26 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE 53 54 Monnot, au nom des comités des finances et des secours publics : Citoyens, je viens, au nom de vos comités des finances et des secours publics, vous présenter une nouvelle occasion de faire un grand acte de justice et d’humanité. Voici les faits : Henri d’Ardenne, citoyen de Rhétel, âgé de 78 ans, a été chargé pendant 40 aimées, en qualité d’intendant, des affaires de Dominique Rohan-Chabot. Son zèle et sa probité lui ont mérité une pension viagère de 2,400 liv.; le contrat en a été passé devant les notaires de Paris, le 17 septembre 1778. A la mort de Rohan-Chabot, son unique héritier, Fernand Nunès, Espagnol, a toujours payé cette pension jusqu’au moment où vous avez décrété le séquestre des biens des Espagnols. Depuis cette époque d’Ardenne n’a rien touché, et ce vertueux vieillard aurait péri de besoin et de misère, si les pauvres sans-culottes de Réthel, par un acte de reconnaissance qui les honore aux yeux de l’humanité, ne s’étaient empressés de lui fournir les moyens de subsister. Citoyens, ce trait ne peut être trop connu, et certes il intéressera la Convention nationale. Il est bon que vous sachiez, citoyens, et que toute la république sache, que Henri d’Ardenne n’a jamais possédé d’autre bien que cette pension de 2,400 liv., et que, par une sage économie, il a trouvé le moyen d’en distribuer chaque année la moitié aux familles les plus infortunées de la commune de Réthel; et c’est aujourd’hui la portion la plus indigente de cette commune qui, depuis plus d’un an, alimente à son tour le vertueux d’Ardenne. Voici le projet de décret (I) [adopté]. «La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de [Monnot, au nom de] ses comités des finances et des secours publics sur la pétition d’Henri d’Ardenne, citoyen de Rethel, tendante à obtenir un secours provisoire en attendant la décision définitive de la Convention sur le sort des Français créanciers des Espagnols, décrète ce qui suit: «Art. I La trésorerie nationale mettra à la disposition du district de Rethel la somme de 1,200 liv., pour être comptée au citoyen Henri d’Ardenne, à titre de secours provisoire. « II. Le présent décret ne sera imprimé qu’au bulletin de correspondance » (2) . (1) Mon., XXI, 21; Rép., n° 182. (2) P.V., XL, 21. Minute de la main de Monnot. Décret n° 9562. Reproduit dans Bln, 3 mess. (2® suppl1) ; Mon., XXI, 20; J. S. -Culottes, n° 490; C.Eg., n° 670; J. Fr., n° 633; Audit, nat., n° 634; J. Perlet, n° 635; F.S.P., n° 350; M.U., XLI, 28-29; J. Mont., n° 54; J. Sablier, n° 1388; J. Lois, n° 629. «La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de [Monnot, au nom de] son comité des secours publics sur la pétition du citoyen Hautelet, capitaine au 2e bataillon de Jemmapes, qui a servi sa patrie pendant 25 ans, et qui demande des secours provisoires sur la pension à laquelle il a droit; « Décrète que, sur la présentation du présent décret, la trésorerie nationale paiera au citoyen Hautelet, capitaine au 2e bataillon de Jemmapes, la somme de 500 liv., à titre de secours provisoire, imputable sur la pension à laquelle il a droit comme ancien militaire. «Le présent décret ne sera imprimé qu’au bulletin de correspondance » (1). 55 «La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de [Monnot, au nom de] son comité des secours publics sur la pétition du citoyen Etienne-Grégoire Larade, lieutenant au 57e régiment d’infanterie, blessé grièvement pendant le siège de Mayence, et hors d’état de jamais servir dans les armées de la République, décrète ce qui suit: « Sur la présentation du présent décret, la trésorerie nationale paiera au citoyen Etienne-Grégoire Larade, lieutenant au 57e régiment d’infanterie, la somme de 300 liv., à titre de secours provisoire, imputable sur la pension à laquelle il a droit; auquel effet ses pièces seront renvoyées au comité de liquidation. « Le présent décret ne sera imprimé que dans le bulletin de correspondance » (2). 56 Loreatj, au nom des comités des finances, d’agriculture, d’aliénation et domaines réunis : Citoyens, 60 agriculteurs pauvres, mais laborieux, réclament votre justice contre les vexations qu’ils ont éprouvées de la part d’un de ces hommes corrompus qu’on nommait courtisans, qui, après avoir dissipé dans l’antre de la tyrannie les richesses qu’ils avaient usurpées sur le peuple, réparaient leurs fortunes épuisées par de nouvelles usurpations. Vos comités d’aliénation et domaines réunis, d’agriculture et de finances, ont examiné attentivement cette réclamation, et c’est au nom de vos 3 comités que je viens vous en faire le rapport. Voici les faits. (1) P.V., XL, 22. Minute de la main de Monnot. Décret n° 9563. Reproduit dans Bln, 3 mess. (2e suppl*) ; Mon., XXI, 20; J. Sablier, n° 1388. (2) P.V., XL, 22. Minute de la main de Monnot. Décret n° 9564. Reproduit dans Btn, 3 mess. (2e suppl‘); Mon., XXI, 20; J. Fr., n° 633; F. S. P., n° 350; J. Sablier, n° 1388. 26 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE 53 54 Monnot, au nom des comités des finances et des secours publics : Citoyens, je viens, au nom de vos comités des finances et des secours publics, vous présenter une nouvelle occasion de faire un grand acte de justice et d’humanité. Voici les faits : Henri d’Ardenne, citoyen de Rhétel, âgé de 78 ans, a été chargé pendant 40 aimées, en qualité d’intendant, des affaires de Dominique Rohan-Chabot. Son zèle et sa probité lui ont mérité une pension viagère de 2,400 liv.; le contrat en a été passé devant les notaires de Paris, le 17 septembre 1778. A la mort de Rohan-Chabot, son unique héritier, Fernand Nunès, Espagnol, a toujours payé cette pension jusqu’au moment où vous avez décrété le séquestre des biens des Espagnols. Depuis cette époque d’Ardenne n’a rien touché, et ce vertueux vieillard aurait péri de besoin et de misère, si les pauvres sans-culottes de Réthel, par un acte de reconnaissance qui les honore aux yeux de l’humanité, ne s’étaient empressés de lui fournir les moyens de subsister. Citoyens, ce trait ne peut être trop connu, et certes il intéressera la Convention nationale. Il est bon que vous sachiez, citoyens, et que toute la république sache, que Henri d’Ardenne n’a jamais possédé d’autre bien que cette pension de 2,400 liv., et que, par une sage économie, il a trouvé le moyen d’en distribuer chaque année la moitié aux familles les plus infortunées de la commune de Réthel; et c’est aujourd’hui la portion la plus indigente de cette commune qui, depuis plus d’un an, alimente à son tour le vertueux d’Ardenne. Voici le projet de décret (I) [adopté]. «La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de [Monnot, au nom de] ses comités des finances et des secours publics sur la pétition d’Henri d’Ardenne, citoyen de Rethel, tendante à obtenir un secours provisoire en attendant la décision définitive de la Convention sur le sort des Français créanciers des Espagnols, décrète ce qui suit: «Art. I La trésorerie nationale mettra à la disposition du district de Rethel la somme de 1,200 liv., pour être comptée au citoyen Henri d’Ardenne, à titre de secours provisoire. « II. Le présent décret ne sera imprimé qu’au bulletin de correspondance » (2) . (1) Mon., XXI, 21; Rép., n° 182. (2) P.V., XL, 21. Minute de la main de Monnot. Décret n° 9562. Reproduit dans Bln, 3 mess. (2® suppl1) ; Mon., XXI, 20; J. S. -Culottes, n° 490; C.Eg., n° 670; J. Fr., n° 633; Audit, nat., n° 634; J. Perlet, n° 635; F.S.P., n° 350; M.U., XLI, 28-29; J. Mont., n° 54; J. Sablier, n° 1388; J. Lois, n° 629. «La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de [Monnot, au nom de] son comité des secours publics sur la pétition du citoyen Hautelet, capitaine au 2e bataillon de Jemmapes, qui a servi sa patrie pendant 25 ans, et qui demande des secours provisoires sur la pension à laquelle il a droit; « Décrète que, sur la présentation du présent décret, la trésorerie nationale paiera au citoyen Hautelet, capitaine au 2e bataillon de Jemmapes, la somme de 500 liv., à titre de secours provisoire, imputable sur la pension à laquelle il a droit comme ancien militaire. «Le présent décret ne sera imprimé qu’au bulletin de correspondance » (1). 55 «La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de [Monnot, au nom de] son comité des secours publics sur la pétition du citoyen Etienne-Grégoire Larade, lieutenant au 57e régiment d’infanterie, blessé grièvement pendant le siège de Mayence, et hors d’état de jamais servir dans les armées de la République, décrète ce qui suit: « Sur la présentation du présent décret, la trésorerie nationale paiera au citoyen Etienne-Grégoire Larade, lieutenant au 57e régiment d’infanterie, la somme de 300 liv., à titre de secours provisoire, imputable sur la pension à laquelle il a droit; auquel effet ses pièces seront renvoyées au comité de liquidation. « Le présent décret ne sera imprimé que dans le bulletin de correspondance » (2). 56 Loreatj, au nom des comités des finances, d’agriculture, d’aliénation et domaines réunis : Citoyens, 60 agriculteurs pauvres, mais laborieux, réclament votre justice contre les vexations qu’ils ont éprouvées de la part d’un de ces hommes corrompus qu’on nommait courtisans, qui, après avoir dissipé dans l’antre de la tyrannie les richesses qu’ils avaient usurpées sur le peuple, réparaient leurs fortunes épuisées par de nouvelles usurpations. Vos comités d’aliénation et domaines réunis, d’agriculture et de finances, ont examiné attentivement cette réclamation, et c’est au nom de vos 3 comités que je viens vous en faire le rapport. Voici les faits. (1) P.V., XL, 22. Minute de la main de Monnot. Décret n° 9563. Reproduit dans Bln, 3 mess. (2e suppl*) ; Mon., XXI, 20; J. Sablier, n° 1388. (2) P.V., XL, 22. Minute de la main de Monnot. Décret n° 9564. Reproduit dans Btn, 3 mess. (2e suppl‘); Mon., XXI, 20; J. Fr., n° 633; F. S. P., n° 350; J. Sablier, n° 1388. SÉANCE DU 1er MESSIDOR AN II (19 JUIN 1794) - N° 56 27 La déclaration du 13 août 1766 et l’arrêt du conseil du 2 octobre suivant, ayant accordé différents encouragements à ceux qui entreprendront des défrichements de landes et terres incultes, ayant déterminé en outre que les terres, de quelque qualité et espèce qu’elles fussent, qui n’auraient pas donné de récolte depuis 40 ans, seraient réputées incultes, plusieurs citoyens, chez qui l’amour du travail et l’industrie réparaient l’injustice de la fortune, s’empressèrent de mettre en culture des laisses de mer qui les avoisinaient. En conséquence, après avoir rempli les formalités prescrites par les arrêt et déclaration que je viens de citer, ils les entourèrent de digues, et bientôt une terre naturellement féconde, fortement remuée par des mains agricoles, récompensa leur zèle par des récoltes qui surpassèrent leurs espérances. Cette fertilité, due aux sueurs de l’indigence,, ne tarda pas à exciter la cupidité d’un homme qui, dans une cour perdue de débauches, eut le déplorable avantage de se faire distinguer par sa prodigalité et ses mœurs dépravées; j’entends parler du ci-devant maréchal de Richelieu. H manœuvra secrètement auprès du ministre et du sieur Gueau-Reverseau, alors intendant dé La Rochelle, dont le tribunal révolutionnaire a depuis quelque temps fait justice, afin de se faire concéder toutes les laisses de mer comprises entre les rivières de Sendre et du Brouage, consistant en 1872 arpents d’un côté, et 1132 arpents de l’autre. Dans cette quantité étaient comprises non-seulement les laisses de mer incultes, mais encore celles qui avaient été ren-closes et cultivées par les pétitionnaires. H ne lui fut pas difficile de faire rendre un arrêt favorable. Cependant l’acte de concession qu’il obtint le 7 décembre 1779 porte des conditions qu’il est essentiel de remarquer. «Le concessionnaire y est chargé de maintenir, suivant les offres, les détenteurs actuels des parties des terrains concédées dans la propriété et jouissance d’icelles, en lui payant, par ceux qui ont des titres, les droits et cens y portés, et par ceux qui n’en ont pas, mais qui ont fait des travaux pour dessécher et mettre les-dits terrains en valeur, tel cens qui sera fixé de gré à gré ou à dire d’experts, eu égard aux dépenses et à la valeur desdits terrains. Sont confirmés au surplus les détenteurs actuels des parties desdits terrains dans la propriété et jouissance d’icelles, et il leur en est fait, autant que besoin; concession; et pour qu’ils ne puissent pas être dépossédés par le nouveau concessionnaire, il lui est enjoint de dresser un autre plan et procès-verbal d’arpentage, par lesquels les parties desdits terrains présentement occupées, et dans la propriété desquelles les détenteurs sont maintenus, seront distinguées, etc. ». Il vous paraîtra bien évident sans doute que l’intention du gouvernement avait été de maintenir les détenteurs sans titre dans la possession dont ils jouissaient avant que la possession fût faite. Mais ce n’était pas là le compte du ci-devant maréchal. Sous prétexte que le cens devait être fixé de gré à gré et à dire d’experts, ses agents ne voulurent laisser aux malheureux détenteurs qu’une possession précaire, ou plutôt ils résolurent de les forcer à abandonner le fruit de leurs travaux par les conditions dures auxquelles ils voulurent les assujettir. Quelques-uns d’entre eux opposèrent la résistance à l’oppression. Alors le courtisan, à qui rien n’était difficile lorsqu’il s’agissait de commettre une injustice, sollicita et obtint, le 23 avril 1792, un nouvel arrêt qui, sous prétexte d’interpréter celui du 7 décembre 1779, permit au concessionnaire d’évincer les possesseurs des portions défrichées, à la charge de les indemniser des frais de défrichement et de culture, suivant l’estimation qui en serait faite par experts nommés d’office. Aussitôt que ce nouvel arrêt fut rendu, le nommé Scheter, intendant de Richelieu, se rendit sur les lieux, et là, muni de l’appareil d’arrogance qui accompagnait les valets des favoris, il força, par menaces, une partie des détenteurs à se désister de leurs possessions sans indemnité. A l’égard de deux qui ne cédèrent point à la peur, des experts choisis à la dévotion des gens de Richelieu firent un simulacre d’estimation; de manière que, pour la misérable somme de 5,500 liv., ils jugèrent qu’on devait expulser les possesseurs de plus de 600 journaux d’excellents terrains bien désséchés, bien renclos, et dans le meilleur état de culture. Cette opération fut confirmée par un arrêt du conseil du 24 août 1784, qui homologua le rapport des experts. Les pétitionnaires observent que ce prétendu arrêt interprétatif n’a été ni revêtu de lettres-patentes, ni enregistré; que le défaut de conseil, et l’affreuse misère dans laquelle ils ont été plongés, ne leur ont pas permis de se pourvoir devant le parlement de Bordeaux, duquel ils auraient pu obtenir justice; qu’enfin il ne leur est resté que le désespoir, jusqu’au moment où la nation, inspirée par le génie de la liberté, s’est levée tout entière pour reprendre ses droits, et a eu des représentants pour les exercer. Depuis cet instant, ils n’ont cessé de solliciter justice auprès des Assemblées constituante, législative et de la Convention nationale. Leur réclamation est appuyée de l’assentiment des municipalités, du directoire du district, et de celui du département où les fonds sont situés. Ces corps administratifs assurent unanimement qu’il est de l’intérêt public et de la justice que les pétitionnaires soient rétablis dans la possession des terrains dont on les a dépouillés. Leur principal motif est que, depuis l’expulsion des défricheurs, ces terres jadis si fertiles, et qui fournissaient à l’approvisionnement d’un canton qui ne produit aujourd’hui que le grain suffisant pour la nourriture de ses habitants pendant 3 mois de l’année, sont demeurées incultes et n’ont servi qu’à faire paître fugitivement quelques bestiaux. Vos comités ont considéré la réclamation des détenteurs expoliés sous tous ses rapports, et ils ont reconnu qu’elle est on ne peut mieux fondée. Le rapporteur entre dans le détail des moyens présentés par les parties lésées. Il propose un décret qui est adopté en ces termes : (I) . « La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de [Loreau, au nom de] son comité des finances, d’agriculture, d’aliénation et domaines réunis, décrète ce qui suit : « Art. 1. L’arrêt du conseil, du 29 avril 1792, prétendu interprétatif de celui du 7 décembre (1) Mon., XXI, 18. SÉANCE DU 1er MESSIDOR AN II (19 JUIN 1794) - N° 56 27 La déclaration du 13 août 1766 et l’arrêt du conseil du 2 octobre suivant, ayant accordé différents encouragements à ceux qui entreprendront des défrichements de landes et terres incultes, ayant déterminé en outre que les terres, de quelque qualité et espèce qu’elles fussent, qui n’auraient pas donné de récolte depuis 40 ans, seraient réputées incultes, plusieurs citoyens, chez qui l’amour du travail et l’industrie réparaient l’injustice de la fortune, s’empressèrent de mettre en culture des laisses de mer qui les avoisinaient. En conséquence, après avoir rempli les formalités prescrites par les arrêt et déclaration que je viens de citer, ils les entourèrent de digues, et bientôt une terre naturellement féconde, fortement remuée par des mains agricoles, récompensa leur zèle par des récoltes qui surpassèrent leurs espérances. Cette fertilité, due aux sueurs de l’indigence,, ne tarda pas à exciter la cupidité d’un homme qui, dans une cour perdue de débauches, eut le déplorable avantage de se faire distinguer par sa prodigalité et ses mœurs dépravées; j’entends parler du ci-devant maréchal de Richelieu. H manœuvra secrètement auprès du ministre et du sieur Gueau-Reverseau, alors intendant dé La Rochelle, dont le tribunal révolutionnaire a depuis quelque temps fait justice, afin de se faire concéder toutes les laisses de mer comprises entre les rivières de Sendre et du Brouage, consistant en 1872 arpents d’un côté, et 1132 arpents de l’autre. Dans cette quantité étaient comprises non-seulement les laisses de mer incultes, mais encore celles qui avaient été ren-closes et cultivées par les pétitionnaires. H ne lui fut pas difficile de faire rendre un arrêt favorable. Cependant l’acte de concession qu’il obtint le 7 décembre 1779 porte des conditions qu’il est essentiel de remarquer. «Le concessionnaire y est chargé de maintenir, suivant les offres, les détenteurs actuels des parties des terrains concédées dans la propriété et jouissance d’icelles, en lui payant, par ceux qui ont des titres, les droits et cens y portés, et par ceux qui n’en ont pas, mais qui ont fait des travaux pour dessécher et mettre les-dits terrains en valeur, tel cens qui sera fixé de gré à gré ou à dire d’experts, eu égard aux dépenses et à la valeur desdits terrains. Sont confirmés au surplus les détenteurs actuels des parties desdits terrains dans la propriété et jouissance d’icelles, et il leur en est fait, autant que besoin; concession; et pour qu’ils ne puissent pas être dépossédés par le nouveau concessionnaire, il lui est enjoint de dresser un autre plan et procès-verbal d’arpentage, par lesquels les parties desdits terrains présentement occupées, et dans la propriété desquelles les détenteurs sont maintenus, seront distinguées, etc. ». Il vous paraîtra bien évident sans doute que l’intention du gouvernement avait été de maintenir les détenteurs sans titre dans la possession dont ils jouissaient avant que la possession fût faite. Mais ce n’était pas là le compte du ci-devant maréchal. Sous prétexte que le cens devait être fixé de gré à gré et à dire d’experts, ses agents ne voulurent laisser aux malheureux détenteurs qu’une possession précaire, ou plutôt ils résolurent de les forcer à abandonner le fruit de leurs travaux par les conditions dures auxquelles ils voulurent les assujettir. Quelques-uns d’entre eux opposèrent la résistance à l’oppression. Alors le courtisan, à qui rien n’était difficile lorsqu’il s’agissait de commettre une injustice, sollicita et obtint, le 23 avril 1792, un nouvel arrêt qui, sous prétexte d’interpréter celui du 7 décembre 1779, permit au concessionnaire d’évincer les possesseurs des portions défrichées, à la charge de les indemniser des frais de défrichement et de culture, suivant l’estimation qui en serait faite par experts nommés d’office. Aussitôt que ce nouvel arrêt fut rendu, le nommé Scheter, intendant de Richelieu, se rendit sur les lieux, et là, muni de l’appareil d’arrogance qui accompagnait les valets des favoris, il força, par menaces, une partie des détenteurs à se désister de leurs possessions sans indemnité. A l’égard de deux qui ne cédèrent point à la peur, des experts choisis à la dévotion des gens de Richelieu firent un simulacre d’estimation; de manière que, pour la misérable somme de 5,500 liv., ils jugèrent qu’on devait expulser les possesseurs de plus de 600 journaux d’excellents terrains bien désséchés, bien renclos, et dans le meilleur état de culture. Cette opération fut confirmée par un arrêt du conseil du 24 août 1784, qui homologua le rapport des experts. Les pétitionnaires observent que ce prétendu arrêt interprétatif n’a été ni revêtu de lettres-patentes, ni enregistré; que le défaut de conseil, et l’affreuse misère dans laquelle ils ont été plongés, ne leur ont pas permis de se pourvoir devant le parlement de Bordeaux, duquel ils auraient pu obtenir justice; qu’enfin il ne leur est resté que le désespoir, jusqu’au moment où la nation, inspirée par le génie de la liberté, s’est levée tout entière pour reprendre ses droits, et a eu des représentants pour les exercer. Depuis cet instant, ils n’ont cessé de solliciter justice auprès des Assemblées constituante, législative et de la Convention nationale. Leur réclamation est appuyée de l’assentiment des municipalités, du directoire du district, et de celui du département où les fonds sont situés. Ces corps administratifs assurent unanimement qu’il est de l’intérêt public et de la justice que les pétitionnaires soient rétablis dans la possession des terrains dont on les a dépouillés. Leur principal motif est que, depuis l’expulsion des défricheurs, ces terres jadis si fertiles, et qui fournissaient à l’approvisionnement d’un canton qui ne produit aujourd’hui que le grain suffisant pour la nourriture de ses habitants pendant 3 mois de l’année, sont demeurées incultes et n’ont servi qu’à faire paître fugitivement quelques bestiaux. Vos comités ont considéré la réclamation des détenteurs expoliés sous tous ses rapports, et ils ont reconnu qu’elle est on ne peut mieux fondée. Le rapporteur entre dans le détail des moyens présentés par les parties lésées. Il propose un décret qui est adopté en ces termes : (I) . « La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de [Loreau, au nom de] son comité des finances, d’agriculture, d’aliénation et domaines réunis, décrète ce qui suit : « Art. 1. L’arrêt du conseil, du 29 avril 1792, prétendu interprétatif de celui du 7 décembre (1) Mon., XXI, 18.