296 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [27 novembre 1789.] 4e ANNEXE à la séance de l'Assemblée nationale du 27 novembre 1789. Nota. — Le procès du prince de Lambesc, l’un des premiers qu’instruisit le Châtelet, en 1789, attira vivement l’attention publique. Nous croyons devoir à ce titre, lui donner place dans les Archives parlementaires, en reproduisant les articles de l'instruction jusqu’au 28 juin 1790. PROCÈS DU PRINCE DE LAMBESC. PREMIÈRE PIÈCE. ASSEMBLÉE DES REPRÉSENTANTS DE LA COMMUNE DE PARIS. Arrêté de Vassemblée des représentants de la Commune de Paris concernant ta dénonciation de M. le prince de Lambesc et autres , accusés du crime de lèse-nation. Du mercredi 27 octobre 1789. L’assemblée, convaincue que dans un gouvernement libre il n’est personne qui puisse se soustraire à l’empire de la loi; que si ce. principe est vrai pour les actions privées des citoyens, il l’est encore davantage pour tout ce qui concerne l’ordre public ; que, par la même raison que la loi protège tous les individus, quelque rang qu’ils occupent dans la société, elle doit également, s’ils deviennent coupables, les punir, sans égard pour leur naissance, leurs dignités, leurs richesses ; qu’autant les citoyens généreux qui ont concouru à briser nos fers sont dignes d’éloges et méritent une reconnaissance sans bornes, autant les hommes pervers qui, par leurs conseils, leurs projets, leurs actions se sont opposés ou s’opposent encore à la régénération de la France, doivent être dévoués à l’indignation publique et livrés au glaive vengeur de la justice. Considérant que si ces hommes, coupables du plus grand des crimes, celui de lèse-nation, n’ont été m poursuivis juridiquement, ni punis légalement, c’est que la nature de leur crime exigeait la création d’un tribunal qui n’existait point parmi nous; que le tribunal que les représentants de la Commune sollicitent depuis si longtemps et avec tant d’empressement est enfin accordé à leurs vœux et à ceux de toute la nation ; que déjà l’assemblée des représentants de la Commune a autorisé le commandant général de la garde nationale parisienne à prendre les mesures nécessaires pour que le sieur de Bésenval soit incessamment soumis à ce tribunal; mais qu’elle ne doit pas borner à ce prisonnier sa sollicitude, son zèle et son activité ; qu’il en est encore d’autres qui sont ou détenus ou fugitifs; que la nécessité des circonstances n’ayant que trop fait différer la punition de ceux qui sont coupables et la justification de ceux qui sont innocents, et que ces circonstances ayant cessé, il n’y a pas un instant à perdre pour procédera une instruction qui produira le double effet et de venger, par la loi, la nation trahie, et de rassurer la France en faisant connaître les projets formés contre sa liberté, leurs auteurs, fauteurs, complices et adhérents; Par toutes ces considérations , l’assemblée a unanimement arrêté que le procureur-syndic de la Commune et ses adjoints seront spécialement chargés de dénoncer au tribunal nommé par l’Assemblée nationale , pour juger les prévenus de crime de lèse-nation , tous ceux qui, selon la notoriété publique, sont accusés de ce crime, ainsi que leurs complices, fauteurs ou adhérents, et d’y dénoncer notamment le prince de Lambesc, accusé d’être entré violemment, à la tête d’une troupe armée, dans les jardins des Tuileries, le 12 juillet dernier, et de s'y être rendu coupable d’un assassinat sur la personne d’un citoyen qui s’y promenait paisiblement et sans armes ; En conséquence, enjoint au procureur-syndic de la Commune et à ses adjoints de développer à cet égard toute l’étendue de leur ministère, tant par rapport aux fugitifs qu’à ceux qui sont actuel-lement détenus, ou le seront par la suite, à raison du crime de lèse-nation ou de tous autres délits publics ; leur enjoint aussi de se faire délivrer par les greffiers, concierges des différentes prisons les écrous des prévenus de ces crimes ou délits pour en accélérer le jugement; Et sera le présent arrêté envoyé aux soixante districts, publié et affiché. Signé : Bailly, Maire. Blondel, ) De la Vigne, > Présidents. Marchais, ] Vigée.LI0’ j Secrétaires. SECONDE PIÈCE. A M. le prévôt de Paris , M. le lieutenant civil, M. le lieutenant criminel , MM. les lieutenants particuliers, et MM. tenant le Châtelet et siège présidial de Paris. Vous remontre le procureur du Roi, que par les lettres patentes de Sa Majesté données à Paris le 25 octobre dernier, portant sanction du décret de l’Assemblée nationale, du 21 du même mois, lesdites lettres patentes dûment enregistrées au greffe de la compagnie, vous êtes autorisés, Messieurs, conformément audit décret, à juger en dernier ressort les prévenus et accusés de crime de lèse-nation : Que l’assemblée des représentants de la Commune de Paris, suivant son procès-verbal du 27 dudit mois d’octobre, dont un extrait, signé : Bertolio, secrétaire, a été communiqué audit procureur du Roi, a unanimement arrêté que le procureur-syndic de la Commune et ses adjoints seront spécialement chargés de vous dénoncer, Messieurs, tous ceux qui, selon la notoriété publique, sont accusés des crimes de lèse-nation, ainsi que leurs complices, fauteurs ou adhérents, et de vous dénoncer notamment le prince de Lambesc, accusé d’être entré violemment, à la tête d’une troupe armée, dans le Jardins des Tuileries, le 12 juillet dernier, et de s’y être rendu coupable d’un assassinat sur la personne d’un citoyen qui s’y promenait paisiblement et sans armes. Qu’en exécution de l’arrêté de la Commune de Paris, ci-dessus énoncé, le procureur-syndic de ladite Commune est comparu par devant ledit procureur du Roi, en son cabinet au Châtelet de Paris, le 30 dudit mois dernier, suivant le procès-verbal du même jour, joint au présent réquisitoire, et a dénoncé audit procureur [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [27 novembre 17S9.J du Roi, et à Messieurs, ceux qui, selon la notoriété publique, sont accusés du crime de lèse-na-tion, leurs complices, fauteurs et adhérents, les auteurs, machinateurs, et fauteurs de tous complots contre la liberté de la nation, laquelle dénonciation, s’étend tant sur ceux qui sont fugitifs, que sur ceux qui sont actuellement détenus ou qui seront arrêtés par la suite, et a, ledit sieur procureur syndic, dénoncé notamment le prince de Lambesc, accusé d’être entré violemment, à la tête d’une troupe armée dans le jardin des Tuileries, le 12 juillet dernier, et de s’y être rendu coupable d’un assassinat sur la personne d’un citoyen qui s’y promenait paisiblement et sans armes. Dans ces circonstances, ledit procureur du Roi estime qu’il est de son devoir et de son ministère de se pourvoir aux lins ci-après. A ces causes, requiert lui être donné acte de la plainte qu’il rend des faits imputés au prince de Lambesc, mentionnés tant à l’arrêté des représentants de la Commune de Paris, du 27 octobre dernier, et en la dénonciation du procureur-syndic de la Commune, du 30 du même mois, qu’au présent réquisitoire; en conséquence, être ordonné qu’il en sera informé, circonstances et dépendances, par devers celui de MM. qui sera nommé à cet effet par la compagnie, en présence de deux adjoints, conformément aux lettres patentes du Roi, du mois d’octobre dernier, portant sanction des décrets de l’Assemblée nationale des 8 et 9 du même mois, lequel commissaire par vous nommé sera autorisé à se transporter avec lesdits adjoints, si besoin est, en la demeure, d’aucuns témoins qui seraient retenus chez eux pour cause de maladie ou blessures, à l’effet de recevoir leurs dépositions, comme aussi requiert les particuliers blessés dans le jardin des Tuileries, le 12 juillet dernier, soit par le prince de Lambesc personnellement, soit par les gens armés qui l’accompagnaient, et leurs chevaux, être vus et visités par les médecins et chirurgiens du Châtelet, à l'effet de constater la cause et l’état actuel de leurs blessures, pour le tout fait et communiqué audit procureur du Loi, être par lui requis, et par vous, Messieurs, ordonné ce qu’il appartiendra ; et vous ferez justice. Signé : De Flandre de Brunville. Au bas est l’ordonnance qui donne acte au procureur du Roi de la plainte, permet d’informer, et nomme M. Millon, conseiller au Châtelet, pour rapporteur. Cette ordonnance est signée de M. Talon , et des adjoints, le 3 novembre 1789. TROISIÈME PIÈGE. INFORMATION. Procès-verbal d’information, faite au Châtelet de Paris, par M. Millon, conseiller ; A la requête du procureur du Roi, demandeur et accusateur; En présence des sieurs de Sage et Gabult, adjoints; Contre M. le prince de Lambesc, au sujet des faits à lui imputés, énoncés au réquisitoire du dit procureur du Roi; En exécution du jugement du 3 novembre 1789. Dudit jour 3 novembre 1789. En la maison du sieur Tricot, chez lequel on 297 s’est transporté, attendu son état de maladie. Premier témoin. Le sieur Tricot (1) (le juge s’y est transporté), Dépose que le dimanche, 12 juillet dernier, étant au Palais-Royal, sur les 6 h. 1/2-7 heures du soir, il suivit une multitude de gens qui se rendaient aux Champs-Elysées, où l’on disait qu’il y avait des troupes; qu’ayant traversé avec plusieurs autres personnes les Tuileries, et parvenu au pont tournant, il avait aperçu une troupe de hussards et de dragons, qui étaient en ordre de bataille, mais tranquilles, ne faisant aucune menace , ni maltraitant personne ; que sur les 8 h. 1 /4 un particulier, qu’il ne connaît pas, mais que tout le monde a dit être M. le prince de Lambesc, est entré à cheval dans les Tuileries, par le pont tournant, le sabre à la main; après qu’il a été fait une décharge de mousquetene par la troupe qui le suivait, lui déposant a vu ledit particulier, qu’on lui a assuré être le prince de Lambesc, porter un coup de sabre sur la tête d’un particulier, vêtu de bleu ou de brun, autant que la distance à laquelle il était et l’obscurité lui ont permis de distinguer, lequel est tombé par terre sur le coup; et comme lui déposant se trouvait dans la ligne de la course du cheval de M. le prince de Lambesc, dont il était peu éloigné, soit pour éviter d’être foulé aux pieds des chevaux, soit pour ne pas être sabré comme le particulier qu’il avait vu tomber sur le coup à lui porté par M. le prince de Lambesc, il voulut se ranger dans des pierres qui étaient dans la place Louis XV, et à cet effet il voulut franchir une barrière, et par l’événement, il tomba et se démit la cuisse; en conséquence, il resta sur la place, et fut relevé par la garde de Paris, qui le ramena chez lui sur une civière; qu’ayant été assez malheureux pour que sa cuisse fut mal remise, il n’a pu se relever de son lit, et qu’il est condamné à rester estropié le reste de ses jours ; que lors de sa chute il a été blessé à l’estomac, ce qui le fait souffrir des douleurs. Le mercredi 4 novembre 1789. Deuxième témoin. Le sieur Jean-Louis Desmottes (2), aide de camp de M. de La Fayette, âgé de 31 ans, demeurant rue de Bourbon, hôtel de La Fayette, (1) L’ordonnance de 1670 dit que la déposition des témoins décédés avant le récolement sera rejetée et ne sera pas lue lors de la visite du procès, si ce n’est qu’elle aille à la décharge, auquel cas leur déposition sera lue. Le sieur Tricot est mort avant le récolement, avant même que le prince de Lambesc ait été décrété ; ainsi cette déposition n’a point d’objet pour l’accusation. Les juges ne doivent pas la lire en faisant la visite du procès, si elle faisait charge. Tout ce qui peut venir à la décharge d’un accusé doit être lu, c’est l’esprit de l’ordonnance. On ne doit pas négliger la première partie de cette déposition : on y voit qu’il y avait une troupe de hussards et de dragons en ordre de bataille, mais tranquilles, ne faisant aucune menace, ni maltraitant personne ; ce qui annonce bien qu’ils n’étaient là que pour le maintien de bon ordre. (2) Ce témoin ne dépose que de ouï dire, il ne fait pas charge. Il a vu comme le précédent des détachements, mais ne les a pas vus manœuvrer pour faire aucune incursion, 298 [27 novembre 1789.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Assemblée nationale.] A déposé que le dimanche 12 juillet dernier, sur les 5 heures, 1/2 6 heures du soir, étant sur la terrasse des Tuileries, faisant face à la place de Louis XV, il a vu arriver, sur ladite place, un détachement de hussards, un détachement de Royal-Gravute, un autre de chasseurs à cheval, chaque détachement composé d’environ cent maîtres; qu’une demi-heure après, lui déposant est descendu de la terrasse pour se rendre aux Champs-Elysées parla place Louis XV, qu’étant à l’entrée des Champs-Elysées, il a entendu une décharge de mousqueterie; que revenant sur ses pas pour s’assurer de ce que c’était, il a entendu dire de toutes parts qu’un détachement de Royal-Allemand était entré dans les Tuileries avec M. le prince de Lambesc; que ce même détachement avait tiré des coups de feu, qu’il venait d’entendre, et on disait aussi qu’il y avait eu plusieurs coups de sabre donnés. Troisième témoin. David-Etienne Rouillé de l’Etang (l), secrétaire du Roi, âgé de 59 ans, demeurant place de Louis XV. A déposé que sur les 8 heures du soir, du 12 juillet dernier, autant qu’il peut se rappeler, étant à la fenêtre d’une maison de la rue Royale, il a vu passer des corps de troupes à cheval dans la rue, se portant à la plaoe Louis XV ; que s’étant rendu aux Tuileries sur la terrasse, diu côté de la Renommée, il a vu et entendu tirer des coups de pistolet, qui lui ont paru tirés en l’air , ainsi que des pierres lancées en l’air par la multitude, et les cavaliers courant au galop; qu’il a également vu apporter auprès du bassin un soldat aux gardes, que Ton a d’abord dit tué d’un coup de feu, et ensuite blessé d’un coup de pied de cheval; qu’il ignore si M. le prince de Lambesc était du nombre des cavaliers qu’il a vus courir, ne le connaissant pas; qu’étant retourné à la meme croisée de la rue Royale, il a vu une troupe de cavalerie rangée près du pont tournant; qu’un moment après il avait cru voir, autant que la distance pouvait le lui permettre, cette même troupe entrer dans les Tuileries et en ressortir quelque temps après. Quatrième témoin. Raphaël Carle (2), commandant de bataillon du district des Barnabites, demeurant place Dauphine, A déposé qu’étant ailé au Palais le dimanche 12 juillet dernier, il avait entendu dire qu’il y avait de la cavalerie dans la place de Louis XV ; il s’y est porté pour s’assurer du fait; qu’arrivé au pont tournant, il a vu des cavaliers courant bride abattue, entrer dans le jardin des Tuileries, (1) Ce témoin ne fait aucune charge au piocès, il vient au contraire à la décharge de t’accusé. Il a entendu tirer des coups de pistolets qui lui ont paru tirés en l’air, et des pierres lancées en l’air par la multitude. Il a vu apporter un soldat aux gardes blessé d’un coup pied de cheval. U ignore si le prince était du nombre des cavaliers. Le fait seul à remarquer dans cette déposition, c’est celui des pistolets tirés en l’air et des pierres jetées. Décharge. (2) Ce témoin fait une version sur laquelle on reviendra par la suite, lorsque l’on fera le rapport de chacune des dépositions sur le fait du coup de sabre dont il parle. les uns le sabre à la main, les autres tirant des coups de pistolet sur les personnes qui rentraient de la promenade des Champs-Elysées par les Tuileries; qu’il ne peut dire si ces pistolets étaient chargés à balle, n’ayant vu personne de blessé; mais qu’il a vu distinctement l’un des cavaliers, qu’à raison de la distinction de son uniforme, il a appris être M. le prince de Lambesc, porter un coup de sabre sur la tête d’un particulier qui ne faisait aucun mouvement, qui avait le visage tourné du côté du fossé et les mains appuyées sur la rampe, à l’un des angles du pont tournant à droite, et que d’ailleurs il a vu Je dit prince de Lambesc courir de côté et d’autre, ainsi que ses cavaliers, sur le monde, tirant des coups de pistolets et sabrant de toutes parts, et que lui déposant regarde comme un miracle d’être échappé au danger qu’il a couru, ayant été environ pendant quinze minutes environné de cinquante cavaliers, tant venant du côté de la place que de l’intérieur des Tuileries. Cinquième témoin. Jean-Louis Chauvel (1), maître ès arts, demeurant passage des Ghartrcux, (1) Cette déposition fait la base de l’accusation; personne assurément n’a dû pouvoir rendre un meilleur compte que le blessé lui-même : il faut que les juges se pénètrent bien de la déclaration du blessé et qu’ils la comparent avec la dénonciation de la Commune. « On accuse le prince de Lambesc d’être entré violemment, à la tête d’une troupe armée, dans les jardins des Tuileries, le J 2 juillet, et de s’y être rendu coupable d’un assassinat, sur la personne d’un citoyen qui s’y promenait paisiblement et sans armes. » Ou voit, par la lecture de cette déposition, que le sieur Chauvel ne se promenait pas paisiblement dans les jardins des Tuileries. 11 a traversé la place de Louis XV ; parvenu au pont tournant, il Ta traversé seul, au moment où il a aperçu une troupe de cavalerie qui revenait au grand galop ; alors, et pour ne pas être écrasé par les chevaux, il s’est rangé sur la gauche du pont tournant, en entrant, et c’est dans ce moment qu’un cavalier lui a porté un coup de sabre. Celte version diffère de la plainte, et par elle on peut voir qu’il n’y avait de la part du cavalier aucune intention. Le fait vrai, le fait prouvé, c’est que le sieur Chauvel ne se promenait pas paisiblement. Il entrait, dit-il, dans les Tuileries, il s’est rangé sur la gauche dupont, et il est prouvé que le coup a été donné au moment où on disait : Fermez le pont. — Voir les 1er, 2e, 13e, 16e, 21e et 23° témoins de la continuation d’information ; les 3e, 10e, 13e, 17e, 1 9e et 20e de l’addition d'information, et les 1er, 2e, 6e, 8e, 9° et 10e de la seconde addition d’information. Tous ces témoins s’accordent à dire qu’on a crié : Fermez le pont. Le 13e, de la continuation d’information, dit qu’il s’est efforcé de fermer le pont. Le 3e, de l'addition, a crié de le fermer. Le 1er témoin de la continuation d’information croit avoir vu faire des efforts pour fermer 1e pont. Le 17e dit que le particulier blessé tenait la rampe du pont; tous les autres disent qu’ils ont entendu dire de fermer le pont. Les 3e et 10e, de l’information; les 3e, 5e, 11e, 12e et 21e, de la continuation d’information; les 10e, 13e, 19e et 20° de l’addition; les l«r, 6e, 8e, 9e et 10e, de la deuxième addition d’information, attestent qu’ils ont vu jeter des pierres, des bâtons, des chaises pour barrer le passage et empêcher le prince de sortir. Assurément, tous ces témoignages réunis sont plus que suffisants pour établir que le prince, pour se faire passage, pour empêcher les excès auxquels on se serait livré si on eût pu parvenir à le retenir dans les Tuileries avec son détachement, a dû donner l’ordre de tirer en l’air (et ce fait est encore prouvé au procès) et [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [27 novembre 1789.] 299 Lequel a déposé que, revenant de se promener du bois de Boulogne, le 12 juillet dernier, il a traversé la place de Louis XV, où il n’a vu personne ni aucun mouvement ; que, parvenu au pont tournant, il a traversé seul, au moment où il a aperçu une troupe de cavaliers qui revenaient au grand galop ; qu’alors, et pour n’être pas écrasé et renversé far les chevaux, il sest rangé sur la gauche du pont tournant en entrant, et que c’est dans ce moment que l’un de ces cavaliers lui a porté un coup de sabre sur la tête, qui a percé son chapeau, qu’il a représenté et sur lequel il a été observé une coupure de 23 lignes de longueur, et l’a blessé sur le sommet de la tête, ainsi qu’il est apparu de la cicatrice en résultant qu’il a fait voir, qui est de 21 lignes de lon-«gueur; qu’il n’a pu voir ni distinguer le cavalier qui lui a porté ce coup, attendu que le sang qui lui coulait de sa plaie sur les yeux et sur le visage ne le lui permettait pas, et qu’il ne peut rendre compte de ce qui s’est passé de surplus, s’étant reposé sur la banquette de l’un des enfoncements de la terrasse; qu’il s’est attroupé près de lui plusieurs personnes, qui l’ont d’abord conduit au Palais-Royal, et de là chez lui, où il s’est fait panser par son chirurgien, et a été rétabli au bout d’environ quinze jours. Du jeudi 5 novembre 1789. Sixième témoin. Antoine Boivin, maréchal des logis du régiment de Bourbon, demeurant marché Saint-Jean, hôtel de Chelles, Dépose que se promenant au Palais-Royal, le dimanche 12 juillet, y ayant entendu dire qu’il y avait du tumulte et des troupes qui se portaient sur le monde dans la place de Louis XV, et même dans les Tuileries, il a suivi une multitude de personnes qui se sont portées audit jardin des Tuileries, pour s’assurer de ce qui se passait ; qu'arrivé au pont tournant, et s’étant retiré dans l’une des embrasures de la terrasse, à gauche en sortant, il a vu arriver le corps commandé par de se servir de son arme pour se faire un passage, sans s’attacher plutôt à un individu qu’à un autre. La défense du prince pour se procurer sa retraite était de droit naturel, et on voit, par le procès lui-même, que le prince n’était pas monté sur un cheval d’escadron, mais sur un cheval blanc de chausse. Ce fait est attesté par les 26e, 27e et 28e témoins de la continuation d’information; les 13e et 18e de l’addition, et les 2e, 7e et 10e témoins de la deuxième addition d’information ; ce qui annonce qu’il n’avait aucune espèce d’intention, et que c’est, comme l’a dit M. de Résenval, par hasard qu’il l’a rencontré et lui a donné l’ordre d’entrer dans les Tuileries, ordre qui n’avait d’objet que d’écarter le peuple qui se portait à des excès envers la troupe; car il est prouvé qu’avant, l’entrée dans les Tuileries, on avait jeté des pierres aux troupes, qu’il y avait eu des soldats de blessés ; car, cet ordre donné, cet ordre exécuté était un acte de prudence ; mais il valait mieux se servir d’un détachement non rangé que de faire manœuvrer des troupes postées. Cette observation sur la déposition du sieur Chauvel tend à établir que Je compte qu’il rend n’est pas exact; le contraire est prouvé par deux dépositions. Il était en devoir de fermer le pont, et, n’y eût-il pas été, le prince a pu le croire, par sa position, parce qu’il dit l’endroit où il était et qu’il n’y a nul doute sur cet objet. Il est donc prouvé qu’il ne se promenait pas paisiblement, il était dans la mêlée, et le salut que le prince cherchait dans sa retraite est la seule cause de sa blessure, blessure involontairement faite et sans dessein. M. le prince de Lambesc, formé par trois, entrer dans les Tuileries par le pont tournant au trot, et ensuite se former par escadron, dans l'esplanade qui précède le grand bassin, et se répandre dans le fer à cheval qui environne le grand bassin ; qu’il a vu les cavaliers tirer des coups de pistolet en l’air; qu’il ne peut douter qu’ils ne lussent chargés à balle, attendu le sifflement qu’il a entendu dans les feuilles ; que quelque temps après, les mêmes cavaliers revenant au galop, pour ressortir des Tuileries par le pont tournant, il a vu l’un des deux officiers qui commandaient la troupe et à la droite, au coin du pont tournant, porter un coup de sabre sur la tête d’un homme qui cherchait à s’échapper, dont le chapeau est tombé par terre ; l’homme est disparu à ses yeux, et il l’a cru tombé dans le fossé; qu’il était alors 8 à 9 heures du soir ; qu’il s’est retiré, étant très-effrayé, et qu’il a entendu dire sur la terrasse que c’était le prince de Lambesc qui avait porté ce coup de sabre audit particulier. Septième témoin. Sieur Jean Devaine, receveur général des finances, demeurant rue Royale, place de Louis XV, A déposé ne pouvoir rendre compte du fait dont il s’agit, attendu que le dimanche 12 juillet dernier, il est sorti de Paris sur les 5 heures 1/2 du soir , pour se rendre à Neuilly , d’où il n’est revenu qu’à minuit; qu’en traversant l’allée des Champs-Elysées, il a vu des troupes de suisses rangées en ordre de bataille ; qu’à son retour chez lui, il lui a été dit que M. le prince de Lamhesc, à la tête de sa troupe, était entré dans les Tuileries et avait tué un homme. Huitième témoin. Claude Héroquelle, valet de chambre de M. l’abbé d’Espagnac, demeurant rue d’Anjou, faubourg Saint-Honoré, A déposé que le dimanche, 12 juillet, sur les 8 heures 1/4 du soir, ayant été se promener avec sa filleule au Champ-de-Mars, il s’aperçut que les suisses prenaient leurs armes; il passa la rivière au hac, en face des Invalides, et traversant la place de Louis XV, dans laquelle il vit des cavaliers de Royal-Gravate, Royal-Allemand, de hussards et dragons qui arrivaient du côté de la rue Royale, armés, et le sabre à la main; qu’arrivé avec la jeune personne qu’il accompagnait à quinze pas du pont tournant, il a aperçu des cavaliers de Royal-Allemand, venant par derrière lui au galop, à la tête desquels était un commandant, qu’on lui a dit être le prince de Lambesc ; qu’il s’écarta sur la droite le plus promptement possible, s’échappa à travers les pierres avec ladite personne; qu’il entendit une décharge do mous-queterie à l’entrée du jardin des Tuileries, et que lui se détermina à rentrer le plus tôt possible, et qu’il ne peut dire si c’est M. le prince de Lambesc, qui commandait cette troupe, ne le connaissant pas. Neuvième témoin. Pierre-Jérome Brayond, suisse de M. le duc de Rohan-Chabot, demeurant en son hôtel, A déposé qu’étant venu aux Tuileries sur les 8 heures 1/4, le 12 juillet dernier, il les a traversées et s’est rendu par le pont tournant à la place de Louis XV, où il a vu des escadrons 300 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [27 novembre 1789.] de Royal-Gravate et des hussards, dont les officiers causaient avec le peuple qui les approchait et l’exhortaient à se retirer; que dans l’intention de passer l’eau pour aller au faubourg Saint-Germain, il avait pris le parapet qui règne le long des fossés des Tuileries; qu’il avait fait environ cinq ou six pas sur ce parapet, que le bruit d’une troupe à cheval de Royal-Allemand en entrant au galop par le pont tournant dans les Tuileries le fit se retourner; qu’il aperçut un officier qui la commandait, qu’on lui avait dit être M. le prince de Lambesc, et qu’il a entendu une décharge d’artillerie, dont il a vu le feu , et qui lui a paru tirée en l'air; qu’elle fit quelque évolution qu’il n’a pu voir distinctement; que, très-peu après, la même troupe revenant pour sortir des Tuileries par le pont tournant, il] a vu bien distinctement le cavalier qui paraissait la commander, piquer son cheval et se détacher de sa troupe; lequel, en rencontrant au coin du pont tournant un petit homme, il lui porta un coup de sabre; la longueur d’environ cent pas dont il était de cette scène ne lui a pas permis d’en savoir davantage, joint à l’obscurité qui commençait. Dixième témoin. Pierre Contât, portier des Tuileries au pont tournant du côté de la Renommée, A déposé, que le dimanche, 12 juillet, sur les 8 heures du soir, il y avait dans la place de Louis XV des cavaliers de Royal-Cravate, hussards et dragons en ordre de bataille, auxquels il a vv, jeter quelques pierres par des particuliers, auxquels ces cavaliers ont répondu par quelques coups de feu; qu’à cet instant, craignant pour lui-même, sa famille et ses garçons, ils sont tous rentrés dans son logement, dont il a fermé les portes; il est vrai que par une des fenêtres de son logement, il a vu un escadron de Royal-Alle-mand entrer au galop dans le jardin des Tuileries par le pont tournant; qu’il a entendu une décharge de mousqueterie; qu’il ne peut dire si l’officier qui commandait cet escadron était M. le prince de Lambesc, n’ayant pu le distinguer, et qu’il n’a pu voir ce qui s’est passé à l’entrée du pont. Onzième témoin. Jean-Baptiste Haudebourg, marchand de vin aux Tuileries, au passage du pont tournant, à droite du côté de Mercure, A déposé, que sur les 8 heures du soir, le dimanche 12 juillet dernier, effrayé par les divers mouvements des troupes en ordre de bataille dans la place de Louis XV, il a cru sage de se retirer, lui et tout son monde, dans l’intérieur de son logement, dont il a fermé les portes; que d’une fenêtre de son logement il a vu arriver un escadron de Royal-Allemand, entrant au galop dans les Tuileries par le pont tournant; que, quoiqu’il connaisse parfaitement M. le prince de Lambesc, il ne peut assurer cependant si c’était lui qui était à la tête de sa troupe, la rapidité de cette course ne lui ayant pas permis de le distinguer; qu’au moment de l’entrée de cet escadron, qui s’est répandu dans V étendue du fer à cheval , il a entendu diverses décharges de mousqueterie; que peu de temps après, le même escadron revenant sur ses pas pour sortir du jardin par le pont tournant, il a vu l’un des cavaliers, qu’il n’a pas pu pareillement, distinguer, porter un coup de sabre sur la tête d’un particulier sans armes, qui était entre l’angle dupont et le logement de lui déposant ; que, n’étant pas sorti de chez lui, et ce particulier ne s’y étant pas présenté, il ne sait rien de ce qui s’est passé dès ce moment. Douzième témoin. Jean-Denis Bertrand, coiffeur de femmes, et soldat de la garde nationale, district des Feuillants, demeurant rue du Doyenné, n° 24, A déposé qu’étant entré aux Tuileries, par la porte du côté du manège, pour aller chercher sa femme et ses enfants, vers les 8 heures du soir, le 12 juillet dernier, il a aperçu une foule de peuple à l’entrée de la terrasse des Feuillants, qui environnait un particulier qu’il apprit de tout le monde avoir été blessé d’uü coup de sabre à lui porté par M. le prince de Lambesc ; que ce particulier, que deux personnes soutenaient sous les bras, sortit des Tuileries par la porte du manège, fut pansé, qu’il s’approcha de ce particulier assez près pour voir la plaie considérable qu’il avait à son visage tout couvert de sang ; qu’effrayé de ce spectacle, il se retira chez lui, et n’a rien su de ce qui s’était passé, qu’il a trouvé sa femme qui ôtait sortie des Tuileries avant cet événement. Du lundi 9 novembre 1789. Treizième témoin. Antoine - Denis Chabanel, ancien agent de change, demeurant rue Sainte-Anne, A. déposé qu’il n’a aucune connaissance des faits contenus en la plainte, attendu qu’ayant été se promener aux Tuileries, il en est sorti avant six heures, et qu’il n’y a pas vu M. le prince de Lambesc, qu’il connaît de figure. Quatorzième témoin. Pierre-Joseph Godeaux, portier des Tuileries, à la porte du manège, A déposé que le 12 juillet dernier, entre 8 heures 1/2 et 9 heures du soir, est arrivé à la porte des Tuileries, dont la garde lui est confiée, et qu’il a vu, de l’intérieur du jardin, un particulier qu’accompagnait un grand nombre de personnes, et qu’on soutenait sous les bras, lequel avait le visage ensanglanté, et a déclaré, à lui déposant, avoir été blessé à la tête d’un coup de sabre, par M. le prince de Lambesc; que lui, déposant, a fourni du linge et de l’eau-de-vie pour panser ledit particulier. Quinzième témoin. Pierre-Antoine Vaillant, médecin, demeurant rue Dauphine, A déposé que le dimanche 12 juillet dernier, étant à la place de Louis XV, entre la statue et le pont tournant, entre 8 heures 1/2 et 9 heures du soir, il a vu et entendu une décharge de mousqueterie que, par la direction du feu, il croit avoir été tirée en l’air ; qu’il a vu sortir des Tuileries une troupe de cavaliers, à la tête desquels était un commandant qu’on lui a dit être M. le prince de Lambesc ; que n’apercevant plus de tumulte, il est entré dans le jardin, et qu’arrivé à la porte du manège il a vu un particulier blessé à la tête, lequel lui a dit avoir été blessé par M. le prince de Lambesc ; qu’il a examiné la blessure de ce particulier, dont le etia- [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [27 novembre 1789.] 301 peau était coupé; qu’à l’égarcl de la blessure, elle lui a paru légère, n’offensant que légèrement l’os et ayant très-peu de profondeur; qu’après avoir conseillé d’appliquer sur la plaie une simple compresse d’eau-de-vie, qui lui a paru suffisante, il s’est retiré. Seizième témoin. François Pépin, colporteur de petites merceries, demeurant rue des Gravilliers, A déposé que le dimanche 12 juillet dernier, étant au Palais-Royal, au moment que la retraite de M. Necker y est parvenue, il s’est chargé du buste de M. le duc d’Orléans, appartenant au sieur Gurtius, lequel, avec celui de M. Necker, a été porté en triomphe depuis le Palais-Royal jusqu’à la place de Louis XV, par les rues Neuve-des-Petits-Ghamps, place de Vendôme, rue Saint-Honoré, rue Royale, etjusqu’à la place de LouisXV; que lui, déposant, était environné d’une multitude de monde ; qu'arrivé à la place de Louis XV, il y a vu des troupes de cavalerie en ordre de bataille ; qu’ignorant leur destination et entraîné par la foule, il arriva à la statue : il reçut dans la poitrine un coup de pointe, ne sait si c’est d’épée, de sabre ou de baïonnette; que comme cette blessure était fort légère, il ne s’en est aperçu que par la chaleur du sang qui en sortait, et que, toujours entraîné par la foule, il s’avançait du côté du pont tournant pour passer dans les Tuileries, sans cesser de porter le buste de M. le duc d’Orléans, lorsqu’il reçut à la cheville intérieure de la jambe gauche un coup de balle morte, qui lui fit une blessure dont il n’est pas encore guéri ; en conséquence, il remit ledit buste à un des garçons du sieur Gurtius, il sortit par la porte des Feuillants, avec une partie de la foule qui l’avait accompagné, et qui le conduisit au Palais-Royal, où il fut pansé par un chirurgien qui se trouva là ; qu’il a ouï dire que M. le prince de Lambesc était venu depuis ce moment aux Tuileries et y avait blessé un particulier, mais qu’il n’a rien vu ; ajoute qu’avant d’être blessé, il a vu une troupe de cavalerie, qu’il n’a pu désigner autrement que les uns habillés de bleu, de vert, et les autres ayant des bonnets noirs, porter des coups de sabre à un soldat aux gardes qui n’avait d’autres armes que son épée, lequel est tombé à terre sous ces différents coups, et que peu d’instants après, il a vu cette même troupe, qui avait été jusque vers le garde-meuble, en revenir au galop ventre à terre et passer sur le corps dudit garde-française, et qu’il a ouï dire que ce soldat aux gardes est mort de ses blessures. RÉQUISITOIRE. Vu l’information, je requiers pour le Roi icelle être continuée, et un quidam en uniforme qu’on dit être M. le prince de Lambesc , être pris au corps, ce 10 novembre 1789. Signé : de Flandre de Brun ville. DÉCRET. Par délibération du conseil et jugement en dernier ressort, la compagnie assemblée , soit fait ainsi qu’il est requis , ce 10 novembre 1789. Signé : Millon, Talon, de La Salle , d’àrgis, Destouches, Bouron, Quatremère. Du lundi 16 novembre 1789. CONTINUATION D’INFORMATION. fl. Jean Dabjac, logé hôtel du Parc-Royal, rue du Colombier, Dépose que le dimanche 12 juillet dernier, étant aux Tuileries, depuis environ 6 heures du soir, il s’est trouvé sur la terrasse du fer à cheval, sur la droite en sortant; que vers les 7 à 8 heures, à ce qu’il croit, il a vu un détachement de Royal-Allemand entrer dans les Tuileries par le pont tournant, gui s’est porté jusqu’au bassin; qu’il n’est point à sa connaissance qu’il a été fait une décharge d’artillerie, ni commis aucune violence par ce détachement, jusqu’au moment ou quelqu’un ayant crié : Fermez le pont, il a vu l’un des commandants de ce détachement se détacher de sa troupe au galop et porter un coup de sabre à un homme qu'il croit avoir vu faire des efforts pour fermer le pont ; qu’au surplus, il n’a pas vu le coup porté sur l’homme, mais le sabre levé et le mouvement de quelqu’un qui veut le porter ; que, quoiqu’il connaisse parfaitement M. le prince de Lambesc, il ne peut dire s’il était le commandant dont il vient de parler, attendu que sa position ne lui a pas permis de le distinguer ; qu’après ce fait, s’étant retiré du côté des Feuillants, il a entendu tirer une décharge d’artillerie, mais ne sait si c’est en dedans ou en dehors. 2. Louis Samny, bas officier invalide, sergent-major de la garde nationale non soldée du district de Saint-Jean-en-Grève, Dépose que le 12 juillet dernier, étant de poste au pont tournant de 7 à 10 heures du soir, a vu arriver des troupes dans la place de Louis XV ; que quelque temps après, une multitude de personnes qui accompagnaient un buste, qu’on disait être celui de M. Necker, est arrivée sur cette place et s’acheminant du côté du pont tournant, ainsi que la foule des personnes qui se promenaient dans les Champs-Elysées, qui avait l’air de fuir et de vouloir se réfugier dans les Tuileries ; que peu de moments après il a vu arriver M. le prince de Lambesc qu’il connaît et qu’il a parfaitement distingué, à la tête d’un escadron de Royal-Allemand, le sabre à la main, lequel est entré au galop dans les Tuileries près le pont tournant ; qu’au moment, ayant manqué d’être blessé par les chevaux, s’est retiré dans le logement du sieur Contât, portier du côté de la Renommée, où il est resté enfermé, et n’a pu voir ce qui s’était passé dans le jardin, a seulement entendu des décharges de mousqueterie, presque ressemblantes à un feu de file ; qu’il a également entendu crier par différentes personnes : Fermez le pont , et qu’il croit avoir entendu nombre de ces voix et distingué celle de M. le prince de Lambesc. 3. La dame veuve Baudin, femme de charge, chez M. le comte d’Esparbès, demeurant rue de Vaugirard, n° 40, Dépose qu’ayant été avec une de ses amies se promener aux Tuileries le dimanche 12 juillet dernier depuis 6:heures de soir jusqu’àS heures 1/2, moment où elle se trouva sur la terrasse du côté de l’eau et presque au bout du pont tournant, une foule du peuple s’est portée dans les Tuileries, dont plusieurs lançaient des pierres , et qu’elle a aperçu des chevaux , et des cavaliers ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [27 novembre 1789.] 302 [Assemblée nationale.] qui entraient dans ledit jardin, et que l’on dit que c’était M. le prince de Lambesc : que son amie et elles se sont sauvées des Tuileries, et qu’elle ne sait rien de plus. 4. La femme Sauvage, marchande d’estampes, demeurant rue deBeaune, Dépose qu’ayant été le dimanche 12 juillet dernier se promener aux Tuileries avec une de ses amies, sur les 8 heures du soir, elles se sont trouvées sur la portion de la terrasse du côté de l’eau qui fait face à la place de Louis XV ; que là elle a vu une troupe de cavaliers qui venaient du côté du pont tournant; qu’elle a entendu dire par toutes les personnes qui les environnaient, que c’était M. le prince de Lambesc à la tête de son régiment ; qu’elle et son amie effrayées se sont sauvées et n’ont rien vu ; mais que dans leur fuite elles ont entendu tirer beaucoup de coups de fusil ou de pistolet. 5. Le sieur Le Bel (1), marchand tapissier, (1) Ce témoin semble charger le prince d’un fait qui n’est pas dans la plainte du procureur syndic de la Commune. C’est ici le second chef qui semble imputé à ce prince. Il faut distinguer dans sa déposition deux objets, puis joindre à sa déposition le récolement du témoin. Ce premier objet, c’est l’introduction du témoin dans les Tuileries et celle du prince de Lambesc. Le sieur Le Bel va se promener, il voit des troupes, il prend le parti d’entrer dans les Tuileries, il recommande à sa famille de ne pas s’effrayer, ni avoir l’air de fuir, mais d’aller bon pas. Entré aux Tuileries par le pont tournant, ayant pris par le côté gauche, arrivé près la statue d’Annibal, il a vu et entendu tirer une décharge d’artillerie, tant à gauche qu’à droite, par la troupe du prince, de droite et de gauche : les coups étaient dirigés sur le haut des terrasses... Parvenu près de la statue, il a fait asseoir sa femme et ses enfants sur un banc prés de la statue, de là, il a vu jeter des pierres et autres choses sur les troupes. Cette première partie de la déposition du témoin est entièrement à la décharge du prince : elle prouve d’un côté que le feu a été tiré en l’air ; de l’autre, qu’on insultait et maltraitait sa troupe à coups de pierres, de chaises et autres choses ; de là, le délit dont on l’accuse, comme il a été observé à la déposition de Chau-vel, n’est qu’un délit occasionné par la circonstance. Avant son introduction dans les Tuileries, on avait jeté des pierres; depuis son introduction on en jetait. Le témoin l’a vu, et il en rend compte ; d’autres disent de même. (Voy. les observations sur le sieur Chauvel.) Il faut ajouter à ce fait bien prouvé, bien établi par tant de témoignages, que le sieur Le Bel n’a pas entendu dire que personne ait été blessé des coups de feu, et qu’il n’y a vraiment eu personne ; les coups étaient tirés en l’air sans direction sur le peuple. Ainsi, cette première partie de la déposition vient à la décharge du prince. Le second objet de cette déposition a plus de gravité apparente ; c’est à ce qu’il paraît celui-là auquel on semble mettre plus d’importance ; mais il faut remarquer une chose bien précieuse à saisir, c’est la manière dont parle le témoin, c’est cette sérénité avec laquelle il était spectateur de cette scène ; c’est son récolement qu’il faut y joindre, avec ce qui résulte des autres dépositions auxquelles il sera renvoyé. En matière criminelle les juges ne doivent se guider que par le rapprochement : une lecture rapide ne peut suffire pour déterminer une opinion : c’est en contumace que le rapprochement est le plus nécessaire, parce qu’il n’y a pas de contradicteur. Le sieur Le Bel va s’asseoir sur un banc près de la statue; il voit jeter des chaises et autres choses sur la troupe ; il voit le prince le sabre à la main . . . Personne n’est blessé... Très-peu d’instants après, il voit membre du comité militaire de DHôtel-de-Ville, demeurant rue de la Verrerie, venir de son côté un jeune homme d’environ 20 ans, qui fuyait du côté de lui déposant, lequel était poursuivi par le prince, le sabre à la main et auquel il porta un coup de sabre sur la corne de son chapeau... s’aperçut qu’il ne l’avait pas blessé, laissa tomber son sabre attaché à son poignet par sa dragonne, il tira un de ses pistolets de ses fontes, qu’il déchargea sur ledit jeune homme. Il a vu le feu du pistolet sans avoir entendu dire que le jeune homme eût été blessé... Le prince a passé à côté de lui et de sa compagnie tenant toujours son pistolet et son sabre, courant ventre à terre ; il fit le tour du bassin et rallia sa troupe ; il profita de ce moment pour s’en aller. Il reconnaît le premier pour l’avoir vu à Rome, dans le temps qu’il était attaché à M. le maréchal d’Aubeterre. Le compte rendu, cette affirmation de reconnaissance du prince laissent une incertitude cependant, sur l’individu, quand on lit le récolement du témoin, à cet acte qui consolide sa déposition, qui la rend invariable ; il dit que l’ officier commandant du détachement qui lui a paru être le prince de Lambesc, à sa grande taille, lequel avait un visage allongé et basané. Ce récolement est fort essentiel à saisir, car il n’est pas comme la déposition, affirmatif de la personne du prince ; et si le témoin n’affirme pas que ce soit le prince, il en résulte que les dépositions de la compagnie du témoin ne l’indiquent pas, et que le fait prouvé au procès, que ce n’est pas le prince qui a poursuivi ce jeune homme, est destructif de l’assertion du témoin. Cette première réflexion sera susceptible d’un plus ample développement, quand on fera le rapprochement de ce qui a trait au fait dont rend compte le témoin. Peut-on concevoir qu’un particulier qui se promène avec sa femme, sa fille jeune encore, et ses garçons, qui voit tout ce trouble, aille s’asseoir sur un banc pour y considérer avec attention tout ce qui se passe, pour y méditer en quelque sorte sur les événements ? qui croira que l’homme qui a avec lui tout ce qui lui est cher ne cherche pas à le garantir d’une incursion involontaire, et soit resté tranquille pour se repaître en quelque sorte du trouble qui agitait tous les esprits? Par cette assurance, il faut dire que sur le fait de la promenade du témoin, sur le fait de son repos, il a dit la vérité ; d’où il faut conclure que ce spectacle n’était pas aussi effrayant que d’autres ont voulu le faire croire. Non pas certainement qu’on imagine que cette journée n’ait eu des dangers, il y avait une insurrection totale, et la troupe postée n’avait pour objet que la sûreté des citoyens. C’est là ce qu’on voit établi au procès, et même par la déposition du témoin.. 11 est donc assis fort tranquille, et il voit, ainsi que sa famille, ce qui se passe au delà du bassin : ce qui s’y passe, ce qu’il voit, est à la décharge du prince, pierres, chaises et autres choses jetées, coups tirés en l’air, voilà ce qu’il dit, voilà ce qui est prouvé. Puis il voit un jeune homme poursuivi par un autre qu’il dit être le prince, d’abord affirmativement, puis par un signalement ( voir son récolement) ; il voit celui qui le suivait allonger sur son chapeau un coup de sabre, le sabre se tenir à son poignet par la dragonne ; il le voit tirer de ses fontes un pistolet et le tirer sur le jeune homme qui n’est pas blessé. Pendant tout ce temps il reste là ; il ne craint n pour lui ni pour les siens. Cette sécurité est inconcevable ; mais il faut analyser cette dernière partie de sa déposition, comparativement avec les autres. Il a vu de son côté un jeune homme d’environ 20 ans qui fuyait, lequel était poursuivi par le prince, le sabre à la main, etc. Le prince de Lambesc était monté sur un cheval de chasse, et non sur un cheval d’escadron ; il n’avait ni fontes ni pistolets ; voilà ce qui est prouvé au procès par les 26° et 27e témoins de la continuation d’information, et par les 13e et 18e de l’addition, et les 2e, 7e et 10e de la seconde addition, ce qui n' annonçait aucun mouvement hostile, comme l’a remarqué le 7e témoin de la seconde addition d’information. Il n’a pas passé le bassin des Tuileries, voilà ce qui est prouvé par presque tous les témoins, et notamment [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [27 novembre 1789.] Dépose que le dimanche 12 juillet dernier, ayant été avec sa femme et ses enfants et ses garçons de commerce, se promener aux Champs-Elysées, il a vu des troupes de gardes suisses en ordre de bataille dans l’avenue de Neuilly, avec des canons et des caissons et leurs sapeurs qui bordaient la haie près la place de Louis XV, il a pris le parti avec sa compagnie de revenir aux Tuileries, ers recommandant à toute sa famille de ne point s’effrayer ni avoir Pair de fuir, mais d’aller bon pas; qu’après avoir passé la statue du côté de l’eau, il a vu l’escadron de Royal-Alle-mand commandé par M. le prince de Lambesc ; qu’il a vu et entendu donner des ordres en allemand ; qu’ils ont continué leur chemin et qu’entré aux Tuileries par le pont tournant, et ayant pris par le côté gauche, et arrivé près la statue d’Annibal, il a vu et entendu tirer une décharge d’artillerie tant à gauche qu’à droite par la troupe du prince de Lambesc qui s’était divisée de droite et de gauche et dont les coups étaient dirigés sur le haut des deux terrasses; que comme il continuait son chemin avec sa famille, et parvenu près delà statue d’Annibal, il a fait asseoir sa femme et ses enfants sur un banc près de la statue ; que de là il a vu jeter des chaises et autres choses sur la troupe, ce qui a occasionné une seconde décharge; que le prince de Lambesc, le sabreà la main , a poursuivi une portion du peuple amassé près la statue du fleuve du Nil, accompagné de quelques-uns de ses cavaliers, par lesquels il a été tiré plusieurs coups de feu; que cependant il n’a pas oui dire que personne en ait été blessé; que de suite et par les 26e et 28e de la continuation d’information, par le 13e de l’addition et le 13e de la seconde addition. Il n’a pas poursuivi le jeune homme, c’est là ce qui est également établi par les 19e et 20° témoins de l’addition d’information ; par le 1er, 6°, 8e, 9e et 10e qui s’accordent d’un côté à dire, savoir : le premier témoin que c’est lui témoin qui, « maltraité par ce jeune homme qui lui avait lancé un bâton de chaise gros comme le poignet, après avoir rattrapé la bride de son cheval, poursuivit le jeune homme jusqu’à la première allée, passant devant un banc où il y avait une trentaine de personnes, et qu’il lâche après ce jeune homme un coup de pistolet à poudre. » Ce sont là les preuves que fournit le procès. Sur le second chef de la déposition de Le Bel, on remarque par l’ensemble, que le prince entre sans être monté sur un cheval d’escadron, sans fontes ni pistolets, a été, ainsi que son détachement, maltraité par les pierres, bâtons, chaises, etc. ; qu’il n’a pas passé le bassin ; et sur ce qu’il entendait crier : Fermez le pont ! a voulu sortir ; qu'en sortant, pour empêcher les efforts qu’on faisait pour le fermer, il a cherché à se faire passage, et a blessé un particulier qu’il a pu croire occupé à fermer le pont, d’autant que plusieurs témoins déposent qu’il était ou paraissait être en devoir de contribuer à cette fermeture ; que la poursuite du jeune homme s’est faite pendant que le prince cherchait à se faire passage, l’aventure du jeune homme poursuivi, et qu’il est prouvé que ce coup donné, le prince est sorti des Tuileries. Il faut donc croire que le sieur Le Bel s’est trompé en indiquant le prince pour avoir fait le tour du bassin pour poursuivre ce jeune homme, et que le premier témoin de la seconde addition li’information qui rend compte du fait qui lui est personnel, et comme il s’est passé, dit une vérité qui peut être d’autant moins contestée, que par son récolement, Le Bel ne dit pas affirmativement que ce soit le prince, mais que l’officier commandant du détachement lui a paru être le prince, à sa grande taille, lequel avait un visage allongé et basané. Les réflexions, ce rapprochement paraissent suffisants pour établir que le prince n’est pas coupable de ce délit, à lui d’abord affirmativement imputé par Le Bel. 303 très-peu d'instants après il a vu venir de son côté un jeune homme d’ environ vingt ans qui fuyait du côté de lui déposant; lequel était poursuivi par le prince de Lambesc le sabre à la main, auquel il porta un coup de sabre sur la corne de son chapeau, que s’apercevant qu'il ne l'avait pas blessé laissant tomber son sabre attaché à son poignet par sa dragonne , il tira l’un des pistolets de ses fontes, qu’il déchargea sur ledit jeune homme ; qu’il a vu le feu dudit pistolet sans cependant avoir entendu dire que le jeune homme en ait été blessé; que ledit prince de Lambesc passa auprès de lui déposant et de sa compagnie tenant toujours son pistolet et son sabre toujours pendant à son poignet courant ventre à terre; il lit le tour du bassin et rallia sa troupe; que lui il profita de ce moment pour s’en aller; qu’il a parfaitement reconnu le prince de Lambesc, l’ayant connu à Rome dans le temps qu’il était, lui déposant, attaché au service de M. le maréchal d’Aubeterre. ©. Louis-Charles Garnier, maître charron, demeurant rue du Bac, n° 131, Dépose que le 12 juillet dernier, ayant été, suivant son usage, faire une partie de paume aux Champs-Elysées, les suisses y étant arrivés en ordre de bataille par l’avenue deNeuilly, le public a crié de cesser le jeu ; qu’en conséquence, après s’être babillé, il est revenu par iaplace de Louis XV où il a vu une multitude prodigieuse de peupleet de cavaliers qui étaient en ordre de bataille sur la place, et notamment un détachement de Royal-Allemand qui arrivait dans ia susdite place par la rue Royale; qu’il est entré une première fois aux Tuileries, et en est sorti peu de momenls après, pour voir ce qui se passait dans la place où il avait entendu tirer trois coups de fusil, que c’est pendant cet intervalle que le régiment de Royal-Alle-mandest entré dans les Tuileries, et étant sur le pont tournant, il a vu le prince de Lambesc, qu’il connaît pour l’avoir vu chez lui, déposant, différentes fois, porter un coup de sabre, qu’il avait à la main, sur la tête d’un homme âgé qui lui a paru habillé de gris, qui paraissait fort tranquille, et qui était sur sa gauche au bout du pont; qu’en-suite le prince de Lambesc, suivi de sa troupe, est sorti des Tuileries par le pont tournant, et qu’il a vu les troupes qui étaient dans ia place venir se joindre à lui, et qu’alors lui déposant a continué son chemin, est sorti des Tuileries par la porte du Pont-Royal et s’en est retourné chez lui. Du mardi 17 novembre 1789. La dame Le Bel (1), marchande tapissière, rue de la Verrerie, A déposé que, le 12 juillet dernier, venant de se promener aux Champs-Elysées avee sou mari et toute sa famille, elle a remarqué un grand nombre de troupes de différents corps qui se rangaient en ordre dans la place Louis XV, ia majeure partie du côté de la rivière ; que, continuant son chemin et étant parvenue aux Tuileries, près du bassin sur le côté gauche, elle a entendu le bruit du pas des chevaux qui entraient dans les Tui-(1) La déposition de ce témoin ne sert pas plus que celle de son mari. C’est le même raisonnement à faire pour l’écarter, et quand on joindra le récolement du mari de ce témoin, on sera convaincu que son atteslation à sa femme n’est pas affirmative de la personne du prince. 304 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [27 novembre 1789.] leries par le pont tournant ; que comme elle veillait à la sûreté de sa tille, âgée de quatre ans, elle elle n’a pu donner une attention décidée aux différents mouvements de ce corps ; qu’elle a entendu une décharge de mousqueterie qui lui a paru dirigée du côté de la rivière ; que dans ce moment il y avait très-peu de monde ou presque personne dans le terrain contigu au pont tournant, mais que les balustrades des deux terrasses étaient garnies de beaucoup de monde ; que s’étant reposée, parce que les jambes lui manquaient, sur un banc proche la statue qui fait le coin de la grande allée à gauche en entrant par le pont tournant, elle a vu le prince de Lambesc poursuivre un jeune homme qui fuyait à toutes jambes, auquel il paraissait vouloir porter un coup du sabre qu’il portait à la main ; mais que n’ayant pu le frapper, il a laissé tomber son sabre qu’il tenait à son poignet et s’est armé d’un pistolet dont il a tiré le coup sur ce même jeune homme, dont elle déposante ne croit pas qu’il ait été blessé, parce qu'il a continué de se sauver ; que ledit prince de Lambesc étant passé devant elle et sa compagnie au galop, sans leur rien dire, il a fait le tour du bassin, au moment où elle déposante et toute sa compagnie s’est retirée le plus promptement qu’il leur a été possible par la grande allée; a ajouté néanmoins qu’elle ne connaît pas personnellement le prince de Lambesc, mais elle croit que c’est lui, d’après l’attestation de son mari qui l’a nommé dans l’instant. 8. La dame Prudent, fille majeure, demeurant au couvent de la Providence, A déposé que le 12 juillet derniersur les 8 heures 1/2 du soir, revenant de se promener avec sa sœur et son beau-frère et toute leur famille aux Champs-Elysées, elle a aperçu beaucoup de troupes et de peuple en mouvement dans la place Louis XV, ce qui l’a fort effrayée et l’a fait presser d’entrer aux Tuileries le plus tôt qu’il lui a été possible, où étant arrivée ayant dépassé à peu près le grand bassin du côté gauche, elle a entendu un bruit de chevaux entrant dans le jardin des Tuileries près le pont tournant; que très-peu d’instants après elle a vu la troupe qu’elle a entendu dire avoir à sa tête M. le prince de Lambesc , lequel a tiré sur un jeune homme un coup de pistolet dont il était armé ayant son sabre pendant à son poignet ; qu’elle ignore si ce jeune homme a été blessé, mais qu’elle l’a vu continuer de se sauver (1). ©. Le sieur Bourgeois, garçon tapissier chez le sieur Le Bel, Dépose que le dimanche 12 juillet dernier, sur la fin du jour, revenant de se promener au Champ-de-Mars, où il avait été seul, et où il avait rencontré M. Le Bel et sa famille, avec laquelle il a passé le bac , il a vu un corps de cavaliers de Roval-Allemand, qu’on lui adit être commandé par M. le prince de Lambesc , qui allait du côté de la place Louis XV, par l’allée du cours de la Reine ; qu’ayant poursuivi leur chemin , il a vu des troupes et. du peuple dans la place ; qu’ils ont gagné les Tuileries, où ils sont entrés par le pont tournant , où, étant arrivés vers le milieu du grand bassin du côté gauche, il a vu le détail) Même raisonnement que pour les précédentes dépositions; le témoin ne dit pas que ce soit le prince : et il est établi que ce n’est point lui. ( Voyez les réflexions sur la déposition Le Bel.) chement de Royal-Âllemand entrer dans les Tuileries par le pont tournant, se séparer de droite et de gauche dos à dos , et décharger leurs pistolets sur le haut des terrasses, où il y avait une quantité de monde; que les dames' avec lesquelles il était s’étant assises près la statue , il a vu un jeune homme courant très-vite et venant de leur côté , lequel était poursuivi par un cavalier, qu’il a entendu dire être le prince de Lambesc , qui a tiré le coup de pistolet sur le jeune homme , lequel n’a cependant pas été blessé, l’ayant vu continuer à se sauver, après quoi, lui déposant , s’est retiré avec M. Le Bel et sa famille (1). SO. Le sieur Antheaume , garçon tapissier chez M. Lebel, Dépose que le dimanche 12 juillet, en venant de se promener avec M. Le Bel et sa famille, du Champ-de-Mars, ils ont regagné la place de Louis XV par les Champs-Elysées ; qu’arrivé à l’extrémité de la grande allée, par le côté gauche du bassin, il a vu un détachement de Royal-Alle-mand entrer dans les Tuileries par le pont tournant, se séparer de droite et de gauche, décharger leurs pistolets sur le haut de la terrasse, où il y avait quantité de monde; que les dames s’étant assises sur le banc près de la statue, il a vu le commandant de Royal-Allemand, qui était à droite du bassin, se détacher de sa troupe et poursuivre un particulier sans armes ni bâton , qui se sauvait de leur côté , auquel ce commandant, qu’il a entendu dire (2), à différentes personnes être le prince de Lambesc, tira un coup de pistolet au moment où il t’a vu entrer dans les arbres, et qu’alors son sabre pendait à son poignet ; que M. Le Bel s’étant retiré, il n’a rien vu de plus. Du mercredi 18 novembre, il. M. Poursin de Grandchamp, ancien avocat au parlement, et secrétaire du Roi, demeurant rue Saint-Joseph, Dépose que le dimanche 12 juillet dernier, il a été se promener aux Tuileries, ne se rappelle pas l’heure, qu’il y est entré par le pont du château, et a été se promener sur la terrasse du côté de l’eau ; qu’il en est sorti vers la nuit tombante , qu’il a seulement vu un particulier en uniforme de garde française, autour de la tête duquel on ceignait un mo"uchoir, ce qui lui a fait présumer qu’il était blessé ; que de surplus, il n’a aperçu aucun mouvement quelconque, n’a entendu aucune décharge dans les Tuileries ni dans la place de Louis XV, et qu’étant sorti des Tuileries par le pont tournant, comme il disait assez haut aux personnes qui Raccompagnaient : Il paraît que tout est bien tranquille, trois jeunes gens dirent : Il y a quelque temps que ia même tranquillité ne régnait pas , car on a jeté beaucoup de pierres (3). f *£. M. Eritart, médecin et ancien sénateur de la ville de Strasbourg, demeurant rue Neuve-Saint-Roch, Dépose que le dimanche 12 juillet dernier, re-(1) C’est le garçon tapissier du sieur Le Bel. Même raisonnement que pour les précédentes dépositions. Il a entendu dire que c’était le prince. (2) Même raisonnement que pour les précédentes. (3) Ne fait charge : sert à établir qu’on a jeté des pierres . [27 novembre 1789.] 305 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. venant de se promener sur les hauteurs deChail-lot, vers les 6 heures 1/2 à 7 heures du soir, et parvenu à la place Louis X V, il a aperçu beaucoup de peuple et de tumulte, il a entendu quelques coups de pistolet ou de fusil dans la place ; qu’il a vu le peuple jeter quelques pierres, qu’il a entendu dire des injures, et qu’il n’a été témoin d’aucune autre chose, si ce n’est qu’il a vu un piquet de Royal-Aliemand. 13. Le sieur Binet, marchand mercier, demeurant passage du Saumon, Dépose que, le dimanche 12 juillet dernier, dans l’après-midi, s’étant rendu au Palais-Royal, on y promenait le buste de M. le duc d’Orléans et de M. Necker-, que, peu de moments après, voyant des jeunes gens, les uns portant des sabres, les autres des bonnets qu’ils disaient avoir arrachés à des troupes à la place Louis XV, où il y avait beaucoup de tumulte et où le peuple se battait avec des soldats qui y étaient, lui déposant avec beaucoup d’autres personnes se sont transportés aux Tuileries, où il est entré par la porte du manège ; que parvenu au pont tournant, il est entré dans la place Louis XV, et en ayant parcouru une portion, il a vu un escadron de Royal-Aliemand arriver dans la place du côté de la rue Royale et de suite entrer dans les Tuileries par le pont tournant; qu’alors lui déposant, avec plusieurs autres auxquels la même idée était venue , s'est efforcé de fermer le pont tournant , mais qu'ignorant la manière de s'y prendre, ils n’y ont pas réussi ; que pendant ce temps il n’a pas pu donner son attention à ce qui se passait dans les Tuileries, mais seulement qu’il a vu ce corps de troupe en ordre de bataille contre le grand bassin , lequel, après avoir reçu l’ordre de son commandant, s’avançait comme pour ressortir des Tuileries. Il a vu ce même commandant, que tout le monde disait être le prince de Lambesc, se détacher de sa troupe, venir le sabre à la main, en porter un coup sur la tête d’un homme qui était à l’angle du pont tournant du côté de la rue Saint-Honoré, et qui avait une canne sous son bras ; qu’alors lui, déposant, s’est lancé dans le fossé et n’a rien vu de plus. 1 4. Le sieur Brillet, maître tailleur, rue du Bout-du-Monde, Dépose que, le dimanche 12 juillet dernier, se promenant avec sa femme sur les boulevards, près de l’üpéra, il a été témoin que le peuple en a fait fermer le théâtre ; que quelques moments après, ayant vu passer au galop des soldats du régiment de Royal-Gravate, que l’on disait aller au secours du tiers état à la place Louis XV, où le prince de Lambesc faisait un grand carnage, il est rentré chez lui avec sa femme, et qu’il pouvait être alors 6 à 7 heures du soir. 15. Le sieur Ancelin, marchand tapissier, demeurant rue des Quatre-Vents, Dépose que, le dimanche 12 juillet dernier, sorti de chez lui sur les 3 à 4 heures, il est allé au Ghamp-de-Mars, où il est resté environ deux heures sans s’apercevoir d’aucun mouvement extraordinaire des troupes qui y étaient campées ; qu’à-près ce temps il se transporta aux Champs-Elysées en passant le bac des Invalides, où étant arrivé, il entendit tirer deux coups de fusil formant pa-roli; que pour s’informer du sujet, il se rendit à l’avenue de Neuilly, où il trouva un détachement de Royal-dragons, rangé sur trois hommes de hauteur, le visage tourné du côté de la rivière, lre Série, T. X. et de l’autre côté de la même avenue, le corps des suisses, regardant les Tuileries, avec des canons, des canonniers et des sapeurs rangés aussi en ordre de bataille, la face tournée du côté des Tuileries; que s’étant adressé à un dragon pour savoir la cause du coup de feu qu’il avait entendu, il lui fut dit que ce n’était rien, que c’était une querelle entre un dragon et un soldat aux gardes françaises ; qu’il resta pendant quelque temps se promenant dans la place, pendant environ cinq quarts d’heure, après quoi il rentra dans les Tuileries par le pont tournant, où à peine avait-il fait vingt à trente pas, qu’un bruit de chevaux sur le pont tournant lui lit tourner la tête, et qu’alors il aperçut un détachement de Royal-Aliemand, commandé par un officier , h visage basané , marqué de petite vérole, les épau les très-fortes et le col enfoncé, qu'il croit être h prince de Lambesc, l’ayant parfaitement connu ci-devant, mais la chute du jour et la rapidité des mouvements ne lui ont pas permis de le distinguer et de pouvoir affirmer que c’est le prince de Lambesc; qu’après quelques mouvements, il a vu ce détachement faire une décharge; qu'il ne croit pas que les armes fussent chargées à balle, n’avant point entendu le sifflement des balles, qu’ïl aurait dû entendre vu sa proximité ; que ce même détachement en marche uu grand galop pour sortir, il a vu l'officier par lui susdésigné, qui avait le sabre à la main, prêt à entrer sur le pont tournant, porter un coup de sabre sur un particulier qu'il n’a pu distinguer, qui était à droite du pont en sortant (1). 16. Le sieur Paris, huissier à verge, rue de La Harpe, Dépose que, le dimanche 12 juillet dernier, revenant de se promener aux Champs-Elysées, et après avoir traversé la place Louis XV, où il y avait beaucoup de troupes, sur les 8 heures 1/2 du soir, uu bruit de cavalerie qui venait derrière lui, et qui en était très-proche, a forcé lui déposant de se retirer et de se placer derrière un petit bâtiment à gauche; qu’il a vu entrer un détachement de Royal-Aliemand, commandé par un officier que tout le monde a dit être le prince de Lambesc ; qu’il a vu faire des décharges de mousqueterie, après avoir entendu l’ordre de faire fen ; que la frayeur occasionnée par cette décharge a engagé plusieurs particuliers à sauter dans le fossé; que comme le public criait de fermer le pont tournant, il a vu le même détachement revenir sur ses pas pour sortir des Tuileries ; il a vu l’officier commandant, que tout le monde autour de lui disait être le prince de Lambesc, porter un coup de sabre sur la tête du particulier qui était à l’angle du pont tournant, du côté de la rue Saint-Honoré, lequel a paru à lui déposant tomber sur le coup. 14.M. Vandeniver, négociant, rue Vivienne (2), (1) Point de charge : sert à établir l’endroit où était Chauvel. (2) Cette déposition et la 19e méritent un examen réfléchi. Elles ne tiennent nullement au procès ; c’est un compte que ces deux témoins rendent d’une conversation avec un individu qu’on leur a dit être le prince. Leur version doit être la même, car enfin ils étaient tous deux questionnants et questionnés. M. Vandeniver, après avoir dit, comme M. Boscary, le motif de leur voyage à Versailles et la raison de leur séjour, s’accordent à dire que pendant qu’on changeait 20 306 [27 novembre 1789.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Assemblée nationale.] Dépose que le dimanche 12 juillet dernier, ses intérêts personnels, en qualité d’un des admi-de chevaux à Sèvres, un cavalier, enveloppé d’un manteau sur lequel était une applique de l’ordre du Saint-Esprit, leur demanda s’ils arrivaient de Versailles et ce qu’il y avait de nouveau; sur leur déclaration que tout était tranquille, et en réponse à la question qu’ils lui firent s’il en était de même à Paris, il leur répondit qu’il n’en était pas de même, qu’on avait osé l’insulter, maltraiter un de ses gens, tuer un de ses chevaux, et qu’il avait tué deux hommes de sa main ; puis, par un officier suisse, il apprend que c'est le prince de Lambesc la cause de tout le désordre arrivé à Paris. Jusqu’aux relais, à Sèvres, M. Boscary, qui était avec M. Vandeniver, qui a fait les mêmes réponses, les mêmes questions, dit de môme. Mais voici sa déposition ultérieure : Ce cavalier leur demande s’ils viennent de Versailles, s’ils n’ont pas vu un aide de camp montant un cheval blanc, sur la route, parti depuis près de deux heures. Non, tout est tranquille à Versailles, nous n’avons rien vu d’extraordinaire ; en est-il de même à Paris ? Il répond qu’il n’en est pas de même, qu’il y avait quelque tumulte, et que le peuple, auquel des gardes françaises s’étaient joints, avait chargé la veille le régiment de Royal-Allemand, dont les cavaliers en avaient tué quatre ou cinq, et que lui en avait renversé deux, en faisant le geste d’un homme qui porte un coup de sabre. Il apprend que c’est le prince de Lambesc. Ces deux dépositions différentes dans le point le plus essentiel : c’est dans celui que chaque témoin rend des réponses du cavalier, sur ce qui s’est passé à Paris et ce qu’il a fait. Bans le premier, on a osé insulter le cavalier, maltraiter un de ses gens et tuer un de ses chevaux, et que lui, cavalier, avait tué deux hommes de sa main. Dans le second, le peuple s’est joint la veille aux gardes françaises. Ils ont chargé le régiment de Royal-Allemand, dont les cavaliers en ont tué quatre ou cinq, et lui, il en a renversé deux. Laquelle de ces deux narrations faut-il croire? Aucune, assurément. Le compte des témoins d’un fait dont on leur fait part doit être le même. Il y a une différence telle dans ces deux dépositions, qu’il est impossible d’en rien faire résulter contre l’accusé. Au premier, on insulte le cavalier, on maltraite ses gens, on tue un cheval, il tue deux hommes de sa main. Au second, les gardes françaises et le peuple chargent Royal-Allemand; les cavaliers en tuent quatre ou cinq; il en terrasse deux, et cependant ce sont deux hommes qui entendent ce récit de la même personne. Cette comparaison, cette version double, ainsi rapprochées, suffiraient seules pour faire rejeter les dépositions, si elles pouvaient, par leur nature, rester en ce procès; car les témoins ne parlent pas du fait du procès. Au procès, il est question d’un assassinat envers un citoyen qui se promenait paisiblement : dans ces dépositions de gens insultés, de chevaux tués, d’hommes tués par un seul, de soldats joints au peuple, de cavaliers qui tuent ou le peuple ou les soldats, et d’un homme qui en terrasse deux sans tuer. Comme on voit, ces deux dépositions ne sont rien au procès, et par cela seul on doit les écarter : on doit d’autant mieux le faire, que les témoins indiquent le procès parce qu’ils disent qu’on leur a dit que c’était lui ; il n’en a pas la certitude, mais il ne leur a pas parlé des Tuileries, de l’insurrection populaire, du coup qu’il a donné, des pierres qui lui ont été jetées, de Ja fermeture du pont, de sa retraite du jardin et de toutes les circonstances prouvées au procès. C’eût été cependant la conversation toute naturelle du prince; car le fait de la veille était ou devait être bien présent à sa mémoire, et le fait de la veille n’est nullement dans le récit dont rendent compte les témoins. Ces deux dépositions ne prouvent rien en paraissant vouloir prouver. Cette jactance apparente d’un individu qui dit : J’ai tué, parce qu’on m’a insulté; j’ai terrassé, parce que le peuple s’est lié avec les gardes françaises, ne peut être appliquée au prince, elle ne le regarde pas; nistrateurs de la Caisse d’escompte, le déterminèrent de se rendre à Versailles, accompagné de M. Boscary, l’un de ses confrères dans la même administration ; que, comme ils revenaient le soir sur les 8 à 9 heures, ils furent obligés de rebrous ¬ ser chemin, et de retourner à Versailles, parce qu’il leur fut dit, avant d’arriver à Sèvres, qu’ils ne pourraient pas passer au pont ; qu’en conséquence ils retournèrent avec l'intention d’en repartir le lendemain de grand matin, ce qu’ils firent ; qu’arrivés à Sèvres le lundi 13 sur les 6 heures du matin, pendant le relai des chevaux de poste, un cavalier enveloppé d’un manteau sur lequel était une applique de l’ordre du Saint-Esprit, s’adressant à eux, leur demanda s’ils arrivaient de Versailles, et ce qu’il y avait de nouveau ; que sur leur déclaration, qu’ il n’y avait rien et que tout était tranquille, et en réponse à la question qu’ils lui firent s’il en était de même à Paris, il leur répondit qu’il n’eu était pas de même à beaucoup près, qu’on avait osé l’insulter, maltraiter un de ses gens et tué un de ses chevaux, et qu’il avait tué deux hommes de sa main ; mais autant que lui, déposant, peut se souvenir de ce que ce cavalier lui a dit, qu’au moment où ledit cavalier venait de le quitter, un officier suisse s’approcha de leur voiture et leur fit les mêmes questions : que ledit cavalier, auquel ils répondirent de la môme manière, et demandèrent à leur tour s’ils connaissaient le cavalier qui venait de leur parler, leur dit que c’était M. le prince de Lambesc, lequel était la cause de tout le désordre arrivé dans Paris. 18. M. Millet, ancien entrepreneur de bâtiments, Dépose que, revenant de la ville le dimanche 12 juillet dernier, sur les 8 heures du soir, il passa par les Tuileries, qu’il y fit un tour de jardin, et qu’ayant aperçu que les troupes qui étaient dans la place Louis XV étaient assez tranquilles , il prit le parti d’en sortir par le pont tournant ; à peine avait-il dépassé le pont qu’il vit arriver un détachement de Royal-Allemand, commandé par un officier, qu’il a entendu dire à tout le monde être le prince de Lambesc, entrer dans les Tuileries par le pont tournant : qu’il a été témoin d’une décharge de mousqueterie faite par ce détachement entre les deux terrasses, dont les coups étaient dirigés en l'air ; qu’aprôs quelque mouvement très-rapide autour du grand bassin, ce détachement est revenu pour sortir, toujours le sabre à la main, et que c’est dans ce moment qu’il a vu l’officier qui commandait, dont il vient de parler, porter un coup de sabre sur la tête d’un particulier d’un certain âge, et qui lui a paru n’avoir ni verge, ni bâton, qui était à l’extrémité du pont du côté de la rue Saint-Honoré. tïl. M. Boscary, négociant et administrateur de la Caisse d’escompte, Dépose que, le dimanche 12 juillet dernier, lui et M. Yandetiiver partirent en poste pour aller à Versailles conférer avec le ministre de Paris, relativement à la Caisse d’escompte {: que le soir, lorsqu’ils en revenaient, et qu’ils étaient passé il n’est indiqué par les témoins que comme ayant appris que c’était lui ; et ce qui prouve encore que ces deux dépositions sont sans objet, c’est qu’on ne s’est pas plaint d’avoir tué une ou plusieurs personnes, ou assassiné un citoyen, et le procès et tout ce qui en fait la hase établit qu’il n’y a pas eu d’assassinat. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [27 novembre 1789.] 3Q7 Viroflay, il fut dit à leur postillon, ainsi qu’à eux, par le public, qu’ils feraient bien de s’en retourner, parce qu’ils ne pourraient pas passer au pont de Sèvres, ce qui les détermina à rebrousser chemin et aller passer la nuit à Versailles, et à demander des chevaux de poste pour le lendemain de grand mâtin ; qu’en conséquence le lendemain 13, environ sur les 5 à 6 heures du matin, arrivés à Sèvres, tandis qu’on les changeait de chevaux, un officier enveloppé dans son manteau, coiffé d’un bonnet de grenadier de Royal-Àlle-mand, s’approcha de leur voiture et leur demanda s’ils venaient de Versailles, et s’ils n’avaient point aperçu un aide de camp montant un cheval blanc sur leur route, parti depuis plus de deux heures; à quoi ils répondirent qu’ils venaient de Versailles, et qu’ils n’avaient pas vu le cavalier dont il leur parlait : il leur demanda ensuite si tout était tranquille à Versailles, ils lui répondirent qu’ils n’avaient rien vu d’extraordinaire : ils lui demandèrent à leur tour s’il en était de même à Paris : à quoi il répondit qu’il n’en était par de même, qu’il y avait quelque tumulte, et que le peuple, auquel des gardes françaises s’étaient joints, avaient chargé la veille le régiment Royal-Allemand, dont les cavaliers en avaient tué quatre ou cinq, et que lui en avait renversé deux, en faisant le geste d’un homme qui porte un coup de sabre : que lui, déposant, lui ayant encore demandé s’ils pourraient rentrer à Paris avec sûreté, il leur répondit qu’il le pensait, quoique cependant on se fusillait dans les rues, et que peut-être y avait-il quelques maisons en feu; que ce fut dans le cours de cette conversation que lui, déposant, s’aperçut que cet officier avait une applique de l’ordre du Saint-Esprit sur son manteau, et qu’au moment où il les quitta, un officier suisse s’approcha d’eux, fournit à lui, déposant, l’occasion de lui demander quel était l’officier qui venait de leur parler, qu’il leur répondit que c’était le prince de Lambesc. 20. Le sieur Lançon, marchand de vin, rue Saint-Roch, Dépose que, le dimanche 12 juillet dernier, se promenant seul à son ordinaire sur le boulevard, il est arrivé à la place Louis XV par la rue Royale, où. il a vu beaucoup de peuple, du tumulte, et a entendu tirer des coups de fusil, et que la multitude l’ayant empêché d’entrer dans les Tuileries, il s’est sauvé par le quai, et qu’il a entendu dire par tout le monde que le prince de Lambesc massacrait tout le monde à la place Louis XV. 21. Le sieur Lefèvre , compagnon arquebusier , demeurant rue Guérin-Boisseau , chez le sieur Vilon, Dépose que, le dimanche 12 juillet dernier, sortant du Palais-Royal avec plusieurs autres jeunes gens qui étaient dans l’intention d’aller à Versailles, ils vinrent à la place Louis XV, où ils proposèrent à des dragons, rangés en ordre de loatailie, de les accompagner : lesquels leur répondirent qu’ils ne pouvaient quitter leur poste sans ordre ; qu’il vit le peuple jeter des pierres à un hussard qui traversait au galop la place Louis XV; que les dragons firent un mouvement pour aller le secourir, alors on leur lança des pierres , et qu’ils tirèrent quelques coups de fusil, à ce qu’il croit; que vers la fm du jour il vit arriver un détachement de Royal-Allemand, à la tête duquel était le prince de “Lambesc, ainsi qu’il a entendu dire à toutes les personnes qui l’environnaient, lequel est entré au galop dans les Tuileries, lequel détachement fit des décharges de mousqueterre dans les Tuileries; que lui, déposant, avec plusieurs autres particuliers, ont fait des efforts pour fermer le pont tournant, et qu'ils n'en ont pas pu venir à bout; que de la place où il était dudit pont tournant, il a vu celui qu’on lui a dit être le prince de Lambesc revenir à la tête de sa troupe au galop pour sortir par ledit pont, et qu’en passant, il l’a vu porter un coup de sabre sur la tête d’un homme qui était au coin intérieur dudit pont du côté de la rue Saint-Honoré. Du vendredi 20 novembre. 22. Le sieur du Barcide, lieutenant-colonel d’infanterie, demeurant au Gros-Caillou, Dépose que, le dimanche 12 juillet dernier, lui déposant, commandant le détachement ordinaire de trente hommes pour la police des Tuileries , ayant vu sur les 8 heures du soir une multitude qui se sauvait avec le caractère de la frayeur, après avoir donné ordre à son détachement de prendre les]; armes et de se tenir sur ses gardes, il s’est transporté jusqu’à l’extrémité de la grande allée du côté du pont tournant, à l’effet de s’assurer des causes du tumulte dont il avait été témoin; qu’y étant arrivé, il a entendu, tirer des coups de feu dans la place Louis XV ; qu’il a même vu apporter du côté du bassin un garde-française qui avait été blessé et foulé aux pieds des chevaux, et qui est mort peu de temps après; qu’après peu d’instants, il a vu arriver, par le pont tournant, un détachement de Royal-Àlle-mand de 40 à 50 hommes, commandé par un officier qu’il n’a pu distinguer, à raison de la rapidité de la course et de ses mouvements, le sabre à la main, entrer dans le jardin des Tuileries, lui ordonner en allemand; que ce détachement a tiré des coups de pistolet dirigés sur le haut des terrasses où il y avait du monde; que portion de ce même détachement, précédé de son commandant, a fait le tour du grand bassin et passé devant lui, déposant, et qu’il a entendu distinctement le sifflement des balles, des coups de feu qui ont été tirés, qu’il estime avoir été de 150 coups; qu’ ensuite il a vu le même commandant reformer sa troupe, et lui déposant, s’est retiré du côté du château pour aller rendre compte à M. de Ghampcenets de ce qu’il a vu ; que quoiqu’il ait entendu dire que l’officier qu’il avait vu était M. le prince de Lambesc et qu’il le connaissait personnellement, il n’a pu réellement le distinguer assez pour assurer que c’est lui. 23. M. Hogguer, négociant, rue d’Artois, Dépose que, le dimanche 12 juillet dernier, revenant de la campagne , il a rencontré au bout du boulevard de la Madeleine un détachement suisse, dont le commandant elle major, sans uniforme, marchaient à côté; que connaissant parfaitement l’un et l’autre il a demandé au major où ils allaient, lequel a dit qu’ils se portaient à la place Louis XV, qu’il pouvait être 8 heu-les du soir, qu’il les accompagna jusque dans cette place; qu’il a vu un corps de cavalerie, dont il ne peut désigner le nom, qui était rangé en ordre de bataille du côté de la rivière, dans la place Louis XV ; que s’étant placé sur le pont tournant, à l’effet de voir le détachement de Royal-Allemand, commandé par M. le prince de Lambesc, qu’ii avait vu, quelques instants auparavant, au carrefour de la rue Saint-Honoré, causer la valeur de deux à trois minu- [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 308 tes, avec les officiers commandant le corps des suisses, venir se ranger dans la même place , à la gauche du pont tournant, comme il le présumait; il fut surpris par le mouvement que fit faire M. le prince de Lambesc à sa troupe pour la faire entrer, par le pont tournant, dans le jardin des Tuileries, au grand galop, le sabre élevé, comme dans un moment de charge; que [lui, déposant, s’échappa du pont le plus tôt possible sur la gauche du côté de la rue Saint-Honoré jusque près d’un petit escalier qui conduit au fossé ; que dans cette position, un cavalier sortit du rang en criant et le menaçant de son sabre, tant lui déposant que quelques personnes qui étaient contre le mur; qu’après que cette troupe fut parvenue à quelque distance du grand bassin, un cri du peuple : Fermez le pont, détermina lui déposant à recommander au peuple de ne point fermer le pont, dans la crainte d’être sabré dans les Tuileries, et de se retirer par-dessus le même pont dans la place Louis XV, dont il vit la même troupe revenir du côté dudit pont, se reformer entre les deux terrasses, faire une décharge de mousqueterie, dont il a vu les balles passer dans les arbres, et qu’alors, lui déposant, s’en est allé et n’a rien vu de plus. Le sieur Borel, demeurant rue Royale, place de Louis XV, Dépose que, le dimanche 12 juillet dernier, sortant de chez lui, et attiré dans la place Louis XV, vers les 8 heures du soir, par la multitude et les troupes qui y étaient et les mouvements qui en résultaient, il a vu M. le prince de Lambesc à la tête d’un détachement de son régiment Royal-Ailemand, arriver dans la place par la rue Royale; qu’il s’en est approché assez près pour s’assurer que c’était M. le prince de Lambesc, et qu’il connaît parfaitement; qu’il a suivi des yeux le détachement qu’il a vu entrer dans les Tuileries par le pont tournant au grand galop, et que lui, déposant, s’est retiré et n'a rien vu de plus. Le sieur Delavigne, demeurant rue Saint-Hicaise, Dépose que, le dimanche 12 juillet dernier, ayant entendu dire qu’il y avait des mouvements de troupes dans les Champs-Elysées, dans la persuasion ou il était que cette disposition n’avait d’autre objet que le maintien du bon ordre et de la tranquillité publique, il céda au mouvement de curiosité qui l’engageait à aller voir ce qui se passait ; qu’arrivé à la place Louis XV, sur les 7 à 8 heures, il vit effectivement des corps de troupe de différents uniformes, se former en corps de bataille, tant du côté de la rivière qu'en retour de la colonnade en tête du pont tournant ; que , toujours persuadé que ces troupes n’avaient nul mauvais dessein, il tourna derrière les chevaux, passa sur le pont et entra dans les Tuileries, où il se promena jusqu’à la terrasse du château; qu’arrivé à peu près jusqu’à l’extrémité de cette terrasse, il entendit quelques décharges de mousqueterie qui lui parurent venir de la place, et qu’il rencontra une foule de personnes qui se sauvaient; qu’il ne partagea pas leur frayeur; il continua d’avancer jusques auprès de l’escalier latéral qui descend dans le jardin ; que de là il aperçut des cavaliers de Royal-Allemand, allant au grand trot, qui tournaient autour du bassin le sabre à la main, et que trois personnes qui se sauvaient lui dirent que M. le prince de Lambesc venait de sabrer un homme, et qu’un [27 novembre 1789.] autre avait été tué d’un coup de feu; qu’alors il se retira chez lui (1). $6. Le sieur üaranchères, épicier, rue Neuve-des-Petits-Champs, Dépose que, le dimanche 12 juillet dernier, étant au Palais-Royal et ayant entendu dire qu’on se battait à la place Louis XV, il en est parti, ainsi que d’autres personnes, pour s’y rendre par les Tuileries, pour voir ce qui s’y passait; qu’arrivé à l’extrémité de la grande allée, il a vu un détachement de Royal-Allemand entrer au galop dans les Tuileries par ledit pont tournant, courir de côté et d’autre dans la demi-lune, le sabre à la main, et paraissant chercher a effrayer et dissiper les personnes qui se promenaient, et qu’il a vu et entendu le détachement faire des décharges de mousqueterie et coups de pistolet qu’ils ont paru tirer en l’air; que lui s’était fait place derrière le treillage au bout de la grande allée du côté des Feuillants; qu’il n’a pu distinguer l’officier qui commandait cette troupe, qu’il voyait faire beaucoup de mouvement avec son sabre à cause de la rapidité de sa course, ce qui ne lui permet pas d’assurer si c’est M. le prince de Lambesc, qu’il avait vu trois jours avant au Champ-de-Mars, mais que cet officier avait le même uniforme et montait le même cheval gris (2). 27. Le sieur Colombet, concierge de l’académie d’architecture, Dépose que, le 12 juillet dernier, étant allé à Chaillot, il a vu M. le prince de Lambes, qu'il connaît très-parfaitement ; qu’il parlait à son état-major, qu’alors il avait l’uniforme complet de son régiment; qu’ environ trois heures après, revenu à Paris par l’allée de Neuilly, et arrivé à la place Louis XV, il a vu un détachement de Royal-Allemand entrer dans ladite place par la “rue Royale, faire un quart de conversion à la hauteur de la statue et se porter au pont tournant ; qu’au moment où il était sur le parapet du côté de la rivière, d’où il a vu ce même détachement commandé par un officier qui était en veste galonnée en argent sur toutes les coutures, avec une croix de Saint-Louis et un bonnet uniforme de ce régiment, qui montait un cheval gris, entrer par le pont tournant dans les Tuileries, ventre à terre jusques au grand bassin, d’où étant revenu se ranger en bataille près du pont tournant, et faire une décharge de mousqueterie ; que, peu d’instants après, il aperçut l’officier qui commandait, porter un coup de sabre à un particulier qui était dans l’angle du pont tournant du côté de la rue Saint-Honoré, et de là sortit par le pont tournant, s’en retourna par la rue Royale, et c’est alors que lui déposant s’est retiré; ajoute qu’il ne peut affirmer que cet officier soit M. le prince de Lambesc, quoiqu’il lui ait paru en avoir l’air et la taille, attendu qu’il n’a pu distinguer sa physionomie et autres divers mouvements qu’il lui a vu faire. 28 M. Robert, secrétaire du Roi, rue du Bouloy, Dépose que, le dimanche 12 juillet dernier, (1) Cette partie de la déposition prouve que le jeune homme a été suivi après le coup donné contre le pont. ( Voy . la déposition du sieur Le Bel.) (2) Montait un cheval gris. [Voy. les 27, 28 de cette continuation; les 13 et 18 de l’addition ; les 2, 7 et 10 de la 2e addition.) [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [27 novembre 1789.] G09 sur les 8 heures du soir, sortant par le pont tournant du jardin des Tuileries, il aperçut un détachement de Royal-Allemand' commandé par M. le prince de Lambesc, qu’il connaît parfaitement ; qu'il n'avait pas alors l'uniforme complet de son régiment , mais une veste galonnée en argent et le bonnet de grenadier; qu’il le vit causer un moment avecM. le baron de Besenval, qui était à pied dans la place, après quoi il vint se former en ordre de bataille à la tête du pont tournant, où il donna l’ordre à une partie de son détachement de mettre le sabre à la main et d’entrer ventre à terre avec lui dans les Tuileries par le pont tournant, ce qui fut exécuté; qu’il n’y avait presque personne dans cette partie du jardin, et qu’il y régnait la plus parfaite tranquillité; qu’après quelques mouvements par crise, dans l’espace du pont tournant, il vit ce même détachement faire une décharge de ca rabine, et que lui déposant, était alors placé sur le bord du parapet du côté de la rue Saint-Honoré, il a vu ledit prince de Lambesc porter un coup de sabre sur la tête d’un particulier qui était très-tranquille, sans arme, à l'angle intérieur du pont tournant , du côté de la rue Saint-Honoré, avec le même détachement, faire une décharge générale de dessus le pont tournant en sortant des Tuileries. Bu jeudi 21 novembre 1789. Le sieur Garnon-Destournelles, principal clerc de M. Seron, procureur au Parlement, Dépose que, le dimanche 12 juillet, sorti de chez son procureur vers 4 heures 1/2 de relevée, il est allé au Ghamp-de-Mars; qu’après s’y êtrepro-menéquelque temps et avoir traversé larivière par le bac, il est allé aux Champs-Elysées, où il a regardé jouer à la longue paume, jusqu’au moment où un cri public a ordonné de cesser le jeu, attendu qu’on était prêt à se massacrer à Paris ; que comme lui déposant était avec un jeune homme de 14 ans 1/2, fils de son procureur, de la garde duquel il était chargé, il s’est empressé de sortir des Champs-Elysées, a traversé la place Louis XV, et vit arriver un détachement de cavalerie, qu’il croit être dragons, par la rue Royale, a traversé les Tuileries, dont il est sorti par la porte du manège, et s’en est retourné chez son procureur. 30. Le sieur Seron fils, mineur, Dépose que, le dimanche 12 juillet dernier, accompagnant le sieur Garnon, maître clerc des études de son père, ils sont allés ensemble au Ghamp-de-Mars, de là sont passés aux Champs-Elysées par le bac, qu’ils ont resté quelque temps à voir jouer à la grande paume; qu’il a remarqué des cavaliers, qu’il croit des dragons, arriver par la rue de Neuilly ; qu’après des particuliers sont venus dire qu’il fallait fermer les jeux et se sauver du côté du Palais-Royal; qu’en conséquence le sieur Garnon et lui se sont retirés et ont traversé la place de Louis XV, où il a vu arriver une troupe de dragons par la rue Royaie, qu’ils ont continué leur chemin par les Tuileries, où ils sont entrés par le pont tournant et en sont sortis par la porte du manège, et sont retournés chez le père du déposant. 31. Le sieur Matnant, négociant, rue des Capucines, Dépose qu’il n’a aucune connaissance des faits. 3®. M. Rocfort, bourgeois de Paris, y demeurant rue de la Lune, Dépose que, le dimanche 12 juilllet dernier, étant dans la place Louis XV, vers les 8 heures du soir, il a vu entrer dans les Tuileries un détachement de Royal-Allemand parle pont tournant, le sabre à la main, à ce qu’il croit, lequel détachement sortit quelques moments, après avoir tiré quelques coups de pistolet, sans pouvoir dire de quel côté ils étaient dirigés, étant alors dans la place Louis XV, sur le côté droit; qu’il a ouï dire dans ladite place qu’il y avait un homme blessé, mais qu’il n’en a aucune connaissance personnelle, s’étant retiré, dans la crainte d’être blessé. RÉQUISITOIRE. Vu la continuation d’information, je requiers pour le Roi, icelle être jointe et continuée, et cependant le décret de prise de corps décerné le 10 novembre, contre un quidam en uniforme, qu’on a dit être M. le prince de Lambesc, être exécuté contre ledit prince de Lambesc, et ledit prince de Lambesc être pris et appréhendé au corps. Fait ce 23 novembre 1789. Signé : De Flandre de Brunville. ORDONNANCE. Soit fait ainsi qu’il est requis par délibération du conseil et jugement en dernier ressort. Ce 24 novembre 1789. Signé : Talon, etc. ADDITION D’INFORMATION. Du mercredi 2 décembre 1789. f. Marie-Claudine Lemaire, veuve C'André Riel, cordonnier, elle portière, rue du Bout-du-Monde, n° 20. Dépose que par elle-même , elle n’a aucune connaissance des faits dont elle va nous rendre compte; qu’elle n’en a connaissance que par ce qui lui en a été dit, et attesté par les témoins du fait, qui est que le 12 juillet dernier, sur les trois heures après midi, son mari l’a quittée pour aller se promener au Ghamp-de-Mars, avec le parrain de son enfant, qui se nomme Rose, maître cordonnier, rue Trainée, passage des Chartreux, par lequel elle a su que le tumulte qui existait au Ghamp-de-Mars les a déterminés à passer l’eau et à aller se promener à la barrière Blanche, où il s’est trouvé encore une grande multitude dépeuplé; que M. le prince de Lambesc, y étant survenu avec un détachement de son régiment , lui a ordonne de faire feu sur le peuple, ce qui a été exécuté, et que son mari a reçu deux balles dans le bas-ventre, et qu’il a été rapporté chez elle, où il est expiré en arrivant; que le sieur Bourloy, marchand de vin, et un limonadier du quartier sont ceux qui ont secouru ledit Riel et l’ont ramené chez lui dans une voiture avec ledit Rose, et que tout ce qu’a dit son mari en arrivant est ; Ce sont mes pays qui m’ont tué! son mari étant natif de Strasbourg (1). 2. Le sieur Jean-David Boullanger, demeurant rue Saint-Honoré, vis-à-vis les petites écuries du Roi, (1) Voy. les observations sur la 14e déposition. 310 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [27 novembre 1789.] Dépose que, le dimanche 12 juillet dernier, sur les 7 à 8 heures du soir, ayant rencontré un chevalier de Saint-Louis, dont il ignore le nom et la demeure, qui lui proposa d’aller aux Tuileries vérifier si les fusillades dont on parlait, dans les Champs-Elysées, étaient réelles, ils s’y transportèrent; qu’arrivés au pont tournant, ils se reposèrent sur les tabourets, à la porte du suisse, du côté de la rue Saint-Honoré; qu’à peine y étaient-ils, qu’ils virent avec le plus grand étonnement un détachement de Ro val-Allemand, commandé par M. le prince de Lambesc, ainsi que tout le public l’a attesté à lui déposant; qu’il déclare que, quoiqu’il connaisse de vue le prince de Lambesc, il n’a pu le fixer assez, dans le moment dont il nous parle, pour pouvoir attester que c’est lui; que, ce détachement à peine entré, une partie, du côté de la terrasse de la Renommée, a fait une décharge d’artillerie; qu’une autre partie s’est portée du côté où était lui déposant, le sabre à la main; que son premier mouvement fut de mettre sur sa tête le siège sur lequel il ôtait assis, pour parer les coups de sabre dont il était menacé, et de se plaindre hautement de l’atrocité qu’il y avait à violer le séjour du souverain, et d’y venir attenter à la vie des personnes qui s’y promenaient paisiblement ; que lui déposant a entendu un des cavaliers dire ; Nous n’avons pas besoin de vos leçons, retirez-vous ! ce que lui déposant a fait, en prenant le rempart qui conduit du côté de l’Orangerie, toujours accompagné du chevalier de Saint-Louis dont il nous a parlé ci-devant; qu’ils ont été suivis par environ une douzaine de cavaliers, environ vingt-cinq à trente pas sur ledit rempart ; que lui déposant atteste qu’il a été tiré un très-grand nombre de coups de feu, et peut-être plus de 100. 3. Pierre Doucher, marchand tripier, demeurant rue des Prêtres-Saint-Germain-FAuxer-rois, Dépose que, le dimanche 12 juillet dernier, ayant entendu dire qu’il y avait à la place Louis XV des troupes qui voulaientassassiner tout le monde, il s’est rendu sur ladite place, vers les 6 à 7 heures du soir, pour s’assurer du fait par lui-même, et qu’effectivement il y a trouvé un grand nombre de troupes, et surtout en uniformes verts, qui tous avaient l’air menaçant et le sabre à la main ; que cependant il s'est promené dans ladite place, et même au milieu de ces troupes, sans qu’il lui ai été rien dit ni rien fait, jusqu’au moment uù il a vu M. le prince de Lambesc, ainsi qu’il l’a entendu nommer par tout le monde, entrer en furieux avec une troupe de cavaliers par le pont tournant, ventre à terre; qu’il a entendu et vu plusieurs décharges de mousqueterie aux environs du grand bassin; que lui déposant a crié et répété a plusieurs fois qu’il fallait fermer le pont tournant, ce qui n’a pu être fait; qu’a-près un espace de temps qu’il ne peut déterminer, mais qui a été court," il a vu le même détachement revenir sur ses pas, pour sortir des Tuileries par le même pont tournant, et que le cavalier qui était à la tête a porté un coup de son sabre sur un particulier qui entrait aux Tuileries par le pont tournant, qui était sans armes, ni verge, ni bâton. 4. Antoine Paillet, marchand de vin à Paris, rue Saint-Germain PAuxerrois, Dépose que, le dimanche 12 juillet dernier, après avoir entendu les vêpres aiix Feuillants, il a été au Palais-Royal, où peu d’instants après son arrivée, il s’est élevé une émeute considérable, tout le monde criant aux armes, attendu que M. le prince de Lambesc massacrait tout à la place Louis XV ; qu’il a fait quelques pas pour aller aux Tuileries, mais que la foule l’a déterminé à retourner sur ses pas, et à revenir chez lui. 5. Nicolas Perrin, maître tailleur d’habits, demeurant à Paris, rue des Ecrivans, Dépose que, le 12 juillet dernier, ayant été se promener du côté de la barrière de Sèvres, étant revenu par le Palais-Bourbon, pour remonter au pont Royal, il a entendu tirer quelques coups de fusil, qu’il a supposé être tirés par des chasseurs ; en conséquence, il a continué son chemin jusqu’au pont royal, à l’extrémité duquel étant parvenu il a vu une foule de personnes qui sortaient des Tuileries en gémissant et disant : Hélas! mon Dieu, qu’allons-nous devenir? que cela a piqué sa curiosité; qu’en conséquence, après quelques efforts pour percer cette foule, il est entré dans les Tuileries, qu’il est monté sur la terrasse, du côté de la rivière, d’où il a vu un corps de troupes qu’il croit être un escadron de dragons, et deux de hussards, l’un de Berchiny et l’autre de Rou-grave, à ce qu’il croit, qui ont détourné du côté de la place Louis XV ; qu’il les a suivis sur la terrasse; qu’arrivé à l’extrémité de ladite terrasse, et près de la rampe de la Renommée, il les a vus se ranger en ordre de bataille dans ladite place Louis XV; que peu de moments après, il a vu un détachement de Royal-Allemand, commandé par le prince de Lambesc, qu’il connaît personnellement, et qu’il a reconnu, entrer dans ladite place, se former en bataille près de l’enceinte de la statue, et peu de moments après, venir à la tête du pont tournant et entrer dans le jardin des Tuileries ventre à terre, par ledit pont tournant; qu’à ce moment, lui déposant, qui était descendu de la terrasse pour aller dans la p lace, s’est sauvé le plus promptement qu’il était possible dans les pierres qui sont sur ladite place, d’où il a vu ce détachement faire un feu de file dans les Tuileries entre les deux terrasses , et qu’il a vu le même détachement ressortir des Tuileries, toujours commandé par M. le prince de Lambesc, se réunir aux autres troupes qui étaient dans la place, et qu’alors lui déposant s’est retiré, et n’a pu rien voir davantage, attendu l’éloignement où il était. ©. Remi Duruisson, bourgeois de Paris, demeurant rue du Petit-Garreau, Dépose que, le dimanche 12 juillet dernier, il a été avec son épouse et son enfant se promener aux Champs-Elysées; ils y ont vu arriver les suisses, qui se sont rangés et arrêtés à l’entrée de l'avenue de Neuilly, du côté de la place Louis XV ; que peu de moments après, ayant entendu tirer quelques coups de feu dans ladite place, il crut prudent de se retirer chez lui ; que, la foule ne leur ayant pas permis d’entrer dans les Tuileries, ils ont continué leur chemin par le quai des Tuileries. 7. Pierre-Toussaint Duclos, marchand boucher à Paris, rue du Petit-Garreau, Dépose que, le dimanche 12 juillet dernier, ayant été avec son épouse et quatre ou cinq de leurs parents se promener au Ghamp-de-Mars, ils passèrent la rivière par le bac des Invalides, dans l’intention de prendre les Tuileries pour venir chez lui ; qu’ils avaient entendu dire, lors de leur passage au bac, qu’il y avait du train dans la place, et qu’on y avait tiré quelques coups [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [27 novembre 1789.] 311 de feu, et que, arrivés à la place Louis XV, ils y virent quatre pelotons de cavaliers qui étaient hussards et dragons rangés en face des Tuileries, et qui lui parurent fort tranquilles; qu’en conséquence ils continuèrent leur chemin pour gagner le pont tournant; que lui déposant, qui donnait à son épouse le bras, étant prêt d’entrer sur ledit pont, vit arriver le prince de Lambesc à la tète d’un détachement de son régiment, qui le força lui et sa compagnie à se rejeter dans les pierres, du côté de la rue Saint-Honoré, d’où il vit le prince de Lambesc, que lui déposant connaît et a parfaitement reconnu, entrer dans ledit jardin des Tuileries, au grand galop, suivi de son détachement ; qu’il a entendu tirer par ce détachement dans le jardin des Tuileries un grand nombre de coups tle feu, dont il a senti personnellement la répercussion sur le dos, et qu’ils se sont tons retirés. S, Jean-Baptiste D Allemagne, fruitier-oranger à Paris, demeurant rue Saint-Lazare, Dépose que, le dimanche 12 juillet dernier, sur les 2 heures, un détachement d’au moins 100 hommes de Royal-Allemand est venu s’établir en ordre de bataille à l’entrée de la barrière Blanche; qu’un homme âgé ayant voulu traverser cette troupe, eu ayant été maltraité, et par suite étant tombé sur la terre, ce fait a donné lieu aune clameur qui a été suivie de quelques pierres qui ont été jetées à ces cavaliers par le public , lesquels ont alors fait feu de leurs pistolets, et qu’entre autres un particulier inconnu à lui déposant est tombé à la porte du déposant, blessé au bas-ventre d’une balle, dont la blessure paraissait avoir un pouce de diamètre, lequel particulier a été ramassé par lui déposant, remis chez Je limonadier, son voisin, où on lui a donné les premiers secours; qu’on a envoyé chercher un carrosse de place, dans lequel ce particulier a été conduit à sa demeure, rue du Bout-du-Monde, oùil avait dit qu’il avait sou domicile, et où il a appris qu’il était mort en arrivant. Thomas-Dieudonné Dalifard, marchand limonadier, rue Saint-Lazare, Dépose qu’il n’a aucune connaissance des faits, mais" que, dans la nuit du samedi i l juillet au dimanche 12, des brigands s’étant emparés de lu barrière Blanche et ayant mis le feu dans tout le courant de la journée du lendemain dimanche, des détachements des gardes françaises et de Pioyai-Allemand se sont présentés à ladite barrière, soit pour aider à éteindre le feu, soit pour maintenir le bon ordre et la tranquillité , et qu’il y avait une multitude de peuple considérable; que lui déposant ignore ce qui a pu déterminer le détachement Royal-Allemand qui était de poste à 8 heures du soir , à faire une première décharge, et qu'il sait seulement qu’un particu lier qu’il a depuis appris être cordonnier et demeurant rue du Bout-du-Monde avait été blessé d’un coup de feu dans le bas-ventre; que lui déposant avec autres personnes de ses voisins l’a ramassé sur le pavé, l’a apporté dans sa boutique, lui a donné les secours qu’il pouvait; qu'il était blessé dans le bas-ventre, à Paine droite, de la largeur d’environ un pouce; que lui déposant a envoyé chercher un carrosse de place dans lequel ce particulier a été transporté chez lui, accompagné d’un commissionnaire, que lui déposant a chargé de le conduire à son domicile, et lequel commissionnaire en revenant chez lui déposai! I pour y recevoir tant le prix de sa commission que celui de la voiture, a dit à lui déposant qu’il avait laissé ce particulier prêt à expirer. S®. Le sieur Nicolas ITion, agent des troupes du Roi, demeurant rue Saint-Honoré, n° 238. Dépose que, le dimanche 12 juillet dernier, avant appris au Palais-Royal qu’il y avait des troupes et quelque tumulte à la place Louis XV, lui déposant alors vit des électeurs qui se disposaient à aller à l’Hôtebde-Ville, crut de son devoir de s’assurer par lui-même de ce qui se passait â la place, à l’effet d’en rendre compte à Rassemblée des électeurs; qu’en conséquence lui déposant monta chez lui, prit son épée et s’arma d’un pistolet de poche; qu’il pouvait être alors 7 à 8 heures du soir; qu’au moment où il y arriva, il n’y avait pas grande multitude dans la place; qu’il se rendit à l’avenue de Neuiily dans les (ihamps-Elysées, où il aperçut quelques pièces d’artillerie à la tête d’un corps de suisses; qu’il aperçut également dans ladite place des détachements de Royal-Cravate et de Royal-Allemand; qu’il rencontra différentes personnes de sa connaissance; qu’il n’aperçut de la part des troupes aucuns mouvements qui pussent l’inquiéter ; au moyen de quoi il entra dans les Tuileries par le pont tournant à l’effet d’être mieux à portée de voir ce qui se passait, et qu’à peine y était-il parvenu que lui déposant vit un détachement de Royal-Allemand commandé par le prince de Lam-besc, qu’il a l’honneur de connaître personnellement et parfaitement, entrer dans ledit jardin des Tuileries au galop par le pont tournant; que le peu de monde qui était alors dans cette portion de jardin se sauva à toutes jambes; qu’après divers mouvements et après des décharges de mousqueterie, comme le peuple criait ; Fermez le pont , et que plusieurs particuliers jetaient des chaises et des tabourets pour empêcher le passage, lui déposant a vu ledit prince de Lambesc revenant du côté du pont au galop, et rencontrant à l’angle d’icelui du côté de Mercure un vieillard qui se pressait pour éviter d’être écrasé par sou cheval, porter un coup de sabre sur la tête de ce particulier; qu’après ce, le prince de Lam hesc étant sorti des Tuileries, lui déposant s’est retiré pour aller à i’Hôtei-de-Ville. 1 1 . François-Philippe Dauthereau, marchand de vin, rue baint-Lazare, Dépose qu’il n’a aucune connaissance desdits faits; mais sait seulement que, le dimanche 12 juillet dernier, il y a eu dans la place qui est devant la porte de sa maison des détachements de cavalerie de Royal-Allemand h l’occasion du feu qui, la veille au soir, avait été mis par des brigands à la barrière Blanche ; que, le tumulte occasionné par cet événement ayant obligé lui déposant de fermer ses portes et de se tenir enfermé chez lui, il ne peut nous donner de détails sur tout ce qui s’est passé jusque vers les 8 heures du soir dudit jour 12 (1), moment où il a entendu unedécharge d’artillerie, et qu’ayant mis la tête à la fenêtre de son premier étage, il a vu un particulier étendu sur le pavé près de la boutique d’un limonadier son voisin, lequel avait été blessé d’u.n coup de pistolet par un trompette de Royal-Allemand. (I) Il est prouvé que le prince n’y était pas à cette heure, ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [27 novembre 1789.] 312 [Assemblée nationale.] M2. Marie-Philippe-Jean Orban, marchand épicier, rue Saint-Lazare, Dépose qu’il n’a aucune connaissance desdits faits; si ce n’est qu’il sait seulement que pendant toute la journée du dimanche 12 juillet dernier, à l’occasion du feu qui avait été mis à la barrière Blanche, il a vu des troupes aller et venir dans la place sur laquelle donne sa maison; que sur les 7 à 8 heures du soir, la multitude s’augmentant, il crut devoir fermer sa boutique, et que peu d’instants après il entendit une décharge de plusieurs coups de feu, et que de la fenêtre de sa boutique, il vit un homme qui avait été blessé, qu’on soutenait sous les bras et que l’on entra dans la boutique du limonadier, d’où quelques instants après ce particulier fut mis dans un fiacre et reconduit dans sa demeure, et lui déposant a appris le jour môme que cet homme était mort en arrivant chez lui. Ajoute, lui déposant, que c’était un détachement de Royal-Allemand-cavalerie qui était sur ladite place , et qui sans doute a fait la décharge de mousqueterie dont il vient de nous parler; au surplus qu’il ignore qui commandait ce détachement, et n’a point l’honneur de connaître le prince de Lambesc. 13. Jean-Jacques-Augustin de Garboire, officier des gardes du corps au service d’Espagne, demeurant rue Croix-des-Petits-Champs, Dépose que, le 12 juillet dernier sur le soir, lui, déposant, étant aux Tuileries sous la statue de Mercure, il a vu entrer un détachement de Royal-Allemand qui se mit en bataille en faisant face à la rivière ; M. le prince de Lambesc , monté sur un cheval gris, selle grise sans fontes ni pistolets. A peine entré, une douzaine de personnes sautèrent aux crins et a la bride de son cheval et firent tousleurs efforts pour le démonter; un petit homme vêtu de gris lui tira même de très-près un coup de pistolet, qui emporta même son gant de la main droite qu’il tenait à la gauche; que le prince fit tous ses efforts pour se dégager, et il y parvint en faisant caracoler son cheval et espadonnant avec son sabre, sans néanmoins dans ce moment avoir blessé personne; que lui, déposant, lui vit donner un coup de plat de sabre sur la tête d’un homme qui s’efforçait de fermer le pont tournant, et qui, par ce moyen, aurait coupé la retraite à sa troupe; qu’il ne fit que chercher à écarter la foule qui se jetait sur elle, tandis que, du haut des terrasses, on l’assaillait à coups de pierre et même d’armes à feu . Le prince ne dépassa pas le grand bassin, étant constamment resté dans l’espace entre cette pièce d’eau et le pont tournant ; sa troupe tira quelques coups de pistolet en Pair et se retira ensuite dans la place Louis XV, où il la joignit; observe que le prince n’était pas à la tête cle sa troupe au moment du feu. 14. Louis Bourbon, marchand de vin à Paris, à la Pologne (1), (1) Sur le fait d’un particulier tué à la barrière Blanche, mort cependant chez lui; fait non compris dans la plainte, .non attribué au prince, mais fait généralisé, il a été entendu plusieurs témoins; ce sont les 1er, 8°, 9e, lie, 12e, la présente et la 16e dépositions. On voit, à la lecture de la première de ces dépositions, qu’on a renvoyé à la 14e pour la discussion; elle ne sera pas longue : ce fait n’est pas du procès, ce fait ne regarde pas le prince. En rapprochant ces sept dépositions, telle est la lumière qu’elles procurent : Un homme a été blessé à mort, le dimanche 12 juillet, Dépose qu’il n’a aucune connaissance desdits faits. Sait seulement que ledit jour, 12 juillet, étant à boire une bouteille de bière chez un limonadier, près la barrière Blanche, sur et vers les 7 à 8 heures dudit jour 12, survint un détachement de Roy al-Allemand qui, pour dissiper la multitude, tira en l'air quelques coups de feu; que, néanmoins, quelques balles ayant cassé des carreaux des fenêtres des guinguettes qui sont dans ce quartier, les personnes qui étaient dans les salles jetèrent par les diverses fenêtres des pintes et autres choses semblables qu elles trouvèrent sous leurs mains sur le détachement, et quelques polissons leur jetèrent quelques portions de bois enflammé ; alors ce détachement tira plusieurs coups de pistolet, dont un homme qui était à côté de lui, déposant, qui était sorti sur la place, reçut une balle dans le bas-ventre ; que lui, déposant, apercevant que ce particulier ne pouvait se soutenir, lui donna le bras jusqu’à l’entrée de la boutique du limonadier , où il fut vérifié que le coup de feu qu’il avait reçu lui avait fait un trou à par Roy al -Allemand, sur les huit heures du soir. Voilà ce qui paraît constant. Il ne s’agit pas de savoir si les témoins se trompent sur le détachement; le procès pourrait fournir la preuve que le détachement Royal-Allemand n’était pas à la barrière Blanche à huit heures du soir. Il semble inutile de renvoyer au numéro de chaque déposition des informations, pour établir qu’à huit heures du soir le détachement à la tête duquel était le prince, sans commandement direct et sans être monté sur un cheval d’escadron, était, ou à la place Louis XV ou aux Tuileries. Ce fait est prouvé au procès, et, par cela seul, nulle preuve qui porte à croire que le prince soit coupable, par ordre on autrement, du meurtre de Riel, mari du premier témoin de cette addition. Les juges remarqueront au procès ce fait prouvé. C’est à huit heures que le prince a reçu l’ordre d’entrer dans les Tuileries. C’est à huit heures que la rixe des Tuileries a eu lieu ; c’est à huit heures que Riel a été tué : donc, impossible que le prince ait donné l’ordre de tirer à la barrière Blanche, à huit heures; donc impossible que ce soit le détachement de Royal-Allemand qui ait tiré. Pour se convaincre de ce point de vérité, il faut lire le procès en entier, et notamment la déposition de M. de Reynack, qui rend compte des opérations de sa journée, compte non suspect, non contesté, prouvé au contraire par toutes les circonstances, puis comparer ce compte avec les sept dépositions auxquelles les présentes observations servent de réponse. Un voit, d’un côté, qu’à sept heures trois quarts M. de Reynack, sorti depuis six heures de la barrière Blanche, ayant été rafraîchir sa troupe au manège, est mandé pour aller à la place Vendôme ; qu’il y reste un quart d’heure; qu’il lui est ordonné d’aller à la place Louis XV ; que là il reçoit, à huit heures, l’ordre d’entrer dans les Tuileries, et que c’est à ce moment qu’est arrivée l’émeute dont il s’agit; de l’autre, que c’est à huit heures, après toutes les menaces, insultes et maltraitements faits à un détachement tel qu’il soit, qu’il a tiré, et que, par suite, Riel a été blessé ; mais s’il Ta été, s’il est mort de sa blessure, à qui peut-on en imputer la faute? Ce n’est sûrement pas au prince, ni à ce même détachement entré à huit heures dans les Tuileries ; le prince n’a pu donner Tordre à cette heure à la barrière Blanche, et le second n’a pu les exécuter à cette heure. Ils étaient en station à la place Louis XV et aux Tuileries. Il esl à remarquer que, parmi ces sept dépositions, il n’y en a qu’une qui parle du prince, encore est-ce par ouï-dire; les autres rendent compte de l’insurrection, du trouble, des pierres jetées, du feu tiré en l’air, et enfin de la blessure de Riel ; mais rien, absolument rien ne peut regarder le prince, ni le détachement entré dans les Tuileries à huit heures du soir, au moment où la barrière Blanche, au secours de laquelle on avait envoyé, était en feu, et où on avait forcé la troupe. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [27 novembre 1789.] 313 fourrer le doigt, et qu’après ce, lui témoin, se retira chez lui, et il ne sait ce qu’est devenu ce particulier, qui lui parut un Allemand, qui était vêtu d’un surtout bleu, veste, culotte et bas noirs. 15. Louis-René Jarrier, compagnon cordier, demeurant à Bicêtre, comme bon pauvre, Dépose que, revenant des ateliers de charité du côté de Clichy, le dimanche 12 juillet dernier, sur les 7 heures du soir , il entra dans la place Louis XV, où il vit beaucoup de. personnes courir sur le boulevard, où l’on disait que l’on allait chercher des armes dans une maison blanche, à l’entrée du boulevard; qu’il y courut comme les autres ; qu’il y rencontra un corps de troupes ayant des bonnets de poil sur la tête, qui tirèrent des coups de fusil dont il a eu le malheur de recevoir une balle qui lui a percé le haut de l’os de l’épaule, dont le trou n’est pas encore tout à fait guéri, et qui a pénétré dans l’intérieur de l’estomac; qu’il a été secouru par les personnes qui étaient là, qui l’ont porté sur un brancard à l’Hô-tel-Dieu, d’où il a été passé à Bicêtre, comme bon pauvre, sur la recommandation de M. de Lafayette. 16. Étienne Rue, marchand de vin à Paris, à la barrière Blanche, Dépose qu’il n’a aucune connaissance desdits faits, si ce n’est que le feu qui avait été mis aux barrières avait attiré le dimanche, 12 juillet dernier, plusieurs détachements de troupes à la barrière Blanche, et spécialement de Royal-A Uemand, qui s’y était comportés assez paisiblement jusque vers les 7 heures du soir; qu’un tumulte ayant obligé lui, déposant, de se mettre en devoir de fermer sa boutique, il vit un détachement dudit Royal-Allemand, venant du côté de la rue Blanche, qui tira quelques coups de feu , les uns en l’air, les autres dans les fenêtres, et les autres sur le peuple qui était dans ladite place, et qu’entre autres lui, déposant, aida un particulier quiavait été blessé dans l’aine droite d’un coup de balle, à le transporter jusqu’à l’entrée de la boutique du limonadier qui est vis-à-vis de lui, déposant, où l’ayant laissé entre les mains des personnes qui cherchaient à le soulager, il entra chez lui, ferma sa boutique et n’a rien vu depuis. 77. M. Pierre Collet, marchand de galons, rue Saint-Denis, Dépose que, le dimanche 12 juillet dernier, ayant entendu dire au Palais-Royal, où il était, qu’il y avait beaucoup de tapage à la place Louis XV, il s’y est transporté; qu’il y trouva différents corps de troupes qui y étaierit'en ordre 4e bataille ; qu’il alla jusqu’à l’entrée des Champs-Elysées, dans l’avenue de Neuilly, où il vit des canons environnés de Suisses-/ que sur les 7 heures 1/2 8 heures il aperçut un détachement de Royal-Allemand qui"venait par la place dans la rue Royale, lequel entra dans le jardin des Tuileries par le pont tournant; que, comme lui déposant n’avait aucune mauvaise intention, il s’approcha dudit pont tournant, et qu’au moment môme où il était prêt à mettre le pied sur ledit pont, il vit le prince de Lambesc, qu’il connaît et qu’il reconnut parfaitement, qui venait au galop pour sortir des Tuileries par ledit pont, au moment où un particulier qui était à l’autre extrémité dudit pont de la rue Saint-Honoré, lequel particulier avait son chapeau sur la tête, une perruque ronde, un para, pluie sous le ■ bras et petite canne à sa main , tenant d’une main la rampe dudit pont et cherchant à s’échapper, sur laquelle le prince de Lambesc, qui galopait, lui déchargea en passant un coup de sabre; qu’a-iors lui, déposant, s’échappa par les trottoirs du côté de la colonnade, regagna par l’escalier de l’Orangerie la terrasse des Feuillants et se retira chez lui. Ajoute, lui déposant, qu’il a vu et entendu le détachement commandé par le prince de Lambesc tirer un grand nombre de coups de feu dans le jardin des Tuileries pendant le peu de temps qu’il y est resté. 18. Joseph-Martin Gourtet, dit Chambéry, domestique de madame Dufaillant, y demeurant rue Clos-Georgeot, Dépose que, le dimanche 12 juillet dernier, étant allé se promener aux Tuileries à 7 ou 8 heures, et se trouvant sur la terrasse du côté des Feuillants et voyant sur le pont tournant, il a vu M. le prince de Lambesc monté sur un cheval qu’il croit gris ou alezan , à la tête d’un détachement de son régiment, entrer le sabre à la main par le pont tournant dans le jardin des Tuileries, et qu’alors la frayeur qu’il partageait avec tous ceux qui se trouvaient sur ladite terrasse l’a fait enfuir, et que dans sa fuite il a entendu plusieurs coups de feu qui l’ont fait sauver plus vite encore; déclare qu’il connaît personnellement le prince de Lambesc, et qu’il est bien sûr que c’est lui qu’il a vu entrer au grand galop dans les Tuileries, le sabre à la main. 19. Omer-Gratien-Zéphirin Le François de Rosuel, âgé de 37 ans, écuyer, demeurant à Paris, rue et hôtel Taranne, Dépose que, s’étant rendu aux Tuileries le 12 juillet dernier, do 7 à 8 heures du soir, se promenant sur la terrasse des Feuillants, et étant arrivé à l’extrémité de ladite terrasse, il a vu M. le prince de Lambesc, qu’il a l’honneur de connaître, et qu’il a parfaitement reconnu, entrer au grand trot dans le jardin des Tuileries par le pont tournant, suivi d’un détachement de son régiment; lequel détachement il a vu se porter jusqu’au grand bassin de part et d’ autre ; ce que lui déposant a jugé avoir pour objet de dissiper la multitude du peuple qui se trouvait du côté de ce jardin ; qu’après ce, le prince de Lambesc a reformé sa troupe, est sorti des Tuileries par le même pont tournant pour se rendre par la place Louis XV, et que peu de temps après, lui déposant a vu ledit prince de Lambesc revenir et rentrer aux Tuileries au grand galop par le pont tournant et suivi du même détachement, ayant tous le sabre à la main, se porter jusqu’au grand bassin, s’y partager de droite et dé gauche après avoir fait une décharge en l’air, et lui déposant a vu ledit prince de Lambesc se porter aux deux tiers du rempart conduisant à la terrasse des Feuillants où était lui déposant, et quelques cavaliers de Royal-Allemand en faire autant de l’autre côté ; que lui déposaut a encore vu le peuple jeter des pierres sur le détachement de Royal-Allemand , qui était formé en ordre à la tête du pont tournant, à la place Louis XV, dans l’intervalle du temps qui s’est écoulé entre les deux entrées dans le jardin des Tuileries; qu’à la seconde fois que le prince de Lambesc est sorti dudit jardin, lui déposant l’a vu se détacher de sa troupe et se porter sur un homme qui était appuyé et au coin de la rampe du pont tournant, qui paraissait à lui déposant vouloir 314 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [27 novembre 1789.] faire ses efforts pour fermer ledit pont, auquel lui répondant a vu porter un coup de sabre, et ce du côté de la colonne de Mercure. £©. M. LE BARON DE BESENVAL Dépose qu’il ne peut que répéter ce qu’il a dit dans ses interrogatoires Jors de son procès, à quelques circonstances très-peu importantes ' qu’il ne s’était pas rappelées : dans ce temps le déposant avait chargé spécialement M. de Lam-besc de surveiller avec son régiment de Royal-Allemand, alors campé dans le jardin de la Muette, un ateiier de 3 à 4,000 ouvriers employés à construire un chemin à Montmartre, qui demandait la plus grande surveillance par les désordres continuels auxquels ils s’abandonnaient, ce qui nécessitait M. de Lambesc à y avoir continuellement des détachements de son régiment, et à s’v porter souvent en personne. Le 12 juillet dernier le déposant, ayant rassemblé dans la place Louis XV les différents détachements de cavalerie postés dans tout le pourtour de Paris, à l’effet de continuer à y maintenir le bon ordre, et qui auraient pu être compromis, étant isolés dans leurs différents postes, était dans une grande inquiétude de voir l’humeur qui régnait parmi les troupes de la façon dont elles avaient été traitées par le peuple, qui les avait reçues à coups de pierre et à coups de fusil, de manière qu’il y eut plusieurs dragons tués, blessés, ainsi que des chevaux, et de voir pareillement que le peuple était pêle-mêle avec les troupes, ce qui pouvait d’un moment à l’autre occasionner un carnage. Le déposant aurait eu bien envie de faire repousser par une charge tout ce peuple dans les Tuileries, et prévenir par là les événements que lui déposant craignait ; mais pour faire cesser cette manœuvre il aurait fallu déposter une ou plusieurs troupes qui étaient en bataille, ce qui aurait eu l’air d’une véritable attaque, et aurait pu engager l’événement que le déposant voulait prévenir : dans cette position M. le prince de Lambesc envoya son aide de camp au déposant, pour lui dire qu’il était à la place Vendôme avec un détachement de son régiment d’environ 50 chevaux, et qu’il lui faisait demander ses ordres ; le déposant lui fit dire de le venir joindre sur-le-champ avec sa troupe, voulant en profiter, pour faire l’opération qu’il désirait: aussitôt qu’il fut arrivé, il lui ordonna de charger tout le peuple qui était dans les pierres et avant le pont tournant pour le contraindre à rentrer dans les Tuileries. M.deLambesc demanda au déposant si lui-même y entrerait, à quoiil lui répondit d’abord que non ; mais faisant réflexion que c’était manquer son objet s’il n’enfonçait pas dans les Tuileries le peuple qui aurait pu repasser Je pont tournant, il réitéra son ordre à M. de Lambesc, et lui dit de dépasser avec sa troupe le pont tournant, et de s’arrêter à six pas du pontdans l’intérieur du jardin. I\l. de Lambesc exécuta ponctuellement son mouvement, et s’arrêta à la hauteur des Renommées, autant que le déposant a pu en juger de la balustrade de la statue de Louis XV où il était ; il fut fort étonné devoir partir plusieurs coups de pistolet en l'air, du détachement des Royal-Allemand, eide voir M. le prince de Lambesc faire un mouvement rétrograde très-prompt et repasser le pont avec sa troupe ; le déposant alla au-devant de lui et lui demanda raison de cette conduite et ce qui lui était arrivé. M. de Lambesc lui dit qu’à l’instant qu’il s’ était ébranlé , le peuple s' était retiré précipitamment de devant lui , et avait passé le pont tournant, mais qu’au lieu de s’enfoncer dans les Tuileries, il avait gao-né à toute course les rampes, et s’était accumulé sur les plate-formes de droite et de gauche, d’où il avait accablé le détachement de chaises, de pierres et de tout ce qu’il avait trouvé sous sa main, taudis que plusieurs particuliers, s’étant glissés derrière les chevaux, commençaient déjà à tourner le pont , ce qui l’avait contraint de se retirer avec la plus grande vitesse ; sur quoi le déposant lui ordonna de se mettre en bataille avec sa troupe sur un terrain qu’il lui indiqua dans la place Louis XV, où il resta jusqu’à ce que lui déposant fit retirer toutes les troupes, pour rentrer dans leurs quartiers. DEUXIÈME ADDITION. Du samedi 5 juin 1790. 1. François-Henri-Charles, comte de Rey-nacic, capitaine au régiment de Royal-Àallemand, Dépose : Le 12 juillet dernier, à midi, je fus commandé de piquet; à 1 heure 1/4 arriva un commis des barrières, à ce que je crois, chez M. Je prince de Lambesc, au château de la Muette, qui demanda des secours pour se transporter a la barrière Blanche où l’on menaçait de brûler la barrière : il me fut ordonné de monter à cheval avec un piquet de 50 hommes, en toute diligence, ce que je lis : étant sorti et passant devant le château de la Muette, je trouvai ce commis, qui était à cheval, qui me dit qu’il me précéderait d’une quarantaine de pas, pour ne pas avoir i’air de chercher main-forte ; je partis au trot et me rendis sur une place qui se trouve près la barrière Rian-che, où je me mis en bataille , j’y trouvai trois piquets de gardes françaises, un de grenadiers et un de fusiliers, ainsi qu’un détachement du guet à cheval, qui me dit qu’ii était là pour me conduire où ma présence serait nécessaire, Les piquets des gardes françaises quittèrent le poste; je' restai là jusqu’à environ 6 heures; pendant cet intervalle le piquet du guet à cheval s’en alla par deux, trois et quatre hommes, en sorte qu’il ne m’en resta que deux ou trois. Voyant les derniers de ce piquet parti, j’accostai l’un d’eux qui avait un galon sur le bras, et dont j’ignore le grade, et le priai de rester là pour me conduire où ma présence serait nécessaire, ne connaissant point du tout Paris; j’eus toutes les peines du monde à maintenir ma troupe dans l’ordre que la loi m’a jusqu’à présent donné, par la grande quantité de monde qui m’entourait; j’y fus meme invectivé ainsi que ma troupe; on proposait à ma troupe à boire différents vins et liqueurs, ainsi que de l’argent ; j’eus beaucoup de peine à la maintenir et à empêcher qu’on ne dérangeât son ordre de bataille, par la quantité dé gens de tout état qui cherchaient à entrer dans tes rangs, quoique ma troupe fût placée suivant les règles de notre état; il se présenta même un vendeur de tisane, ayant dans sa fontaine du vin, qui en Ht boire à un de la troupe, lequel dit à un de ses camarades qu’il croyait boire de l’eau sucrée. Je restai dans cette position jusque sur les 6 heures. M. le prince de Lambesc passant à mon poste, je lui demandai d’être reievé, étant harassé par l’ardeur du soleil qui me plongeait ainsi que ma troupe, ce qu’il me promit et ne Larda pas de faire*, ayant etc en effet relevé vers les G heures 1/2, je fus envoyé au manège des Tuileries pour m’y rafraîchir, où je restai environ une demi-heure ! ou trois quarts d’heure, et Sis donner une demi-J bouteille de vin par homme, et quelques bottes [Assemblée nationale.] ARGHIVES PARLEMENTAIRES. [27 novembre 1789.] gjg de foin pour les chevaux du détachement. Vers les 6 heures 3/4 ou 7 heures, je reçus ordre d’en sortir précipitamment pour me-transporter à la place Vendôme, parce que l’aide de camp qui me donna l’ordre me dit qu’il s’y rassemblait beaucoup de monde; je fis brider à la hâte pour me rendre sur cette place Vendôme, où je me mis en bataille près de la statue, ayant une avant-garde sur ma droite, et une arrière-garde sur ma gauche; je n’y restai guère qu’une demi-heure. Je reçus ordre d’un aide de camp de me rendre à la place Louis XV. M. le prince de Lam-besc me joignit sur ladite place Vendôme, et me conduisit à la place Louis XV; je reçus un autre ordre de M. le prince de Lambesc d’entrer dans les Tuileries ; j’y marchai militairement. Arrivé au pont tournant au grand trot, une femme d’environ trente à trente-quatre ans, vraisemblablement effrayée par le bruit de la troupe, tomba sur le pont tournant; ma première section, qui marchait à environ trente pas du corps de la troupe, arrêta positivement à l’entrée du pont pour laisser relever cette femme et son enfant ; la troupe entra dans les Tuileries, après avoir franchi une haie de chaises ; je fis mon commandement pour que la troupe se mît à droite en bataille; pendant ce temps-là je fus moi-même à gauche, où il y avait beaucoup de monde sous un hangar ou tente qui pouvait renfermer environ deux cents personnes de tout état; je leur dis de se retirer, que nous n étions pas ici pour leur faire de ma,l, mais qu'on ne voulait pas souffrir d’attroupement ; on répondit à mon honnêteté avec pierres, bouteilles, chaises et toutes sortes de choses qu’on me jeta après : je reçus deux contusions, l’une au côté, l'autre aux reins ; dans ce même temps, on tira dessus la troupe de dessus les terrasses, et on lui criait des sottises ; voyant le feu que l’on faisait sur eux, je commandai à ma troupe de se disperser et de tirer quelques coups de mousque-terie en l'air, de prendre garde à ce qu’ils feraient, tel que l’ordre leur avait été donné chemin faisant, tant aux soldats en général qu’aux officiers particulièrement qui étaient sous mes ordres. Pendant ce temps-là, je vis un cavalier, près du bassin, démonté : je fus à lui pour le faire rentrer au corps de la troupe ; voyant que le cheval ne pouvait pas se relever, n’ayant que la partie de derrière qui traînât à terre , je donnai un coup de plat de sabre au cheval, sur les fesses, pour le faire relever ; le cheval se releva, le cavalier monta dessus et rentra dans son rang. Moi, de ma personne, je me reportai à gauche pour voir ce qui se passait; j’y fus invectivé par un jeune homme d’environ 18 ans qui avait un bâton de chaise gros comme le poignet, d’environ un pied et demi, lequel me le lança; je le reçus au bras gauche, il me fit une si grande douleur que je fus obligé de quitter la bride de mon cheval, croyant avoir le bras cassé; mon cheval se cabra et fit beaucoup de difficultés ; ayant rattrapé ma bride, je poursuivis ce jeune homme jusqu’à la première allée ; passant devant un banc où il pouvait y avoir une trentaine de personnes de tout sexe, qui ne me dirent rien, je lâchai après ce jeune homme un coup de pistolet à poudre ; je revins à ma troupe pour fa remettre en bataille et la faire ressortir du jardin, [j’entendis crier dans ce moment de toutes parts, de fermer le pont; j’ignorais que ce pont se fermât ; y étant arrivé, je vis M. le prince de Lambesc qui en était près, et plusieurs personnes, dont l’une avait le bras en l’air; je fis sortir ma troupe, la mis en bataille vis-à-vis un détachement de Royaf-Cravate-cavalerie ; je me rapprochai du pont tournant, je n’y vis plus personne. Je restai avec ma troupe dans cette position fort tard: je vis arriver� une division l’infanterie suisse, avec deux pièces de canon qu’ils mirent en batterie au pied de la statue; ne pouvant rester là en cas qu’elle jouât, je m’adressai à M. de Besenval pour avoir ses ordres : il me mena lui-même au-devant d’une rue qui est au milieu de la place Louis XV, où je restai jusqu’à ce que j’eus reçu un billet dé M. du Châtelet, colonel des gardes françaises, qui me prévenait que les gardes françaises venaient contre les troupes à cheval, et qu’il me priait de me retirer derrière les suisses, ce que j’ai fait pour éviter tout combat, n’ayant pas l’ordre de combattre. Je cherchai un officier général pour prendre ses ordres, je n’en trouvai point ; dans ce moment je fus rejoint par le détachement qui m’avait relevé; je me retirai derrière les suisses jusqu’à ce que je reçus ordre de me retirer dans le camp, où je fis déposer les cartouches que je pouvais avoir, suivant l’usage admis, soit dans l’infanterie, soit dans la cavalerie. Ajoute le déposant que l’usage du service est que les officiers n ont point de cartouches ni de gibernes; que leurs pistolets ne sont point de calibre. Du vendredi 11 juin. 2. Jacques Buguet, commis aux carrières sous Paris, demeurant rue des Nonaindières, Dépose que, le dimanche 12 juillet dernier, venant de se promener aux Champs-Elysées avec sa fille et un jeune homme, arrivé à la tête du pont tournant, vers les 8 heures du soir, où il s’était amassé beaucoup de monde, if vit une foule de peuple, hommes, femmes et enfants de tout âge, se porter avec précipitation dans les Tuileries; que s’étant rangé au bout du pont tournant, du côté du trottoir et de la rivière, il a vu un détachement de Royal-Ailemand, commandé par le prince de Lambesc, ainsi qu’il a été dit par le public, qu’il n’a pu distinguer quoiqu’il le connaisse d’ailleurs, entrer au galop sur trois ou quatre de front dans les Tuileries par le pont tournant , se porter jusqu’au grand bassin, revenir sur ses pas entre les deux terrasses, se porter jusqu’au grand bassin, revenir de droite et de gauche, y faire un feu roulant de pistolet, autant que lui déposant a pu l’apercevoir et le remarquer de l’endroit où il était placé du pont tournant; que quelques instants après il a vu un petit homme qui traversait le pont assez. tranquillement, pour entrer dans les Tuileries ; qu’alors il aperçut le commandant du détachement de Royal-Aliemand, montant un cheval blanc ou gris, se détacher de sa troupe et venir au galop sur ledit particulier, le sabre à la main, auquel lui, déposant, croit avoir vu porter un coup de sabre sur le col, -et que le moment d’après il a vu revenir le même cavalier sur ledit homme et lui porter un coup de sabre sur la/ tête; qu’avant ce fait il avait entendu le peuple crier : Fermez le pont! mais que comme il n’y avait personne qui sût comment s’y prendre, cela n’avait pas pu se réaliser ; qu’après ce, lui déposant et sa compagnie se sont retirés par le trottoir. 3. Marie-Françoise Buguet , marchande de bas à Paris, demeurant chez son père, rue des Nonaindiêres, Dépose que, revenant avec son père des Champs-Elysées, où ils avaient été se promener le 12 juillet 1789, et arrivés au pont tournant sur les 846 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [27 novembre 1789.] 8 heures du soir, elle a vu arriver un détachement de cavalerie, portant des bonnets de grenadier, que tout le monde a dit être commandé par M. le prince de Lambesc, enlrer au galop par le pont tournant, dans le jardin des Tuileries, et se porter jusqu auprès du grand bassin, où elle a entendu plutôt que vu tirer plusieurs coups de feu, attendu que la frayeur dont elle était saisie, ne lui a pas permis de faire l’attention nécessaire pour pouvoir détailler les différents mouvements de ce corps de cavalerie ; que cependant elle se rappelle très-distinctement avoir vu un des cavaliers qui était à la tête, au moment où il allait ressortir des Tuileries par le pont tournant, porter un coup de sabre sur un homme qui était au bout dudit pont tournant dans l'intérieur de la rue Saint-Honoré ; qu’elle a entendu dire au public, dont elle faisait partie, de jeter les chaises dans l’eau, lequel cavalier dans ce moment était monté avec son cheval sur le parapet où elle, déposante, était, lequel poursuivait le monde qui y était ; que la frayeur a fait fuir elle déposante, et qu’elle n’a rien vu ni entendu de plus. 4. Jean-Louis-Deschamps , tailleur d’habits, demeurant à Paris, rue de F Arbre-Sec, Dépose que, le 12 juillet de l’année dernière, ayant été se promener avec M. Buguet et mademoiselle sa fille, en revenant sur les 8 heures du soir, ils eurent quelque peine à parvenir au pont tournant, à cause de la multitude de peuple et de troupe qui se trouvaient alors dans la place Louis XV, et qu’ils n’arrivèrent audit pont tournant qu’au moment où un détachement de cavalerie, portant des galons d’argent sur un uniforme bleu, à ce qu’il croit, avec des bonnets de grenadier, entrait au galop dans le jardin des Tuileries par le pont tournant; que lui déposant quitta Je bras de la demoiselle Buguet et entra dans le jardin des Tuileries à la suite dudit détachement, se retira sur la droite dudit pont, d’où il vit ce détachement faire différents mouvements, et tirer des coups de feu de pistolet ou de fusil; que peu de temps après il vit le même détachement revenir sur ses pas, pour ressortir des Tuileries, et qu’il vit bien distinctement un cavalier de cette troupe qu’il ne peut pas désigner lequel était en avant, lequel porta un coup de sabre sur un homme de petite taille qui était au coin dudit pont tournant, du côté de la colonnade; et qu’après que ledit détachement a été sorti des Tuileries, il a rejoint le sieur et la demoiselle Buguet, et qu’ils ont été poursuivis par un cavalier sur le trottoir du côté de la rivière, par lequel ils s’en retournaient. 5. Nicolas Pjot, marchand orfèvre à Paris, demeurant place de Grève, Dépose que, le 12 juillet de l’année dernière, lui déposant, accompagné de M. Franquelin, officier, de madame Birnont, demeurant rue de Po-pincourt, a été d’abord au Palais-Royal, ensuite aux Tuileries où ils se sont promenés sur la terrasse des Feuillants ; qu’arrivés à son extrémité, près le pont tournant, ils se sont amusés à examiner les troupes qui étaient dans la place Louis XV; que vers les 8 heures du soir, ayant aperçu un groupe de monde près le grand bassin, ils sont descendus par le rempart et se sont rapprochés dudit groupe, à l’effet d’entendre ce qui s’y disait; que peu de temps après qu’ils y furent arrivés, lui déposant ainsi que le sieur Franquelin virent arriver dans le jardin des Tuileries, par le pont tournant, un détachement de Royal-Allemand, commandé par M. le prince de Lambesc, que lui déposant connaît parfaitement, pour avoir eu l’hoùneur de le voir plus de 30 fois chez le père de lui déposant , avec lequel ce prince a fait de très-grosses affaires, et qu’il l’a parfaitement reconnu dans le moment dont il parle; qu’à ce moment lui déposant et le sieur Franquelin, se tenant sous le bras, se retirèrent du côté de la rivière, par la grande allée; qu’ils entendirent plusieurs coups de feu , et notamment un bruit entre leurs oreilles, qu’il ne peut rendre autrement que par le mot pst, qu’ils estimèrent être le bruit du passage d’une balle, ce qui les engagea à redoubler le pas et se retirer le plus vite possible. Du mercredi 16 juin 1790. O. Le sieur André du Tronquay, président-trésorier de France, demeurant à Paris (1), Dépose que, le 12 juillet dernier, l’après-midi, il a parfaitement vu tout ce qui s’est passé aux Champs-Elysées, à la place Louis XV et aux Tuileries; qu’aux Champs-Elysées, vers les 5 ou 6 heures du soir, il a vu arriver un corps des gardes-suisses d’environ 600 hommes, emmenant avec lui son train d’artillerie, consistant en 4 pièces de canon et deux chariots de munitions, chacun desquels était attelé de deux chevaux; qu’arrivé aux Champs-Elysées, ce détachement a fait halte à la contre-allée près l’avenue; que lui déposant a traversé la place Louis XV, sur laquelle il a trouvé, à l’encoignure près la statue, un détachement de dragons d’environ 30 ou 40 , lesquels dragons étaient rangés en muraille-ligne, prolongée depuis la statue jusqu’à la rue Royale; que ce détachement était entouré de citoyens causant familièrement avec les dragons, touchant les rênes des chevaux et les faisant badiner avec leurs mors ; Que lui déposant a continué sa route et est entré au jardin des Tuileries, où étant et dans l’enceinte du fer-à-cheval, il a entendu un bruit extraordinaire sur la place de Louis XV ; que sa curiosité l’a engagé à monter sur la terrasse, où étant il a aperçu beaucoup de monde portant quelque chose en triomphe au bout de deux piques, qu’on lui a dit être les bustes de MM. le duc d’Orléans et Necker, en cire, pris chez Gur-tius ; que lui déposant ne sait ce que sont devenus ces bustes, la statue équestre l’ayant empêché d’en voir davantage ; mais que dans l’instant il a vu un hussard à cheval, qu’il croit être d’Esterhazy, aller de la rivière à la rue Royale ; qu’il a vu jeter quelques pierres sur ledit hussard, qui, à cette attaque, a pris le galop bride abattue et mis le sabre à la main ; qu’alors il s’est fait un mouvement de la part du détachement de dragons, et il est parti; l’instant d’après, il est arrivé un détachement de dragons même uniforme que le précédent, au nombre d’à peu près 300, qui ont traversé au galop, depuis la rue Royale jusqu’à la statue équestre, auprès de laquelle ils se sont rangés en bataille, où ils (1) Du récolement de ce témoin, à la suite de la déposition, il résulte qu’il y a eu des pierres jetées, et que le prince avait un ou deux officiers dans ce détachement. Cette circonstance doit être saisie. Un colonel ne commande pas un détachement ; le prince n’était pas en uniforme complet, il était sur un cheval gris. Le baron de Reynack, parti de la Muette, avait seul le commandement sur ce détachement ; c’est lui et non le prince qui a fait faire les évolutions dans les Tuileries. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [27 novembre 1789.] 317 sont restés pendant quelques secondes, sont partis au galop et sont allés se ranger en bataille à la colonnade, mais qu’en passant, lui déposant, a vu partir un coup de feu sur cette troupe, de la part d’un particulier qu’il ne connaît pas, qui était retranché dans les pierres servant à la construction du pont de Louis XVI; que ledit détachement de 300 dragons était reparti de la colonnade, avait traversé la place jusqu’à la statue, tourné à droite, où il est allé se ranger aux Champs-Elysées, ayant tiré huit ou dix coups de feu en l’air, ce que le déposant assure pour avoir vu la direction de la fumée ; que le déposant a vu eu outre un cheval dégagé de son cavalier, qu’il a ouï dire simplement que le dit cavalier avait été tué, ce qu’il n’a pas vu; que du côté de la rivière avait paru une troupe de hussards qui s’était rangée en muraille depuis la rivière jusqu’à la statue, et depuis la statue jusqu’aux Champs-Elysées, lesquels hussards ont fait former à vingt d’entre eux une patrouille en rond au-devant du chemin qui conduit au Cours-la-Reine; qu’en face des hussards, il a vu se ranger des chasseurs de Provence depuis la rivière jusqu’à la statue; que dans l’instant est entré sur la place un détachement de Royal-Cravate, lequel détachement est venu occuper le terrain depuis la statue jusqu’au jardin des Tuileries; que cet appareil de guerre avait sans doute produit l’effroi, puisque tous les citoyens étaient entrés dans le jardin des Tuileries; mais qu’il en était resté quinze ou diz-huit parmi les pierres, et à peu près vingt-cinq ou trente autour de Royal-Cravate ; que cette armée était restée dans cet état environ huit à dix minutes, lorsque lui déposant a vu paraître du côté de la rue Royale , un détachement de Roy al" Allemand d'environ 50 hommes; qu’à son arrivée sur la place, ledit détachement avait chassé prestement du talon gauche et s’était rangé en muraille à la colonnade sur la droite ; qu’à peine cette évolution avait-elle été faite, que lui déposant a entendu la trompette sonner la charge; qu’alors le détachement est parti au trot quatre à quatre, a conservé ce train à peu près jusqu’au lieu où étaient placées les barrières en bois; que là il a pris le galop, bride abattue jusqu’à Ta statue équestre, où tournant sa gauche, lui déposant n’a pas distingué le commandement fait à la troupe, mais que les cavaliers avaient rassemblé leurs rênes, mis leurs chevaux sur les rangs, conservé le même train de galop, mais réduit le pas de leurs chevaux à la longueur de sept à huit pouces, en sorte que cette manœuvre ressemblait à un piaffement; que le déposant a distingué dans ce moment le prince de Lambesc à la tête de cette troupe, et s’est avancé jusqu’au bord des bornes en pierres qui sont à peu près à douze pieds du pont tournant; ledit prince de Lambesc criait aux citoyens qui étaient du côté des Royal-Cravate : Entrez dans le jardin, gare , gare! que, tous les citoyens entrés, à un commandement que le déposant croit avoir entendu : Hourra , hourra ! ces cavaliers avaient rendu les rênes à leurs chevaux et étaient entrés au grand galop dans les Tuileries ; qu’ils s’ôtaient rangés en bataille près du premier fleuve au groupe de marbre de droite; qu’il y étaient restés en station ou halte à peu près une minute; que la voix d’un citoyen que le déposant ne connaît pas s’était fait entendre, qu’il avait crié à trois fois : Fermez le pont ; qu’alors ledit prince de Lambesc étant parti à la tête de sa troupe, sortit des Tuileries; qu’à un commandement fait, la troupe avait tourné bride pt fait une décharge de feu roulant de quarante ou cinquante coups, ce qui a duré environ une demi-minute; que lui déposant, après l’avoir examiné, n’a vu ni tué ni blessé, mais que, sa prudence l’emportant sur sa curiosité, il avait cru devoir se retirer; se rappelle le déposant qu’avant l’arrivée de Royal-Cravate sur la place Louis XV, il a vu revenir du bassin des Tuileries un soldat couvert de l’uniforme des gardes françaises, qui, disait-on, avait été blessé à la tempe droite par le hussard qui avait traversé la place, qu’on venait de laver sa blessure, et que lui déposant ne sait ce qu’est devenu le soldat. Au récolement. Le sieur du Tronquay ajoute qu’il a oublié de dire qu’il était arrivé 40ü petits suisses, qu’on nommait Samades, qui s’étaient rangés en ligne parallèle à la ligne des gardes suisses, dans les Champs-Elysées ; ajoute encore que Royal-Alle-mand sortant des Tuileries, le prince de Lambesc à sa tête , il avait à ses côtés un ou deux officiers de son détachement, et qu’il a vu plusieurs pierres lancées sur ce détachement, lorsqu’il se retirait. 7. Le sieur Pierre-Charles Gosson, professeur émérite en l’Université, Dépose que, le 12 juillet dernier, le déposant se trouvait à Chaillot, dans une maison sise grande rue dudit lieu; qu’entre 4 et 5 heures après midi ledit jour, il a vu passer M. le prince de Lambesc accompagné de quelques officiers de son régiment; qu’il le connaît très-bien, l’ayant vu autrefois au collège et depuis en diverses autres rencontres; qu’au moment de ce passage, il croit qu’il était monté non sur son cheval d’escadron , mais sur un cheval de course , ce qui n’ annonçait aucun mouvement hostile ; qu’entre 7 et 8 heures il a revu le même prince, sortant des Tuileries et rendant compte au baron de Besenval, avec assez de calme et de tranquillité, des ordres qu’il avait exécutés: que le déposant écoutait le résultat de cette conférence, lorsqu’il entendit l’officier qui commandait les Royal-Cravate, et qui était posté en face de Royal-Allemand, leur ordonner de charger les armes ; qu’alors le déposant crut qu’il était prudent pour lui de passer le pont tournant et d’entrer dans les Tuileries; qu’il s'y informa à différents particuliers de ce qui venait de s’y passer, qu’on lui répondit que le prince de Lambesc avait poursuivi un jeune homme le pistolet à la main fort avant dans la grande allée ; qu’ayant fait diverses questions à ce particulier, il en a conclu qu’il ne connaissait pas le prince même de vue et qu’il avait pris pour le colonel un officier du même corps, décoré de la plaque d’un ordre étranger, qu’il a cru être l’ordre du Saint-Esprit dont le prince est revêtu ; que le lendemain lundi 13 en se rendant au district de l’Abbaye Saint-Germain-des-Prés, dont le tocsin sonnait alors vers les 9 heures du matin, il a vu un particulier qui affichait à la pointe du carrefour de Bussy un placard manuscrit portant invitation , entre autres choses, aux citoyens de Paris.de se saisir du prince de Lambesc et de Pécarteler sur-le-champ ; d’où il résulte que ce n’est pas sans raison que ce prince est contumax et a pris la fuite. Au récolement. Le sieur Cosson ajoute que la méprise du particulier qu’il a questionné, à l’occasion de M. le prince de Lambesc, d’où lui témoin, conclut que 818 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [27 novembre 1789.1 re particulier ne connaissait pas même le prince de vue, et les bruits qui s’ensuivirent dans le public lui paraissent avoir produit un tel effet, que cela a pu déterminer l'affiche faite le lendemain iiu placard dont il parle dans sa déposition, observant que les termes dont il se sert dans sa déposition sont les mêmes que ceux dudit placard. 8. François Laplanche, bourgeois de Paris, demeurant cloître Notre-Dame, Dépose que, le 12 juillet dernier, lui déposant ayant été avec sa femme et sa fille se promener aux Invalides, vers les 6 à 7 heures du soir, passèrent l’eau, et vinrent aux Champs-Elysées, d’où ils gagnèrent la place de Louis XV, dans laquelle lui déposant aperçut un fort grand nombre de troupes qu’il ne peut désigner, et une multitude de monde qui se portait en foule du côté du jardin des Tuileries, ce qui effraya son épouse, ainsi que sa fille, desquelles il se trouva séparé ; qu’en conséquence, les croyant entrées aux Tuileries, il y était entré par le pont tournant, dans l’espoir de les y retrouver ; mais que très-peu d’instants après il aperçut un corps de cavaliers de Royal-Allemand, d’environ 40 à 50 hommes, ayant à leur tête le prince de Lambesc, entrer au galop dans le jardin des Tuileries, par le pont tournant; que lui déposant s’étant rangé à la droite du pont, du côté de la Renommée, il a vu jeter des chaises, des tabourets, même des pierres sur ce détachement ; qu’en conséquence, lui déposant a vu et entendu quelques coups de feu tirés par ce détachement en l’air, à ce qu’il a pu en juger par la lumière et par la fumée ; qu’après quelques moments il a entendu crier : Fermez le pont, à différentes reprises ; qu’alorsle prince de Lambesc ayant formé la troupe, s’est mis en état de sortir du jardin des Tuileries, et que se trouvant près du pont, il l’a vu porter un coup de plat de sabre, à ce qu’il croit, sur un particulier que lui déposant a cru apercevoir faire ses efforts pour fermer le pont; que ce particulier était un petit homme, portant une perruque ronde, avec une canne, et qu’il lui a paru qu’au moment où ce particulier a été frappé par le prince de Lambesc, il avait, saisi d’une main ïabride du cheval du prince et de Vautre tenait la rampe du pont ,-que s’étant ensuite rendu au Palais-Royal, vers les 9 heures, il y a vu le riîême particulier, que plusieurs personnes disaient avoir été blessé par le prince de Lambesc, et que lui déposant a vu la blessure et qu’elle lui a paru fort légère. ». François -Denis Drouin, directeur des mines du Cotentin, demeurant à Paris, rue Page-vin, Dépose : Le dimanche 12 juillet dernier, étant allé aux Champs-Elysées me promener avec ma femme et ma fille, je vis descendre, par le chemin des Champs-Elysées , un bataillon de gardes suisses en ordre de bataille avec de l’artillerie ; je m’en approchai et causai avec un officier delà dernière compagnie, qui se trouva de ma connaissance; un bruit d’armes à feu, sur la place, fit changer les suisses de formation, ce ,qui m’engagea à rester derrière le bataillon: peu de moments après arriva au galop un escadron de dragons, que des particuliers me dirent s’être battus sur la place ; pour ne pas mettre ma femme et ma fille dans la foule, je restai dans les Champs-Elysées jusques vers 8 heures du soir ; je me rendis aux Tuileries en passant le long des bâtiments appelés colonnade; en traversant le pavé, j’aperçus sur la place, et près de la statue, un peloton de cavalerie que je reconnus pour être de Royal-Allemand. La tranquillité étant rétablie, je proposai à ma femme de monter sur la terrasse pour voir ce régiment qui était en grande tenue. Arrivés au bout de la terrasse près le pont tournant on nous lit place : nous nous appuyâmes sur la rampe de fer, nous découvrîmes un autre peloton du même régiment près de la statue, mais du côté la rivière ; pendant que nous examinions cette troupe, le peloton à côté de la statue de la place, du côté de la colonnade, quitta son poste et vint au trot au pont tournant, ie passa, entra dans le jardin, s’y développa et poussa au galop jusqu’au bassin qui est entre la grande allée et le pont tournant, chassant devant lui la multitude qui couvrait le terrain dans les Tuileries; arrivée au bassin, et le monde étant dispersé, la troupe se forma en rétrogradant pour repasser le pont. Une voix, sur la terrasse ou j’étais, cria : Fermez le pont ! L’officier qui était en avant du peloton partit au galop et gagna le pont, seul. En arrivant sur le pont, il donna un coup de sabre à un homme qui rentrait dansles Tuileries : le coup porta sur la corne du chapeau, qui le fit tomber, et ensuite sur le bras de l’homme, sans que j’aie pu distinguer s’il était grièvement blessé ou non. Aussitôt de la même terrasse furent lancées plusieurs chaises qui tombèrent en avant du peloton qui était pour fors arrêté. L’officier qui était à la tête fit faire un mouvement à droite à sa troupe et tirer plusieurs coups de pistolet en face de la terrasse : tout le monde se sauva, j’arrêtai ma femme et ma fille et leur fis voir que l’on tirait en l’air. Le même peloton se mit en mouvement pour monter la rampe en fer à cheval du côté des Feuillants, ce qu’il fit jusques à peu près moitié : ce mouvement effraya de nouveau ma femme et ma fille, qui voulurent se sauver, mais je les conduisis malgré elles par la même rampe au-devant de la troupe, dont le conducteur, à son départ, nous salua de son sabre et sortit des Tuileries avec sa troupe. Du 17 juin 1790. iO. M. le marquis de Chateaüneuf, après un détail inutile, Dit : Du Champ-de-Mars, j’ai dirigé ma marche du côté de la place Louis XV ; arrivé sur l’aile droite de la statue, j’ai entendu un tumulte et des cris affreux; il ne m’a pas été possible de parvenir au pont tournant; pour éviter les dangers qui me menaçaient, j’ai été obligé de me placer dans un des angles au parapet ; j’ai vu revenir un escadron composé de cavaliers de Royal-Allemand, près duquel étaient réunis un peloton de cavalerie du régiment de Royal-Cravate, M. le prince de Lambesc à la tête, en grand uniforme, monté sur un cheval gris pommelé ; les cris du peuple ont recommencé avec une nouvelle fureur; une grêle de pierres, de chaises et de morceaux de bois ont été lancés contre les troupes de ligne ; derrière la statue et derrière plusieurs pierres étaient des soldats des ci-devant gardes françaises , l’escadron a perdu ses distances, et il est survenu sur le pont tournant une mêlée occasionnée par un homme d’une moyenne taille, habitude drap couleur foncée, en perruque, qui a saisi l’une des rênes du cheval de M. le prince de Lambesc, et par suite a cherché à ébranler le pont. M. le prince de Lambesc a détaché un coup de sabre ; une artie de l’escadron s’est réunie; M. le prince ae ambesc a rallié et est parti ventre à terre ; j ai [Assemblée nationale. J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [27 novembre 1789.] continué ma route pour me rendre au Palais-Royal par la rue Saint-Honoré ; arrivé dans le jardin du Palais-Royal, j’ai vu un groupe de monde qui était placé sous la tente vis-à-vis le café du Caveau . Sur un fauteuil était assis ce quidam qui venait de recevoir au pont tournant le coup de sabre : je me suis approché très-près de lui, j’ai examiné sa blessure ; j’ai jugé que ce n’était qu’un coup de plat de sabre du côté du dos, qui formait meurtrissure ; beaucoup de citoyens lui ont offert leurs services et plusieurs ont fait porter du vespétro. Du 23 juin 1790. fi fi . Marguerite de Dol, femme Poussin, bourgeoise de Paris, Dépose que, le 12 juillet de l’année dernière, étant allée se promener avec son mari du côté des Champs-Elysées, ils se sont occupés à regarder les travaux du pont de Louis XVI, et que sur les 7 à 8 heures du soir, ayant entendu tirer quelques coups de mousqueterie vers l’angle de la colonnade du côté des Champs-Elysées, il sont revenus au pont tournant pour entrer dans les Tuileries, dans la persuasion qu’ils n’auraient rien à craindre, et que peu de temps après y être entré, ayant entendu les coups de fusil et de pistolet se” multiplier, elle s’est retirée, avec son mari, le plus promptement possible, le long de la terrasse des Feuillants, à l’effet de se rendre chez elle, rue Clos-Georgeot, où elle demeurait alors, et qu’elle déposante, n’a rien vu de plus particulier dont elle puisse rendre compte à justice. 12. Jean Poussin, bourgeois de Paris, Dépose que, le 12 juillet 1789, ayant été avec son épouse se promener vers les 6 heures du soir aux Champs-Elysées du côté de la rivière, ayant vu le monde se porter en foule dans Ja place du côté de la statue, ils y sont revenus et ont vu les bustes de M. le duc d’Orléans et de M. Necker que l’on y promenait : qu’ils ont entendu quelques coups de feu qui ont effrayé sa femme au point de lui faire craindre qu’elle ne se trouvât tout à fait mal : qu’en conséquence il s’est déterminé à la conduire dans les Tuileries par le pont tournant; qu’après y être arrivés et montés par l’escalier à gauche sur la terrasse du côté des Feuillants, ils ont entendu un feu roulant de mousqueterie, et que lui déposant a entendu dire que c’était M. le prince de Lambesc qui était entré avec son régiment dans ce jardin ; que l’état de frayeur où était sa femme ne lui permit pas de satisfaire sa curiosité, et qu’il continua avec elle son chemin pour s’en retourner chez lui. 13. Nicolas-Samson Sauguier, employé à l’administration royale des eaux de Paris, Dépose que, le dimanche 12 juillet de l’année dernière, étant au bureau de l’administration royale des eaux, place Vendôme, il vit une multitude de monde qui accompagnait les porteurs des bustes de M. te duc d’Orléans et de M. Necker, qu’.il s’y joignit et qu’ils arrivèrent à la place de Louis XV ; qu’ils y trouvèrent un détachement de dragons auquel il fut proposé de saluer ces bustes, lequel répondit à cette invitation par une décharge de coups de pistolet et par une charge au galop de la rue Royale à la statue ; que cependant i l n’y a eu personne de blessé, excepté un tambour des soldats aux gardes qui était dans les pierres et sans armes; que peu de temps après, vers les 8 Heures du soir, lui déposant a vu arriver M. le 319 prince de Lambesc à la tête de 40 à 50 hommes de son régiment, qui se sont portés de la rue Royale à la balustrade de la statue, et de là jusqu’au pont tournant; que lui; déposant croit se rappeler leur avoir vu faire un mouvement rétrograde, comme s’ils étaient entrés dans les Tuileries et en ressortir, et qu’alors il était lui-même dans le jardin des Tuileries où il a vu le même détachement de Royal-Ailemand entrer au galop ventre à terre par ledit pont tournant ayant à sa tête le prince de Lambesc, et après quelques mouvements clansle terrain dudit jardin entre le pont tournant et le bassin, il a vu le même détachement en ressortir, et l’un des cavaliers d’icelui, qu’il ne peut désigner, porter un coup de sabre sur la tôle d'un petit homme vêtu d’un hatçt de drap blanchâtre, de cinquante à soixante ans, qui était à l’extrémité intérieure dudit pont du côté de la terrasse des Feuillants, et qu’après la sortie dudit détachement, lui déposant est allé au secours dudit particulier blessé, et lui a donné le bras pour le conduire d’abord à la porte du suisse de la porte du manège et de là au Palais-Royal, où il a été pansé de la blessure qu’il avait sur le sommet de la tête. Observe lui déposant que, quoiqu’il connaisse personnellement M. le prince de Lambesc et qu’il l’ait parfaitement reconnu lorsqu’il est entré dans la place et dans les Tuileries parle pont tournant, il ne peut néanmoins assurer dans son âme et conscience si c’est M. le prince de Lambesc ou tout autre cavalier de sa troupe qui a porté le coup de sabre sur la tête du particulier dont il vient de nous parier. fi 4. Le sieur François de la Gennetière, bourgeois de Paris, Dépose que, le 12 juillet dernier, se promenant sur le boulevard du Temple, vers les 4 heures après midi, ayant remarqué que le public y faisait fermer tous les jeux et se portait du côté du Palais-Royal il s’y est rendu; que quelque temps après y être arrivé, il y a entendu faire une motion tendant à ce que tout le monde se rendît aux Champs-Elysées, y arborât la cocarde verte et se rendit de suite à Versailles ; eu conséquence de quoi lui déposant, ainsi que plusieurs autres personnes, s’y est rendu par le jardin des Tuileries où il s’est arrêté quelque temps, et de là s’est porté aux Champs-Elysées où il a remarqué des suisses et des hussards en ordre de bataille avec des canons ; qn’après un intervalle de temps et vers les 7 à 8 heures du soir il est sorti des Champs-Elysées et est rentré dans le jardin des Tuileries, d’où environ un demi-quart d’heure après il est ressorti et a vu un détachement de Royal-xUiemand, commandé par un officier qu’il ne connaît pas, mais que depuis on lui a dit être le prince de Lambesc, auquel il a entendu dire : Qu’on fasse f... le camp à tout ce monde-là ; entrer au galop dans le jardin des Tuileries par le pont tournant, y faire différents mouvements qu’il ne peut détailler, attendu que la frayeur l’a déterminé à se ranger sur le trottoir du côté de la colonnade, où fort peu de temps après il a vu V officier commandant porter un coup de sabre à un particulier, près du pont dans l’intérieur des Tui leries, du côté du pont tournant, et qu’ayant continué son chemin par la rue Saint-Florentin, il a entendu dire par un groupe de monde que l’officier qui commandait était le prince de Lambesc, et que dans la même rue Saint-Florentin il a entendu des décharges de mousqueterie. 320 [Assemblée nationale. J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [28 novembre 1789.[ Du 28 juin 1790. 15. Jules François Paré, avocat au parlement, cour du Commerce, Dépose que, le dimanche 12 juillet dernier, il est allé au Palais-Royal sur les 6 heures du soir, accompagné d’un de ses amis; que là il a aperçu une grande fermentation dans le peuple; qu’ayant appris qu’un grand nombre de personnes qui étaient parties pour Versailles avaient été arrêtées sur la place Louis XV par les troupes, il s’y est rendu avec son ami, pour voir ce qui s’y passait; que, chemin faisant, il vit un grand nombre de personnes qui se sauvaient des Tuileries, disant que l’on tirait des coups de fusil au pont tournant ; qu’ayant continué de marcher il est arrivé sur le haut de la terrasse des Feuillants qui domine sur la place Louis XV ; que de là il aperçut les troupes rangées sur ladite place, et aperçut aussi un garde-française qui paraissait blessé à la tête et à une jambe ; que voyant le pont tournant dégagé, n’y ayant alors tout au plus que 30 personnes, il est descendu et s’est rendu dans le milieu de la place Louis XV vers la statue ; qu’après avoir parlé à plusieurs officiers commandant des détachements qui étaient alors sur la place, il a pris sa direction vers la rue Royale, pour gagner la rue Saint-Honoré ; qu'alors if vit arriver une scadron, marchant au grand trot, qui paraissait venir des boulevards ; qu’alors il s’est rangé dans les pierres pour le voir passer ; qu’ayant suivi des yeux cet escadron jusque vers la statue, il le vit du même pas tourner vers le pont tournant, et entrer toujours au grand trot dans les Tuileries ; qu’il ne peut dire que cet escadron fût commandé par le prince de Lambesc, ne le connaissant pas; qu’il a entendu ensuite tirer un grand nombre decoups de fusil, et craignant qu’il n’y ait du danger, il s’en est allé par la rue Saint-Honoré ; Ajoute qu’à l’instant où l’escadron est entré dans les Tuileries, il n’y avait que très-peu de personnes dans l’intérieur du jardin dans les environs du pont tournant. Nota. Eugène de Lorraine, duc d’Elbeuf, prince de Lambesc, colonel-propriétaire du régiment Royal-Àllemand, fut acquitté par le Châtelet de Paris. — Louis XV111 le nomma pair de France, par ordonnance royale du 4 juin 1814 ; mais le prince de Lambesc mourut en Bohême, en 1825, sans avoir pris séance à la Chambre des pairs. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. DE BOISGELIN, ARCHEVÊQUE D’AIX. Séance du samedi 28 novembre 1789, au matin (1). M. Salomon de La Saugerie, secrétaire , donne lecture du procès-verbal de la séance de la veille. M. Bourdon, citoyen de la ville de Dieppe et député de Normandie, présente, au nom du comité de Dieppe, et de plusieurs de ses concitoyens , l’offrande patriotique de 107 marcs 1 gros 54 grains 1/2 d’argenterie et 3 onces 3 gros, 70 grains d’or. L’Assemblée reçoit avec satisfaction cette offrande. M. Babaud de Saint-Étienne, secrétaire, donne lecture des adresses dont la teneur suit : Délibérations des communautés d’Argelès et d’Ausiaq, de celles d'Usin,de Caubios, de Gelos, et des habitants de la ville de Sauveterre en Béarn, par lesquelles ils adhèrent purement et simplement à tous les décrets de l’Assemblée nationale; ils ratifient en conséquence l’abandon fait par les députés de la province de tous ses privilèges particuliers, et leur donnent des pouvoirs illimités. Adresse du comité municipal de la ville de Crépy-en-Valois , dans laquelle il renouvelle ses sentiments d’adhésion aux décrets et l’Assemblée nationale ; il se plaint de n’avoir encore reçu aucuns décrets, même ceux sur les grains de la loi martiale; il la supplie de faire en sorte qu’il reçoive la collection complète de tous ses décrets le plus promptement possible. Adresse de félicitation, remerciement et adhésion de la commune de La Ferté-sur-Aube en Champagne; elle fait le don patriotique d’un ostensoir, d’un ciboire et de burettes d’argent. Adresse du même genre de la ville de Sanooins en Berry; elle demande un bailliage royal et une municipalité. Adresse des religieux Bénédictins du collège de Pau, qui, en cas de suppression, réclament une pension de 1,800 livres, et l’habileté à posséder les bénéfices-cures et là remplir les chaires de l’enseignement public,’ avec la moitié des honoraires attachées auxdites places. Adresse de la milice nationale de la ville de Toulouse, contenant l’expression du plus parfait dévouement pour l’exécution des décrets de l’Assemblée nationale; elle s’élève avec la plus grande force contre les écrits ayant pour titre , l’un : « Déclaration de l’ordre de la noblesse de la sénéchaussée de Toulouse », l’autre : « Déclaration du clergé de la ville de Toulouse », et le dernier : « Droit des pasteurs sur les dîmes, en forme de remontrances à la natioD et au Roi, par les curés du clergé de ladite sénéchaussée. » Cette milice dénonce ces écrits comme séditieux, attentatoires à l’autorité de l’Assemblée nationale, et injurieux à la personne du Roi. Adresse de félicitations, remerciements et adhésion des communes de Surgères en Aunis; elles déclarent lâches et infâmes tous ceux qui refuseraient de se soumettre aux décrets de l’Assemblée nationale, et demandent une justice royale. Adresse de la municipalité de Béziers en Languedoc, contenant l’assurance de son respect et de sa soumission aux décrets de l’Assemblée nationale. Cette municipalité s’élève avec force contre la déclaration faite par la noblesse de la sénéchaussée de Toulouse. Adresse du même genre de la ville de Lodève en Languedoc : elle assure que la contribution patriotique du quart de ses revenus sera exactement payée; elle demande d’être le chef-lieu d’un département ou d’un district, le siège d’une justice royale , ainsi que d’une juridiction consulaire. Adresse des officiers municipaux de la ville de Donjon en Bourbonnais, contenant félicitations, remerciements et adhésion aux décrets de l’Assemblée nationale , notamment à celui concernant la contribution patriotique. (1) Cette séance est incomplète au Moniteur.