398 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [ A nnexes .] COMPTES RENDUS Par M. DE CUSTIME, Député de la noblesse du bailliage de Metz, A SES COMMETTANTS i Compte de l’arrêté pris par l'Assemblée nationale dans la nuit du \au 5 août 1789, avec quelques réflexions sur les suites que pourront avoir les divers articles qu'il re?iferme. Devant à mes commettants le compte de mes opinions dans la nuit d’abandon du 4 au 5 août, je vais déduire ici le motif qui les a dirigées, la situation du royaume à l’époque de la proposition faite par M. le vicomte de Noailles, dans la séance au soir du 4 août. Il avait été rendu compte à l’Assemblée nationale, dans la séance de l’après-midi du 3, de la situation alarmante dans laquelle se trouvaient quelques provinces, où l’on dévastait les propriétés des seigneurs, pillait leurs châteaux, brûlait leurs chartriers et même leurs habitations; Que l’esprit d’insurrection se communiquait dans plusieurs provinces du royaume; que du Dauphiné et du Lyonnais, il avait passé en Bresse, en Franche-Comté et même en Alsace. J’avais déjà été prévenu, par plusieurs de mes commettants, de la destruction des bureaux des gabelles placés sur la frontière, depuis Phalsbourg jusqu’à Longwi. Dans toutes les provinces frontières, la dévastation des propriétés avait commencé par la destruction de cette branche des revenus publics. Il était donc naturel de penser que le meilleur moyen de prévenir, pour les bailliages que je représentais, les maux dont plusieurs provinces avaient été la proie, était de faire des cessions dont on pouvait démontrer la justice, et de consentir à ce que des droits qui portaient le caractère de la féodalité pussent être rachetés par les contribuables qui y étaient soumis. Le véritable intérêt de mes commettants a toujours été l’objet que je me suis proposé ; il a servi de guide à mes opinions, tant dans cette nuit de sacrifices prolongés, que dans la discussion qui a suivi pour perfectionner la rédaction de divers articles de l’arrêté pris dans cette même nuit. Après tous les rapports qui avaient été faits dans la soirée du 3, il avait été convenu qu’un arrêté serait pris par l’Assemblée pour faire cesser les désordres; un des membres avait proposé de réinvestir le pouvoir exécutif de la puissance et des moyens qui lui étaient nécessaires pour faire respecter les lois anciennes, jusqu’à ce que l’Assemblée nationale eût pu en former de nouvelles. C’est à cette époque, et après lecture faite de cet arrêté dans la séance de l’après-midi du 4, que M.le vicomte de Noailles lit la proposition de l’abandon à faire, par tous les propriétaires de terres seigneuriales et de tiefs, de tous droits de mainmorte et de servitude personnelle, et de la faculié de réachat de tous droits réels et pécuniaires, dérivant de la féodalité, même du droit de banalité. Un autre membre de la noblesse ayant parlé immédiatement après lui, déduisit la même opinion, fixa le taux de ce rachat; ces propositions furent appuyées par plusieurs membres des communes. Un membre du clergé, qui prit la parole, proposa « de réduire les dépenses au point de pouvoir diminuer les impôts jusqu’aux taux où ils étaient sous le ministère du cardinal de Fleury ». Cette proposition, louable, sans doute, dans son motif, mais par le fait impossible à mettre à exécution, frappa tous les esprits de l’Assemblée, de manière à convaincre de l’impossibilité de voir se réaliser un vœu si patriotique. Ayant pris la parole immédiatement après; pénétré du désir de détourner des bailliages que je représentais les dévastations qui se commettaient dans la province qui les avoisine; sachant ces bailliages dénués de moyens qui puissent empêcher ces dévastations, je n’ai pas hésité d’appuyer la faculté de réachat de tous les droits féodaux, en laissant aux différentes provinces à en régler le taux d’après la nature de ces droits, et en prononçant que le plus haut prix auquel il puisse être fixé serait le denier trente. Je n’hésitai pas d’inviter le clergé, propriétaire d’une grande partie de ces droits, à unir ses sacrifices à ceux de la noblesse, à déclarer avec elle, dès ce moment, l’acquiescement le plus précis, de partager avec tous les citoyens la contribution proportionnelle aux charges pécuniaires. Ces moyens, joints à l’arrêté proposé le 3, étaient réellement les seuls qui restaient pour rappeler les peuples à l’observation des lois, et à l’ordre qu’il était si intéressant de rétablir. Des vues politiques devaient aussi décider l’adoption de ce parti, je ne les ai pas déduites en prononçant mon opinion dans l’Assemblée nationale; mais, dès que la proposition fut faite, de l’abandon des droits féodaux, je fus frappé au même instant du degré de prépondérance que [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [A nnexes .] 399 ['adoption de ce parti pouvait donner à la France, si, sans convulsion, et par la seule volonté delà noblesse, elle anéantissait l’hydre de la féodalité. L’abandon simple de cette servitude , sous l’oppression de laquelle gémit encore toute l’Europe, devait porter tous les Etats voisins de la France au désir d’abattre ce monstre qui les dévore. Je sentais qu’aucune nation n’en était au point d’obtenir un si grand bienfait sans les plus rudes convulsions, qui ne pourraient manquer d’ébranler leur puissance par des guerres intestines qui les agiteraient pendant de longues années. Je voyais la France, au milieu de ces orages, seule dans le calme, accroisant ses nombreuses manufactures, et les cultures qui en sont l’aliment. A ce riant tableau a bientôt succédé celui que m’a présenté la lecture du procès-verbal et de l’arrêté de cette nuit. Sa rédaction et son adoption m’ont prouvé que l’excès du bien même pouvait donner naissance à de grands maux ; j’entre dans les détails de la discussion de cet arrêté, et du compte que je dois à mes commettants de mes opinions dans cette discussion. Observation sur l’article premier* Le premier article présente l’abandon, sans indemnité, du droit de mainmorte, réel et personnel, et du droit de servitude personnelle ainsi que des redevances et prestations pécuniaires. établis en remplacement de ces droits; cependant, ces droits ont pour titre qui les justifie, dans nombre de seigneuries, l’abandon de terres à ceux qui en étaient grevés; il n’était donc pas juste, dans ce cas, de les supprimer sans indemnité. C’est ce que j’ai énoncé dans la discussion de ta rédaction de cet article. Quantaux redevances seigneuriales, auxquelles il est impossible de donner ce caractère, puisqu’elles sont presque toutes le résultat des transactions faites entre les seigneurs et les communautés, transactions par lesquelles, non au titre de leurs seigneuries, mais à celui de leur propriété, les seigneurs abandonnent des terrains, des usages ou pâtures dans leurs bois ou sur leurs terres, à la charge de redevances en grains ou en argent, le jour où ces redevances cessent d’être payées, la transaction est rompue, le contrat annulé et le seigneur rentre dans la nue propriété de la chose sur laquelle il avait cédé usage et pâture. L’expression de celte partie de l’article ne peut donc être qu’une entreprise sur la propriété; ceux qui l’ont consenti n’avaient nul droit de le faire; il donnera naissance à une foule de procès, et opérera la ruine de nombre d’infortunés. Si les propriétaires succombent dans ces discussions, jamais aucun prosesseur de forêts ne consentira à l’avenir à louer les pâtures de ses bois, puisque toutes les conventions qu’il pourrait faire, pourraient être arbitrairement détruites par les représentants de la nation. Observation sur l’article trois. L’abandon du droit exclusif de chasse qui a suivi immédiatement celui du droit exclusif de colombier, ne remplira pas l’objet que doivent se proposer ceux qui en faisaient la concession. Ce devait être sans doute de libérer de la servitude du gibier qui habite les forêts les terres riveraines de ces forêts ; ce gibier ne sort que la nuit, dévaste en un instant les plus belles moissons ; il fallait donc prononcer la destruction du cerf et du sanglier, ainsi que celle du lapin; il fallait donc aussi prononcer la destruction du daim, animal qui détruit les taillis, et se contenter d’autoriser tous propriétaires à tendre ou faire tendre lacets ou colets sur sa propriété. C’était ce que j’avais proposé; j’avais ajouté que les seuls possesseurs de forêts pourraient, dans leurs forêts seulement, détruire le gibier avec l’arme à feu. Quel était le but qu’on s’était proposé? Celui d’empêcher la dévastation des moissons. Quel a été l’effet de l’arrêté? de les détruire totalement dans presque toutes les terres abondantes en gibier, par la multitude d’hommes qui, dès que cette disposition a été connue, se sont (quoique sans propriétés) livrés avec fureur à l’exercice de la chasse; et à quelle époque une calamité semblable a-t-elleeu lieu? à celle où le royaume manquait totalement de grains pour la subsistance de ses habitants. Dès que l’arrêté fut mis en délibération, j’ai présenté mes réflexions à l’Assemblée nationale : l’intérêt de tous les propriétaires, celui même de mes commettants, m’en imposait le devoir; et cet intérêt s’alliait aux vues de celui qui avait fait la motion. Cependant on n’a eu aucun égard à ces réflexions; on a mieux aimé armer un peuple entier, en faire une nation de chasseurs, que de se contenter de détruire un fléau qui s’opposait aux progrès de l’agriculture, et qui donnait atteinte aux droits sacrés de la propriété. Elle sera bien plus violée par les nouvelles disposi-. tions qu’elle ne l’était encore par les anciens droits, abusifs, sans doute, mais qui n’avaient pas l’inconvénient de livrer à l’amour de la chasse une nation grevée d’une dette de plus de 4 milliards; cette charge immense aurait dû décider ses représentants à chercher les moyens de la rendre industrieuse pour lui fournir ceux de porter le fardeau des impôts auxquels oblige cette dette. Observation sur l’article 4. Les justices seigneuriales ont été supprimées; elles n’étaient qu’un poids pour les propriétaires des seigneuries; ils ont voté cette abolition avec joie, mais cette suppression aggravera infiniment l’imposition, cruelle pour les peuples des campagnes, des frais de la justice, si l’on ne se hâte d’établir dans toutes les communautés des juges de paix, à qui l’on attribue le droit de juger, en dernière instance, les discussions qui n’entraînent point peines afflictives ou pécuniaires excédant la somme de 25 livres. J’avais fait cette proposition, lorsque, interrompu, on a prononcé qu’il ne s’agissait que de la rédaction. Cette proposition s’étèndait plus loin encore; elle demandait la suppression de tous huissiers-priseurs : cette réclamation est faite par le royaume entier. En effet, ces officiers de justice sont la ruine du peuple des campagnes; ils absorbent, par leurs honoraires, quelquefois des successions entières, presque toujours une grande partie de celles des malheureux habitants des campagnes. C’étaient là les soulagements qu’il fallait présenter à un peuple gémissant sous le poids de la justice auquel il ne cherche à se soustraire que parce qu’il en est accablé ; mais l’ardeur de faire 400 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Annexes.] paraître l’arrêté que le zèle de quelques votants leur avait présenté comme un chef-d’œuvre; d’autres .mus involontairement par l’impulsion de l’intérêt personnel qui quelquefois produit son effet, sans que soi-même l’on s’en doute, a rendu impossible de se faire entendre. J’ai été forcé de retirer ma proposition ; elle était conçue en ces termes : « En supprimant les hautes justices seigneu-« riales, il sera établi, dans chaque communauté, « un juge de paix, élu par tous les habitants, « sans distinction de condition, qui auront proie priété, et par conséquent voix élective dans les « communautés; l’élection de ce juge de paix « sera renouvelée chaque année; il jugera toutes « les querelles et les désordres qui pourraient « arriver ou se commettre dans les communautés, « lorsqu’ils n’emporteront pas peine capitale ; il « prononcera de même et souverainement sur les autres charges publiques. Celles des nobles « mêmes, qui n’étaient dispensées que de quel-« ques impôts, les porteront justement aujour-« d’hui, puisqu’elles n’en étaient affranchies que ■ lui un vol. Quel était donc le moyen de rem-« placer cet impôt nuisible à l’agriculture? Une « conversion des dîmes en argent qui ne pro--< duirait point cet effet destructeur. « Le seul moyen, juste; sans doute, serait de « remplacer la perception de la dîme en nature <« par une perception en argent ; ce mode réuni-« rait un double avantage : le premier, de ne pas « nuire aux progrès de l’agriculture, en ne pri-•< vaut pas le contribuable du fruit des frais faits « pour améliorer sa terre; le second, de faire « porter la charge de l’impôt sur celui qui doit « le payer. Je soutiens qu’un impôt n’est point « rachetable; car, que vienne à périr l’emploi fait < des fonds de son rachat, l’on est forcé de re-« nouveler l’impôt, et son rétablissement de-« vient un surcroît de charge pour celui qui en <- avait remboursé le fond. « Ce n’est pas au milieu du tumulte que l’on « peut présenter de semblables réflexions; je: les « crois cependant justes. « L’on ne peut opposer à de telles raisons rien 1- Série. T. XXXII. « même de spécieux; j’ai bien entendu dire : « Mais n’est-il pas juste que tout propriétaire « paye la desserte de l’office divin ? Mais n’est-il « pas plus juste encore, peut-on répondre, que « celui qui n’a acquis sa possession qu’en raison « de cette charge, pour qui, par conséquent, elle « n'en est pas une, la paye de préférence? « Mais, ai-je entendu dire à d’autres, l’agricul-« ture délivrée de cette entrave s’améliorera ; la « fécondité rendue aux terres diminuera le prix > des grains. La réponse à cette allégation est « simple : sous le régime de la liberté, la popu-« tion augmentera; les entraves ôtées sur les « terres décideront le cultivateur à se livrer à < des cultures plus précieuses qu’emploieront de « nombreuses manufactures, et alors le blé, loin « de diminuer de valeur, acquerra un plus haut « prix. » Voilà quelles étaient mes réflexions à une opinion que je croyais fondée sur la justice : on pourrait ajouter que ce n’est pas par de si petits moyens qu’il fallait ramener le clergé au véritable emploi des biens ecclésiastiques. Il faut même, encore aujourd’hui, dire à cet ordre : « Vos biens vous ont été donnés par nos « pères, non pour servir au luxe des prélats, « mais pour satisfaire aux dépenses nécessaires « au culte, à l’allégement de la misère publique. « Si ces biens étaient dans nos mains, iis paye-« raient les charges de l’Etat; ils sont tenus de « les acqiiter de même dans les vôtres, puisque ces « charges n’ont d’autres motifs que l’entretien des '< forces nécessaires à leur conservation; d’une force « c vile établie pour le maintien de la règle, des « chemins indispensables pour en faire valoir le « produit. Ils doivent donc payer les charges de « l’Etat, comme les biens des autres sujets. « Vous vous étiez arrogé le titre d’ordre; vous « n’étiez que les ministres du culte divin : à ce « titre, vous devez être, non un corps, mais des « préposés de la nation, pour vous occuper du « culte, l’enseigner, pénétrer nos âmes de la sain-« teté du Dieu dont vous chantez les louanges. « Vous devez réparer les fautes que vos pré-« décesseurs, en coips, ont faites en administra->« tion, en empruntant, toujours pour le paye-« ment d’un subside que l’ignorance de nos pères « vous avait permis exclusivement à tous autres ordres de l’Etat, dénommer dongratuit : aujour-« d’hui que la philosophie d u siècte, le faisceau de « lumière qui nous éclaire ne nous permet « plus d’adopter des prestiges pour des vérités, « vous devez, sur vos biens, effacer la faute de « vos prédécesseurs, payer les intérêts et les « capitaux de votre dette. La nation ne peut se « charger que de la portion de cette créance, qui « a été contractée pour l’avance du don gratuit i que vous avez fait au Trésor public ; que ta na-« tion se charge de cette portion de votre dette, « c’est juste, puisque vous payerez désormais « comme le reste des Français. « Quant à vos autres créances, quant à la bâtisse « des presbytères et des églises, le produit de la « vente de vos quarts de réserves, de vos futaies, « y pourvoira, et à raison d’insuffisance, une « contribution impo-ée sur les biens du clergé y « sera employée. « Vos biens avaient été donnés pour être em-« ployôs à l’entretien du culte; ils ne servent « qu’au luxe des prélats. Nous sommes destinés « à réformer les abus; un de ceux qui, sans « doute, doit le plus nous occuper, est celui qui « porte sur l’abus de l’emploi fait des biens ec-« clésiastiques, sur l’administration de ces biens, 26 [Annexes.] 402 Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. « destiués à subslanler le pauvre, à le eecourir « dans ses maladies, à l’entretien des écoles na-« tionales, enseigner au premier peuple du monde, « les préceptes de la plus pure des morales, « l’hommage dû au souverain arbitre du ciel et de « la terre. « D’après ces principes, l’Assemblée nationale « est en droit de ramener l’emploi des biens de « l’Eglise à leur véritable destination, et de « commencer par classer le salaire des curés, « par établir dans chaque cure un vicaire, fixer « les fonds destinés à chacun, à raison de 2,60011- « vres que l’on répartira en classes de 1,500 lift vres, 2,000 livres, 2,500 livres et 3,000 livres « pour les curés, selon la cherté des lieux, de « 600 livres pour chaque vicaire. > On doit payer de même les aumôniers des régiments et des vaisseaux, fixer leur traitement à 1,200 livres, ainsi que ceux des aumôniers des hôpitaux. L’Assemblée nationale doit établir sur les mêmes biens ecclésiastiques le sort des curés de nos colonies; le payement des chapelles royales, le payement de tous les hôpitaux du royaume, dont la dépense porte sur le Trésor public, les fonds nécessaires à abolir la mendicité, la dépense même des hôpitaux militaires. Tout ecclésiastique, curé et vicaire, qui n’aurait pas pour sa dépense la somme attribuée par la nation à son bénéfice, dans le lieu où il est situé, il y serait pourvu sur les revenus collectifs des couvents, des gros bénéficiers, des évêchés ; cette contribution serait répartie par les assemblées provinciales, en proportion des revenus des biens ecclésiastiques de leur arrondissement. Dans ce nouvel ordre de choses, les chanoines auraient 2,000 livres de prébende; tous les moines mendiants seraient supprimés et établis dans des cures ou vicariats. Des ordres entiers seraient employés à l’éducation de la jeunesse; ils l’enseigneraient gratuitement. Les religieux des maisons peu nombreuses ou inutiles devraient être réunis à d’autres maisons; le reste des moines, sécularisé avec des pensions de 800 livres. Toutes les maisons supprimées seraient vendues ainsi que les fonds qui en faisaient les revenus; les sommes provenant de ces ventes, versées dans la caisse nationale, pour être empoyées à l’acquittement de la dette du clergé, ou à rembourser une dette équivalente à un intérêt plus onéreux, en décidant que la nation se chargerait, en échange, d’une aussi grande portion de Ja dette conti actée par le clergé. Les bois de ces maisons supprimées, conservés pour la nation et administrés par les assemblées des provinces; leur produit servirait à l’acquittement d’une partie des charges du clergé; et la répartition du reste de ces charges serait faite sur les bénéfices des ecclésiastiques qui en sont pourvus, au prorata de leur jouissance. De telles dispositions seraient justes; elles ramèneraient l’emploi des revenus ecclésiastiques à leur véritable institution, l’entretien des églises, la dotation de tous les ministres du culte et de ceux préposés à l’enseignement de la jeunesse, 1a, reconstruction de leurs habitations, le soulagement des pauvres et des malades. Les revenus des ecclésiastiques employés à leur véritable destination ne seraient pas usurpés par une nation assemblée; ses représentants obtiendraient à juste titre celui de destructeur des abus, au lieu de celui d’usurpateur des biens publics et particuliers; reproche que pourra leur mériter le ravissement des dîmes ecclésiastiques (1). L’Assemblée doit être attentive à ne pas prendre l’impulsion de l’opinion de ceux de ses membres dont la morale et les principes ne répondent point à l’éclat de leur esprit. Ces lueurs d’un génie phosphorique dont le faux brillant ne laisse après iui que l’obscurité, sont quelquefois dangereuses. Maintenant, continuons la discussion de divers articles qui restent à traiter. Observation sur l'article 7. Sans doute, l’administration de la justice présente un but bien désirable à atteindre ; mais comment y parvenir, dans un Etat où il existe des déficits et où, à chaque instant, l’on accroît ies charges publiques, et par conséquent, la nécessité des impôts? Aussi n’ai-je pu voir sans douleur prononcer que l’on donnait au peuple cet espoir illusoire; on aurait dû le réserver à des temps plus heureux, lorsqu’un crédit national permettra le remboursement des charges; on ne peut, dans cet instant, que s’occuper des moyens de détruire la ruine que causent les petits procès au peuple des campagnes. Observation sur l’article 9. L’égalité de contribution et la suppression de tous privilèges pécuniaires étaient demandées par tous les cahiers; celte égalité juste a été sanctionnée et l’on ne peut qu’applaudir au sentiment qui Ta dictée. Observation sur l’article 10. Quant à l’abandon des privilèges des provinces, il est certain que le bien public le prescrit, mais que cet abandon est bien difficile à faire cadrer avec les justes réclamations de quelques provinces frontières, pour lesquelles le poids des guerres, qui force l’entretien de nombreuses communications pendant la paix, sont des charges réelles dont elles ont le droit d’attendre l’indemnité de la justice de l’Assemblée nationale, qui ne peut, (1) Il est facile de connaître la valeur réelle des biens du clergé, comme de tous autres, et pour y parvenir, il faut promulguer une loi qui défende à tous fermiers de donner aucune somme sur un bail, sous quelque dénomination que ce soit, sans que cette somme donnée soit portée par le bail, et prononcer résiliation et amende contre le fermier contrevenant. A la production d’un bail qui paraîtrait simulé, qu’il soit permis de remettre l’objet loué en adjudication, après l’avoir fait afficher, et qu’il puisse être adjugé de droit au fermier qui se présenterait, en donnant un cinquième en sus du prix actuel de ce bail; qu’ alors l’augmentation du prix du bail pendant sa durée, soit dévolue à la Caisse des hôpitaux. Tous les ecclésiastiques, communautés etgens de mainmorte, doivent être tenus de donner à l’assemblée de leur province une déclaration de la valeur de leurs biens, et dans le cas où l’on pourrait suspecter la vérité de la déclaration, l’assemblée provinciale aurait la liberté de faire payer à ces ecclésiastiques, communautés et gens de mainmorte, sur le taux de la valeur de leur estimation. Les assemblées provinciales seraient autorisées de même, à faire administrer ces biens et à verser la plus-value de leurs adjudications dans la caisse destinées aux hôpitaux. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Annexes. 403 par l'établissement de la barrière entre la frontière et l’étranger, les priver du commerce de commission et de transit, non plus que de l’exportation d’une nombreuse quantité d’objets de commerce, inutiles à celui du royaume, et qui n’y trouvent point leur consommation. La situation de ces provinces, au milieu des terres, rendrait le transport de ces objets de leur productions impossible au centre du royaume, pendant que les eaux de ces provinces conduisent, par leurs pentes, ces mêmes objets de commerce à l’étranger, où ils obtiennent un débit avantageux. Tels sont les bois de la Moselle et de la Sarre, dont notre marine ne veut pas, à cause de leurs qualités inférieures, et que les Hollandais emploient dans leurs digues. Je m’occupe à développer ces vérités, à leur donner la clarté dont elles peuvent être susceptibles, pour les présenter à l’Assemblée nationale en même temps que les moyens de justice que deux de ces provinces (1) ont droit de réclamer d’elle : en parler aujourd’hui serait prématuré. Je remets cette discussion à l’époque où il sera question du tarif. Observation sur l’article 15. L’abus des pensions, en France, est excessif. Le� royaume, à lui seul, paye plus de ce genre de grâces que le reste des États de l’Europe collectivement pris : un abus aussi énorme, porté au comble, après une paix de 27 ans, où il existe à peine, dans les troupes de terre ou de mer, quelques individus qui aient rendu à l’Etat des services, que l’homme le plus facile pourrait attribuer à leur génie; une telle déprédation semble être le dernier effet du délire auquel puisse se porter l’esprit humain. Dépouiller le malheureux courbé sous le poids de son travail, lui arracher le fruit de sa sueur, le lui enlever avec la vie des individus assez infortunés pour avoir reçu l’être de lui, ne peut qu’être le résultat de l'égoïsme des hommes qui environnent le trône du meilleur des rois. L’Etat doit sans doute des récompenses distinguées à l’homme de génie qui l’a déployé pour servir utilement sa patrie. Mais que le nombre d’hommes qui ont eu des occasions de donner des preuves de génie est rare aujourd’hui ! Dans les troupes de terre et de mer, à peine peut-on en nombrer 6; aucuns n’ont commandé en chef dans des circonstances difficiles qui donnent occasion de déployer de grands talents pour le commandement; il n’est donc que ce petit nombre dont les services ne soient magnifiquement récompensés par un traitement extraordinaire de 2,000 écus, ajouté à celui delà place qu’ils occupent. Quel parti prendre en semblable occurrence, avec la dette énorme qui aggrave les charges de l’Etat? Un personnage auguste de l’Assemblée l’a prononcé, en me parlant de ma proposition sur les pensions : réduire, a-t-il dit, à 2,000 éc,us, toutes les grâces qui excèdent cette somme , même les gouvernements; Qu’il n’y ait d’autre traitement indépendant de ces 2,000 écus, que ceux de la place que chaque individu remplit; Que tous les traitements conservés soient réduits à la même somme de 2,000 écus; Que toutes les pensions de veuves soient ré-(1) La Lorraine et Barrois, les Évêchés. duites, pour les plus fortes, à 2,000 écus; que celles seules au-dessous de cette somme, de même que les traitements conservés au-dessous de 2,000 écus restent intacts; que les traitemenis ou récompenses acquis sans aucun titre soient supprimés; l’idée n’est pas de moi, j’en fais hommage à son auteur. Je voulais faire imprimer la liste de toutes les grâces réunies sur les mêmes têtes, m’en rapportant à leurs possesseurs pour en opérer la réduction, persuadé qu’à une époque où l’opinion publique, l’amour des abandons ont acquis un si grand empire, qu’ils portent tous les individus aux plus incroyables sacrifices, tous voudraient montrer le plus grand empressement à eu faire. L’Assemblée nationale, au contraire, par l’article de son arrêté, si ma proposition en reste là, ne produira aucun effet réel pour le soulagement des peuples; on oubliera ce principe précieux à consacrer. Une fonction publique est une charge qui a ses émoluments, ils doivent cesser lorsque la charge n’est plus exercée. Observation relative à l’emprunt. Revenons à l’emprunt et aux principes sur lesquels il a été établi. J’ai été forcé d’interrompre le compte que j’ai rendu à mes commettants, pour tracer celui que je leur devais, relatif à mes opinions sur l’arrêté du 4 août; mais les articles sur lesquels il reste à parler, sont trop peu intéressants pour ne pas les abandonner, et revenir à l’objet de cet emprunt. Propositions du ministre des finances , relatives à l’emprunt. Le ministre des finances, ainsi que les ministres du roi sont venus à l’Assemblée nationale le 7 août, pour mettre sous les yeux de l’Assemblée l’étal de crise dans lequel était le royaume, et l’inviter à trouver les moyens nécessaires pour y porter remède. Le ministre des finances a ajouté que les désordres qui s’étaient introduits dans toules les provinces, ayant suspendu ou ralenti toutes les perceptions d’impôts, nécessitaient un emprunt; il a remis sur le bureau l’état des recettes et dépenses des mois d’août et septembre, en formant la demande de 30 millions de secours nécessaires pour la dépense des 2 mois; l’administrateur a demandé l’intérêt de cet emprunt à 5 0/0. L’Assemblée nationale a pris cette demande en considération; et après le compte qui lui en a été rendu par le bureau des finances, elle a mis en délibération le rapport qui lui en a été fait. Quoique les mandats de la plupart des députés leur imposassent impérieusement de ne consentir aucun aénôt, aucun emprunt, que la Constitution ne fût sanctionnée, il a été mis en délibération si l’emprunt aurait lieu, remettant à délibérer sur la quotité et le mode de l’emprunt, après la connaissance acquise du vœu de l’Assemblée sur ce te proposition, et d’après les motifs qui seraient exposés pour donner la préférence au mode qui serait adopté. Dans la discussion préalable nui avait précédé le voie sur l’emprunt, il avait été développé, qu’il paraissait impossible dans la crise aciuelle de se refuser à un emprunt ; plusieurs réflexions avaient été faites, qui indiquaient les modifications à 404 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Annexes.] stipuler, relatives à sa quotité, de même que les moyens d’en garantir la solidité, sans lier la nation pour cette garantie. Deux moyens avaient été proposés pour y parvenir, et ces deux moyens pouvaient être réunis pour augmenter la confiance des prêteurs : l’un de ces moyens était la garantie des députés présents seulement; l’autre était la garantie de l’ordre du clergé. Sans doute, les deux moyens pouvaient être mis en usage, et devaient donner confiance suffisante pour trouver les 30 millions. Dans l’espoir de leur adoption, j’ai voté pour consentir à l’emprunt. Lorsqu’il fut question de voter pour la quotité de l’emprunt, je me suis refusé à consentir, d’une manière indéterminée, à 30 millions, par la raison simple que le service du mois d’août n’exigeait pas, à beaucoup près, une somme aussi forte que les 30 millions, et que l’intérêt de 20 millions, pendant un mois, m’avait paru mériter l’attention de votre représentant. Cependant, l’opinion contraire a prévalu-; je ne me suis point trouvé à la délibération du dimanche qui n’avait d'autre objet que la garantie de l’emprunt; j’espérais que celle du clergé, celle de vos députés, personnellement et collectivement données, suffiraient pour assurer la confiance des prêteurs. lia paru devoir en être autrement : la nation a été engagée par ses com-mettants. J’aurais sans doute voté contre cette opinion, mais mon suffrage n’aurait été de nul poids. Je vais vous rendre compte des motifs qui m’auraient déterminé, même indépendamment de votre mandat positif, car, en effet, la Constitution paraissait assez assurée, pour que j’eusse pu prendre sur moi de prononcer que je pouvais, quelques semaines plus tôt, vous faire prendre un engagement qu’il est indispensable de vous faire contracter ; mais mon véritable motif eût été celui-ci : Que même le taux de 4 1/2 0/0, qu’a accordé l'Assemblée nationale, est au-dessus de celui qui devait donner une nation qui garantissait sa première créance; Que cette garantie doit trop influer sur le taux que prendront les fonds publics, pour ne pas attendre l’époque où la confiance parfaitement établie par une bonne Constitution sanctionnée, pourra permettre de former le premier emprunt auquel consentira la nation à un intérêt plus modéré; Que même l’établissement d’une caisse natio-tionale, qui suivra de près la sanction donnée à la Constitution pourrait augmenter la facilité avec laquelle l’emprunt se remplirait. Qu’il est temps de faire tomber le prestige et la magie des emprunts, en établissant la connaissance parfaite du commerce du papier, et du profit que chaque individu y peut faire, pour diminuer le plus possible celui des banquiers étrangers, en augmentant celui des banquiers nationaux, un léger développement va en faire connaître les moyens. La France ouvrait un emprunt; elle en mettait le taux à 5 0/0, indépendamment du bénéfice des intérêts qui couraient depuis l’ouverture de l’emprunt, jusqu’à celle du versement des fonds ; qu’en résultait-il? que les banquiers accrédités de toutes les places de commerce de l’Europe, instruits par leurs correspondants en France, indiquaient à ces mêmes correspondants, la somme qu’ils voulaient prendre dans l’emprunt; ils tiraient sur ces correspondants, en France, des lettres de change du montant de ces sommes; leurs correspondants acceptaient les traites qui, escomptées à 4 0/0, à la caisse d’escompte, les mettaient à même de verser leurs fonds au Trésor royal; l’emprunt était rempli. Il est clair que le bénéfice des banquiers dans ce jeu ingénieusement introduit par l’établissement de la caisse d’escompte, était de 1 pour 5 par an, indépendamment du bénéfice de l’intérêt, depuis l’époque de l’ouverture de l’emprunt, jusqu’à celui du versement des fonds au Trésor royal : pour le succès d’un semblable jeu, il était nécessaire de se refuser à l’avidité des hommes qui, toujours prêts à s’emparer de tous les moyens de fortune, sollicitaient des ministres faciles des portions de l’emprunt à négocier; mais ces cessions nuisaient au bénéfice des banquiers, des agents de change, qui devaient avoir le droit exclusif de ce moyen de fortune. Que doit faire la nation, jusqu’à l’époque où son crédit, assez solidement établi, pourra se passer de la ressource de ces négociants en papier? Chercher par tous les moyens de reslreindre leurs profits, forcer les banquiers étrangers à passer par deux mains en France, afin qu’en divisant le profit il ne leur en reste que le tiers. L’Assemblée nationale ayant fixé le taux de l’argent à 4 1/2 0/0, et ayant décrété que les intérêts ne courraient qu’à l’époque de la remise des fonds au Trésor public, a rempli une partie de cet objet; pour restreindre plus encore le profit de cës banquiers, elle pourrait ajouter l’entrave d’un timbre qui coûterait 1/4 0/0 aux lettres de change arrivées de l’étranger, et escomptées par la caisse d’escompte, ce qui réduirait, par conséquent, le profit du banquier étranger à la huitième partie de 1 0/0 : ce moyen lui ouvrirait bientôt une autre route, car l’intérêt personnel rend les hommes ingénieux ; celle de passer par deux mains diverses en France, avant d’arriver à la caisse d’escompte, ce qui, en conservant le taux des emprunts à 4 1/2 ne lui donnerait plus qu’un profit égal à la sixième partie de 1 0/0 par an. Si le crédit se régénère en France, il faut que l’escompte des lettres de change se fasse à la caisse d’escompte à raison de 3 0/0 ; que les emprunts nationaux se fassent à 3 1/2 ; ce qui réduirait le profit du banquier étranger à un douzième 0/0 , et diminuerait , par conséquent , d’autant l’exportation des fonds hors du royaume. Pour y réussir, il faut ajouter à cette disposition celle de faire payer un timbre aux lettres de change venant de l’étranger, escomptées à la caisse d’escompte, mais seulement à celles qui y sont escomptées. L’Assemblée nationale ne doit influer sur fa caisse d’escompte que pour amener ses opérations à ce taux, et pour la forcer, par un timbre établi sur l’escompte des lettres de change venant de l’étranger, à escompter plus de lettres de change venant de diverses places de commerce du royaume, que de celles venant de l’étranger. Cetle caisse se soutiendra avec avantage pour les actionnaires, jusqu’à l’époque où la dette nationale, fondue dans la caisse qui sera établie par la nation, ne permettra plus d’opérations ni de jeu d’agiotage sur les fonds publics; son extinction sera donc lente et graduelle, comme l’extinction de l’agiotage. Il faut surtout que la nation ne lui permette pas d’interrompre ses payements; les principes [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Annexes.) 405 de son institution sont développés dans les notes i l’Assemblée, lorsqu’il sera question d’une caisse d’un mémoire que je mettrai sous les yeux de | nationale. II. SUITE DU COMPTE RENDU Par M. DE CE ST IXE A SES COMMETTANTS De ses opinions dans les délibérations de l’Assemblée nationale, Le 12 septembre 1789. Sur la déclaration des Droits de l’homme. J’avais pris pour base de mes opinions, dans cette délibération, la déclaration des droits, faite par M. l’abbé Sieyès, qui renfermait une série de principes liés d’une manière irrésistible; quelques-uns cependant m’avaient paru susceptibles de rectification; je m’en étais occupé; d’autres m’avaient paru oubliés; je les avais ajoutés, en avais fait une édition nouvelle; mais le plan que l’Assemblée a adopté, pour s’occuper de cette déclaration, n’a pas permis de suivre cet enchaînement de principes que j’aurais désiré trouver dans cet ouvrage. Il est, dans le plan qu’elle a adopté, un article que j’ai vu à regret énoncé dans des termes aussi peu conformes aux opinions d’un siècle de tolérance. Cet article est celui qui prononce sur la liberté religieuse; mais la législation peut y apporter des modifications qui le rectifieront, et je me propose de faire connaître, dans le temps où on s’occupera de la formation de cette partie de la législation, un motif politique, qui doit se joinure à ceux de la liberté de l’homme dans ses opinions religieuses, pour décider l’Assemblée. Il est un droit, sacré pour tout Français, qui n’a point été énoncé dans cette déclaration, et qui aurait dû y trouver place, car elle ne traite pas des droits de l’homme dans l’état de nature, mais de ceux de l’homme dans l’état de société, et de société organisée, puisqu’elle rend tous les agents de la puissance publique 'responsables des abus qu’ils pourraient faire de leur autorité. Je me réserve de faire cette observation dans l’Assemblée, à l’instant où on discutera le dernier article du premier chapitre de la Constitution proposée par le comité. Sur le second emprunt \ proposé par le directeur général des finances. 11 est nécessaire, Messieurs, de faire précéder le compte que je vous dois de cette discussion, d’un raisonnement qui établisse l’effet momentané du discrédit qu’a amené sur les opérations de finances, la crise générale du royaume; elle ne peut manquer de produire la subversion totale du système d’emprunt établi, et, par conséquent, de nécessiter (ce qui serait le comble des maux) la cessation de tous payement� de rentes et d’arrérages de la créance publique. Il n’est qu’un seul moyen d’éviter cet événement, qui porterait les désordres au comble : c’est celui de nommer un comité, ainsi que l’a demandé le directeur général des finances, qui s’occupe avec lui de la conversion en impôts réels des impôts indirects, et de la répartition qui doit être faite de tous ces impôts à toutes les provinces, afin de présenter àl’Assembléenationaleleplan de cette répartition, pour qu’elle puisse l’adopter, et, après qu’il aura reçu la sanction royale, le faire parvenir dans les provinces, en même temps que la loi qui établira les assemblées provinciales, leurs assemblées secondaires et les municipalités. Sans cet ordre de choses, il serait impossible d’éviter ce que la nation devrait regarder comme le plus grand de ses malheurs, la cessation de tous payements. Il est aussi nécessaire de faire accompagner l’envoi qui sera fait de ces lois dans toutes les provinces, d’un mémoire raisonné, qui fasse connaître les motifs qui ont décidé l’adoption de ce nouvel ordre pour la répartition du payement des impôts; et que dans ce mémoire raisonné, se trouve le développement fait par M. l’évêque