744 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [22 décembre 1789.] galion de la loi du célibat? car de quoi ne plaisante-t-on pas ? Page 19, il dit : L'expérience journalière prouve que les Juifs partagent leur table avec les chrétiens. Je ne l’aurais pas dit, quand même on m’aurait souvent trouvé avec les Juifs à une table somptueuse préparée à leurs dépens. Page 23, il dit : Mais, ajoute-t-on, la bienveillance que vous réclamez contre les Juifs , leur sera funeste. A l’endroit où je l’ai dit je n’aurais pas ajouté avec M. Grégoire: Et quels sont donc ces animaux féroces que vous dites altérés du sang de leurs frères ? Quoi! j’appellerais animaux féroces les chrétiens révoltés des usures des Juifs, et j’excuserais les Juifs révoltés des insultes des chrétiens, en disant (p. 20) que cette conduite ne sort pas de la nature ! Page 31, il dit : Qu'il y a dans notre pays des manufactures abandonnées, que la rivalité (page 32) entre les chrétiens et les Juifs perfectionnerait l'industrie et maintiendrait LE BAS PRIX. Je ne l’aurais pas dit : 1° parce que je n’emprunte rien de la philosophie moderne à qui j’ai juré de ne jamais rien devoir; 2° parce que je ne voudrais pas tomber en contradiction avec moi-môme, d’une page à l’autre : supposer (p. 32) que la diminution dans les achats est unbien, et (p. 36) que leur augmentation en est un. Page 34. Il dit : Ne croyons pas que les Juifs dussent se refuser longtemps à la manœuvre le jour du Sabbat. Je ne l’aurais pas dit sans ajouter : Et ces Juifs ne tiennent plus à leur religion ; ils ne savent plus où ils en sont par rapport au Messie ; ils maudissent ceux qui en calculent les jours ; ils sont nihilistes en matière de religion; ils en ont seulement quelque apparence, parce que la décence l’exige. Belle autorité de passages du ridicule Talmud, qui approuve la violation du Sabbat dans le cas cité ! 7. Ibid, il dit : Je prédis que les Juifs nous dispensent déporter un pareil bilL Je ne l’aurais pas dit de peur qu’on ne me rappelât que, dans ma lettre aux députés , est un tissu honteux de prophéties, dont les événements ont coup sur coup démontré la fausseté, pour ne rien dire de plus. Pages 23, 24, 32, 37, il dit de plusieurs Juifs : Qu’iVs ont montré des talents pour le commerce, les belles-lettres, etc. Je ne l’aurais pas dit, sans remarquer que le fait était fort possible; mais qu’il ne tirait pas à conséquence pour l’universalité de la nation. Page 42, il dit : La nation ne trouvera pas un défenseur plus zélé que moi. Ceci, je l’aurais dit, en adoptant les conséquences d’une conduite semblable à celle de M. Grégoire. J’aurais même prouvé, par mes démarches et'par ma motion, que le Juif le plus passionné, le mieux salarié, n’aurait pu ni tirer plus davantage que moi des mémoires des synagogues, ni employer d’épithètes plus fortes que les miennes. Page 45, il dit : Messieurs, cinquante mille Français se sont levés esclaves, il dépend de vous qu’ils se couchent libres. Je ne l’aurais pas dit, parce qu’il est faux que les Juifs se lèvent esclaves; ils se lèvent soumis à des lois qui les concernent, j’en conviens; mais cette soumission est-elle un esclavage? En ce cas, nous sommes tous esclaves, car nous sommes tous soumis à des lois... Tout sujet est soumis aux lois de l’Etat, tout enfant est soumis aux lois paternelles, tout serviteur est soumis aux lois domestiques; s’ensuit-il que je puisse dire à l’Assemblée nationale, lui pariant des inférieurs : Messieurs, trois millions de personnes se sont levées esclaves , il dépend de vous qu’ils se couchent libres ? L’abus des mots liberté et esclavage, aristocratie et démocratie, despotisme et patriotisme, est aujourd’hui porté à un tel point, que bientôt on n’osera plus les prononcer; peut-être ai-je déjà trop fait de répéter celui d 'esclave qui blessa toujours la nation juive. Page 46, il dit : Sur les Juifs comme sur les catholiques, la révélation étend son voile majestueux. Je ne l’aurais pas dit sans nier aussitôt la comparaison, sans observer qu’un voile épais dérobe aux juifs la lumière de la révélation; que ce voile est écarté pour nous, que saint Paul fait cette distinction, qu’un prêtre instruit ne peut ignorer. Je laisse à deviner le dessein de l’auteur d’une phrase où le privilège d’une révélation est accordé aux juifs comme aux chrétiens; pour moi, j’ai la vue trop courte pour l’apercevoir. Page 46, il dit : Ma motion tend à ce que le Juif embrasse en moi son Ami. Je ne l’aurais pas dit, parce qu’un ami est un autre soi-même, et que cet autre moi-même, je ne puis le trouver dans un Juif, à moins que je ne sois aussi bon juif que lui. Qu’est-ce en effet qu’un couple d’amis? Deux hommes, dit l’orateur romain, qui ont mêmes pensées, mêmes volontés. Peut-être pouvais-je me borner à ce que j’avais écrit dans ma discussion, que les Juifs ne ' savent être justes envers Dieu, ni envers vous, Messieurs, ni envers eux-mêmes, mais j’ai préféré de proposer ces notes, au risque de laisser le moindre avantage aux clients (p. 9) de M. Grégoire, dont enfin l’imprimé vient de me parvenir. Si, comme je ne puis en douter, il contient tous les motifs des demandes des Juifs, je me tiens bien assuré que l’Assemblée prononcera qu’à leur égard, il n’y a pas même lieu à délibérer, et avec une nouvelle confiance je répète ce que je disais dans mon récit : Mon avis est 1°, etc. Enfin l’avis par lequel je finis, est que l’Assemblée ne déclare point la liberté du culte public de la religion, ni des Juifs, ni des calvinistes, ni des ubiquistes, ni des puritains, ni des antitrini-taires, ni des sociniens, ni des Arméniens, ni des gomaristes, ni des quakers, ni des anabaptistes, ni des Turcs, ni des Perses, etc., etc., autant de sectes contenues dans les expressions de M. le comte de Custine. Je savais bien que la vraie Eglise était une seule bergerie avec un. seul pasteur; j’ignorais que cette seule bergerie pùt renfermer dans son sein ce qui, dans le style des livres saints, est désigné sous les noms odieux de... Nota. L’affaire des Juifs ôtant ajournée pour la session présente, sans terme fixe; pouvant donc être appelée tous les jours et amener avec elle celle de M. de Custine ; il eût été imprudent de différer plus longtemps les deux présentes discussions. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. DÉMEUNIER, Séance du mardi 22 décembre 1789, au malin (I). La séance est ouverte par M. Camus, qui annonce que M. Fréteau est incommodé, qu’il n’a (1) Cette séance est incomplète au Moniteur. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [22 décembre 1789.] pu se rendre à l’Assemblée, et qu’il l’a charge d’annoncer le résultat du scrutin pour la nomination d’un président : les voix ayant été recensées, il s’est trouvé qu’il y avait 887 votants, dont 490 se sont réunis en faveur de M. Démeunier, qui, en conséquence, est proclamé président de l’Assemblée. On proclame aussi les trois nouveaux secrétaires: MM. Treilhard, Duport et Massieu, curé de Cergy, ont réuni la majorité des suffrages. M. Démeunicr, président. Mon ambition se bornait à mériter quelque estime en concourant de mes faibles efforts au succès de vos travaux, et j’étais loin de songer aux fonctions honorables que vous daignez me confier. Si pour remplir mes devoirs il suffisait d’en connaître toute l’étendue, si le zèle et l’amour du bien pouvaient ici suppléer au talent, j’aurais peut-être l’espoir de répondre à vos bontés; mais, Messieurs, d’autres moyens sont nécessaires, et plus que personne j’ai besoin de votre indulgence. Le terme de cette noble carrière que vous parcourez avec tant de gloire, commence à se montrer à vos regards ; les jours de la paix et du bonheur ne sont plus loin de nous ; et, grâces à vos heureuses combinaisons, le royaume, aujourd'hui désorganisé dans toutes ses parties, ne présentera bientôt qu’un ordre parfait, et un spectacle imposant par sa régularité. Habitué maintenant à vaincre les obstacles, votre patriotisme saura rapprocher cette époque si désirée, et en cette occasion, ainsi qu’en beaucoup d'autres, surpasser les vœux de la France. Mais au moment où j’ai l’honneur de vous présenter les hommages de mon respect, de ma reconnaissance et de mon dévouement, je dois l’avouer avec franchise, vous regretterez les talents de mon prédécesseur, qui, par son activité, ajoutait à l’activité de vos délibérations, et qui, porté deux fois à cette place, nous laisse à tous le désir de l’y revoir. M. le Président lit ensuite la lettre de M. le comte Théodore de Lameth, qui a l’honneur d’adresser à M. le président de l’Assemblée nationale l’offre patriotique du régiment Royal-Étran-ger, consistant en 4,844 livres, qui proviennent du sacrifice que font tous MM. les officiers, d’un mois de leurs appointements et les bas-officiers et cavaliers, de huit jours de leur solde. M. le président est autorisé par l’Assemblée à écrire au régiment Royal-Etranger une lettre de saüsfaction, semblable à celles qui ont été déjà écrites à plusieurs régiments pour la même cause. Suit la teneur de la lettre du commandant du régiment Royal-Etranger, à M. le président de l’Assemblée nationale. a Monsieur le Président, « Les officiers du régiment de cavalerie Royal-Etranger ayant voté de; faire à la caisse patriotique l’abandon d’un mois de leurs appointements, les bas-officiers et cavaliers ont désiré lui offrir huit jours de leur solde. D’après ces dispositions, auxquelles je me suis empressé d’applaudir, j’ai l’honneur de vous faire parvenir 4,844 livres. « Le régiment Royal-Etranger me charge, Monsieur, de vous supplier de vouloir bien faire agréer à l’Assemblée nationale ce faible témoignage de ses sentiments patriotiques, ainsi que 715 l’hommage de son inaltérable et respectueux attachement. « Je suis avec respect, « Monsieur le Président, « Votre très-humble et très-obéissant serviteur, « Signé : Le chev. Théodore de Lameth. » Il est fait ensuite lecture d’un don patriotique qu’offre M. de Mauduit, ancien professeur de l’université de Paris, consistant dans l’abandon d’un contrat du capital de 300 livres, avec deux années d’arrérages de l’intérêt de ladite somme. On fait part ensuite à l’Assemblée d’un autre don patriotique, consistant en boucles d’argent et autres effets chargent de même espèce, envoyés par le district de la Sorbonne; ces objets pesant, argent, 70 marcs 4 onces; or, 2 onces 1 derni-gros. Un des députés du district prononce le discours suivant : Messieurs, presque toute la France est venue dans ce temple do la nation présenter à votre auguste Assemblée le juste tribut de son patriotisme et de sa reconnaissance. Le district de Sorbonne, que nous avons l’honneur de représenter, animé aussi du zèle le plus pur, vous supplie, Messieurs, de n’en pas mesurer l’étendue sur les faibles marques qu’il en apporte, sur la modicité de l’offrande qu’il vient aujourd’hui, par nos mains, déposer sur l’autel de la patrie... Quel mot dur et sacré, je viens, Messieurs, de prononcer! H n’est donc plus pour les Français un mot vide de sens. Nod , Messieurs, l’amour de la patrie a embrasé tous les cœurs, échauffé tous les esprits; il a produit enfin cette révolu tiou glorieuse, et sans altérer nos sentiments pour un Roi tendrement chéri, a protégé la liberté de vos séances, qui nous procure le précieux avantage de voir et d’admirer les généreux et infatigables restaurateurs de l’Etat. On passe à la lecture d’un autre don patriotique de la somme de 100 livres , remis par M. Paultre des Ëpinettes, député du bailliage d’Auxerre, de la part d’un habitant de cette ville qui n’a pas voulu être nommé. M. Meuglas de I&oqeefort, membre de V Assemblée, fait ensuite , au nom de M. Artaud, citoyen de la ville d’Aix en Provence, l’offre du don patriotique d’un contrat de 1,200 livres sur l’Alsace, avec une année d’intérêt de ladite somme ; il remet sur le bureau les titres constitutifs de celte créance. M. le Président annonce que M. de Ruallem, député de la ville de Meaux à l’Assemblée nationale, a remis un don patriotique de 120 marcs d’argent, de la part de l’abbaye de Saint-Tarole de Meaux, ordre de Saint-Benoît, congrégation de Saint-Maur. Toutes les offres patriotiques sont reçues par l’Assemblée avec applaudissements. Un député de la province de Touraine demande ensuite que l’Assemblée nationale confirme le règlement provisoire relatif à ses compagnies de gardes citoyennes, jusqu’au moment où elle aura décrété un règlement général pour toutes les gardes nationales du royaume. Cette demande est ajournée.