[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [11 janvier 1791.] 120 Voici le projet de décret sur cet objet, et sur rétablissement de quelques juges de paix : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport du comité de Constitution sur les pétitions des assemblées administratives des départements de l’Aisne, de l’Aude, de la Meurthe, du Gers, du Pas-de-Calais et de la Haute-Loire, décrète ce qui suit : « Il sera établi des tribunaux de commerce dans les villes de Soissons, Vervins, Carcassonne, Narbonne, Nancy et Auch. Les juridictions consulaires actuellement existantes dans quelques-unes de ces villes continueront leurs fonctions, nonobstant tous usages contraires, jusqu’à l’installation des juges de commerce qui seront élus, installés, et qui' prêteront serment dans la forme établie par la loi. « Il sera nommé trois juges de paix dans le canton de Brest, deux dans celui d’Arras, un dans ceux d’Aire et Boulogne, trois dans le canton de la ville du Puy, deux dans celui de Saint-Omer. « Les ressorts de leurs juridictions seront déterminés et limités par les assemblées administratives de leurs départements respectifs. » M. Rewbel représente que, si l’Assemblée décrète l’établissement d’un tribunal à Vervins, il n’y a pas de petit village qui ne puisse le solliciter aussi et qui n’ait droit de l’obtenir. Un membre répond que, de toutes les villes du district, Vervins est la seule qui demande un tribunal de commerce et que Guise est la seule ville qui le lui conteste, sans en demander elle-même. (Le projet de décret du comité est adopté.) M. le Président fait lecture d’une lettre de M. Bailly, maire de Paris, qui annonce que la municipalité de cette ville a fait, le 9 de ce mois, trois adjudications debiensnationanx, la première, d’une maison, ruePicpns, louée 600 livres, estimée 22,000 livres, adjugée 22,000 livres; la deuxième, rue du Sépulcre, louée 1,600 livres, estimée 24,500 livres, adjugée 45,600 livres; la troisième, d’un terrain, rue Notre-Dame-des-Champs, loué 200 livres, estimé 2,840 livres, adjugé 12,300 livres. M. Camus, au nom du comité d'aliénation , propose le décret suivant : « L’Assemblée nationale, sur le rapport, qui lui a été fait par son comité de l’aliénation des domaines nationaux, des soumissions faites par les municipalités de Simandre, d’Énernans et la Rougère , Saint-Marcel , Laives et Sermaize , Saint-Veran, Blanot, Cluny, Chalon-sur-Saône, Besouse, Roraazan et Dijon, en exécution des délibérations prises par le conseil général de leurs, communes pour, en conséquence du décret du 14 mai 1790, acquérir, entre autres domaines nationaux, ceux dont les étals sont annexés à la minute du procès-verbal de ce jour, ensemble des évaluations ou estimations faites desdits biens, en conformité de l’instruction décrétée le 31 dudit mois de mai dernier ; « Déclare vendre lesdits biens aux charges, clauses et conditions portées par le décret du 14 mai, et pour le prix de 1,056,750 livres 17 sous, Savoir : « Département de Saône-et-Loire. A la municipalité de Simandre, pour ..... .... 19,105 1. » s. » d. A celle d’Epernans et la Rougère .............. 157,889 » » A celle de St-Marcel ..... 132,561 » » A celle de Laives et Sermaize ............ .... 74,809 6 » « Département de Saône-et-Loire . A celle de St-Veran, pour. 14,910 1. » s. » d. A celle de Blano ........ 28,699 » » A celle de Cluny ........ 284,612 4 » A celle de Chalon-sur-Saône ............... 321,386 12 10 « Departement du Gard. A celle de Besouse, pour 6,561 1. 17 s. 4 d. A celle de Domazan ..... 6,142 17 2 Et à celle de Dijon, département de la Côte-d’Or .................. 10,073 19 8 « Le tout payable de la manière déterminée par le même décret, suivant les décrets particuliers qui sont annexés à la minute du procès-verbal de ce jour. » (Ce décret est adopté.) M. Camus, au nom du comité des pensions. Messieurs, le comité des pensions me charge de vous présenter un objet qui doit intéresser votre humanité et votre justice. Il y avait, dans plusieurs ci-devant diocèses, des ecclésiastiques qui, soit pour raison de démence, soit pour autre cause, étaient renfermés dans des maisons de sûreté ou de charité. Leur pension était payée par les caisses de décimes de ces diocèses. Aujourd’hui ces caisses ne subsistent plus. Il n’y a personne pour venir au secours de ces malheureux ecclésiastiques. Ceux qui les ont en pension ne peuvent plus les nourrir et ils sont obligés de les renvoyer. Vous sentez, Messieurs, combien leur état est pressant. D’un autre côté, il y avait aussi des ecclésiastiques très âgés qui, après avoir servi fort longtemps dans le ministère, s’étaient retirés avec de modiques pensions sur les mêmes caisses. Il sera nécessaire d’examiner toutes ces pensions pour savoir à la charge de qui elles doivent être; mais les besoins pressants ne souffrent pas les retards. Il faut provisoirement pourvoir à leur subsistance. M. Camus, rapporteur , donne lecture d’un projet de décret. Un membre. Je demande à M. le rapporteur ce qu’il veut dire par ces mots : pour cause de démence ou autre? M. Camus, rapporteur. On peut mettre : Ou autre cause légitime. M. Andrleu. Il y a plusieurs ecclésiastiques infirmes, soit par la caducité de l’âge, soit par des infirmités, qui étaient sur le point d’entrer |U janvier 1791.] 121 ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Assemblée nationale.] dans les hospices, lorsque la Révolution leur a opposé un obstacle. lime semble qu’ils mériteraient, de la part de l’Assemblée, la même commisération et les mêmes secours. En conséquence, je propose par amendement qu’il leur soit accordé un léger secours. L’Assemblée adopte le projet de décret du comité, avec les amendements ainsi qu’il suit : « L’Assemblée nationale, ouï le rapport de son comité des pensions, décrète que par provision il sera payé aux ecclésiastiques détenus dans des maisons de sûreté ou de charité, pour cause de démence ou autre cause légitime, ainsi qu’aux ecclésiastiques infirmes ou âgés de plus de 70 ans, lesquels jouissaient de pensions et secours, sur la caisse des décimes de leur diocèse, un semestre de la pension ou secours annuel qu’ils recevaient précédemment. « Le payement de ce semestre sera fait d’avance, mais en deux termes, par les receveurs de district, et l’Assemblée charge ses comités des pensions, des lettres de cachet et de mendicité, ae lui présenter incessamment un projet pour subvenir au soulagement et à l’entretien desdits ecclésiastiques. » L’ordre du jour est un rapport des comités de V extraordinaire et de V organisation de la direction générale de liquidation, au sujet d'une créance réclamée par il/. d'Orléans. M. Camus, rapporteur (1) .Messieurs, vers latin du mois de décembre dernier, M. d’Orléans, prenant les fait et cause des cessionnaires auxquels il avait transporté ses droits, s’est présenté à M. Amelot pour obtenir le payement d’une créance de 4,158,850 livres, montant de la dot constituée en 1721 à Louise-Elisabeth d’Orléans. Il était porteur d’un avis du comité de liquidation, du 24 septembre 1790, qui avait pensé que la créance se trouvant liquidée par des lettres patentes enregistrées à la chambre des comptes, il n’y avait pas lieu à délibérer de nouveau sur sa liquidation. M. Amelot a observé que les décrets de l’Assemblée ne lui permettant aucun payement que sur un décret particulier, il ne pouvait pas délivrer le mandat; et comme, d’un autre côté, après la déclaration du comité de liquidation, M. Amelot ne voyait aucun comité particulier auquel l’examen dé cette créance dût appartenir, il a engagé M. d’Orléans à s’adresser aux quatre commissaires nommés pour surveiller la caisse de l’extraordinaire. Ceux-ci ont cru devoir conférer avec les commissaires chargés de l’organisation de la direction générale de la liquidation. Le résultat de l’avis des deux comités réunis a été : 1° qu'il y avait lieu d’ordonner le payement de la créance ; 2° que ce payement devait être décrété par l’Assemblée, sans qu’il fût besoin de remettre l’examen des titres au bureau général de liquidation : la dette se trouvant liquidée par des actes qui, dans les formes en usage alors, avaient toute l’authenticité des actes législatifs. Le rapport a été fait à l’Assemblée. L’avis du comité a été combattu dans ses deux parties; l’Assemblée a rendu un décret qui a ordonné: 1° l’ajournement; 2° l’impression du rapport et des titres de la créance; 3° le renvoi de cette affaire à la direction générale de la liquidation. Le membre des deux comités, qui avait été (1) Le Moniteur ne donne qu’une analyse sommaire de ce rapport. chargé de faire le rapport, doit remplir, en ce qui le concerne, l’obligation que l’Assemblée lui a imposée. 11 va rendre compte des motifs qui ont déterminé l’avis des comités pour le payement de la créance de M. d’Orléans. Cet objet est le seul dont il puisse être question aujourd’hui : l’Assemblée ayant déclaré suffisamment, par son décret du 11 janvier, que, s’il y avait lieu au payement de la dette, elle ne voulait l’ordonner que sur le rapport qui lui serait fait par le comité de liquidation, après la vérification du directeur général de la liquidation. Le 7 novembre 1721, il a été passé un contrat de mariage entre le prince des Asturies, fils aîné du roi d’Espagne, héritier présomptif de la couronne d’Espagne, et Louise-Elisabeth d’Orléans, tante de Louis XV, fille du duc d’Orléans, alors régent du royaume. Les motifs de cette alliance sont exposés dans le préambule du contrat. Il y est dit que le roi, « porté du désir d’affermir et de rendre durables « l’amitié parfaite et les liaisons étroites qui doi-« vent toujours subsister entre les deux branches « de la maison royale, aurait arrêté et conclu le « traité de son mariageavec la sérénissime infante * d’Espagne, dame Marie-Anne-Victoire ; Sa Ma-« jesté Très Chrétienne aurait regardé comme un « nouveau moyen de remplir plus parfaitement « les vues qu’elle s’est proposées, et de resserrer « plus étroitement encore des liens dont on ne « peut attendre que d’heureux effets, d’accorder « aux vœux du roi d’Espagne, pour épouse du « prince des Asturies, fils aîné de Sa Majesté Ca-« tholique.... Louise-Elisabeth d’Orléans. » Les conventions du mariage sont arrêtées entre Louis XV, alors mineur, et agissant sous l’autorité du duc d’Orléans, régimt, en présence des princes de la maison de France, et les ambassadeurs du roi d’Espagne. Dans le premier article, il est dit que le roi veut, par l’affection particulière qu’il a pour Mademoiselle d’Orléans, la marier comme si elle était sa propre fille. Le second article des conventions est conçu dans les termes que voici : « En faveur et con-« templation du futur mariage, Sa Majesté Très « Chrétienne a donné et constitué en dot à la _sé-« rénissime princesse, sa tante, la somme de cinq « cent mille écus d’or sol, ou leur valeur : et ce, « pour tous droits paternels et maternels, et au-t très qui lui pourraient appartenir et échoir, aux-« quels, procédant sous la même autorité (du roi), « elle a renoncé et renonce en faveur de ..... « duc de Chartres, son frère ; ou à son défaut et « des siens, en faveur des autres enfants nés et « à naître des seigneur et dame ses père et mère; « et se fera ledit payement en la ville de Madrid : « savoir, un tiers au temps de la célébration dudit « mariage, et les deux autres tiers en deux paye-« ments égaux de six mois en six mois, en sorte « que le payement soit entier et parfait un an après « ladite célébration. » Le contrat de mariage ne contient aucune clause de réversion au roi et à la couronne de la dot de 500,000 écus d’or. Mademoiselle d’Orléans fut envoyée en Espagne, le mariage y fut célébré ; le prince des Asturies monta sur le trône, et Mademoiselle d’Orléans devint reine d’Espagne; mais bientôt après, la mort du roi d’Espagne, arrivée le 31 août 1724, la rendit veuve; et elle repassa en France, conformément à la faculté réservée par son contrat de mariage. En 1725, il fut procédé à la liquidation des 500,000 écus d’or sol constitués en dot à Louise-