[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [4 juin 1791.] 733 s’occuper des moyens de fabrication des assignats de 5 livres , le 20 du mois dernier; j’ai déjà eu l’honneur de vous rendre compte de ce qui concernait la fabrication du papier et la forme des assignats ; il nous reste encore à vous proposer quelques articles pour déterminer les précautions à prendre, afin d’assurer l’exécution de la fabrication. Le papier sera livré aux époques annoncées; vos commissaires vous en ont renouvelé l’assurance; les travaux de l’imprimerie sont préparés de manière à n’apporter aucun retard; mais, malgré ces dispositions, il nous reste encore à assurer la majeure, la plus embarrassante : l’assignat, au sortir de l’imprimerie, doit encore être timbré, numéroté, enregistré, signé; ces opérations si multipliées demandent un grand nombre d’ageuts, et par conséquent un local spacieux et sûr pour le contenir. Permettez que nous entrions dans quelques détails sur ces opérations. L’expérience a prouvé qu’un balancier servi par trois hommes pourrait timbrer par jour 20,000 assignats. En doublant les hommes et faisant travailler jour et nuit, on obtiendra de chaque balancier 40,000 assignats; quatre balanciers ainsi montés fourniront 160,000 assignats par jour, faisant dans un mois 25 millions. Les assignats devant être timbrés, numérotés, exigent un grand nombre d’employés; un numéroteur ne peut faire que 3,000 numéros ou signatures par jour, et c’est même compter sur la plus grande célérité possible ; pour obtenir 160,000 assignats par jour, il faut rigoureusement 53 numéroteurs, mais attendu les accidents, les dérangements, il faut en porter le nombre à 60. Les signatures exigent te même temps, par conséquent le même nombre d’employés. Après les détails de la fabrication, vous avez encore à fixer votre attention sur le local dans lequel il sera possible, commode et sûr d’établir cette fabrication, et ensuite sur le mode de la surveillance. Les premiers assignats ont été signés et numérotés chez M. Le Gouteulx, rue Mon-torgueil, et ensuite dans ses bureaux à la caisse de l’extraordinaire. Il avait bien voulu se charger du soin de faire tout le travail, et nous devons un juste tribut de reconnaissance au zèle avec lequel il s’en est acquitté; mais ce qu’il a pu faire lorsque le service de la caisse de l’extraordinaire n’avait pas encore acquis cette facilité, devient impossible aujourd’hui. Il a exposé à vos commissaires qu’en continuant à se charger de fractions aussi multipliées, l’émission des premiers assignats ne ressemblait en rien à celle des assignats de 50 livres. Pour la fabrication de ceux-ci, le nombre des agents sera presque redoublé ; il devient donc impossible de placer cet atelier à la caisse de l’extraordinaire ; dès lors, point de surveillance immédiate de la part du trésorier ; les bureaux dans lesquels sont aujourd’hui les signataires, les numéroteurs, les enregistreurs ne sont pas, à beaucoup près, assez vastes pour contenir le nombre qu’il sera nécessaire de placer : il a donc fallu que vos commissaires cherchent un local qui réunît tous les avantages de l’étendue et de la sûreté. On leur a indiqué remplacement de la maison des Augustins, place des Victoires ; il leur a paru remplir leurs vues. Voici le projet de décret : « Le roi sera prié de nommer un commissaire, lequel sera chargé de suivre et de faire exécuter la fabrication des assignats, depuis le moment où le papier lui sera remis, sur son récépissé, jusqu’à leur entière perfection et dépôt à la caisse de l’extraordinaire. « Le commissaire déposera chaque jour, à la caisse de l’extraordinaire, tous les assignats qui seront terminés; il en recevra un :récépissé qui lui servira de décharge. « Il remettra au comité des finances l’état des agents qu’il croira nécessaires à cette opération ; cet état sera concerté avec le commissaire du roi de la caisse de l’extraordinaire, et il y sera statué par l’Assemblée sur le rapport du comité. « Les bureaux des signatures, numérotage et enregistrement seront placés à la bibliothèque des Augustins, place des Victoires. » M. Armand. Je demande la question préalable sur le projet du comité, et en voici les motifs : il a été décidé que le commissaire du roi de la caisse de l’extraordinaire continuera à s’occuper de la signature des assignats ; je ne vois donc pas pourquoi on veut nommer d’autres agents, d’autres commissaires du roi. Une autre considération, c’est que, dans le commencement de la signature des assignats, il s’est glissé des fautes; or, si vous nommez de nouveaux signataires et si on multiplie et renouvelle les agents, les premiers inconvénients reparaîtront. M. lieclerc. 11 me semble qu’il faudrait supprimer la signature et se servir d’une griffe, parce que cela serait uniforme ; ce moyen déjà présenté à votre comité a été rejeté, par cette raison que rien n’est aussi facile à imiter qu’une griffe, et que rien n’assure moins l’authenticité d’une signature qu'une griffe. M. Chabroud. 11 y a à la tête de la caisse de l’extraordinaire M. Le Gouteulx ; je ne vois pas la nécessité de mettre un second commissaire du roi à la tête du numérotage des petits assignats; il suffirait peut-être d’y établir un sous-chef pour en inspecter la fabrication. M. de Cernou, rapporteur. Le peuple croirait que vous n’avez pas pris autant de précautions pour les assignats de 5 livres que pour les assignats de 50 livres et cette opinion les discréditerait. Quant au commissaire du roi, il ne peut être chargé que d’une administration et non d’une responsabilité de numéraire ; il faut donc qu’il y ait à la tête de cette opération un homme responsable. Or, il est impossible que le commissaire de la caisse de l’extraordinaire soit responsable d’une opération que la multiplicité de ses occupations ne lui permet pas de surveiller. En ce qui concerne la signature des assignats, je fais une seule observation : c’est que, par on décret du mois de mai dernier, l’Assemblée a décidé que les assignats seraient signés. M. de Saint-Martin. Je ferai remarquer à M. de Gernon que sa dernière observation n’a pas de valeur, car si l’on trouve un moyen plus utile, il faut l’adopter. On vous propose de prier le roi de nommer soixante personnes pour signer les assignats; donner à un même papier soixante signatures différentes, nest-ce pas une chose illusoire et ridicule, comment pourra-t-on les reconnaître ? Je demande que la signature soit faite à la griffe ou dans l’impression, ce qui épargnera une somme de 50,000 écus. M. Bouche. J’ai l’honneur d.e vous assit-i * 734 [Assemblée nationale. J ARCHIVES PARLEMENTAIRES* [4 juin 1791.J rer que le comité des finances et M. Camus lui-même ont été d’accord que la signature était inutile. Un membre : Cela n’est pas vrai, Monsieur Bouche. M. Bouche. Prouvez-le, Monsieur, et prouvez poliment ce que vous venez de dire d’une manière si désobligeante. M. d’Ailly. J’ai résisté à l’idée de la signature, parce que je n’ai pu croire que cette formalité pût, au fond, être de la moindre utilité; d’ailleurs je vous demande si vous devez vous déterminer à dépenser 150,000 livres, pour avoir le plaisir de voir une signature manuscrite sur un assignat; il est plus simple et plus court d’adapter à la planche même d’impression une signature et un paraphe difficiles à conirefaire. C’est donc sur la signature seule que je demande la question préalable. (L’Assemblée, consultée, décide que les assignats de 5 livres ne seront pas signés à la main et décrète qu’il sera ajouté à la planche d’impression une signature et un paraphe.) M. Leclerc. Il serait peut être nécessaire que M. le commissaire nommât des personnes pour vérifier le numérotage et le timbrage. M. Chabroud. D’après la décision qui vient d’être prise, il devient plus inutile qu’aupara-vant d’instituer un second commissaire du roi. Le décret, à mon avis, doit donc se réduire à ceci : « M. Le Couteulx proposera au comité des finances un état des nouveaux commis nécessaires pour les nouvelles opérations. » C’est là sa mission ; il peut tout faire sans que l’on soit obligé pour cela de créer un nouveau ministère. M. Carat l'aînê. J’appuie la proposition de M. Chabroud : nous ne pouvons mettre trop de simplicité dans cette opération ; quant à la multiplicité des places, elle n’est qu’un moyen de corruption, et elle ne tend qu’à rendre la responsabilité illusoire. M. de Saint-Martin. Je demande le renvoi à demain, et que le comité des finances ait, avec le comité des assignats, de nouvelles conférences. M. Defermon. Je demande que vous mettiez la question préalable sur tout le décret et que, relativement aux difficultés auxquelles M. le rapporteur ne veut pas se prêter, on renvoie le projet