702 [État# g#n. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée de Marseille.] conseil municipal et pour tous les détails de Fad-ministration de cette ville. 4° Que cependant, à la demande de plusieurs classes et corporations, ils croient devoir manifester le vœu qu’elles ont formé dans leurs doléances particulières, de demander la suppression de la mairie et de l’assessorat, et d’en charger spécialement MM. les députés, à quoi les commissaires adhèrent de leur chef, et déclarent ne trouver aucun inconvénient, de manière que cette réclamation fera partie essentielle de la mission donnée à MM. les députés, auxquels toutes les classes et corporations pourront s’adresser pour la recommander encore à leurs soins. Et finalement, qu’ils n’ont entendu attribuer aucun rang ni préséance dans l’ordre qu’ils ont suivi pour la rédaction des objets qui intéressent les divers corps; et que s’il en est dont les titres et dénominations aient été confondus, le rapprochement des mêmes vœux et l’expédition du travail, ont déterminé cette confusion sans prétendre qu’elle existe dans le fait, ni qu’elle puisse préjudicier à aucun de ces corps. Signé J.-B. Boulouvard, François Raymond fils aîné, L. Barbaroux, Bouzige aîné, Lavabre,Nodet, Liquier. PLAINTES ET DOLÉANCES De la ville de Marseille , délibérées dans l'assem ¬ blée générale du tiers-état de ladite ville, tenue les 30, 31 mars et 1er avril 1789. Les députés de l’ordre du tiers-état de la ville de Marseille sont chargés de porter au pied du trône de Sa Majesté, dans l’assemblée nationale, les vœux formés par cette antique cité, l’une des plus importantes du royaume par son commerce, sa population et la fidélité inviolable de ses habitants. L’assemblée du tiers-état considère que les intérêts de la propriété et de l’industrie présentent deux rapports sous lesquels toute réclamation des sujets du Roi peut être rangée. Nous avons l’avantage d’être Français et Marseillais. Français : l’intérêt général de la nation excite notre zèle. Marseillais : l’intérêt de la patrie, qui ne peut être séparé de celui du commerce, réclame notre sollicitude. En adoptant ces bases et cette division, l’ordre du tiers-état de cette ville déclare solennellement : Qu’il donne son adhésion aux sages et généreux principes qui ont dicté l’instruction envoyée par S. Â. S. monseigneur le duc d’Orléans à ses procureurs fondés; elle s’y réfère avec cette respectueuse confiance que toujours la nation française mit en l’opinion des princes du sang royal. Ces principes vont être retracés dans presque toute leur étendue, et si l’assemblée du tiers-état se permet d’en séparer un article relatif aux mœurs, c’est qu’elle aime à se persuader que la contagion n’est point arrivée jusqu’à nous au point de nécessiter le divorce. Intérêt général du royaume. 1* La liberté individuelle doit être garantie à tous les Français. La liberté de vivre où l’on veut ; celle d’aller, venir, demeurer où il plaît, sans aucun émpê-cheraent, soit daqsou hors du royaume, et sans qu’il soit besoin de permission passe-port, certificat et autres formalités tendantes à gêner la liberté des citoyens. Que nul ne peut être arrêté ou constitué prisonnier qu’en vertu d’un décret décerné par les juges ordinaires. Que dans le cas où les Etats généraux du royaume jugeraient que l’emprisonnement provisoire peut être quelquefois nécessaire, il soit ordonné que toute personne ainsi arrêtée soit remise daDS les vingt-quatre heures entre les mains des juges naturels; et que ceux-ci soient tenus de statuer sur ledit emprisonnement, dans le plus court délai ; que, de plus, l’élargissement provisoire soit toujours accordé en fournissant caution, excepté dans Je cas où le détenu serait prévenu d’un délit qui entraînerait une peine corporelle. Qu’il soit défendu à toute autre personne que celle prêtant main-forte à la justice, soit officiers, soldats, exempts ou autres, u’attenter à la liberté d’aucun citoyen, en vertu de quelque ordre que ce puisse être, sous peine de mort, ou au moins de punition corporelle, ainsi qu’il sera décidé par les Etats généraux. Que toute personne qui aura sollicité ou signé tout ordre semblable ou favorisé son exécution, pourra être prise à partie par-devant les juges ordinaires, non-seulement pour y être condamnée à des dommages et intérêts, mais encore pour y être punie corporellement et ainsi qu’il sera décidé. 2° La liberté de la presse, sauf les réserves qui peuvent être faites par les Etats généraux. 3° Le respect le plus absolu pour toute lettre confiée à la poste sera pareillement ordonné. 4° Tout droit de propriété sera inviolable, et nul] ne pourra en être privé, même à raison d’intérêt1 public, qu’il n’en soit dédommagé au plus haut prix et sans délai. 5° Nul impôt ne sera légal et ne pourra être perçu qu’autant qu’il aura été consenti par la nation dans l’assemblée des Etats généraux, et les-dits Etats ne pourront le consentir que pour un temps limité et jusqu’à la prochaine tenue des Etats généraux, en sorte que cette prochaine tenue venant à ne pas avoir lieu, tout impôt cessera. 6° Le retour périodique des Etats généraux sera fixé à un terme court, et dans le cas de changement de règne, ou celui derégence,ils seront assemblés extraordinairement dans un délai de six semaines ou deux mois, 7° Les ministres seront comptables aux Etats généraux de l’emploi des fonds qui leur seront confiés, et responsables auxdit3 Etats de leur conduite en tout ce qui sera relatif aux lois du royaume. 8° La dette de l’Etat sera consolidée. 9° L’impôt ne sera consenti qu’après avoir reconnu l’étendue de la dette nationale, et après avoir vérifié et réglé les dépenses de l’Etat. 10° L’impôt consenti sera généralement et également réparti. 11° On s’occupera de la réforme de la législation civile et criminelle. 12° On cherchera les meilleurs moyens d’assurer l’exécution des lois du royaume, en sorte qu’aucune ne puisse être enfreinte sans que quelqu’un en soit responsable. 13° On invitera les députés aux Etats généraux à ne prendre aucune délibération sur les affaires du royaume, qu’après que la liberté individuelle aura été établie, et à ne consentir l’impôt qu’après que les lois constitutives du royaume auront été fixées. fEtats gén. 178®.Cahi«rs.] ARCHIVES PARLEMENT AIRES. [Sénéebaussés rie Marseille.] 703 Après avoir émis le vœu de cette adhésion aux principes tutélaires de la liberté nationale et individuelle, l’ordre du tiers-état de Marseille manifeste ceux qu’il forme encore pour le bien et l’avantage de l’Etat, et les fait consistera : 1° Prendre en considération dans l’assemblée des Etats généraux les meilleurs moyens de maintenir le respectdû à la religion et aux mœurs, ce qui renferme les encouragements et les récompenses pour les actes de vertu et de bienfaisance. 2° Voter par tête et non par ordre. 3° Consulter le vœu de la nation sur la conservation des citadelles nécessaires à la défense du royaume, et sur la fixation des troupes nationales. 4° Réduire autant qu’il sera possible les pouvoirs intermédiaires entre le trône et les sujets, ce qui entraîne la suppression des commissaires départis , lieutenants généraux des provinces, commandants en second, etc. L’Etat y trouvera le double avantage de l’économie et de l’obéissance la plus prompte. 5° Verser directement les impositions des provinces dans le trésor royal, ce qui emporte la suppression des receveurs généraux des finances. b° Supprimer la gabelle et les visites domiciliaires des employés des fermes et régies qui dégénèrent trop souvent en inquisition. 7° Opérer dans tous les départements de l'administration générale et particulière avéc la meme franchise et publicité, en mettant sous les yeux de la nation les comptes de ces départements. 8° Citer devant les Etats généraux (ainsi qu’il a été indiqué pour les ministres) les gouverneurs, les cours et les tribunaux de justice, les commandants et les commissaires départis dans les colonies, pour les abus dont ils se seraient rendus coupables, et pour les faire juger compétem-ment. 9° Supprimer le contrôle, centième denier, insinuation, sous pour livre et autres droits bursaux qui gênent la liberté publique, par des tarifs exorbitants, injustes, arbitraires successivement accrus et interprétés, et toujours plus accablants; prendre néanmoins des précautions pour constater la date des actes et des exploits, précautions qui seront commises aux municipalités sans mélange du fisc. 10° Favoriser, autant qu’il sera possible, en respectant la propriété, tous les moyens d’affranchir les fonds de terre des cens et redevances emphytéotiques, ainsique le rachat des rentes perpétuelles. 11° Veiller à ce que nos armées ne se recrutent plus par des voies illicites et des moyens oppressifs, à ce que les cultivateurs ne soient point enlevés à l’agriculture, pour former des milices presque toujours sans utilité, ou pour être transportés sur un élément qui leur est inconnu et où ils sont inhabiles. 12° Veiller encore à ce que les levées des gens de mer et de tous les ouvriers travaillant pour la marine du Roi, n’exposeut plus leurs réduits au fléau des garnisons, aux désordres qui en sont la suite ; les recommander d’une manière spéciale à l’humanité du souverain et de la nation relativement à leurs salaires, à leur juste augmentation, à l’objet des avances, à leur prompt et sûr payement au retour des campagnes, aux secours urgents à leurs familles ; accorder aux braves marins de cette classe une marque d’honneur comme aux soldats vétérans. 13° Demander que la paye des invalides de la marine soit acquise de droit et sans qu’il soit besoin de la solliciter, aux marins âgés de soixante ans, ou plus tôt en cas d’infirmité ; que le produit de cette caisse, formée par la retenue sur le prix du service, soit uniquement et sans distraction appliquée à ceux qui l’ont soufferte : ce sera remplir le vœu des ordonnances, et la patrié ne fera que s’acquitter de ce qu’elle leur doit. 14° Employer en temps de paix les troupes du Roi aux travaux publics et utiles, avec supplément à leur solde de la part des provinces et villes. 15° Unir le vœu justement formé par le tiers-état à celui de la religion et l’humanité en faveur des curés et des pauvres prêtres, pour leur assurer des revenus suffisants, dignes de leur noble ministère. 16° Extirper la mendicité, et à cet effet renvoyer les mendiants dans leurs provinces respectives ; multiplier les maisons de charité et les ateliers pour les rendre utiles. 17° Demander avec une courageuse persévérance la révocation des édits, ordonnances, règlements, lettres patentes, statuts et toutes délibérations qui excluent le tiers-état des dignités et bénéfices de quelque nature qu’ils soient, de l’admission dans les cours supérieures et dans les grades militaires, tant au service de terre que de mer. 18° Laisser subsister les moyens actuels d’acquérir la noblesse, sans en introduire de nouveaux, pour que cette distinction ne puisse être accordée qu’au mérite personnel, et en récompense des service rendus à l’Etat. 19° Perfectionner l’éducation publique; supprimer les écoles et établissements royaux à la charge de l’Etat, ou les ouvrir aux élèves de l’ordre du tiers de l’un et l’autre sexe, au moins en nombre égal à celui de la noblesse; publier et répandre des livres élémentaires et uniformes pour l’instruction publique ; adopter les vues patriotiques de M-de Philipon de la Magdeleine ; encourager les gens de lettres et instituteurs par des distinctions et la noblesse; réformer les universités qui sont sans exercice public ; rappeler les écoles pies à leur institution, et celles de chirurgie à toute la noblesse de cette profession, utile à l’humanité, en n’admettant que des élèves instruits et revêtus de la qualité de maîtres és arts dans une université fameuse. 20° Prendre les moyens les plus efficaces contre les ieux de hasard ; supprimer la loterie royale de France, et toutes celtes dont la modicité de la mise est une occasion de ruine pour le peuple. 21° Mettre en vigueur, dans toute leur étendue, l’exécution des lois civiles et canoniques concernant la pluralité des bénéfices, la résidence des évêques, celle de dignitaires etr bénéficiers de toute sorte, et l’application de leurs revenus aux pauvres, en cas d’absence non forcée. 22° Supprimer tout transport d’argent à Rome et à la légation d’Avignon, pour dispenses, provisions de bénéfices, même consistoriaux, de quelque nature que soient lesdites dispenses et provisions et à quelque titres qu’elles puissent être sollicitées, avec renvoi de tous ces objets aux évêques diocésains. 23° Empêcher toute exportation à Malte du produit des successions des grands prieurs, baillÎ3 et commandeurs de l’ordre de Saint-Jean de Jérusalem. 24° Supplier le Roi de mettre en économats ie8 abbayes et prieurés qui vaqueront à la nomi- 704 (États gèo. 1789. Cahiers,} ARCHIVES PAR nation de Sa Majesté, sans assignat d’aucune pension sur cette partie. 25° Hâter Ja réformation du Code criminel par la modération des peines, réconcilier nos formes avec l’humanité, en donnant un conseil à l’accusé, en rendant l’instruction publique -, porter cette même publicité dans l’instruction civile ; abréger les formes, motiver les jugements sans surcharge de frais, amplier les pouvoirs des premier juges jusqu’à 300 livres sans appel, et jusqu’à 500 livres nonobstant appel et sans caution. 26° Proposer aux Etats généraux qu’en première instance aucune affaire ne puisse être décidée par un seul magistrat, mais bien par cinq juges ou gradués ; et à défaut, de gradués, par le juge assisté de quatre pairs des parties. 27° Abolir la vénalité des charges de judica-ture, dès que les forces de l’Etat pourront 'le permettre, et ne consulter que le mérite pour l’admission à ces charges. 28° Considérer les avantages de l’abolition des justices seigneuriales, qui soumettent les sujets du Roi à trois degrés de juridiction, et qui livrent l’instruction criminelle, dont le préjudice est irréparable, à des officiers souvent peu instruits, objet sur lequel ont principalement réclamé les habitants de la terre de Mazargues communistes de Marseille, suivant leur mémoire (1). 29° Prohiber tout commentaire sur le code unique et national que la France sollicite, comme un bienfait digne du grand Roi que la gouverne et des fidèles sujets qui lui obéissent. 30 Prendre en considération dans l’assemblée des Etats généraux, le grand avantage et l’urgente nécessité de favoriser la propagation des bestiaux en France, et s’armer de sévérité pour en prévenir la sortie. 31° Employer l’intercession des Etats généraux pour supplier Sa Majesté de fixer elle-même les moyens par lesquels ses bons et fidèles sujets de tout rang pourront, dans tous les temps, lui faire connaître leurs besoins, qu’elle voudrait prévenir, et la vérité quelle aime. INTÉRÊTS DE LA VILLE DE MARSEILLE. Economie politique de la ville . La ville de Marseille ne réclamera, de tous ses anciens droits, que ceux qui peuvent se concilier avec la gloire ae l’Etat, l’intérêt de la nation et la félicité commune. Elle ne doit pas cependant être confondue avec les autres villes du royaume. C’est une cité libre qui ne tient ni à la province ni aux terres adjacentes. C’est un Etat à part (2) et isolé, une ville qui n’a été ni conquise ni réunie ; Sa Majesté lui adresse ses ordres, comme comte ae Provence, et les rois ses prédécesseurs avaient autorisé les Marseillais à ne déférer à leurs commandements qu’en tant qu’ils porteraient la qualité de seigneur de Marseille (3). Lorsque cette ville céda sa propre souveraineté aux comtes de Provence, elle les investit de la propriété de tous les revenus qui lui apparte-(1) Annexe n° 65 du dossier qui sera remis à MM. les députés. (2) Lettres patentes de 1543 et de 1559. (3) Item placeat regiæ majeslati, post titulum coronæ intitulare etetiam comitem provinciæ et dominum Mas-siliæ in omnibus et quibus cumque litteris, pro quâcum-que causâ scribendi ad hanc vestram civitatem et statuera quod non vultis exequi, in Massilia dictas litleras ves-t ras, in quibus secretarius omiserit apponere. dominum Massilia? ..... LEMENTAIRES. [Sénéchaussée de Marseille.] j naient, mais en même temps elle exigea d’eux i qu’ils en feraient l’application et l’emploi aux j besoins de la cité. Telle est l’expresse disposition : do l’article 2 de nos fameuses conventions, ap-: pelées du nom de Chapitres de paix. Le 41e ordonne que les citoyens et habitants de la ville de Marseille ne pourront être contraints, mais invités au payement des impositions, possintnegare , si voluerint , absque damno et timoré aliquo. Les relations de la ville de Marseille avec le pays de Provence se multiplièrent; elle en eut ensuite avec le royaume de France, lorsque cette province lui fut unie. Au milieu de tous ces changements nos pères n’oublièrent jamais qu’ils avaient été autrefois libres. Ils prévoyaient les progrès du pouvoir ministériel; ils se tinrent étroitement attachés à leur constitution. Nous en avons la preuve dans plusieurs ordonnances, telles que celle du roi François 1er, du mois d’octobre 1529, et celle de septembre 1543. Tous les droits de la ville de Marseille avaient précédemment été reconnus et confirmés par Louis XI lorsqu’il prit possession, par le ministère de son représentant, de la seigneurie et du domaine de Marseille. Cet acte solennel fut dressé et publié le 19 du mois de janvier 1481. 11 y est dit que, conformément à nos conventions et Chapitres de paix, le Roi et ses successeurs ne pourront exiger et imposer aucuns nouveaux droits, subsides et gabelles. Rapprochant de son ancien état sa situation actuelle, autrefois exempte de subsides, Marseille supporte aujourd’hui des charges énormes. Elle contribue aux impositions royales de la province indépendamment de ses charges particulières ; elle ne connaît pas même la quotité de sa contribution, ou du moins la règle proportionnelle que la province peut adopter, pour déterminer la somme que cette ville porte annuellement dans la caisse du receveur, sur une note arbitraire ; si elle en juge par la portion qu’on lui fait supporter aux frais de construction du palais d’Aix et aux vingtièmes, c’est à peu près le tiers des impositions royales qui frappent sur elle ; cependant il s’en faut de beaucoup que Marseille soit à la province ce qu’un est à trois. La récapitulation de ses charges présenterait un tableau aussi effrayant que disparate avec ses privilèges. Le moment des sacrifices n’est cependant pas celui des calculs. L’assemblée du tiers-état se borne à déclarer: 1° Qu’elle supplie Sa Majesté de maintenir cette ville dans le droit honorable d’être convoquée aux Etats généraux directement comme par le passé, et en vertu de lettres adressées à ses officiers municipaux. 2° Que formant un coétat non subalterne, qui est à la Provence ce que la Provence est au royaume, toutes les parties de son administration doivent être autorisées à correspondre, sans moyens intermédiaires d’intendant ni de commissaires départis, avec les ministres de Sa Majesté, tant pour son régime, que pour ses impositions, dont le produit sera versé directement dans le trésor royal , la ville de Marseille n’étant d’après ses titres et privilèges, qu’invitée et non contrainte à payer clés subsides, dont les seuls frais de recouvrement* mettent à sa charge annuelle une somme de plus de 15,000 livres. 3° Que, conformément à nos statuts et à la franchise du logement des gens de guerre, Marseille n’aura plus rien à payer pour celui des officier» [Etats gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée de Marseille.] 705 militaires qui n’ont aucun trait à son administration et qui sont inutiles à son service. 4° Que l’ancien et respectable privilège de non extrahendo, sera confirmé dans toute son étendue, à l’effet de préserver les habitants de cette ville d’être distraits de leurs juges naturels, et de les prémunir contre le fléau des évocations et des committimus , surtout dans les affaires de commerce. 5° Que nul citoyen ne pourra se dispenser de remplir les charges municipales, et que toutes exemptions à ce sujet seront abolies, comme servant à favoriser une lâche et honteuse défection envers la patrie, à laquelle tous les citoyens doivent leurs soins et leur temps. 6° Que la place de capitaine gouverneur viguier de cette ville sera supprimée comme inutile et dispendieuse pour toutefois cette suppression n’être opérée qu’après la vacance du premier des titulaires actuels. 7° Qu’il sera prohibé de faire remplir par la même personne plus d’une charge ou place publique, relative à l’administration directe ou indirecte de la ville. 8° Que l’attribution des faillites sera rendue à notre juridiction consulaire d’une manière indéfinie et irrévocable pour rétablir un droit inhérent à ce tribunal, droit qui a été usurpé par le juge ordinaire; que le pouvoir de ce tribunal sera amplié, à l’effet de juger souverainement jusqu’à 3,000 livres, et qu’il sera nommé six négociants conseillers, avec voix consultative et préférence pour les rapports. 9° Que le Roi sera supplié de faire participer la ville de Marseille au bienfait par lequel Sa Majesté a déjà voulu et manifesté à ses peuples, que les prisons civiles fussent séparées de celles destinées aux criminels, avec prière à Sa Majesté d’y pourvoir aux frais de son domaine, ce qui sera d’autant plus juste, que le palais actuel a été bâti aux dépens de la ville, et qu’elle contribue depuis quatre ans à près d’un tiers de la dépense pour la construction du palais de justice à Àix. 10° Que les droits de consignation, de 71/2 p. 0/0, de latte et inquant, qui portent sur les débiteurs les plus malheureux, seront supprimés ainsi que le droit barbare de tiercére'e, inconnu à toute la France, seul monument de nos préjugés gothiques, droit établi en faveur de la commune de Marseille en punition de ceux qui l’abandonnaient, droit tout municipal et comminatoire, que le domaine usurpa et qu’il continue à percevoir de la communauté qui ne profita jamais de l’exercice de cette loi pénale. 11° Que les offices de jurés priseurs, que la ville avait réunis, qui ont été de nouveau créés, seront supprimés ou rachetés par les mêmes motifs qui avaient déterminé les précédents sacrifices de la communauté. 12° Que toutes pensions à la charge de la communauté et de la chambre du commerce, qui n’auront pas été établies en forme légale, doivent être supprimées comme, formant un surcroit d’impôt. 13° Que le tiers-état marseillais réclamera avec zèle et constance son admission dans le chapitre de l’abbaye Saint-Victor de cette ville, dont il a été exclu, contre le voeu de nos pères et au préjudice de sa longue possession. 14° Qu’on .sollicitera le changement du grand magasin à poudre placé depuis peu à l’entrée de notre port, qu’il menace du double danger de l’incendie et au comblement. 15° Qu’il sera accordé protection et encouragement à la pêche nationale sur nos côtes, sans lre Série, T. III. exclusion des pêcheurs étrangers, pour procurer la plus grande abondance du poisson et pour multiplier les matelots. La classe des pêcheurs de Marseille intéresse essentiellement la cité, le commerce et la marine royale. Par toutes ces considérations il doit être fait droit aux réclamations contenues dans leur cahier (1). 16° Que l’exercice de la grande et petite voirie sera concentrée dans notre municipalité, qui en possède les offices à titre onéreux. 17° Que l’édit des hypothèques sera enregistré et exécuté en Provence. 18° Que le nombre des paroisses de cette ville sera augmenté, sans chapitres, et d’une manière relative à la population. 19° Qu’il sera établi des règles et un plan fixe pour les alignements en cette ville. Tant que ce plan n’existera pas, le citoyen n’aura qu’une propriété précaire et dépendante de la volonté d’un administrateur ou des caprices d’un architecte. Il faut empêcher, a dit une corporation (2), le compas de la géométrie de se plier à des inspirations puissantes et l’architecte de faire des fautes, même en traçant des lignes droites. 20° Que l’exercice du procureur du Roi à la police sera annuel et à la nomination du conseil de ville. 21° Que les députés du tiers-état seront chargés de déclarer dans l’assemblée des Etats généraux, au nom de tous les ordres de cette ville, et essentiellement au nom du tiers-état, ainsi qu’il résulte de la réclamation universelle , formée par les doléances de tous les corps, que Marseille vient de porter sur son régime municipal, sur la manière d’asseoir et de payer ses impositions, sur les atteintes portées à ses privilèges, en un mot sur tous les abus de son économie politique, le même esprit de réforme et de régénération dont la France donne aujourd’hui l’exemple à l’univers. Que la ville de Marseille use en cela de son! droit constitutif dont ses annales lui offrent tout à la fois les titres sans nombre et le modèle solennel dans ce qui fut pratiqué en 1652. Qu’en conséquence, Sa Majesté sera suppliée de sanctionner du sceau de son autorité royale et provençale, et comme seigneur de Marseille, le nouveau règlement dont s’occupent les commissaires nommés à cet effet, parla délibération des trois ordres réunis par députés dans cet hôtel de ville, le 26 mars dernier, de manière que jamais et dans aucun temps il ne puisse y avoir à Marseille ni ferme, ni fermier, ni régie, ni régisseur, ni impositions établies, sous quelque prétexte et tournure insidieuse qu’on voulût les introduire sur les denrées et comestibles; déclarant à l’avance coupables de trahison et de lèse-patrie tous auteurs, fauteurs et complices de pareils projets que nous livrons à l’anathème de la proscription. COMMERCE. G’est le commerce et l’amour de la liberté qui fondèrent Marseille sur cette côte, où les vents commandent d’aborder; c’est le commerce d’économie qui fit son accroissement ; c’est le commerce de l’univers qui soutient sa splendeur; c’est la franchise de son port qui invite toutes les nations à le fréquenter. Sous un roi conquérant, elle fut l’ouvrage du (1) N° 58 qui sera remis à MM. les députés. (2) N° 52 des cahiers particuliers. 45 706 [Etats gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée de Marseille.] grand Colbert ; sa restauration sera celui du ministre écrivain et philosophe qui a fait l’éloge du créateur de notre franchise. Ce commerce important a formé des vœux particuliers. Ils se confondent avec ceux qu’il fait pour la prospérité du commerce national. Dans un Etat tel que la France, tous les intérêts se lient. Le bien et l’harmonie générale naissent de cet heureux accord, de la correspondance de toutes les parties du système politique. Le commerce, cette branche essentielle des richesses de l’Etat, réclame par ses représentants : Une nouvelle rédaction de l’ordonnance de 1673 sur le commerce, pour la rendre uniforme dans tout le royaume, en fixant des opinions que la diversité de la jurisprudence et des usages a fait vaciller depuis plus d’un siècle. Délais à fixer relativement aux assignations pour les absents. Faculté de faire des avances sur connaissements, avec privilège, quoique les marchandises ne soient pas encore arrivées, pour nous assimiler à toutes les nations étrangères et commerçantes qui ont la même loi. La même révision pour l’ordonnance de la marine, de 1681, dans tous les objets qui en seront susceptibles, sur lesquels les diverses chambres de commerce ont depuis longtemps manifesté leur vœu. La conformité de loi dans tout le royaume, pour le recours à exercer sur les biliets et lettres de change, dont tous les coobligés ont failli. L’abolition de la compagnie des Indes et autres, exclusivement privilégiées, à l’exception de celle d’Afrique à Marseille, qui est plutôt un établissement politique que commercial, son exercice étant moins un privilège accordé par notre souverain qu’une concession volontaire des Etats Barbares-ques sur lesquels la puissance législative ne peut s’étendre. Le port de Bone, néanmoins, étant ouvert aux nations étrangères, tout navire français doit être admis à y charger des grains et les apporter à Marseille. La plus grande circonspection dans la concession de tout privilège particulier pour les inventions nouvelles et vraiment utiles. Ils ne doivent être accordés que pour un terme court et sur le rapport des chambres de commerce. Par une suite de l’abolition des privilèges exclusifs, qu’il soit permis à MM. les capitaines de navire, qui abordent aux Echelles du Levant, de pouvoir faire par eux-mêmes leurs ventes et achats, sans qu’ils soient asservis à s’adresser aux maisons françaises établies sur les Echelles. Un nouveau règlement pour les droits qui sont perçus au bureau du poids et casse de cette ville, le tarif qui existe pour les droits de pesage étant sans proportion avec la nature et la valeur de certaines marchandises classées dans ce tarif. La suppression des droits d’entrée sur les objets servant à la teinture, pour favoriser les progrès lUiüs manufactures nationales. La nécessité de soumettre à un comité de négociants l’examen approfondi du traité du commerce fait avec l’Angleterre et d’en peser les avantages et les inconvénients, pour être statué, sur leur rapport, ce qu’il appartiendra. La révocation de l’arrêt du conseil, du 30 août 1784, concernant l’admission des navires étrangers aux îles françaises de l’Amérique. La suppression des droits qu’on perçoit dans les consulats de France des ports étrangers, comme onéreux au c�nmerce et à la navigation. La plus grande réserve pour l’expédition des lettres de surséance et de répit. Faveur à la navigation française en accordant des primes ou autres encouragements à l’importation en France et sur des navires nationaux des marchandises étrangères. La suppression du payement de 360 livres perçu au bureau des classes sur chaque expédition de navire allant aux colonies françaises de l’Amérique, le transport des six engagés (vulgairement trente-six mois) qui en était le sujet n’ayant plus lieu. L’établissement d’un transit et d’un entrepôt pour toutes les marchandises étrangères, moyennant la déclaration qui en sera faite et le dépôt en magasin, sous deux clefs au pouvoir des propriétaires et du fermier, jusques au moment de l’expédition pour l’étranger, ou du versement de bord à bord, ainsi qu’on le pratique pour le tabac. De très-expresses défenses au fermier et à ses préposés de procéder à aucune visite ou saisie à bord des navires ancrés dans le port de Marseille, qui sera, comme il doit être, un lieu de franchise et d’immunité, où les étrangers abordent sous la foi de cette franchise, où les nationaux doivent reposer à l’abri de nos privilèges que le fisc méconnaît dans le port, tandis qu’il est forcé de les respecter dans la ville et son territoire, en tempérant la rigueur de ses visites domiciliaires par la présence d’un officier de ville; contradiction absurde qui distingue le port de la cité dont il fait le lustre et la richesse. Le même caractère de publicité, d’authenticité et d’enregistrement, tant pour toutes les décisions sur l’impôt et ses accessoires, sur les modifications et ampliations que pour la loi qui établit l’impôt. La suppression à Marseille de tout tribunal d’attribution et d’exception pour les affaires des fermes, avec renvoi aux juges ordinaires et, par appel, aux cours qui doivent en connaître. L’établissement d’une juridiction consulaire dans les chefs-lieux des colonies françaises, avec pouvoir de décerner la contrainte par corps et la saisie des biens du débiteur ; recommandation spéciale et instruction formelle aux gouverneurs, commandants et commissaires dans les colonies de seconder de tout le pouvoir de l’autorité qui leur est confiée l’exécution de jugements émanés des tribunaux de la métropole. Même instruction aux consuls de France dans les pays étrangers ; l’examen le plus exact et le plus rigoureux de divers droits de péages, qui mettent de longues et coûteuses entraves à la libre circulation par terre et sur les rivières, ayant été vérifié que les bois merrains, qui nous viennent de la province de Lorraine par la Saône et le Rhône, payent jusqu’à quarante-huit droits et péages différents, perçus par autant de receveurs, ce qui fait perdre à cette qualité de bois, tirée de l’intérieur du royaume, tout moyen de soutenir la concurrence' avec ceux qui nous viennent des pays étrangers. Nécessité du rachat des péages par les provinces, et leur suppression. ; L’autorisation de stipuler les intérêts du prêt à jour, tant par acte public que par obligation privée. Le creusement du port de Bone, devenu indispensable par la navigation sur nos côtes. Les douanes placées aux frontières et les bureaux des fermes éloignés du territoire de Marseille, qui ne doit aucune place de son sol libre à ces établissements, repoussés loin de nous par l’arrêt du conseil revêtu des lettres patentes, du 13 septembre 1616, contre la foraine. [Étals gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée de Marseille.] 7Q7 Essentiellement la franchise de notre port, de la ville et de son territoire, rétablie dans toute l’intégrité et l’étendue de l’édit protecteur de 1669, en insistant sur cette vérité que, our élever le commerce de Marseille au plus aut période de sa splendeur, il fallut briser les entraves fiscales, et que, par des entreprises sourdes et successives, le traitant est presque venu à lui forger des fers, dont le poids entraînerait bientôt la ruine de ce même commerce. AGRICULTURE, ARTS ET INDUSTRIE. La fatalité de la même influence s’est étendue sur toutes les branches de l’arbre de notre commerce; on le voit se dessécher par i’abandon des manufactures et des ateliers. Il n’est point de doléances particulières aux corporations qui tiennent au commerce, qui ne viennent à l’appui de cette triste vérité. Le détail de ces atteintes partielles serait immense et trop capable peut-être de jeter le découragement dans tous les esprits, si nous n’étions à l’époque où la nécessité de sonder la plaie nous oblige à la découvrir. Tandis que le souverain forme avec la nation un lien de concorde et de force, pourquoi les corps qui constituent la nation ne formeraient-ils par entre eux une ligne d’action et de résistance contre l’ennemi commun? En résumant les objets de doléances présentés à ce sujet, nous voyons les tanneurs, les peaussiers, les cordonniers, les fabricants de papiers, les imprimeurs-libraires et les relieurs se réunir pour dénoncer à la patrie le tableau désastreux dont nous venons de tracer l’esquisse. En conséquence, la ville de Marseille doit : 1° Donner à ses fabriques la plus grande extension, en accordant aux fabricants la faculté de faire venir du royaume et de l’étranger, soit par terre, soit par mer, toutes les matières premières en franchise de tous droits et sur le simple certificat qui sera remis à cet effet par la chambre de commerce, visé par l’un des syndics du corps auquel le fabricant appartiendra, en lui accordant la libre circulation dans le royaume des marchandises de sa fabrication, et soumises alors au droit uniforme établi pour la France. Les fabricants et marchands de papiers, cartes et cartons, ne désirent point d’être admis à la faculté de faire venir, sous certificats, les matières propres à leur fabrication, dites chiffons ; ils demandent, au contraire, la confirmation de l’arrêt de 1771 qui en défend l’exportation hors du royaume, et d’être compris aux articles suivants. 2° Maintenir, en cas d’imposition particulière, tout abonnement accordé à cette ville, en considération des privilèges et franchises de son port, et rendre ce privilège commun à toutes nos fabriques. 3° Extirper ou du moins repousser du sein d’une ville immense et de son territoire ce bureau de régie générale des droits réunis qui, toléré dans son institution à Marseille, pour la facilité du négociant, engourdit et corrode tout ce qu’il touche, harcèle sans relâche et sans exception de moment le fabricant actif, le réduit à la plus triste extrémité et le force à porter son industrie chez l’étranger, s’il ne l’anéantit. 4° Se remparer de toute la force de l’édit du port franc, de celui de 1616 contre la foraine, et de l’arrêt du conseil d’Etat, du 10 juillet 1603, qui, en renouvelant les dispositions de l’édit du port franc, en cimente les privilèges. 5° Se rendre à la réclamation de presque tous les corps qui demandent que l’arrêt du conseils-rendu en 1774, portant que les rentes assignées sur le Roi ne seront payées qu’à Paris, soit révoqué, et qu’il soit de nouveau ordonné que le payement de ces rentes sera fait dans les villes capitales de chaque province, comme auparavant. 6° Se rendre également à la réclamation univoque de tous les corps d’arts et métiers, contre le privilège abusif qu’ont les maîtres des villes capitales de s’établir dans les villes de province ; décider qu’ils ne puissent le faire qu’après avoir exercé leur état pendant quatre ans dans la capitale où ils auront été reçus. FABRICANTS ET GARNISSEURS DE CHAPEAUX. 7° Seconder les plaintes des marchands, fabricants et garnisseurs de chapeaux, au sujet de l’imposition du droit de 20 p. 0/0 et 10 sous pour livre, perçu par la chambre du commerce sur les peaux de lièvres qui ne viennent point en droiture du Levant. La suppression de ce droit sur une matière première favorisera cette branche du commerce, presque éteinte à Marseille. CAISSIERS. 8° Accorder le même secours aux caissiers, qui réclament que toutes les fabrications et manufactures soient inspectées avec sagesse, pour que les ouvrages de France soutiennent leur réputation. Ils se plaignent de la clouterie de Saint-Ghamond, qui devient presque inutile par l’extrême ténuité des clous, vendus en nombre, et qui devraient l’être à poids. Ils demandent encore, ainsi que beaucoup d’autres corporations, le privilège pour le prix de leurs fournitures. CHAUDRONNIERS. Les chaudronniers réclament la faculté accordée aux fabricants de cire et de tôleries, de faire transporter leur cuivre hors du territoire. La stérilité de notre territoire les privant de la ressource des agents qui ne peuvent être employés qu’avec un grand volume d’eau, il est juste que le cautionnement qu’ils fournissent leur soit remboursé en entier, puisque le raffinage occasionne un déchet de plus de 10 p. 0/0 sur la matière. TONNELIERS ET BARILLATS. Les tonneliers et barillats demandent que toutes les corporations d’arts et métiers jouissent paisiblement de toute l’étendue de leurs privilèges, et en conséquence, s’occupant avec raison de l’intérêt de leur corps, ces ouvriers réclament le droit de conduire tous les ateliers où l’on fabrique les ouvrages de leur état. MAÇONS. Les maîtres maçons demandent l’établissement d’une chambre des bâtiments; ils se plaignent de ce que les rapports faits en justice sont commis à des bourgeois ou praticiens, sans connaissances de leur art; ils réclament le droit de les faire et encore la discipline intérieure, à raison des différends de leur état. Ils sollicitent d’être traités à l’instar des maîtres de Paris, et iis s’élèvent, ainsi que la grande pluralité des corporations, contre l’inconséquence qu’ils trouvent à se voir traduire comme acheteurs devant le tribunal consulaire, tandis que, vendeurs des matières ouvrées par leurs mains, ils ne peuvent en poursuivre le payement que par-devant les tribunaux ordinaires, où ils éprouvent toute la longueur des formes. 708 [Etats gén.1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée de Marseille.] OUVRIERS. Les ouvriers attachés à diverses corporations ont représenté à rassemblée du tiers-état que dans beaucoup de villes, on ne leur délivre qu’à prix d’argent les certificats sans lesquels ils ne peuvent être admis dans les ateliers des villes où ils arrivent, ce qui épuise leurs faibles ressources et les expose à tout sacrifier pour obtenir ces certificats, ou à passer pour vagabonds. Cette portion industrieuse du tiers-état mérite la plus grande faveur, et le gouvernement est intéressé à prévenir les émigrations; il est donc juste de leur accorder sûreté, protection et facilité. ÉBÉNISTES. Plusieurs ébénistes établis à Marseille, demandent que leur profession soit érigée en maîtrise ; elle a une double influence sur le commerce de nos colonies. Les bois qu’elles nous procurent leur retournent ouvrés d’une manière qui accrédite et qui honore l’industrie nationale. Nos députés prendront cette demande en considération. PEINTRES, DOREURS ET SCULPTEURS. Les peintres, sculpteurs et doreurs ont manifesté Je meme vœu que d’autres communautés sur l’établissement d’un tribunal particulier, où les causes des artistes et des artisans soient expédiées avec la célérité que la justice doit à ces objets sommaires et dignes de toute faveur. CORD1ERS ET SPARTERIE. Les cordiers de sparterie bornent leur réclamation à la faculté de vendre leurs ouvrages et de faire le travail ordinaire de leurs cordes, dont ils I exposent que les marchands de sparterie se sont emparés. SALEURS. Les magisiniers saleurs hllient les intérêts de leur état avec ceux de la patrie, en sollicitant une réduction sur le prix du sel, qu’ils présentent comme un moyen d’encouragement pour la pêche et pour multiplier les matelots. OUVRIERS DES DIVERS CORPS. Tous les ouvriers, tels que les cordiers, tonneliers, charpentiers, calfats et autres, demandent de participer au bienfait des invalides de la marine, comme soumis au service du Roi dans les arsenaux, et souffrant la retenue qui forme l’aliment de cette récompense. • PROPRIÉTAIRES AGRICULTEURS. Les habitants de notre territoire ingrat, auquel il faut que le labeur le plus pénible arrache des productions toujours modiques et souvent incertaines, réclament avec raison la juste valeur des terrains qu’ils sont obligés de sacrifier à l’agrandissement des chemins, ainsi que la réédification des murs. Ils portent également la demande de la circulation libre dans notre territoire des blés de Provence pour leur subsistance et leurs semailles. Le froment n’est introduit à Marseille que par le bureau de Septèmes, placé dans la partie septentrionale de notre territoire; mais ceux qui sont au midi désirent qu’il leur soit permis de se procurer dans les lieux circonvoi-sins du blé pour leur consommation, sans prétendre en faire un objet de commerce; ils espèrent que MM. les commissaires chargés de déterminer notre nouvelle forme d’imposition, voudront bien considérer l’infertilité de notre territoire et la modicité des revenus qu’il procure aux propriétaires. FABRICANTS D’iNDIENNE. Les fabricants d’indienne et de mouchoirs de cambresine croient réunir l’intérêt de la patrie, celui du commerce du Levant, à l’avantage de leur profession, en demandant que les toiles peintes ou indiennes fabriquées à Marseille puissent être importées librement dans le royaume et les colonies françaises, en payant tel droit que le gouvernement jugera convenable d’établir, et qu’elles puissent encore être librement exportées à l’étranger sans être soumises aux visites et vexations que les employés des fermes se permettent contre eux. Les fabricants d’Alsace, province réputée étrangère, ont cette faculté ; pourquoi ceux de Marseille en seraient-ils privés? Les fabricants d’indienne n entendent point être mis à l’instar de la fabrique d’Alsace; quant aux droits à payer, ils désirent qu’ils soient fixés sur le pied de 5 p. 0/0, attendu que les indiennes qu’ils fabriquent à Marseille, étant d’un très-bas prix, ne peuvent point supporter les mêmes droits que celles fabriquées en Alsace. Ils observent que les toiles qu’ils emploient viennent du Levant en retour de draps et autres marchandises de fabrication nationale que nos négociants y envoient. FABRICANTS DE GRENAILLE. Les fabricants de grenaille demandent d’être assimilés aux fabricants, nationaux de la même profession, et de ne payer à l’introduction de leur grenaille dans le royaume ou aux îles françaises de l’Amérique, que le même droit que payent les manufactures de Toulon, plus le droit que doit le plomb en matière première. FABRICANTS DE BAS. Les marchands fabricants de bas demandent que les marchandises fabriquées dans l’étranger ne puissent avoir l’entrée en France ; et si des circonstances extraordinaires forcent à l’accorder, qu’elles soient soumises au droit de 20 p. 0/0; ainsi nos manufactures reprendraient une nouvelle vigueur, et le numéraire resterait dans le royaume. Adhésion à ce vœu de la part de toutes les corporations des fabricants. Les fabricants de bas remettront à MM. les députés un mémoire sur leur demande particulière. APOTHICAIRES. Le collège de pharmacie a joint son vœu à celui de MM. les capitaines, pour que tous les navires qui font des voyages de long cours soient pourvus d’une caisse de médecine, et qu’un chirurgien soit embarqué sur ces navires. On ne peut qu’applaudir au projet qu’ils font connaître d’établir à Marseille un jardin de botanique. La facilité qu’il y a à Marseille de se procurer des plantes exotiques doit être un motif d’encouragement et d’intérêt à cette demande. FABRICANTS DE FAÏENCE ET DE PORCELAINE. Nos manufacturiers de faïence et leurs ouvriers font rouler une grande partie de leurs doléances sur le préjudice que leur porte notre traité de commerce avec l’Angleterre ; déjà l’assemblée a manifesté son vœu sur ce traité, mais elle ne peut se dissimuler la décadence frappante de nos fabriques de faïence. [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée de Marseille.] 7Q9 VOITURIERS. Les voituriers et charretiers demande la suppression des messageries et autres privilèges qui leur sont contraires, la libre importation du son et de l’avoine par tous les chemins publics, et leur libre entrée à Marseille par toutes les portes de la ville. Il est bien surprenant que pareils objets soient soumis à de semblables gênes. Ils réclament encore la permission d’atteler, dans les chemins royaux de la province, jusqu’à quatre chevaux ou mulets aux charrettes de transport, ainsi que cela est permis dans les autres provinces. CAPITAINES. MM. les capitaines des navires marchands nous ont manifesté le vœu qu’ils -forment pour que sur tous les navires destinés aux voyages de long cours, on soit tenu d’embarquer deux officiers et un chirurgien. La sûreté de la navigation exige les uns et l’humanité réclame l’autre. La ville de Marseille, qui doit tant à la navigation et à ceux qui l’exercent, ne voit point avec indifférence que les fils de capitaines qui se destinent à la navigation, soient soumis à un service accablant sur les vaisseaux du Roi, dans un rang qui n’est point fait pour eux ; héritiers des sentiments, de la bravoure de leurs pères, ils n’auront pas besoin de cette épreuve pour se rendre dignes de servir l’Etat et de seconder les grandes entreprises du commerce; c’est par l’honneur qu’il faut exciter la nation, qui en est idolâtre. HUISSIERS ET SERGENTS ROYAUX. Les huissiers et sergents royaux du sénéchal observent avec force que leurs fonctions sont dévolutées par trop de concurrents ; ils requièrent ue nuis autres huissiers étrangers au tribunal u sénéchal ne puissent exploiter les commissions qui en émanent. CORDIERS A CHANVRE. Les fabricants et ouvriers cordiers à chanvre demandent que les cordages étrangers soient sujets à la même inspection et au règlement municipal des cordages nationaux, et que les fils de voile [et] cordes d’emballage étrangères soient soumises à un droit d’entrée, afin que ceux de France puissent en supporter à la concurrence (1). CONSTRUCTEURS. Les constructeurs, charpentiers, remolats et poulieurs de cette ville, demandent la prohibition de la vente de tout navire de construction étrangère, c’est-à-dire que nul navire, sous le pavillon français, ne pourra à l’avenir être expédié, s’il n’est de construction nationale. Cette prohibition sera également avantageuse à tous les ouvriers, à la marine, au commerce et au gouvernement. Leurs doléances, qui seront remises séparément à MM. les députés, en démontrent l’utilité. CALFATS. Les maîtres calfats ont exprimé dans leurs doléances le vœu suivant que nous transcrivons : « Gomme sujets et citoyens, nous ne pouvons (1) Mémoire produit au soutien n° 16 du dossier qui sera réuni à MM. les députés. (2) N° 72. « voir avec indifférence la cessation des fonc-« tionsdecinq magistrats de notre sénéchaussée ; « ils n’ont jamais démérité la confiance et la « bienveillance publiques ; l’exercice de la justice « ne peut que se ressentir de leur absence ; le « Roi sera donc très-humblement supplié de les « rendre à leurs fonctions et à nos vœux ; fidèle « à sa parole royale, Sa Majesté ne manquera pas « de prendre leur obéissance en considération. » TISSERANDS ET COTONNIERS. Les fabricants tisserands et cotonniers ont observé que la fabrication des toiles à voile avait vu tomber plus de la moitié des ateliers depuis 1748, par la concurrence des toiles à voile venant de l’étranger en franchise de droit et sans inspection ; ils demandent qu’ils soit remédié à ces griefs, conformément aux doléances, dans leur cahier. BOULANGERS. Les maîtres boulangers demandent un tarif fixe pour l’augmentation et diminution du pain, toujours en proportion du prix du blé, d’après des épreuves et inspectées pour que le prix du pain ne soit point sujet à une fixation arbitraire qui donne lieu souvent à des réclamations, tant de leur part que de celle des consommateurs. Ce corps, précieux à toute administration, mérite d’être écouté. OUVRIERS CHAPELIERS ET AUTRES. Les ouvriers chapeliers et autres se plaignent de ce que les associations qui existaient entre eux pour des œuvres de piété et des actes de bienfaisance ont été supprimées ; ils en sollicitent le rétablissement, tels que les menuisiers, serruriers, tailleurs de pierre, etc. Et plusieurs joignent à cette demande celle d’avoir la faculté de suivre le cours d’un maître de dessin à leur frais. ORFÈVRES. Les marchands orfèvres et joailliers représentent le nombre excessif de leurs maîtrises, trop souvent accordées par obreplion , le préjudice qu’ils en souffrent, la nécessité de venir à leur secours pour réprimer les abus du commerce des matières d’or et d’argent et des bijoux ; cette communauté intéressante et qui tient au commerce aura des droits à l’attention spéciale de MM. les députés du tiers-état. HUISSIERS DE MM. LES JUGES CONSULS. Les huissiers de la juridiction consulaire désirent de n’être plus obligés de se faire assister de deux recors pour les saisies et autres actes de leur ministère, qu’ils pourront exercer avec moins de frais et sans scandale, n’étant assistés que d’un confrère; ils ont contre les gardes de la connétablie, ceux des monnaies et autres de ce genre, les mêmes doléances que les huissiers de la sénéchaussée. HOTES ET CABARETIERS. Les hôtes et cabaretiers, pâtissiers, traiteurs et aubergistes, demandent avec instance que toute personne qui exercera les fonctions de leur état, soit soumise à payer les droits de corporation et les charges annuelles, sans qu’elle puisse en être exemptée sous aucun prétexte, étant juste que tout membre qui exerce, supporte les charges du corps qui proviennent de subsides, emprunts, dons faits à Sa Majesté et autres. 710 [Etats gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée de Marseille.] PORTEFAIX. Le corps des portefaix, dont le commerce eut toujours à se louer, mérite qu’on ait égard à ses représentations. Et en général toutes les corporations qui ont présenté des doléances doivent exciter le zèle et la sollicitude patriotique de MM. les députés, à qui ces cahiers particuliers seront remis avec tous les autres, pour qu’ils y puisent les renseignements dont ils auront besoin, à l’appui des justes demandes de la classe la plus pauvre et la moins favorisée ; il est plusieurs de ces doléances qui présentent des réclamations sur des objets particuliers et locaux, auxquels l’administration intérieure peut seule apporter un remède efficace, sous le bon plaisir de Sa Majesté. Demander, indépendamment du vœu déjà émis sur la réduction des pouvoirs intermédiaires entre le trône et les sujets, et de celui manifesté dans l’article 2 de la seconde section de ce cahier, pour que cette ville corresponde directement avec les ministres de Sa Majesté, pour son régime et ses impositions, la suppression de l’intendant de cette province, conformément à la motion qui vient d’être faite dans la présente assemblée après la lecture de ce cahier, et à la délibération dont le dépend suit : « L’assemblée te-« nant, il s’est présenté à la porte une foule « immense de citoyens, qui ont porté le vœu de « toute la cité, de motiver la suppression de-« mandée de M. l’intendant, que par les abus et « prévarications qu’il a commis dans l’exercice « de ses charges ; ce vœu a été déterminé par « l’assemblée, et il a été délibéré par acclamation « qu’il ferait article de doléances portées aux « Etats généraux... > Extrait le présent dépend sur le registre du secrétariat de la ville de Marseille. Signé Ailhaud, notaire, secrétaire. Lequel dépend est au pouvoir des commissaires soussignés, et remis au plus ancien d’entre eux. A Marseille, le 1er avril 1789. Paraphé, ne varietur, de la première page à la dernière du manuscrit, folio 55 verso. Signé Lavabre, Michel Roussier, L. Barbaroux, Nodet, M. Blanc Gilly, Jean-Baptiste Boulouvard, Bouzige aîné, Samatan , François Raymond fils aîné, Liquier et Garraire. INSTRUCTIONS ET POUVOIRS Que V ordre du tiers-état de cette ville de Marseille donne à MM. Michel Roussier , Louis Le-jeans , Arnaud Delabat , L. Liquier , ses députés aux Etats généraux , nommés par la délibération dudit ordre prise le 4 de ce mois d'avril 1789. INSTRUCTIONS PARTICULIÈRES Formant partie essentielle et individuelle du cahier de nos doléances. L’assemblée a désiré que nos députés fussent chargés de faire encore quelques réclamations qui intéressent la ville, le commerce, les arts et l’industrie. Nous allons les établir dans le même ordre qu’elles ont été proposées et délibérées. 1° Réclamant l’exécution plénière de lettres patentes du mois de février 1719, concernant le commerce d’Amérique, l’exemption sur les huiles et savons, sur les marchandises fabriquées à Mar-seille et celles venant de l’intérieur du royaume. 2° Hâter l’exécution des arrangements proposés pour faire repartir de la quarantaine les navires qui font le commerce des Echelles du Levant, en raison des avantages qui en résulteront, soit pour la brièveté des voyages et l’économie, soit pour faciliter notre cabotage du Levant ; concilier ce plan avec tous les moyens de sûreté publique. 3° Accorder à nos navires la faculté de charger à Bone, non-seulement des grains, mais encore toutes les marchandises que les navires étrangers peuvent en exporter. 4° Permettre la vente des navires français dans l’étranger, moyen de favoriser la construction française, la main-d’œuvre, et d’augmenter le nombre des ouvriers. 5° Réclamer une juste et égale réciprocité entre les nations commerçantes pour l’exercice du droit de suite et revendication, pour l’ordre et l’admission dans les faillites, et pareille réciprocité sur l’usage établi en Toscane, où l’accepteur se fait relever de son acceptation, lorsqu’elle est' d’une date postérieure à la faillite du tireur. 6° Abroger l’arrêt du conseil qui ne permet les exécutions contre l’adjudicataire général des fermes unies de France, ses directeurs, receveurs des traites, régisseurs, etc., qu’après trois mois de la rémission qu’on est obligé de faire entre leurs mains des jugements obtenus contre eux, faveur inconcevable dont ils peuvent abuser, et qui forme une cruelle disparate avec l’exercice subit de leurs droits contre le citoyen. 7° Revenir et insister avec force sur les doléances des chapeliers ; leur fabrication, autrefois si importante pour la ville de Marseille, a presque entièrement déchu. Ils ont perdu l’approvisionnement de l’Italie, de l’Espagne et des Indes espagnoles qui leur fournissait un débouché immense, sans que la chapellerie de France en ait profité. On soumet indistinctement au droit de 20 p. 0/0 et 10 sous pour livre, qui le fait revenir à 30 p. 0/0, et les peaux de lièvre, qui viennent du Levant sur navires étrangers et celles qu’on nous importe de Trieste et autres ports de la Méditerranée, quoique le plus souvent munies de certificats d’origine autres que du Levant; ainsi la fabrique est privée de son aliment, le prix en accroît, et la concurrence de l’étranger devient plus dangereuse. Il faut dire que toutes les peaux de lièvre qui nous sont importées de Trieste et autres ports de la Méditerranée et de l’Océan, autres ue ceux du Levant, ne sont point soumises au roit de 20 p. 0/0. Il serait même de la plus grande importance que celles du Levant, venant sur des navires étrangers, en fussent exemptes, pour accorder quelque faveur à une fabrication autrefois conséquente, et la concentrer dans la province. 8° Appuyer la réclamation que font les fabricants de porcelaine et de faïences, de la suppression totale de l’entrée des faïence de la Chine, en observant « que la fabrique établie à Sèvres, « comme celle de Marseille, exige les plus grands « talents, l’accord de la peinture, de la sculpture « et de l’art delà métallique. » Ceux qui se sont dévoués à ce genre de manufacture méritent encouragement et protection ; ils peuvent forcer les étrangers à devenir nos tributaires. 9° Prévenir l’abus de la vente des remèdes composés, que le collège de pharmacie expose avec raison être sujette à beaucoup d’inconvénients. Les foires et les marchés doivent ne présenter à l’acheteur que des remèdes simples. C’est dans les laboratoires, et après la manipulation [Etats gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée de Marseille.] 711 des personnes avouées, que le public doit être pourvu de compositions pnarmnceu tiques. 10° Appuyer la demande formée par MM. les députés du collège des notaires de cette ville, dans la dernière assemblée, comme présentant un vœu qui intéresse le respert dû aux dernières dispositions des citoyens. La liberté du choix fait par les héritiers, tuteurs et administrateurs. Ce vœu consiste à ce qu’en conformité des dispositions des édits de nos rois (11 décembre 1543, 24 juillet 1544, 4 décembre 1553), de l’article 164 de l’ordonnance de Blois de 1579, et autres lois postérieures formant le droit français; des statuts de Provence et de la ville de Marseille, les notaires royaux procéderont à la confection de tous les inventaires volontaires, même de ceux ordonnés en justice, lorsqu’ils en seront requis, et ce, quand même le scellé aura déjà été apposé, ou que quelqu’une des parties serait en pupillarité, minorité, ou absente, ou qu’elle jouirait du privilège des mineurs et pupilles. Qu’aux notaires seuls appartiendra la confection des inventaires quand ils seront délégués par le testateur, sans que les juges commissaires aux inventaires et autres puissent y procéder, même étant requis, à peine de nullité. Que tous ces inventaires, ainsi faits par les notaires, ne pourront être rejetés en justice. Que les seuls inventaires où le Roi a intérêt en cas de bâtardise, déshérence et aubaine, seront exclusivement dévolus aux officiers de justice. 11° Accueillir la demande des habitants du lieu de Saint-Marcel et des quartiers qui en dépendent. Les habitants de ce fief, dont la seigneurie appartient à la ville de Marseille, ont été privés d’avoir parmi nous leurs nombreux représentants. Ils supportent nos impositions ; ils partagent nos charges et nos droits, et cependant ils sont séparés de nous. La forme de la convocation pour les Etats généraux les a forcés de porter leurs doléances et leurs vœux dans une assemblée étrangère, dans celle de la sénéchaussée d’Aix, qui comprend dans son ressort le fief de Saint-Marcel et ses dépendances. Ce n’est pas assez qu’à l’avenir ils se réunissent à nous pour les députations aux Etats généraux; nous devons encore à ces communistes de les affranchir d’un premier degré de juridiction. Marseillais comme nous, ils doivent, du moins en première instance, profiter du droit d’être jugés par le magistrat de notre ville, qui fera sans regret le sacrifice d’une juridiction onéreuse aux vassaux, obligés, dans la forme actuelle, d’aller plaider devant un juge éloigné et hors de leur domicile. 12° Fixer les droits de la messagerie, qui se permet des taxes arbitraires et trop fortes pour les objets de petit volume. POUVOIRS GÉNÉRAUX ET SPÉCIAUX A MM. LES DÉPUTÉS DU TIERS-ÉTAT DE LA SÉNÉCHAUSSÉE DE MARSEILLE. Intérêt général du royaume. MM. les députés emploieront tout ce qu’ils ont de raison et de courage pour obtenir le vote par tête et non par ordre. Ils feront valoir les divers objets de demandes et doléances contenues dans notre cahier, pour le bien et l’intérêt général du royaume. Ils ue se départiront jamais des principes posés dans ce cahier sur la connaissance et la fixation de la dette nationale, La nécessité de la consolider, La garantie de la liberté individuelle, La fixation périodique des Etats généraux, L’égale répartition des impôts, de manière que tous les citoyens de tous les ordres, y contribuent dans la seule proportion de leurs propriétés, et sans distinction de rang, de naissance et de privilège. Tout moyen qui n’irait pas directement à ce but, sera rejeté par eux sans aucune sorte de tempérament. Comme aussi s’il était proposé dans l’assemblée des Etats généraux quelque changement au préjudice de la loi de la succession au trône et des droits inprescriptibles de la propriété, d’où dérive l’octroi volontaire, et l’égale répartition de l’impôt déjà recommandée à leurs soins et à toute leur constance, ils s’opposeront avec force, et ne consentiront jamais à pareille innovation. Ils ne pourront consentir aucun impôt ou subside dont la durée excède l’intervalle de temps fixé jusqu’aux plus prochains Etats généraux. MM. les députés sont spécialement chargés de faire déclarer qu’à l’avenir les ministres demeureront comptables à la nation, représentée par les Etats généraux, de toutes les dépenses et emplois des impôts, subsides et emprunts de quelque nature qu’ils soient. S’il est proposé par d’autres villes ou provinces des objets de réforme intéressants et non prévus, qui paraissent à MM. les députés pouvoir être utiles à l’Etat et à la prospérité générale du royaume , ils les adopteront quoique non énoncés dans notre cahier de doléances. Nous nous persuadons volontiers que, sans perdre cette modestie, qui est le partage des grandes âmes, ils se défendront de cette timidité naturelle à l’individu sage et isolé. L’intérêt public réside en eux. Les vertus du Roi et l’opinion nationale les garantiront des attaques auxquelles une noble fermeté pourrait les exposer. L’assemblée peut leur transmettre, comme une émanation de ses propres forces, le droit et le courage de défendre, d’égal à égal avec les autres ordres, les intérêts et la dignité du peuple. Intérêts de la ville de Marseille. Ils s’occuperont avec zèle et persévérance de toutes nos demandes particulières, lorsque les grands objets qui doivent fixer d’abord l’attention des Etats généraux, auront été appréciés et résolus avec stabilité, et que les bases de l’édifice seront posées de manière à permettre qu’on s’occupe ensuite des détails de l’ordonnance intérieure. MM. les députés sont spécialement chargés de sauvegarder et de ne jamais compromettre : Notre constitution particulière formant de Marseille un coétat à part ; Sa correspondance directe avec les ministres du Roi, sans moyens; La confirmation de nos statuts et chapitres de paix; Le droit particulier à Marseille d’être invitée et non contrainte à payer les subsides; Celui d’établir et de lever ses impositions; Celui de se garder ; Celui d’éloigner de son enceinte et de son territoire les bureaux des douanes, fermes et régies ; La franchise de son port dans toute son inté-, gralité, objet duquel ils ne pourront jamais se départir, et qu’aucune circonstance, projet ou réforme ne pourra leur permettre d’affaiblir, mais seulement d’amplier, d asseoir et d’expliquer par leurs suffrages. Ils apporteront la même fermeté dans la discus- 712 [Étals gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée de Marseille.] sion de tous les objet inhérents à notre constitution marseillaise. Et comme cette ville n’a fait de ses intérêts et de ceux du commerce en général qu’un seul et même article, parce que ses habitants sont convaincus qu’ils doivent tout à ce même commerce, MM. nos députés pourront, indépendamment des objets contenus au cahier de nos doléances, requérir, proposer, consentir de plus grandes faveurs, encouragements et plus spéciale protection au commerce et à la marine, en profitant des avis et demandes qui seront faites par les chambres de commerce, villes marchandes et maritimes du royaume. Et pour le surplus, l’ordre du tiers-état, garanti par la promesse du souverain qui veut apporter un remède efficace aux maux de l’Etat, réformer et prévenir les abus de tout genre par de bons et solides moyens, se conformant aux intentions de Sa Majesté, et usant du droit constitutionnel de la nation, que le tiers-état forme essentiellement, a donné pouvoir et charge à MM. Michel Rous-sier, Lejeans aîné, J. Arnaud, Delabat et L. Li-quier, ses députés, de se rendre aux Etats libres et généraux convoqués à Versailles, pour le lundi 27 de ce mois; d’y porter le cahier des doléances arrêté dans les assemblées de l’ordre aux précédentes séances, dûment paraphé ne varietur, ainsi que les présents pouvoirs et instructions qui en font partie essentielle et indivisible, à l’effet, par MM. les députés, de requérir, solliciter et obtenir qu’il soit fait droit aux diverses demandes contenues dans le cahier et les instructions, représenter aux Etats généraux l’ordre du tiers-état de cette sénéchaussée, comme aussi pour proposer, remontrer, aviser et consentir tout ce qui peut concerner les besoins de l’Etat, la réforme des abus, l’établissement d’un ordre fixe et durable dans toutes les parties de l’administration, la prospé-périté générale du royaume, le bien de tous et de chacun des sujets du Roi, et généralement faire, agréer et consentir tout ce que les circonstances exigeront d’urgent et de très-provisoire, bien qu’il fallût un mandement plus spécial, le tout en conformité des lettres pour la convocation desdits Etats libres et généraux, sous la réserve néanmoins et respectueuse protestation (i) qu’ils feront, avant de voter, sur la forme en laquelle lesdites lettres de convocation ont été adressées en cette ville, qui ne cessera de réclame.r, comme elle l’a fait dans l’assemblée des trois ordres présidée par M. le (1) Dépend de la délibération du tiers-état de la ville de Marseille des 30,31 mars et 1er avril 1789. Il a été délibéré, par acclamation générale, que M. La-vabre, avocat, l’un des quatre-vingt-dix, déclarera dans l’assemblée des trois ordres du 2 de ce mois, en s’adressant à M. le grand sénéchal, et lui dira; « M. le grand sénéchal. « Le premier vœu de l’assemblée du tiers-état de cette ville a été de nous charger de vous faire la déclaration formelle, qu’en ne portant aucun obstacle, ni aucun retard à l’exécution des ordres du Roi, pénétrée de. reconnaissance pour les vues générales de sa bienfaisance, elle a Frotesté, comme elle proteste encore, sur la forme et adresse des lettres de convocation, qui sont contraires aux droits constitutionnels de cette ville, à ce qui avait été pratiqué pour les précédents Etats généraux, droits que la ville de Marseille ne cessera de réclamer, conformément à la délibération du 12 mars, de laquelle déclaration nous vous prions et réquérons de nous donner acte par votre ordonnance, à l’effet de quoi nous remettons cette déclaration sur le bureau. » Extrait le présent dépend du secrétariat de la communauté, par nous, notaire royal, secrétaire de ladite communauté. Signé, Ailhaud.' grand sénéchal en ce siège, envers l’atteinte portée à ses privilèges par l’adresse desdites lettres de convocation à tout autre qu’à ses officiers municipaux, l’assemblée s’en rapportant pour le surplus aux lumières, à la prudence et au patriotisme des bons citoyens en qui elle a mis sa confiance justement méritée. Fait et arrêté dans l’assemblée du tiers-état de cette sénéchaussée, tenue à Marseille cejourd’hui 6 avril 1789. Signé Emerigon, Didier,’ Louche, J. Durand, Nodet, Touvesque, Nicolas-J. Meistre, Rostan, François Comps, Honoré Angles, Bertrand. Lagranes aîné, Lavabre, Lejeans aîné , Michel Roussier, Willecrose, J.-J. Dragon -Samatan, Charles Salles, Pierre Siau, Liquier, Gimon fils, Crudère, Garraire, Estuby, Castelanet, Prébion, J. -F. Ro-zan, Hourtin, F. Saurel, J. -B. Boulouvard, G. Michel, A. Gueydon, Arnoux de Valbarel, chevalier de Saint-Louis ; F.-Trophime Rebecquy, Blanc Gilly, Mourraille, Ferrari, Lainé, L. Ferrary, J. -B. Albôuy, Delabat, Joseph Long, Fabre, Toussaint Car-bonnél, V. Laugier, Raymond fils aîné, Facemas, Jean-Baptiste Laroque, Achard, Michel Madou, H. Martin, L. Barbaroux, J. Dubois, Franc, E. Long, J. Azemar, Mazoilier, Honoré Lieutaud, Gaudier, Daumas, Dalmas, Antoine Jouquier, Peloux, Prion, Robert, Pélissier, Antoine Silvestre, J.-B. Jean, Ghabrery, E. Carneau père, Jullien, lonier, Constant, J.-B. Goupin, Fabre, Raimbaut, Bucy-Raim-baut, Bonnefoy, Sibilly, Ricord, Carriol, Jean-Baptiste Bouse, et Rolland. DOLÉANCES Du corps des maîtres charcutiers de la mile de Marseille (1). Voici l’instant heureux où la France va réformer tous les abus, et le moment si désiré où l’égalité va régner dans la contribution individuelle de chaque particulier aux charges de l’Etat. Il faut, pour seconder les vœux du monarque, que chaque sujet se fasse entendre avec liberté et franchise; et ce n’est que par ce moyen que Sa Majesté pourra atteindre au but qu’elle s’est proposé. Chaque doléance, ainsi portée au pied du trône, fera connaître combien le sujet français est dévoué à son Roi. Il connaîtra les abus en tout genre, il les réprimera, et la France, dans sa régénération, ne verra que des sujets heureux, le plus ferme appui de la couronne. L’abondance régnera parmi nous; l'artisan, cette classe d’hommes nombreuse et utile, aura le moyen d’élever sa famille du fruit de son travail. Chaque sujet pourra se suffire, parce que les charges qu’il supportera ne seront pas au-dessus de ses moyens. C’est alors que les ennemis de l’Etat trembleront devant la puissance française, car celui qui vit heureux dans sa patrie la défend avec une ferme intrépidité. Mais à quoi servirait le bonheur de toute la nation, si les habitants de quelques villes n’en jouissaient pas, à cause de la distribution abusive des impôts? Le système actuel est l’égalité dans la contribution. Il faut donc que les villes qui ont droit d’abonner les impôts, en le conservant, établissent une contribution égale. Marseille a le droit d’abonner ses impôts et de faire contribuer l’habitant pour retirer une somme suffisante pour les payer. Mais s’il est re-(1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l'Empire.