ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 131 juillet 1789.] [Assemblée nationale.] lez-lui le langage de la justice et de la raison. Qu’il soit sûr que ses ennemis n’échapperont pas à la vengeance des lois, et les sentiments de justice succéderont à ceux de la haine. MM. Bouche et Péllon de Villeneuve professent les mômes principes et les mêmes sentiments. Tous regardent le projet d’arrêté de M. Target comme suffisant. Un membre de V Assemblée dit que la municipalité de Paris a envoyé une députation au Roi, et que cette députation doit se présenter ensuite devant l’Assemblée nationale. 11 observe qu’il convient de suspendre toute délibération sur l’affaire agitée, afin de profiter des renseignements que donneront les députés de Paris. La délibération est suspendue en attendant son arrivée. On reprend la discussion de la motion faite hier par M. Bouche, qui demandait qu’il y eût tous les jours une assemblée générale. Après quelques débats, il est décidé qu’il y aura une séance générale tous les matins, et que les bureaux s’assembleront tous les soirs Une députation de la commune de Paris, ay ant à sa tête M. Bailly, est entrée ensuite. M. Bailly a prononcé le discours suivant : Messieurs, les représentants de la commune de Paris viennent vous apporter le tribut de leurs respects, vous remercier des soins que vous avez pris pour rétablir la paix dans Paris, et pour obtenir du Roi le rappel d’un ministre vertueux ; ils viennent un moment se réunir à cette nation dont ils font partie. Quel spectacle intéressant et nouveau pour nous, que celui de la nation assemblée! Ici sont ses défenseurs; ici bientôt seront ses régénérateurs. Vos arrêtés, fermes et courageux, mais toujours justes et sages, ont vaincu les ennemis de la patrie, ont fait au milieu de leurs manœuvres odieuses éclore la liberté publique ; et cette liberté, qui est due à votre constance, va être assurée par votre sagesse. Nous venons, Messieurs, adhérer à tous vos arrêtés, au nom de la ville de Paris. Ses citoyens ont admiré votre vertu, et ont imité votre courage. Je suis aujourd’hui témoin de leur admiration, comme je l’ai été de votre fermeté. Le bonheur a voulu que j’appartinsse à cette auguste Assemblée, que je fusse choisi pour présider la commune et représenter la ville de Paris. C’est vous, Messieurs, qui m’avez désigné à mes concitoyens qui me ramènent aujourd’hui dans votre sein. Heureux d’être dépositaire de vos sentiments réciproques, de me voir au milieu de vous, de me rappeler avec sensibilité les jours que j’ai passés auprès de vous, heureux surtout de pouvoir dire que je dois tout à vos bontés ! Un autre membre de la députation a rendu compte de ce qui s’était passé pendant la nuit dernière, et a fait lecture des divers arrêtés qui ont été pris par les électeurs et les représentants de la commune. Ces arrêtés ont été remis sur le bureau : ils sont de la teneur suivante : « Sur le discours vrai, sublime et attendrissant de M. Necker, l’assemblée, pénétrée des sentiments de justice et d’humanité qu’il respire, a arrêté que le jour où ce ministre si cher et si nécessaire a été rendu à la France doitêtreun jour de fête; en conséquence, elle déclare au nom de tous les habitants de la capitale, certaine de n’ètre pas 313 désavouée, qu’elle' pardonne à tous ses ennemis, qu’elle proscrit toute acte de violence contraire au présent arrêté, et qu’elle regarde désormais comme les seuls ennemis de la nation ceux qui troubleraient par aucuns excès la tranquillité publique; en outre, que le présent arrêté sera lu au prône dans toutes les paroisses, publié à son de trompe dans toutes les rues et carrefours, envoyé à toutes les municipalités; et les applaudissements qu’il obtiendra feront reconnaître les bons Français. « Signé du président, de tous les secrétaires et de tous les électeurs. » « D’après la fermentation produite par le bruit répandu, de l’ordre donné pour que le sieur de Bezenval, officier général, puisse passer en Suisse, et la réclamation de plusieurs districts, il est ordonné à MM. de Gorberon et Montuleau, ou autre porteur de l’ordre de le laisser passer, de s’assurer au contraire de sa personne, de ne rien négliger pour la recouvrer, si elle n’est pas entre leurs mains ; de la tenir sous bonne et sûre garde, au beu où ils la trouveront, et d’en donner avis sur-le-champ à l’Assemblée générale des représentants de la commune, pour être statué ce qu’il appartiendra. « Fait le 30 juillet 1789, Hôtel-de-Ville, onze heures du soir. « Signé : Moreau de Saint-Méry, de la Vigne, Delairay, Samaria, Trutat, Grandin, Buisson, Provôt. » « L’Assemblée, sur la réclamation de quelques districts, expliquant, en tant que de besoin, l’arrêté par elle pris ce matin sur le discours et la demande de M. Necker, déclare qu’en exprimant un sentiment de pardon et d’indulgence envers les ennemis, elle n’a point entendu prononcer la grâce de ceux qui seraient prévenus, accusés et convaincus de crimes de lèse-nalion, mais annoncer seulement que les citoyens ne voulaient désormais agir et punir que parles lois, et qu’elle proscrivait en conséquence, comme le porte l’arrêté, tout acte de violence ou d’excès qui troublerait la tranquillité publique; et cet arrêté peut d’autant moins recevoir d’autre interprétation, que l’Assemblée dont il est émané n’a jamais cru ni pu croire avoir le droit de rémission. « Signé: De LA VlGNE, MOREAU DE SAINT-MÉRY, président, et Chignakd, vice-secrétaire. M. le Président a répondu : Messieurs les députés de Paris, Monsieur Bailly, Vous avez été témoins des efforts de l’Assemblée nationale ; vous savez combien son vœu continuel n’a d’objet que le salut public, auquel elle tend par ses travaux : la justice que lui rend la municipalité de Paris, sortie de votre bouche, ajoute à la satisfaction qu’elle en reçoit, et lui rend plus agréable encore de voir dans son enceinte les représentants des communes de la capitale. Messieurs, l’Assemblée nationale a cru devoir suspendre un moment les importants travaux qui cependant intéressent le royaume entier, pour s’occuper de la question qui' vous amène ici. A l’annonce de votre députation, elle a même suspendu sa délibération prête à se terminer, afin de ne laisser échapper aucune des lumières qui pourraient éclairer la sagesse de son jugement; instruite de nouveau par vous, elle va reprendre sa délibération. Elle se borne dans cet instant à