[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [13 août 1791.] Plusieurs membres : Aux voix! aux voix! M. Chabroud. Je demande la parole. Plusieurs membres : La discussion fermée! (L’Assemblée, consultée, ferme la discussion.) M. de Custine. Je demande la parole pour un amendement. Je demande, ainsi que M. Rœderer vient de l’énoncer, que l’article ne soit consacré que pour les corps constituants, et que les membres des législatures soient exclus des places de ministres seulement. MM. Goupil et de Tracy vous ont développé... Plusieurs membres : On sait votre amendement, c’est assez. M. Chabroud. Je demande la priorité pour la rédaction de M. Goupil, en y ajoutant la disposition très expresse que les membres de la présente Assemblée nationale ne pourront accepter aucune place du ministère pendant 4 ans (Non! non !) Je demande la permission de présenter à l’Assemblée que cette partie a été, en effet, discutée lorsque vous avez voulu qu’aucun de vous pût aspirer aux places du ministère et autres places qui dépendent du pouvoir exécutif; vous avez réellement discuté cette question, mais pour tout le reste, je prie l’Assemblée de se rappeler qu’il a été formé pièce à pièce, sans aucune discussion véritable... Plusieurs membres : Allons donc! allons donc! La discussion est fermée ! M. Chabroud... et que tel qu’il est rédigé... (Murmures.) Vous allez livrer au roi toutes les personnes qui aspireront aux places. M. l’abbé Grégoire. Je demande la question préalable. Plusieurs membres : Aux voix l’article ! M. Chabroud. Je demande la priorité pour la motion de M. de Goupil. M. Buzot. J’ai demandé la parole pour m’opposer, d’abord, à ce que vient de demander le préopinant, et cela, pour une raison bien simple : c’est que certainement, si l’article ne vaut rien pour cette législalure-ci, il ne vaut rien non plus pour la législature nouvelle; car, quoi qu’on en puisse dire, s’il y avait à choisir pour l’admission au ministère", j’aimerais autant y admettre les membres de l’Assemblée actuelle — je ne parle pas pour moi — que ceux des législatures à venir. Mais j’ai aussi demandé la parole pour un amendement qui peut-être conciliera tout le monde et qui tend à accorder l’article qui nous occupe avec un autre article qui est également constitutionnel. Vous avez dit, Messieurs, qu’un législateur ne pourra être nommé commissaire du roi que 2 années après la fin de la législature; je ne vois pas de raison pourquoi il y aurait ici 4 ans, lorsque dans l’autre cas, il n’y en a que 2. Je crois que pour ne pas mettre de dissonnance dans vos décrets, il faut se contenter de 2 ans non seulement, pour l’Assemblée actuelle, mais pour les législatures à venir, mais pour toujours et pour tout le monde. Le vice radical du système électif et représentatif est la corruption, disait hier M. Barnave; Il faut donc l’éviter avec soin. Je propose donc de décréter l’article proposé par]M. de Saint-Martin avec mon amendement, c’est-à-dire en réduisant à 2 années les 4 années d’exclusion qu’il propose. (Applaudissements.) Plusieurs membres : Aux voix ! aux voix ! M. Buzot. L’article serait donc rédigé comme suit : « Aucun membre de l’Assemblée nationale actuelle, ni des législatures suivantes, les membres du tribunal de cassation et ceux qui serviront dans le haut-juré, ne pourront être promus au ministère ni recevoir aucunes places, dons, pensions, traitements ou commissions du pouvoir exécutif ou de ses agents, pendant la durée de leurs fonctions, et pendant 2 ans, après en avoir cessé l’exercice. (L’Assemblée, consultée, décrète que l’article ainsi modifié sera inséré dans l’acte constitutionnel.) M. Guillaume. Nous ne pouvons pas nous dissimuler que l’agitation qui a régné dans cette Assemblée depuis le commencement de la discussion de l’acte constitutionnel, vient de plusieurs omissions graves que les vrais amis de la Constitution ont pu apercevoir dans le projet qui nous est soumis. (Murmures au centre. — Applaudissements à l'extrême gauche et dans les tribunes.) Les membres des comités de Constitution et de révision protestent et demandent que M. Guillaume soit rappelé à l’ordre. M. Ce Chapelier. Gomment ! les vrais amis de la Constitution? Mais nous le sommes tous. M. Barnave. Je demande la parole contre l’opinant. (Il monte à la tribune.) MM. Charles de Cameth, d’ André, Briols-Beaumetz et plusieurs autres membres demandent la parole pour des motions d’ordre. (Une vive agitation règne dans l'Assemblée.) M. Guillaume. Lorsque j’ai dit... (Murmures violents.) M. Alexandre de Cameth (montrant M. Guillaume). Je demande qu’il soit rappelé à l’ordre. MM. Duport et Charles de Cameth. Oui ! oui ! A l’ordre ! M. Guillaume. Lorsque j’ai dit à l’Assemblée nationale... (Murmures violents.) M. Tuant de Ca Bouverie. M. Guillaume n’a pas fini sa phrase, laissez-le continuer : il est possible que vous ayez mal entendu. M. Barnave (à la tribune). Je demande la parole pour une motion d’ordre, Plusieurs membres de l’extrême gauche demandent avec chaleur que M. Barnave descende de la tribune. (Bruit prolongé.) 406 lÀssembJée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [13 août 1791.1 M. Guillaume. La liberté de la nation dépend de Ja liberté des opinions. M. le Président. Sur un mot échappé à M. Guillaume, lequel mot avait pour objet d’inculper un grand nombre de membres de ï’Assem-nlée... (Murmures.) A V extrême gauche : Non ! non ! pas du tout ! M. Guillaume. Laissez-moi expliquer mon opinion que tout le monde la connaisse ; si je dois être rappelé à l’ordre, l’Assemblée m’y rappellera. . . (Bruit,) M. le Président. Messieurs, un mot! M. Guillaume. Vous devez, Monsieur le Président, me conserver la parole, c’est votre devoir. M. le Président. Messieurs... M. Guillaume. Laissez-moi, Monsieur le Président, interpréter mon opinion moi-même ; je ne veux pas qu’elle passe par votre organe, parce que vous l'altéreriez... ( Applaudissements à l’extrême gauche.) Plusieurs mèmbres : A l’abbaye ! à l’abbaye ! M. Guillaume. Messieurs... M. Démeunier. Vous n’avez pas la parole, Monsieur. M. Bfirnave insiste pour avoir la parole. M. le Président. Si l’on avait voulu m’accorder du silence, j’aurais prouvé que j’étais exactement à mon devoir, puisque je voulais recourir à l’autorité suprême, à l’Assemblée, pour savoir si je devais accorder la parole pour une motion d’ordre. A l’ extrême gauche : Laissez donc la parole à M. Guillaume! M. Alexandre de Lameth. ( Montrant l'extrême gauche.) Rappelez à l’ordre ces Messieurs ! M. le Président. Je consulte l’Assemblée pour savoir si elle veut accorder la parole à M. Barnave. (Bruit.) M. Rewbell. M. Barnave ne peut pas avoir la parole. (L’épreuve a lieu.) M. le Président (après avoir consulté le bureau). Le Bureau est d’avis que le résultat de l’épreuve est de donner Jai parole à M. Barnave. (Bruit.) A l'extrême gauche : Non ! non 1 M. Rœderer. M. Guillaume n’a sans doute pas eu l’intention d’offenser personne ; aussi il faut lui laisser expliquer sa pensée. M. le Président. Monsieur Barnave, vous avez la parole. (Bruit.) M. Guillaume. J’insiste pour m’expliquer. M. Barnave. Je n’aurais pas insisté sur la parole... (Murmures.) < M. Lanjuinais. Monsieur Barnave, laissez finir la phrase de M. Guillaume. M. Gaultier-Biauzat. Après M. Barnave, il faudra que M. Guillaume parle, et peut-être M. Barnave ne vous expliquera-t-il pas ce que M. Guillaume veut vous expliquer. Commencez donc par entendre M. Guillaume. Plusieurs membres : Il faut que la phrase soit finie. M. le Président. Messieurs, j’ai parfaitement bien entendu la demande formée par M. Biauzat et les motifs sur lesquels il l’a fondée ; mais je n’ai pas de volonté personnelle, je n’accorde la parole qu’à celui à qui l’Assemblée veut l’accorder. (Murmures.) A l'extrême gauche : Eh bien, elle appartient à M. Guillaume. M. le Président. La parole est à M. Barnave par un décret. A l'extrême gauche: M. Guillaume l’avait de droit; c’est vous qui la lui avez reprise. M. Gaultier-Biauzat. Je demande que M. Guillaume soit entendu. M. le Président. C’est ce que je vais proposer à l’Assemblée. M. Barnave. Monsieur le Président, je cède la parole à M. Guillaume pourvu qu’on me l’accorde après lui. Assurez-moi que l’Assemblée me l’accordera après M. Guillaume. (Bruit à l'extrême gauche.) M. le Président. M. Barnave cède son tour de parole ; la parole est à M. Guillaume. (Le calme se rétablit.) M. Guillaume. Je ne puis assez m’étonner du trouble qu’ont excité dans l’Assemblée nationale les premiers termes d’une phrase qu’on ne m’a as permis d’achever. Certes, lorsque j’ai dit que e bons amis de la Constitution.... Plusieurs membres au centre et à gauche : Vous avez dit les vrais amis. M. Guillaume... Lorsque j’ai dit que les vrais amis de la Constitution avaient remarqué dans le projet de l’acte constitutionnel, des omissions importantes, je ne m’attendais pas qu’on en conclurait que ceux qui avaient commis ces omissions, n’étaient pas les vrais amis de la Constitution. (Murmures au centre.) Je n’ai jamais entendu prononcer sur les intentions de qui que ce soit ; mais j’ai cru qu'il était de la liberté, qu’il était du courage d’un représentant de la nation, de relever des faits importants. Je vous ai donc dit que l’agitation qui régnait dans cette Assemblée, depuis le commencement de cette discussion, avait pour cause principale ces omissions dont je viens de parler. Je voulais vous ajouter, Messieurs, que ces omissions étaient presque toutes réparées. Vous avez, en effet, pourvu à ce qu’on ne pût choisir