62 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE l’aristocratie peut-être ( Plusieurs membres : fai-tes-les arrêter!), pour avilir la représentation nationale, voulaient faire croire que son intention était de traîner cette affaire en longueur. Je dirai plus : c’est qu’on a tenté de soulever Paris en faveur de Carrier; des émissaires du crime ont parcouru les sections pour engager une lutte entre les citoyens qui les habitent et la Convention nationale. D’après ces renseignements, vos comités ont cru devoir augmenter la garde ordinaire de six mille hommes. Dira-t-on qu’il fallait attendre, pour prendre ces mesures, que des malheurs fussent arrivés ? Je ne le crois pas. Le devoir du législateur est de prévenir le mal, et non pas d’appliquer le remède quand le mal est venu. Je demande, afin de faire taire les malveillants, et de terminer cette affaire, que demain, à onze heures précises, Carrier monte à la tribune, et continue sa défense (43). Cette proposition est adoptée (44). CRASSOUS : Je demande, au nom des secrétaires, que la Convention procède à leur renouvellement. Plusieurs membres : Après que l’affaire de Carrier soit terminée. La séance est levée à sept heures (45). Elle porte ensuite sur la forme et sur la question de savoir si les copies collationnées peuvent suffire : un membre [LEFIOT] observe qu’un de ces arrêtés se trouve produit deux fois dans les pièces, et qu’il n’est pas conforme dans les deux, que cette contradiction détruit l’authenticité; il conclut à l’apport des originaux. Un autre membre [BOURDON (de l’Oise)] soutient qu’on ne doit pas juger un représentant du peuple sur des copies collationnées, qu’elles ne peuvent suffire lorsqu’il s’agit du moindre délit. Ces observations sont combattues : les uns pensent que dans les faits imputés à Carrier, il peut y en avoir de suffisants pour déterminer l’acte d’accusation ; ils demandent qu’on suive la discussion sur la suite du rapport. D’autres observent que les pièces originales ne peuvent être nécessaires que pour le jugement, et non pour l’accusation; d’autres craignent que la demande des pièces ne retarde la décision ; on demande que la Convention fixe des jours pour continuer la discussion, sans qu’elle absorbe tout le temps des séances et des comités, et afin qu’elle ne nuise pas à la marche du gouvernement: enfin, après plusieurs débats, la Convention décrète que les arrêtés des 27 et 29 frimaire seront apportés en original. (43) Moniteur, XXII, 568-575. Rép., n° 64 ; Gazette Fr., n° 1057. (44) Moniteur, XXII, 575. (45) Moniteur, XXII, 575. Gazette Fr., n° 1056 indique huit heures. De nouvelles difficultés s’élèvent sur la rédaction; on demande le rapport du décret, on demande la suspension. Ces propositions sont écartées par l’ordre du jour. La rédaction est mise aux voix article par article; il se fait divers amendements et propositions additionnelles. Le décret est définitivement adopté en ces termes : La Convention nationale [sur le rapport de MAILHE] décrète ce qui suit : Art. premier.- Toutes les pièces originales relatives à l’affaire Carrier, et qui se trouvent à Nantes, notamment les arrêtés des 27 et 29 frimaire, et les pièces originales relatives au procès de Fouquet et Lamberty et à la compagnie Marat, seront apportées sans délai au comité de Sûreté générale, après avoir été cotées et paraphées par l’agent national près le district de Nantes, qui en constatera l’état. Art. II.- Le conseil général de la commune de Nantes est chargé, sous sa responsabilité, de l’exécution de l’article précédent ; ceux qu’il commettra pour porter lesdites pièces, sont autorisés à requérir pendant la route une force armée suffisante. Art. iii.- La discussion sera néanmoins continuée ; et si la Convention nationale se trouve d’ailleurs suffisamment éclairée, elle prononcera qu’il y a ou qu’il n’y a pas lieu à accusation. Art. IV.- Le comité de Sûreté générale enverra sur le champ le présent décret par un courrier extraordinaire, au conseil général de la commune de Nantes. Un membre [CRASSOUS] observe que le bureau devoit être renouvelé hier; il demande que la Convention fixe une séance pour procéder au renouvellement. Cette proposition n’a pas de suite. La discussion sur l’affaire de Carrier est renvoyée à demain onze heures précises (46). La séance est levée à sept heures et demie du soir (47). Signé, LEGENDRE, président, GUIMBERTEAU, MERLINO, THIRION, DUVAL (de l’Aube), secrétaires. En vertu de la loi du 7 floréal, l’an troisième de la République française une et indivisible. Signé, GUILLEMARDET, BALMAIN, J. -J. SERRES, CAÂ. B LAD, secrétaires (48). (46) P.-V., L, 23-25. C 327, pl. 1430, p. 16, sous la signature de Mailhe. Rapporteur Mailhe selon C*II, 21. (47) P.-V., L, 25. Débats, n° 790, 881 indique « une séance qui s’est prolongée depuis midi jusqu’à huit heures ». (48) P.-V., L, 25.