134 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE six décades au citoyen Escudier, et ajourne sa demande en congé (42). BOURDON (de l’Oise) : Je ne prends point la parole contre aucun de mes collègues ; je veux seulement vous faire part d’un projet qui est payé par l’or de l’Angleterre. Il est démontré pour tout bon esprit que le principe de la cabale qui voulut le malheur de la patrie ne fut jamais dans la Convention; les dénonciations qui ont été faites ici n’étaient, comme l’a dit Thuriot, que l’effet de l’exaspération des passions individuelles ; mais le projet dont je veux parler existe (43). [Bourdon de l’Oise obtient la parole pour une motion d’ordre. Il voit la faction de l’étranger se renouveler : il ne peut douter d’après les agitations qui se manifestent depuis quelque tems, et qu’il voit dirigées par des mains criminelles et soudoyées par nos ennemis.] (44) Les ennemis, battus de tous côtés, travaillent à dégoûter le peuple de ses victoires, et déjà Robespierre avait commencé ce système avant son supplice. Ils veulent, après que les émigrés et les agioteurs ont emporté une partie de votre numéraire, après que les crimes de l’ancien ministère ont fait verser des millions dans la Belgique, ils veulent tâcher de vous faire rentrer dans nos anciennes limites C murmures ), afin que, conservant la navigation du Rhin, de l’Escaut et de la Meuse, ils aient réparé leurs pertes en deux années, et puissent essayer de monarchiser une nation qu’ils n’auront pas pu vaincre. Voilà mes craintes. Il est bien démontré que plusieurs des pamphlets qu’on répand avec tant d’indécence tendent à ce but. On sait bien que si vous ne donnez à la France d’autres limites que celles de l’ancienne Gaule, les fertiles plaines du Palatinat suffiront pour nourrir le Midi, en faisant le canal projeté (On murmure). Ce murmure m’annonce la splendeur de mon pays; il m’annonce que la Belgique sentira qu’elle ne peut retrouver aussi sa splendeur qu’en s’unissant à la France et qu’en lui conservant la navigation des trois grands fleuves qui la baignent. Voilà des vérités qui valent bien des dénonciations ; peut-être suis-je égaré, mais ce n’est que par l’amour de mon pays. Je demande que les trois comités vous fassent un rapport qui marquera les bornes et le lieu où seront posées les colonnes de l’Hercule français. Quand nos armées seront arrivées à ce but, reposez-vous sur leur courage pour empêcher qu’on en franchisse les barrières. Laignelot combat l’existence de la faction de l’étranger annoncée par Bourdon. Il soutient qu’il ne sera jamais au pouvoir d’aucune faction d’ébranler la République ; elle n’a pas seu-(42) P.-V., XLVII, 150. C 321, pl. 1335, p. 4, minute de la main de Lozeau. Décret attribué à Thuriot par C*II 21, p. 11. (43) Moniteur, XXII, 243. (44) J. Paris, n° 24. lement été décrétée par la Convention, mais par le peuple entier (45). [Laignelot ne veut pas croire que l’étranger ait des agens dans le sein de la Convention nationale; il croit que, depuis quelques tems, elle est toute républicaine. Il demande que l’ordre du jour termine toutes ces discussions inutiles. Décrété.] (46) [Il n’est plus en France au pouvoir de personne de rétablir la monarchie. L’assemblée se lève toute entière, et les cris répétés de vive la République retentissent longtemps.] (47) La Convention passe à l’ordre du jour (48). 19 Les représentons du peuple près l’École de Mars écrivent à la Convention que les élèves de cette école ont tenu une conduite vraiment admirable dans leur route jusqu’à Poissy [Seine-et-Oise], et dans le séjour qu’ils y ont fait; qu’ils ont fait une marche de six lieues, sans qu’un seul d’entr’eux quittât son rang, et en faisant retentir les airs des chants patriotiques qui guident nos armées dans le chemin de la victoire. La Convention décrète l’insertion de cette lettre au bulletin (49). [Les représentants du peuple près l’École de Mars au président de la Convention nationale, du quartier général de Poissy, 22 vendémiaire an 7/7] (50) Citoyen, Il est impossible à la Convention de nous procurer une jouissance plus douce que celle que nous donnent tous les jours les élèves de Mars, dont la surveillance nous est confiée, par le bon esprit qui règne parmi eux, et par la conduite vraiment admirable qu’ils ont tenue dans la route et pendant leur séjour ici. Que les despotes vantent les automates armés qu’ils ont, à force de temps et de coups de bâton, dressés à marcher alignés et à manier ensemble un fusil ; nous leur montrerons 3 600 jeunes républicains qui en 9 décades, animés par ces mots sacrés Patrie Liberté Egalité, sont devenus su-(45) Moniteur, XXII, 243; Ann. Patr., n° 652; Ann. R.F., n“ 23; C. Eg., n° 787 ; F. de la Républ., n 24; J. Fr., n° 750; J. Perlet, n° 751; J. Univ., n° 1784; Mess. Soir, n° 787; Rép., n“ 24. (46) J. Paris, n° 24. (47) Débats, n" 753, 354. (48) Moniteur, XXII, 243. (49) P.-V., XLVII, 150. (50) C 321, pl. 1338, p. 28. Moniteur, XXII, 242; Débats, n° 752, 348-349; Bull., 23 vend.; Ann. R.F., n° 23; F. de la Républ., n' 24; J. Fr., n 749; J. Mont., n“ 4; M.U., XLIV, 360, 372-373; Rép., n" 24. SÉANCE DU 23 VENDÉMIAIRE AN III (14 OCTOBRE 1794) - N08 20-21 135 périeurs à leurs troupes les plus vantées par la précision et la promptitude de leurs manoeuvres ; qui ont fait une marche de six lieues sans qu’un seul d’entre eux quittât son rang et en faisant retentir les airs des chants patriotiques qui guident nos armées dans le chemin de la victoire. Toutes les municipalités voisines admirent la discipline qui règne parmi eux et qui y est maintenue sans force, au point qu’elle paraît être pour eux une habitude acquise par une pratique de plusieurs années. Cette nuit, on a battu la générale à deux heures du matin ; en moins de dix minutes toute l’armée était en bataille dans le plus grand ordre et le plus absolu silence. On l’a conduite sur les hauteurs du Lauty ; un tiers y est resté et s’occupera toute la journée et la nuit prochaine à se retrancher; demain matin nous irons les attaquer. Ici la pratique marche avec la théorie et le général ne fait faire aucun mouvement sans faire remarquer aux élèves les suites qui en résultent. Nous avons bien employé notre séjour au camp de Gresillon; nous le quittons le 24 pour retourner aux Sablons, où nous attendrons les ordres de la Convention. Salut et fraternité. Signé Moreau, Bouillerot. 20 Le citoyen Bezu, peintre, du district d’Egalité-sur-Marne [ci-devant Château-Thierry, Aisne], fait hommage à la Convention nationale d’un tableau servant aux arts. La Convention décrète la mention honorable et l’insertion au bulletin, et le renvoi du tableau au comité d’instruction publique (51). 21 a Un membre, au nom du comité de Salut public, fait lecture d’une lettre des repré-sentans du peuple près les armées du Nord et de Sambre-et-Meuse, qui apportent des détails sur la prise importante de Bois-le-Duc : 146 bouches à feu, dont 107 en bronze, 130 milliers de poudre, une quantité immense de fer coulé, 9 000 fusils, 2 500 prisonniers, sont les avantages brillants de cette prise (52). (51) P.-V., XLVII, 150-151. C 321, pl. 1335, p. 5. Bull., 24 vend, (suppl. 2); Ann. Patr., n' 655. (52) P.-V., XLVII, 151. RICHARD, au nom du comité de Salut public, fait lecture de la lettre suivante : [ Les représentants du peuple envoyés près les armées du Nord et de Sambre-et-Meuse, La-combe (du Tarn) et Bellegarde, aux membres composant le comité de Salut public, d’Hees-wick, le 20 vendémiaire au III] Par notre courrier du 9 de ce mois, chers collègues, nous vous avons annoncé la prise du fort de Crèvecoeur; nous vous annonçons au-jourd’hui que la place importante de Bois-le-Duc vient de se rendre aux armes de la république française. Cent quarante-six bouches à feu, dont cent sept en bronze, cent trente milliers de poudre, une quantité immense de fer coulé, neuf mille fusils, deux mille cinq cents prisonniers de guerre, sont les avantages brillants résultant de cette prise. Un point avantageux sur la Meuse, qui assure nos quartiers d’hiver; l’assurance de nos subsistances, jusqu’ici très-précaires par la longueur du rayon depuis Anvers, en sont les avantages utiles et peut-être incalculables. Nous sentions combien il était important pour la suite de vos projets que Bois-le-Duc se rendît promptement ; aussi n’avons-nous pas hésité de le faire attaquer avant d’avoir réuni nos moyens de siège. Les dispositions ont été faites d’une manière savante par les généraux en chef des différentes armes qui y ont servi ; et en donnant des éloges bien mérités à tous nos républicains, il est juste de dire que les armes de l’artillerie et du génie y ont principalement marqué. La place de Bois-le-Duc, si importante par ses rapports militaires et politiques, fut regardée, depuis le fameux siège du prince d’Orange, comme inattaquable ; effectivement, jamais siège n’offrit plus de difficultés. Sur les cinq attaques, qu’on avait multipliées à dessein pour accabler la garnison de fatigues, presque tous les cheminements se sont faits à travers un terrain submergé ; et, pour comble d’obstacles, une pluie abondante, qui a duré pendant tout le siège, faisait échouer les moyens qu’on employait sans cesse pour rendre les tranchées praticables. Les ouvriers, continuellement sous l’eau et le feu, étaient quelquefois accablés, mais jamais rebutés ; à la voix de la patrie ils recouvraient de nouvelles forces; ainsi donc rien n’est comparable au courage de nos troupes, que celui des généraux qui les commandent; ainsi deux places, devant lesquelles le tyran Louis XTV a perdu seize mille hommes sans prendre l’une d’elles, ont été emportées dans quinze jours par nos républicains, et seulement avec des pièces de bataille ; car l’équipage de siège n’est arrivé que le jour de la capitulation. Le général en chef Pichegru est forcé de se retirer pendant quelques temps, pour guérir une maladie de peau résultant des fatigues excessives de la guerre qu’il a faite avec tant d’activité; mais, en cédant pour quelque temps à