$04 [Awemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [6 novembre 1790.] contre ceux qui voudraient m'en faire. Ne désirant ni le bien, ni la vie, ni l’honneur de personne, je voudrais aussi que la loi me défendît. Nous jouirons de ces avantages, si l’on admet la Constitution, si les élections sont libres, si l’esprit de parti ne domine pas, si les partisans des-uns De sont pas opprimés par ceux des autres. Toutes ces choses dépendent de la conduite ferme ou incertaine de ceux qui ont de l’influence dans l’esprit des peuples. J’en apprendrai les nouvelles avec le plus grand plaisir, et j’en aurai davantage, si les désordres, les aigreurs et les impostures étaient terminées, et que chacun pensât au repos, à l’union générale et au bon établissement du département. Au même, le! août. Je reçois votre lettre du 23 passé. Je savais l’arrestation de MM. Matra et Vidau. Je n’aurais jamais cru que M. Paoli eût autorisé des actes aussi injustes et illégaux. On voit clairement que vous serez réduits à vous soumettre, et que la liberté et la Gonstitution�erviront de prétexte aux violences contre ceux qui n’agissent pas à leur volonté. J’aurai du regret si M. Vidau était persécuté, par rapport à son attachement pour moi. Et comment veulent-ils donc persuader aux Corses qu’ils sont libres, s’il n’est pas permis à un citoyen de penser à sa manière, d’écrire ce qu’il lui plaît, de blâmer ce qu’il n’approuve pas, pourvu qu’il obéisse à la loi et aux préposés légitimesqui doivent la faire exécuter ? Votre beau-frère ne peut courir aucun risque parce qu’il n’y a, je ne dis pas apparence de délit, mais même d’une faute. S’ils veulent dominer par la crainte, c'est remettre le bandeau aux yeux des Corses, puisqu’ils ne voient pas toutes les iniquités qui se conçoivent et qui s’exécutent en partie. Le reste viendra avec le temps, et lorsque les circonstances le permettront. J’apprends que l’on mé déchire et qu’on me présente pour un mauvais patriote. C’est ainsi qu’ils espèrent de se faire passer pour être bons. J’ai la vue de l’esprit meilleure qu’eux et je ne me trompe pas en pronostiquant à la Corse les plus grands malheurs. J’en suis fâché. J’ai fait mon possible. Mais l’intrigue, l’imposture et l’hypocrisie prévalent toujours à la conduite droite, ferme et invariable d’un homme de bien, qui sait mépriser les souplesses et les intrigants. Il aurait été consolant pour moi de finir mes jours sous les toits de mes pères, mais ayant sans cesse été l’ennemi capital de l’injustice, de l’abus de puissance, et incapable de plier sous les hommes, mais bien sous les lois, je saurai trouver des lieux pour vivre en repos, et mourir en paix, en déplorant le sort de ma patrie. A M. Ceccaldi, le 24 août. J’ai reçu vos lettres du 24 et 27 du passé, dans lesquelles je vois toutes les impostures de M. Paoli sur mon compte. Je suis assez surpris que vous ayez l’air de me blâmer sur de si atroces imputations et que vous vous laissiez séduire et tromper par les mensonges les plus palpables. Je u’aurais jamais pensé que nos parents, nos amis et les honnêtes patriotes prissent des préventions sur mes sentiments, d’après les assertions de nos ennemis, lesquels n’ayant pu me gagner à leurs maximes dépravées, cherchent à me lacérer dans l’esprit des insouciants, des ignorants et des fauteurs de la tyrannie. Vous et les autres, vous connaissez cependant mes sentiments manifestés dans mes premières lettres imprimées, et dans celles que j’ai écrites après; et néanmoins vous n’avez pas la généreuse hardiesse de vous montrer pour ma défense, vis-à-vis de mes détracteurs. Une telle faiblesse me déplaît pour vous et ne me surprend pas dans les autres. Une âme libre et indépendante ne peut donc pas trouver de défenseurs en Corse? lia ce cas, pliez le dos, fléchissez le genou et prosternez-vous devant l’idole. Vous n'ôtes pas né pour la liberté. Cette conduite me le fait voir et 1 avenir le confirmera. TROISIÈME ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU 6 NOVEMBRE 1790. Réponse de M. Salicetti, député de Corse, au libelle et aux délations de M. Buttafuoco ( ci-devant comte), aussi député , contre M. de Paoli et les patriotes corses (1). f Vous l’avez voulu, Monsieur ; vous serez satisfait et la justice aussi. Mais, en vérité, l’on n’a pas idée d’un tel aveuglement. Appeler de gaieté de cœur la lumière sur les ténèbres qui faisaient votre sûreté, substituer l’audace à l’astuce qui fait votre force ; attirer l’attention publique sur des détails qu’il vous importe de céleri... Auriez-vous donc pensé qu’à force d’être hardi, le mensonge pût en imposer et que la calomnie réussît dans les assemblées comme dans les antichambres ? Je l’avoue, je suis honteux pour notre pays de tant de maladresse. Passe encore pour le libelle que vous aviez jeté dans l’obscurité des corridors de notre salle : mais venir, en pleine tribune, offrir le scandalè d’une haine personnelle; choquer les décences sociales et la dignité d’une grande assemblée, par une déclamation vague et injurieuse; taxer un peuple tout entier de déloyauté ou de folie : voilà le délire de la présomption, si ce n’était celui de la rage et du désespoir. Honorables collègues, témoins communs de nôtre conduite, j’en appelle à votre témoignage! Quand, depuis plus d’un an, vous avez vu MM. Buttafuoco et Peretti (2), les plus constants sectateurs de l’opposition ; quand vous les avez vus, en toute occasion, soutenir les anciens abus, voter pour le maintien des droits féodaux, pour la conservation des privilèges de la noblesse, pour le marc d’argent qui. prive, surtout en Corse, une foule d'habitants du droit de citoyens : vous seriez-vous attendu qu’un jour ils vinssentvanter devant vous leur amour de la liberté, leur patriotisme, leur zèle pour vos décrets, contre lesquels ils ont protesté (3) ? Auriez-vous imaginé que daüsdes lettres circulaires, ils s’érigeassent en anàis du peuple et nous accusassent, M. Colonna et moi, d’être ses ennemis? Voilà cependant où en étaient les choses quand M. de Paoli et nos députés extraordinaires sont retournés en Corse ; et voilà aussi d’où part (1) Ce document n’a pas été inséré au Moniteur. (2) M. l’abbé Peretti* député du ci-devant clergé de Corse. (3) Ils ont tous deux ligné la protestation de la minorité. 305 lAswoblét nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [6 novembre 1790.] maintenant cette explosion de calomnie par laquelle ils tentent d’égarer L’opinion publique. C’est parce que M. dePaoli, dévoilant la trame par laquelle ils n’ont cessé de contrarier la Révolution, a montré au peuple ses vrais ennemis, que leur haine démasquée fait un dernier effort contre la chose publique et contre lui, qu’abusant de la position délicate où le placent des devoirs divers, ils voudraient élever des nuages sur ses vues et sur sa conduite ; et que, forcés de jouer, à découvert, le rôle qu’ils ont joué sourdement jusqu’ici, ils calomnient publiquement le peuple corse à Paris, et l’Assemblée nationale en Corse. Dans cet égarement, Monsieur, auriez-vous espé-péré que M. de Paoli méconûut son caractère jusqu’à descendre en lice avec vous ? Ce serait, de votre part, une seconde erreur; le jugement de l’Assemblée nationale, elle-même, sur votre délation (i), l’a trop bien caractérisée, pour que personne soittenté de la relever. Moi-même je garderais le si ience, si d’ailleurs il ne convenait pas d’inslruire le public du véritable état des faits que vous lui avez portés, et, puisque vous l’avez appelé dans notre confidence, de ne pas la lui faire à moitié. Ma tâche ne sera pas pénible ; car, sachant que la vraie manière d’apprécier, les hommes et leurs opinions est de connaître la série de leurs actions, je vais tout simplement tracer un tableau rapide de votre vie publique et de celle de M. de Paoli ; et comme vous avez habilement compliqué ses idées présentes à celle du passé, je vais rappeler, en deux mots, l’histoire de sa première existence en Corse. Tout le monde sait quelle était la situation déplorable de notre patrie, lorsque, eu 1755, M. de Paoli revint de Naples, où il avait été faire ses études... Sans agriculture, sans arts, sans commerce, nous étions un peuple pasteur, presque sauvage, déchiré au dedans par des discordes civiles, des haines de famille ; tourmenté au dehors par un petit Etat voisin, qui, prétendant nous avoir achetés, voulait nous traiter en esclaves, et, sous le nom de République, nous gouvernait comme le despote d’Alger. Il nous interdisait la mer, ne nous permettait ni pêche, ni navigation, ni salines ; il nous contraignait d’acheter tout chez lui, pour nous faire tout surpayer, etc. Tant d’oppression, en nécessitant de fréquentes insur-gences, nous avait épuisés d’anarchie etdeguerres, et il ne nous restait que notre courage et la justice de notre cause. M. de Paoli parut, et tout changea dans notre position. Alors dans la fleur de l’âge, mais déjà doué d’une âme forte et d’une raison cultivée, imbu, par son éducation soignée, des maximes et de l’esprit des anciens, il osa espérer de faire renaître parmi nous les vertus et les beaux jours de Sparte et d’Athènes ; il nous en enseigna les lois; il en pratiqua les préceptes ; il nous lit connaître les droits des nations, le dogme de l’égalité naturelle, le charme de la liberté et les avantages de l’union et du bon ordre. En peu d’années, à force de travaux et de soins, il nous affranchit de nos tyrans, nous donna un esprit public, un gouvernement régulier, et la Corse se vit au moment d’être un Etat libre. C’était un roman dans la servitude générale de l’Europe, et alors D’une proclamation sur un décret du même jour, portant que le tribunal de district de la ville de Bordeaux sera composé de six juges; « 8° D’une proclamation sur un décret du 6, portant qu’aucune compagnie des anciens juges, aucun tribunal qui se trouve séparé sans avoir formé le tableau de ses dettes actives et passives, ne pourra se rassembler sous prétexte de faire ledit tableau, ni sous aucun autre prétexte, à peine de forfaiture; « 9° D’une proclamation sur un décret du 7, concernant la suspension de l’exécution de la roule conduisant de Melun à Nangis; « 10° D’une proclamation sur un décret du même jour, portant que l’administration en matière de grande voirie, attribuée aux corps administratifs par l’article 6 du titre XIV du décret sur l’organisation judiciaire , comprend dans toute l’étendue du royaume l’alignement des ruea, villes, bourgs et villages qui servent de grandes routes, et que les réclamations d’incompétence à (1) Cette séance est incomplète au Moniteur.