[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [22 avril 1790.] 257 « Monsieur le Président, « Il nous reste à supplier l’Assemblée de permettre au commandant militaire que le roi nous a donné, de se rendre incessamment en Corse, où sa présence devient chaque jour plus nécessaire.» M. le Président répond que l’Assemblée nationale prendra en considération la demande que les députés corses font en ce moment. Les maîtres amidonniers delà ville de Paris ad-dressent leurs remercîments à l’Assemblée, au sujet de la suppression des droits imposés sur l’amidon, et déposent sur le bureau une offrande patriotique montant à la somme de 864 livres. Offrande de la communauté des maîtres amidonniers de la ville de Paris , et remercîments aux représentants de la nation , au sujet de la suppression des droits imposés sur l'amidon. « Les bienfaits que la communauté vient de recevoir de la suppression du droit sur l’amidon exigent les remercîments les plus sincères aux représentants de la nation. L’édit ou les lettres patentes qui avaient créés ce droit étaient désastreux, et des arrêts du conseil en avaient rendus les dispositions si aggravantes, qu’elles ont servi à ruiner la plupart des maîtres. «Une régie composée de financiers adroits a seule profité des malheurs de nos concitoyens, parce que les amendes et les confiscations qu’elle a exercées contre eux, et quelle a eu le secret de faire mettre à son profit, ont quintuplé le droit en lui-même : quarante et tant de procès pendants, tant à l’ancienne police qu’au conseildu roi pouvaient, par le crédit de la régie, achever la ruine entière de la communauté. « Vous venez, dignes représentants, de lui rendre son existence, en supprimant le droit et tous les procès, en rendant à chacun des membres la liberté de ses foyers, qu’ils avaient perdue depuis 1771. En reconnaissance de cette nouvelle régénération, les membres qui composent la communauté, femmes et enfants, se sont hâtés dé remettre entre les mains des syndics, adjoints et députés, les modiques sommes qu’ils pouvaient fournir, pour être remises au Trésor de la nation et servir aux besoins de la patrie. «Permettez, respectables représentants, que les syndics, adjoints et députés de cette petite communauté déposent sur rautel de votre auguste Assemblée, la somme de 864 livres, pour un témoignage de leur respectable reconnaissance. Ce faible hommage est l’unique sacrifice qu’elle peut faire, elle ne cessera jamais de faire tous ceux que la défense et la sûreté de la patrie demanderont d’elle. « Présenté par MM. Levé et Bourbaut, syndics ; Deslandes, adjoint ; Le Blond et Le Duc, députés, et Boudeville, huissier et agent de la communauté. » M. le Président leur a dit : Messieurs, le vœu de l’Assemblée natioqale eût été de pouvoir délivrer à la fois de toute entrave toutes les branches du commerce, afin de le porter rapidement au degré de prospérité qu’il doit atteindre; elle n’a pu faire à cet égard tout le bien qu’elle aurait désiré, mais elle a voulu du moins soulager les maux les plus pressants. Le droi 1" Série. T. XV. imposé sur l’amidon était au rang des droits les plus onéreux; elle s’est hâtée de le supprimer. Elle reçoit avec satisfaction l’hommagede votre reconnaissance et de votre patriotisme, et elle vous permet d’assister à sa séance. M. ILe Roi, membre de l'Académie des inscriptions et belles-lettres, prie l’Assemblée de recevoir deux ouvrages de sa composition. Ces livres sont : 1° Lettres à M. Franklin sur la marine, et particulièrement sur la possibilité de rendre Paris port de mer ; 2° Recherches sur les moyens d’employer les hommes désœuvrés qui surchargent le royaume. M. le Président répond : Monsieur, si les sciences ne s’étaient jamais dirigées que vers des objets d’utilité publique, jamais on n’eût osé. mettre en question si elles avaient été plus nuisibles qu'utiles au bonheur du genre humain : ou si ce problème se fût présenté, des travaux tels que les vôtres l’auraien résolu. L’Assemblée nationale reçoit avec satisfaction le fruit de. vos veilles, et elle vous permet d’assister à sa séance. M. Chombart, député de Lille, demande la permission de se rendre dans son département pour ses affaires. M. Simon, député du bailliage de Caux, écrit à M. le président, afin d’obtenir un congé de quelques jours. M. le marquis de La Salle de Roquefort, député de Mont-de-Marsan, demande l’agrément de l’Assemblée pour s’absenter pendant un court espace de temps. Ces trois congés sont accordés. M. le Président fait donner lecture dé la note suivante envoyée par M.le garde des sceaux : Expéditions en parchemin, pour être déposées dans les archives de l'Assemblée nationale : 1° D’une proclamation sur ledécretdu23 mars dernier, relatif à la Caisse d’escompte. 2° D’une proclamation sur le décret du 26 du même mois, concernant le payement des appointements des officiers en activité des états-majors des places de guerre. 3° De lettres patentes sur le décret du 30, qui révoque l’affectation faite aux salines de Dieuze, Moyenvic et Château-Salins, des bois situés dans leurs arrondissements. 4° D’une proclamation sur le décret du 7 de ce mois, portant que le bourg de Ghaussin et les paroisses y attenantes seront annexées au département du Jura. 5° Et d’une proclamation sur le décret du 10, concernant la garde nationale de Montauban. M. Coupilleau, membre du comité des rapports, rend compte d’un arrêt de la chambre des vacations du parlement de Grenoble, qui décharge plusieurs particuliers de décrets décernés contre eux par le juge de Mirebel, en Bresse. C’est une question de compétence. Il s’agit de savoir si l’île d’Olive, formée par le Rhône, dépend du Dauphiné ou de la Bresse. Voici le fait : Les habitants de Mirebel ont été couper du bois dans l’île, le 24 octobre dernier ; le seigneur de Jonage „ s’y est opposé, et son garde-bois, à la tête de huit il [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (22 avril 1790.1 hommes, a fait feu sur les délinquants et en a tué un. Le juge de Mirebel a informé et décrété. Ce sodI ces décrets que casse le parlement de Grenoble, sur la requête du sieur de Jonage qui soutient que l’ile n’est pas sous la juridiction du juge de Mirebel, et qu’un Dauphinois, en vertu de ses privilèges* ne peut être traduit à un tribunal étranger; cependant il a été produit au comité des rapports une procédure du sieur de Jonage, devant le juge de Mirebel, à raison de la même île. Le comité pense que l’arrêt doit être proscrit, comme contraire à l’ordre public. 1° Le parlement a jugé sans voir les charges et informations, contre la disposition expresse de l’ordonnance criminelle qui défend aux juges de se prononcer sans ce préalable; 2° Le décret du 4 août abolit tout privilège de province. En conséquence, le comité propose de décréter que le président se retirera par devers le roi, pour supplier Sa Majesté de faire révoquer l’arrêt de la chambre des vacations du parlement de Grenoble, du 10 décembre dernier, qui casse les décrets du juge de Mirebel. M. Pison du Galand fait remarquer que le comité des rapports s'éloigne de ses attributions et empiète singulièrement sur celles des juges. Adopter son projet de décret, ce serait par le fait. trancher une question sur laquelle l’Assemblée n’a pas de renseignements certains. M. Groupll de Préfeln appuie l’observation du préopinant et propose la question préalable. M. Carat, l’aîné, trouve qu’il ne s’agit au fond que d’une question de compétence et d’attribution judiciaire, laquelle ne relève que du roi, chef suprême de la justice. (L’Assemblée, consultée, décide qu’il n’y a pas lieu à délibérer.) M. de Vis eu es, membre du comité des domaines , fait un rapport relatif à des bois dépendant de l'abbaye de Saint-Ouen de Rouen et vendus par le cardinal de Loménie. Un arrêt du conseil, du 18 décembre 1787, avait autorisé M. le cardinal de Loménie à disposer de deux réserves dépendant de son abbaye de Saint-Ouen de Rouen, l’une appelée la forêt verte, de contenance de 939 arpents, l’autre de 100 arpents, dans la forêt de Gany. La première était estimée 469,740 livres, la seconde 5,000 livres seulement. L’arrêt charge M. de Loménie de quelques payements; et quant au surplus du prix, il lui permet d’en disposer à sa volonté sans que cette grâce puisse tirer à conséquence, même pour f avenir et le dispense, pour la coupe de ces deux réserves, de la formalité des lettres patentes et autres prescrites par l’ordonnance de 1669. — Cette 'grâce est assurée par un bon du roi. Le cardinal vend, le 15 janvier 1788, les deux réserves au prix total de 662,000 livres. Cependant la loi ne permet de toucher aux futaies etquarts de réserve des bois ecclésiastiques, qu’en vertu de lettres patentes : ici, il n’y en a point. Premier vice. La loi ne permet de couper les quarts de réserve qu’à 40 ans. Les procès-verbaux constatent que les 939 arpents ont depuis 17 jusqu’à 30 ans et que les cent arpents de Gany n’ont que 24 ans. Deuxième vice. Les causes de vente ne se présentent point M. de Loménie ne donne les emplois que pour 260,000 livres. Il est donataire du surplus. Le parlement de Rouen a rendu un arrêt, le 25 février 1789, qui défend la continuation de la coupe de ces bois. M. de Loménie en a demandé la cassation: il a présenté d’autres emplois du prix. Un second arrêtdu 20 décembre dernier casse l’arrêt de Rouen, et ordonne l’exécution des ventes faites en conséquencede l’arrêt du conseil de 1787. Le sieur Tollay, acquéreur, continue à exploiter 200 arpents de la forêt verte. Il s’est engagé à fournir à la manufacture des cuirs de Ponl-Aude-mer cent mille bottes d’écorces en cinq années. On allait faire ces écorces iorsque le décret du 18 mars a sursis à toute exploitation de coupe exlraordinairedes bois dépendant d'établissements ecclésiastiques, si elles n’ont été autorisées dans les formes légales. Le sieur Tollay, adjudicataire, et le sieur Martin de Poct-Audemer, demandent que le sursis soit levé pour l’intérêt du commerce; d’ailleurs, l’acquéreur a contracté de bonne foi, d’après l’arrêt du conseil de 1787 ; une nouvelle vente ne se ferait pas avec autant d’avantage; la résiliation de la vente nécessiterait des opérations longues et embarra-santes; le sort d’un établissement aussi intéressant que la tannerie de Pont-Audemer mérite des égards; c’est une branche d’industrie conquise sur nos voisins. Le comité propose le décret suivant : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport des comités des domaines ecclésiastique, a déclaré qu’il doit être permis à l’acquéreur du quart de réserve de l’abbaye de Saint-Ouen de Rouen, de continuer et de parachever l’exploitation de ladite réserve, à la charge par lui de verser dans la caisse de l’administration des Domaines, ce qui reste dû sur le prix de la vente, aux termes portés par lecontratdu 15 janvier 1788, sauf aux administrations dans le ressort desquelles les bois dont il s’agit sont situés, à poursuivre par les voies de droit, contre le cardinal de Loménie, la restitution des sommes qu’il peut avoir reçues sans cause légitime et en vertu d’un titre illégal. » (Ce projet de décret est mis aux voix et adopté.) M. le Président annonce qu’il va se retirer par devers le roi pour présenter divers décrets à sa sanction. M. Camus, ex-président, prend place au fauteuil. M. Heurtanlt de Lamerville, au nom du comité d’agriculture etde commerce, lit un Avant-propos de la discussion du projet de décret sur le dessèchement des marais du royaume (1). Le rapporteur s’exprime ainsi qu’il suit : Messieurs, l’éloignement où nous sommes du jour que j’ai eu l’honneur de vous faire le rapport du comité d’agriculture et de commerce, sur le dessèchement des marais du royaume, me paraît rendre indispensable de vous en rappeler les principales idées avant d’en présenter le projet de décret à votre discussion (2). Elles renferment un respect éclairé pour les propriétés, un coup d’œil rapide sur la loi qui en est la sauvegarde, une protection constante pour les hommes sans propriété. Votre comité n’a pas imaginé de moyen plus (1) Ce document n’a pas été inséré au Moniteur. (2) Un décret de l’Assemblée a ajourné définitivement cette discussion au samedi 1er mai. i