196 [Assemblée nationale | ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [6 juillet 1789. J ment qu’aussitôt que l’établissement et la promulgation des lois constitutionnelles lui permettront de s’occuper des subsides, elle en volera un particulier avant les autres, pour réaliser les secours extraordinaires. « 3° Que dès aujourd’hui l’exportation des grains et farines à l’étranger sera et demeurera prohibée jusqu’au mois de novembre 1790; sauf à prolonger ou à abréger le temps de celte prohibition, si les circonstances l’exigent. « 4o Que dès aujourd’hui pareillement, la circulation des grains et des farines sera et demeurera libre dans tout l’intérieur du royaume, sans qu’il puisse y être apporté aucun obstacle par aucune autorité, même par les arrêts ou sentences des cours de justice, lesquels arrêts et sentences, l’Assemblée nationale annule pour le passé et interdit pour l’avenir. « 5° Enfin que le présent décret sera porté au Pmi, qui sera prié très-respectueusement de le revêtir de sa sanction royale, et de le faire proclamer dans toute l’étendue de son royaume. « Se réservant, l’Assemblée nationale, de pourvoir par la suite aux lois fondamentales qui devront être portées sur les grains, approvisionnements, subsistances, et qui, sanctionnées par le 11 oi deviendront la règle et assureront la tranquillité de tous ses sujets. Et, en attendant, le comité des subsistances ne cessera de s’occuper des moyens de procurer l’abondance, de rétablir l’ordre, et de rechercher et réprimer les abus, en invoquant toutes les fois qu’il sera nécessaire la décision et l’autorité de l’Assemblée nationale. » Je crois, Messieurs, que cet acte exprime tous nos sentiments, remplit tous nos devoirs et maintient tous nos principes. La prohibition de l’exportation des grains à l’étranger n’est qu’une suite de la mesure qui a été déjà prise, elle est commandée parla nécessité du moment, dussiez-vous la modifier, la révoquer même, lorsque vous examinerez la grande question du commerce des grains, l’annonce en sera toujours salutaire en cet instant. Elle seule peut déconcerter la cupidité, elle seule peut faire verser, sur les places publiques, les grains enfouis, les magasins secrets, s’il est vrai qu’il en existe, s’il est vrai, s’il est possible que leurs coupables propriétaires fondent leur fortune sur les larmes et sur la faim de leurs malheureux concitoyens. La libre circulation dans l’intérieur vous est demandée de toute part et de toute part on vous invoque contre des arrêts dont l’intention sans doute a été pure, mais dont l’effet a été de retenir le superflu dans un lieu et d’envoyer la famine dans un autre. Enfin, Messieurs, l’arrêté que j’ai l’honneur de vous proposer me paraît important, sous plus d’un rapport. A l’intérêt principal qu’il remplit, se trouvent réunis des intérêts secondaires, dignes peut-être de se placer au premier rang. Je m’explique, Messieurs et si mon zèle m’égarait, je compte sur votre indulgence, je la sollicite. Quelque salutaire que' soit une crise, quelque fortuné que soit un changement, ni l'une ni l’autre ne s’opèrent sans un mouvement quelconque. 11 n’est pas de mouvement sans une espèce de fluctuation, et il n’est pas de fluctuation sans péril dès qu’elle se prolonge. 11 est de votre sagesse de projeter lentement, mais il est de cette sagesse d’opérer une fois promptement. Peut-être l’idée de la puissance publique est-elle un peu affaiblie, ou du moins un peu vague depuis quelque temps. Vous-même, Messieurs, au sein de la modération qui caractérise votre courage, parce que c’est le courage de la vertu, vous avez craint les effets d’une trop grande émotion; quelque pur qu’en fût le principe, vous avez craint que les démonstrations de la joie ne fussent aussi inquiétantes que les signes du mécontentement. Vous avez recommandé la paix à vos concitoyens, au nom de tous les droits que vous donnait sur eux votre zèle pour leurs intérêts. Le premier acte quel qu’il soit, par lequel vous pouvez rasseoir les esprits, montrer la Joi, définir l’autorité, avertir la soumission, cet acte vous n’en doutez pas, sera d’un prix au-dessus de toute expression. Or, dans le décret que j’ai pris la liberté de vous proposer, dans les différentes dispositions qu’il renferme, il me semble que déjà vous commencerez à tout fixer, à tout définir. On y verrait réunis les deux pouvoirs, qui doivent être inséparables; séparez ceux qui doivent toujours être distincts, et subordonnez ceux qui doivent toujours être dépendants. Il serait beau, Messieurs, il serait touchant que l’ordre imposant qui va être établi par vous dans toutes les parties de la chose publique, se produisît pour la première fois sous une image aussi attendrissante, et que le premier acte émané de la réunion des deux puissances nationale et royale, fût consacré à soulager l’indigence, à nourrir l’affamé, à répandre la consolation et la vie sur tout l’empire. On a vivement applaudi pendant et après la tenue de ce discours. M. de Virieu. En rendant justice aux intentions du préopinant, en vantant i’éloquence avec laquelle il a traité son sujet, je sacrifie mon amour-propre à mon devoir. Une loi telle que l’honorable membre fa proposée est délicate, et l’effervescence en rendra peut-être l’exécution plus difficile. Le bureau dont j’ai l’honneur d’être membre s’est borné à faire un remerciaient au Roi pour tous les soins qu’il s’est donnés et le prie de les continuer. Plusieurs membres parlent ensuite; ils présentent le résumé des avis des différents bureaux sur les propositions du comité. On adopte les unes, on modifie les autres : quelques-unes sont rejetées. Un membre lit un premier projet d’arrêté. En voici la teneur : « 1° Remercier Sa Majesté d’avoir sauvé la patrie et d’avoir écarté les approches de la famine; « 2° La supplier de continuer ses soins paternels pour le soulagement de ses peuples; « 3° Ordonner la libre circulation des grains dans toute l’étendue du royaume, » L’orateur d’un autre bureau donne lecture du projet qui y a été adopté. Le voici : « L’Assemblée a vu avec attendrissement les soins actifs que Sa Majesté s’est donnée pour ses peuples; elle supplie Sa Majesté de les continuer; que la nation lui en aura une éternelle reconnaissance ; qu’elle devient une des dettes la plus sacrée qu’elle contracte vis à-vis du monarque , qui ne peut trouver que dans son cœur la récompense d’une si belle action. « L’Assemblée nationale arrête qu’elle s’occupera essentiellement de ces objets lorsqu’elle aura reçu les instructions nécessaires, et que le comité ne cessera de travailler sur des objets aussi importants. » [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [6 juillet 1789.] 197 M. Champion de Cicé, archevêque de Bordeaux, lit le projet adopté par son bureau. « L’Assemblée nationale, considérant la cherté des grains, etc., arrête : « 1° Que l’Assemblée nationale ne peut que rendre grâce à Sa Majesté des soins, etc., et pour que les Etats ne soient pas retardés dans leur marche, et que leur activité ne soit pas suspendue le Roi sera supplié de continuer les secours qu’il a accordés jusqu’ici à ses peuples; « 2° Que les associations de bienfaisance redoubleront, s’il est possible, leurs efforts; que l’on en établira dans tous les lieux où il n’y en a pas et où ces établissements pourront toutefois s’établir; « 3° Au surplus, l’Assemblée nationale n’étant chargée que de la question importante qui concerne la constitution, le Roi, le gouvernement, les Assemblées provinciales et municipales , et enfin tout corps, tout officier chargé de l’administration publique, seront invités à diriger plus particulièrement l’attention la plus sévère à écarter les maux qui affligent le peuple depuis longtemps. » Le dix-huitième bureau a présenté ensuite son opinion, par l’organe de M. Bouche. « Les moyens du comité, dit le rapporteur, ont été regardés comme dangereux, impraticables, lents et tardifs; mais, sans nous livrer à des réflexions que les préopinants ont déjà soumises à votre sagesse, je me contenterai de faire la lecture de l’arrêté projeté dans le bureau. « L’Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport à elle fait par le comité de subsistances, et après avoir entendu la lecture d’un mémoire, arrête : « De faire au Roi de sincères remercîments des soins que Sa Majesté a pris pour remédier à la disette, et pour lè supplier de continuer les soulagements qu’exigent les événements et de donner les ordres les plus sévères pour découvrir les magasins où d’avides propriétaires entassent les grains.