux soit en même temps le receveur général de la province, lequel versera directement au trésor royal. Art. 4 . Que l’on diminue le nombre des grandes routes dans la province. Art. 5. Que l’on supprime tous privilèges exclusifs, et particulièrement ceux des messageries. Art. 6. Que le tirage de la milice soit fait au moins de frais possible, et que tous les domestiques, même ceux des ecclésiastiques et des nobles, y soient indistinctement assujettis. Art. 7. Qu’il n’y ait aucune exemption pour le logement des gens de guerre, même pour le clergé et la noblesse, si ce n’est pour les curés et les militaires actuellement en activité. Art. 8. Que l’on diminue le nombre des usines à feu dans cette province, à cause de la rareté extrême du bois, et que les eaux et forêts soient mises sous l’administration des Etats provinciaux. Art. 9. Que les entrées et octrois dans les villes soient modérés et simplifiés, et que les municipalités ne puissent en obtenir sans le vœu des communes assemblées, autorisées par les Etats provinciaux. Art. 10. Que dans chaque ville considérable de la province, il y ait des greniers publics toujours fournis au compte de chaque municipalité. Art. 11. Que les comptes de tous les établissements publics soient chaque année rendus publics par la voie de l’impression, et qu’il ne soit fait aucune levée de deniers pour le secours des établissements de charité, qu’elle n’ait été accordée par les communes. NOBLESSE ET MILITAIRE. Art. 1er. Que la noblesse continue de jouir de toutes les distinctions qui lui sont propres, à l’exception des privilèges pécuniaires. Art. 2. Que, pour en assurer et en conserver l’éclat, elle ne soit plus le prix de la vénalité, mais celui des vrais services rendus à l’Etat dans la profession des armes, de la magistrature, dans le commerce, les sciences et les beaux-arts. Art. 3. Que néanmoins l’injuste et humiliante distinction qui éloigne le tiers-état des grades militaires, pour n’y admettre que les nobles, dis- 598 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de CMloiw-sur-Marne,î paraisse à jamais devant le mérite et les vrais services ; en conséquence, que la déclaration de 1784 soit révoquée, et celle de 1750 rétablie. CLERGÉ, Art. 1*?, Qu�jl soit pourvu au remboursement des dettes du clergé. Art. 2. Que, pour y parvenir, tous les bénéfices simples, à la nomination du Roi, d’un revenu de 2,000 livres et au-dessus, déterminé suivant les derniers baux, soient mis pendant deux ans en économat à chaque vacance, Art, 3. Que les annateg des bénéfices qui y sont sujets, ne soient plus payées à la cour de Rome, et qu’elles soient employées au même objet du payement des dettes du clergé. Art. 4, Que Sa Majesté et les Etats généraux soient suppliés de s’occuper des moyens d’empêcher de sortir du royaume des sommes immenses qui se versent annuellement à la cour de Rome, pour provisions, dispenses, etc., et qu’elles puissent être aussi employées, au même objet. Art. 5. Que les canons et règlements qui prescrivent la résidence, et défendent la pluralité des bénéfices, soient ponctuellement exécutés. Art. 6. Que les petits bénéfices simples, comme chapelles, prébendes, collégiales, soient conservés, comme étant une ressource pour les familles, Art. 7. Que nul ne puisse être nommé chanoine, qu’il n’ait exercé pendant quinze ans dans le ministère. Art. 8. Qu’il soit donné aux curés des revenus suffisants et relatifs à la population de leur paroisse, et qu’il y soit pourvu par la réunion des biens de bénéfices autres que ceux énoncés en l’article 6 ci-dessus, Art. 9. Que chaque annexe et succursale ait son titulaire particulier. Art. 10. Que l’émission des vœux en religion pour l’un et l’autre sexe ne puisse se faire avant l’âge de vingt-cinq ans. Art. 11, Que toutes les maisons religieuses de l’un et de l’autre sexe, où il n’y aura pas dix sujets, soient supprimées, et leurs biens mis en économat pour l’acquit des dettes du clergé, dotation des curés, etc. Art. 12. Que le Roi et les Etats généraux soient •suppliés de prendre en considération le trop grand nombre des fêtes et jours fériés, comme nuisible surtout à la classe la plus indigente du peuple. ADMINISTRATION DE LA JUSTICE, LOIS CIVILES ET CRIMINELLES, PQMAINES RÉELS ET FÉODALITÉ, Art. l*r. Qu’il y ait dans la province de Champagne une cour souveraine établie dans le chef-lieu de la généralité. Art, 2. Que la vénalité des charges dejudicature soit abolie, et que la finance en soit remboursée par l’Etat. Art. 3. Que l’administration de la justice dans tout le royaume soit remise entre les mains du Roi par la suppression de toutes les justices seigneuriales, Art. 4. Que l’on supprime également toutes les justices ecclésiastiques sur les matières civiles et criminelles, même entre ecclésiastiques. Art 5. Que tous les tribunaux d’exception et d’attribution, tant de première instance qu’en •dernier ressort, en matière civile, criminelle ou d’impôt, à l’exception néanmoins des juridictions consulaires, soient aussi supprimées et les finances aussi remboursées par l’Etat. Art. fi, Que toute espèce de committjrnus� lettre de garde gardienne et autres privilèges attributifs de juridiction soient supprimés, à tel corps, tribunaux ou particuliers qu’ils puissent appartenir, même Je scel du Châtelet et le privilège de l’Université de Paris. Art. 7. Qu’il n’v ait dans chaque village et bourg considérable qu’un seul et unique tribunal qui connaisse de toutes les matières possibles, excepté celles du commerce, et qu’il soit composé d’un nombre de juges et d’officiers proportionné à son étendue. Art, 8. Qu’il n’y ait dans chaque village qu’un commissaire pour les matières de police et de délits, dont il dressera de simples procès-verbaux, qu’il renverra sur-le-champ au tribunal du ressort pour y être pourvu ; qui appose les scellés, fasse les inventaires, les créations de tutelle, curatelle, avis de parents et autres actes d’hôtel, Art. 9, Que les juges soient honorablement gagés par l’Etat; en conséquence, que leurs fonctions soient purement gratuites. Art. 10. Que le droit de choisir les membres de ces tribunaux soit réservé au Roi sur la présentation qui lui sera faite de trois sujets par les communes. Art, 11. Que le choix des communes puisse tomber principalement sur les avocats, recommandables par leur savoir et leur intégrité, après un temps d’ exercice déterminé. Art, 12. Que les cours souveraines ne puissent être composées que d’anciens magistrats, tirés des tribunaux inférieurs , sur la présentation que chaque administration provinciale fera au Roi de trois sujets parmi lesquels il choisira. Art, 13, Que les prôsideuts, avocats, procureurs du Roi des cours souveraines soient choisis par le Roi parmi les membres de chacune de ces cours, et que ces places donnent la noblesse transmissible. Art. 14. Que toutes autres charges de judicature et de finances, meme de la chancellerie, donnant la noblesse, soient supprimées, Art. 15. Que le nombre des notaires, procureurs, huissiers, soit réduit dans la proportion des besoins de leurs arrondissements. Art. 16. Que dès à présent les huissiers-priseurs et greffiers des experts soient supprimés ; et qu’en conséquence les ventes volontaires de meubles soient libres et exemptes de toutes sortes de droits. Art. 17. Qu’il soit fait un règlement pour prévenir les frais et la longueur des procédures, et que tous les droits de scel, de présentation, droits réservés et autres généralement quelconques qui se perçoivent sur les actes de justice contentieuse, soient supprimés. Art. 18. Qu’il soit dressé un nouveau tarif pour les droits de contrôle, centième denier et insinuation, dans lequel les contrats et les citoyens soient classés de manière à ne plus prêter à d’arbitraire. Que ce tarif soit déterminé sur les sommes et qualités. Que toute interprétation en soit défendue. Que toute recherche ultérieure soit interdite, sous tel prétexte que ce soit, après que l’acte aura été contrôlé. Art. 19. Que la connaissance de l’exécution du tarif soit attribuée aux juges ordinaires, lesquels jugeront sur simples mémoires sans frais ni amende, sauf l’appel, qui s’instruira aussi sans frais ni amende. Art. 20. Que, pour remédier à la confusion d# p 08 lois civiles� il soit dressé une loi’ généraf$ [États gén. 1789. Cahiers.] qui soit Je véritable droit du royaume, auquel les coutumes et la jurisprudence particulière à chaque province feront seules exception. Art. 21. Que ces coutumes et cette jurisprudence soient enfin recueillies et confirmées d'une manière aussi authentique qu’invariable. Art. 22. Que notre jurisprudence criminelle soit réformée, et notamment que l’on abolisse l’usage de la sellette et de la question; que l’on donne un conseil aux accusés après le premier interrogatoire; que l’instruction soit faite sous l’assistance et en présence du conseil de l’accusé; que les peines soient mitigées et les confiscations abolies. Art. 23. Que la liberté individuelle de chaque citoyen soit rendue sacrée et inviolable par l’abolition des lettres de cachet, et clans le cas où les Etats généraux ne pourraient l’obtenir indéfiniment, que le Roi soit supplié d’en modérer l’usage dans sa sagesse. Art. 24. Que la liberté de la presse soit accordée. Art. 25. Que toutes loteries généralement quelconques soient abolies, comme ruineuses pour le peuple. Art. 26. Qu’il soit dressé un état exact de tous les domaines du Roi dans chaque bailliage ; qu’ils soient déclarés aliénables par le Roi et les Etats généraux, et comme tels vendus, et le prix employé au payement des dettes de l’Etat, et que, dans le cas oao a ne pourrait l’obtenir, qu’il ne puisse en être fait aucune vente ou échange sans le consentement des Etats généraux. Art. 27. Que les Etats généraux demandent la révision des anciennes aliénations par voie de vente, échange ou autrement, pour pourvoir à la lésion qui aurait pu en résulter. Art. 28. Qu’il soit accordé la faculté de racheter les mainmortes, les banalités, les corvées réelles, personnelles et mixtes à tels seigneurs que ces droits puissent appartenir, mémo au Roi, ainsi que les censives, les carités non seigneuriales dues tant au Roi qu’aux corps et commuuautés ecclésiastiques, fabriques, hôpitaux et autres gens de mainmorte. Art. 29. Que les droits de franc-fief et nouveaux acquêts soient abolis et supprimés. Art. 30 et dernier. Que, dans les pouvoirs qui seront donnés aux deux députés du tiers-état du bailliage de Châlons aux Etats généraux, il soit expressément stipulé que lesdits députés ne pourront consentir aucun impôt, qu’au préalable l’organisation, l’irrévocabilité et retour périodique des Etats généraux , Rétablissement des Etats provinciaux, et d’une cour souveraine en Champagne , la reconnaissance de la dette nationale, Vt l’égale contribution de tous les ordres aux impôts n’aient été déterminés par les Etats, et consentis par Sa Majesté, ainsi que le tiers-état de la ville de Châlons le demande par ses présentes doléances. Fait, et rédigé par nous, commissaires soussignés, en l’hôtel de ville de Châlons , en huit vacations, les 5, 6, 7, 8, et 9 mars 1789, sur les cahiers des plaintes et doléances qui nous ont été remis par les députés des corps, communautés et bourgeois composant rassemblée générale dudit jour 5 mars. Signé Mathieu, Delestrée, Raussin, Gauthier, Paindavoine, de Chantrenne, Prignet, Charlier, de Blacy, Prieur, Gellée, Thomas, échevin et commissaire P. Lochet, A. L. GROSJEAN, échevin et commissaire, Ourlet, échevin et commissaire. Présenté, lu et arrêté en l’assemblée générale le 10 dudit, mois de mars, et ont signé au procès-verbal : [Bailliage de Châlons-sur-Marne.] 599 Pierre-François Richard et Jean-Baptiste-Jourdain, députés du bailliage royal; Etienne-Manget et Jérôme-Artus Moignon, députés de l’élection ; Jean-Désiré Champion, député de la .juridiction du grenier à sel; Jean-Claude-Louis Raussiu et Pierre Lemaire , députés du bailliage de Châlons, comté-pairie de France ; Jean-Claude-Louis Raussin et Jean-Adam Faciot, députés du bailliage de Yidamé ; J.-C.-L. Raussin et François Drouot, députés au bailliage du chapitre ; Félix-Alexandre de Blacy et François-Joseph Lefebvre, députés des bourgeois et citoyens libres; Germain-Jean-Baptiste Dubois de Chantrenne et Charles-Germain Coqteaulx, députés de l’échevinage de la police ; Joseph Gellée et Antoine Aubert, députés du corps des médecins; Claude-Urbain Renault et François-Xavier Varnier, députés du bailliage de Toussaint ; Jacques Petit et Jacques-Joseph Coqteaulx, députés de la communauté des notaires; Pierre Briquet et François Mercier, députés de la communauté des imprimeurs, libraires et relieurs; Claude Guenaulh et Henri Charpentier, députés de la communauté des orfèvres et horlogers ; Pierre-Louis Prieur et François-Xavier Varnier , députés du bailliage de Saint-Pierre ; Jean -Adam Faciot et Louis-Joseph Charlier, députés de l’ordre des avocats ; François Drouot et Jean-Baptiste Bonnaire, députés de ia communauté des procureurs ; Louis-Nicolas De-rone et François-Nicolas Paindavoine, députés de la juridiction consulaire; Claude-Melchior Degaule et Claude Theuveny, députés de la communauté des apothicaires ; Michel-Augustin Mesnil, député de la corporation des maçons et couvreurs ; François Sabbathier et Claude-Charles-François Delestrée, députés delà société de l’Académie; Joseph Seignes, député de ia communauté des perruquiers-barbiers; Pierre Chrétien, député des fabricants de bas; Philippe Legrand et François Begin, députés de la corporation des huissiers et sergents ; Claude Michel, député de la communauté des amidon-mers ; François Hubert, député de la communauté des cordonniers en neuf et en vieux; Jean-Pierre Abraham, député de la communauté des couteliers, armuriers, arquebusiers et fourbisseurs; Gaston Adrien, députe de la communauté des poissonniers ; Pierre Denis, Claude Tarte et Pierre Lemaire, députés du siège prévôtal ; Gaston Adrien, député de la communauté des bouchers et charcutiers ; Jean-Baptiste Maillet, député de la communauté des charpentiers ; Etienue Carré, député delà communauté des boulangers; Antoine Person, député de la communauté des tondeurs et ap-prêteurs ; Antoine Praux, député de la communauté des tailleurs-frippiers d’habits en neuf et eu vieux; Jean-Baptiste Prignet, député de la corn munauté des menuisiers, ébénistes, tourneurs, tonneliers et boisseliers; Jean-Baptiste Lëcuyer, député de la communauté des maréchaux, serruriers, ferblantiers, taillandiers et cloutiers ; Jean-Baptiste Aviat, député de la communauté des fondeurs et chaudronniers ; Jacques Gauthier, député de la communauté des chapeliers et bonnetiers; Jules Nicaise, député de la communauté des traiteurs, rôtisseurs et pâtissiers; Jean Lon clas et Pierre Lochet, députés de la communauté des fabricants ; Louis de Philipponnat et Jean Boissel, députés de la communauté des épiciers ; Jean-Baptiste-Athanase Kegnaud et Maxime Mathieu, députés de la communauté des marchands drapiers et merciers ; Nicolas Lallemand, député de la communauté des tanneurs , corroveurs , peaussiers et mégissiers ; Philippe-Louis Del et Louis Charlier, députés de la corporation des ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 000 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Châlons-sur-Marne.l maîtres en chirurgie ; Claude Lepinette, député de là communauté des teinturiers; Noël-Etienne Galichet, député de la communauté des tapissiers, vendeurs de meubles et miroitiers ; Jean Faille, député de la corporation des jardiniers ; Pierre Radet , député des tisserands ; Etienne Doué , député de la communauté des selliers, bourreliers et charrons ; Jean-Louis Thouille, député de la communauté des vitriers, peintres et doreurs ; Claude-Antoine Deulin, député de la communauté des aubergistes, cafetiers et limonadiers; François Chaigneaux, député des pannetiers et vanniers ; Jean Millet, député des cordiers et chan-vriers ; Gilles le gendre, député de la corporation des torcheurs et plafonneurs ; Antoine Beaufort, député des pierriers; Florimont Pariset, député des cabaretiers à bouchon ; de Berle , maire ; Thomas, échevin ; Le Moine de Yillarsy, échevin Ouriet, échevin : Grosjean, échevin ; Turpin, procureur du Roi, syndic ; le maire, secrétaire.