124 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE soutenus; c’est par elle seule qu’ils peuvent échapper. L’intrigue a toujours servi d’apprentissage aux fripons, et elle en servira toujours à ceux qui voudront le devenir. Dès qu’un individu tranche de l’important, dès qu’il affecte de se montrer, de se populariser, dès qu’il se fait suivre ou entourer, l’on peut courir sus : c’est à coup sûr un mauvais citoyen. L’homme de bien, le vrai patriote, se repose sur les lois; leur exécution fait son bonheur; son obéissance, sa gloire. Il attend tout des autorités constituées ; il les éclaire de ses talents, il les aide de ses découvertes, il les instruit ; s’il s’y trouve des déprédateurs, des fourbes, des conspirateurs, et si elles se trompent, il a mille moyens de les dénoncer et de les atteindre. Eh! les lois sont-elles donc insuffisantes à leur égard, ou ceux qui doivent les faire exécuter sont-ils les complices des fripons? En vain parle-t-on continuellement de les détruire, s’ils doivent toujours exister, se reproduire, même pulluler, s’ils doivent continuer de troubler la société, d’insulter à la misère publique. On n’a jusqu’ici saisi que les plus maladroits. Il n’en est pas un qui ne crie haro sur ses semblables dès qu’il est découvert; il n’en est pas un qui, le voyant supplicier, ne s’écrie : C’est qu’il était un sot! Eh bien agissons de manière que sots et gens d’esprit de cette espèce ne puissent plus échapper. Nous avons à notre disposition et les yeux d’ Argus, et la force de Briarée ; la massue d’Her-cule est là pour les écraser : il ne s’agit que d’en faire usage. Ce n’est pas en les attaquant partiellement que vous en purgerez la République, il faut sonner sur eux le tocsin, d’une extrémité de la République à l’autre, les saisir, les enchaîner tous à la fois ; il faut que la République s’en trouve débarrassée au même instant ; mais surtout que l’exemple en soit tel qu’il ne prenne envie à personne d’en devenir les sectaires ou les imitateurs. Ce n’est qu’à ce prix que vous pouvez espérer de maintenir l’ordre et la tranquillité. Eh ! comment des citoyens probes pourraient-ils vivre, socier, fraterniser avec des scélérats couverts de sang et enrichis de dépouilles ! Comment voudriez-vous régénérer les moeurs, conséquemment baser la République, si vous laissez au milieu d’elle les basilics dont la vue tuera sans cesse la vertu, si vous laissez le crime jouir insolemment de l’impunité? Comment enfin pourriez-vous établir le règne des lois, les faire triompher, tandis que l’existence de tant de monstres annoncerait sans cesse et leur oubb et leur profond mépris? Leur présence sera toujours le scandale de la cité, l’opprobre du gouvernement, la torture des vrais républicains et la honte de la justice. Hâtez-vous donc de les ensevelir dans l’oubli ; leur extinction sera d’ailleurs une nouvelle hypothèque donnée à votre papier-monnaie : vous consoliderez et vous accroîtrez encore, par cette mesure, la fortune pubfique. Mais, sous cette dénomination générique de fripons, qu’est-ce que nous devons entendre? C’est ce qu’il s’agit d’expliquer. Nous désignons ainsi tous ceux qui ont attenté à la fortune publique, qui l’ont altérée, qui s’en sont indignement approprié les lambeaux, n’importe de quelle manière. Le projet que j’ai à vous proposer me dispense de tout autre détail (146). Oudot observe qu’il existe déjà des lois sévères contre toutes les personnes désignées par le préopinant ; que s’il s’est échappé quelqu’une à la Convention, ses comités lui en rendront compte, il demande que le projet leur soit renvoyé. ' Cambon annonce que le comité des Finances lui rendra probablement dans la décade, compte de tous les renseignemens qu’il a recueillis sur les divers objets contenus dans le projet, il demande que la Convention l’ajourne jusqu’après le rapport de son comité des Finances. La Convention renvoie le projet de décret à ses trois comités et l’impression du discours de Ba-railon (147). Un membre propose de décréter ce qui suit : Article Premier. - Les comités révolutionnaires des communes et de districts, établis par la loi du 7 fructidor dernier, sont tenus, à peine d’en être réputés et punis, comme les fauteurs et complices, de faire arrêter et dénoncer, dans le mois, au comité de Sûreté générale de la Convention nationale, tous les ci-après désignés, savoir : 1°. Tous ceux qui, par fraude et vol ont adjugé ou se sont fait adjuger des biens nationaux à des prix au-dessous de la valeur à laquelle ils auroient pu atteindre par les enchères; 2°. Ceux qui ont pillé et dévasté les maisons d’émigrés, des condamnés, des déportés, des gens arrêtés comme suspects, ou prévenus de quelque délit et autres maisons déclarées nationales, ou qui ont profité de leurs meubles et effets; 3°. Ceux qui ont soustrait ces mêmes meubles et effets, avant l’apposition des scellés, ou qui, à la faveur de leur contre-faction, en ont enlevé les plus précieux; 4e. Ceux qui ont diverti ou détourné les deniers publics mis à leur disposition, n’importe à quel titre et pour quel objet, sans en faire le véritable emploi, sans en remplir l’objet de la destination; 5°. Ceux qui ont levé, touché, perçu des taxes dites révolutionnaires, sans en prouver l’emploi de clerc-à-maître ; 6°. Ceux qui n’ont point fait la remise des effets dont ils se sont emparés dans les églises, les monastères et autres lieux désignés dans le n" 2, ou sur les prévenus, les incarcérés, les condamnés et les individus mis hors de la loi; (146) Moniteur , XXII, 234-235. (147) J. Paris, n° 23; J. Fr., n' 748.