(Assemblée nationale*] ARCHIVES PARLEMENTAIRES» [3 février 1791.] 7�7 sera acquise si elle l’est jamais. C’est là l’addition que je demande à vos comités. M. Robespierre. Je demande la question préalable sur la motion de M. l’abbé Maury. Il demande que vous indroduisiez dans votre jurisprudence criminelle une troisième formule qui ne soit ni l’absolution, ni la condamnation, mais qui laisse l’accusé dans un état de soupçon. Cet état-là, Messieurs, est déjà une peine, c’est une peine infamante; car dès qu’un homme est accusé et qu’il n’est pas déclaré innocent, il est dès lors flétri dans l’opinion publique; il est pour jamais dépouillé delà considération publique. Il n’y a jamais que deux alternatives; ou bien la société a prouvé contre un citoyen accusé qu’il était coupable et qu’il devait être privé de ses droits de citoyen, ou elle ne l’a pas prouvé. Si elle l’a prouvé, il est coupable; sinon, il jouit de tous ses droits et il est déclaré innocent. Remarquez qu’une pareille motion tend à altérer entièrement l’esprit du juré. En effet, quand des jurés ont à prononcer si dans leur conscience iis croient un accusé coupable ou non, alors ils déploient tons les ressorts moraux possibles; ils examinent avec une attention religieuse les motifs de la décision qu’ils vont reudré sur le sort de l’accusé; mais si vous leur laissez une autre alternative, ils sont moins scrupuleux. Sous prétexte qu’ils ne sont pas obligés de condamner, ils se laissent aller nonchalamment à prendre un parti moyen ; et sur des présomptions et indices faibles et incertains, ils se portent à flétrir un accusé qu’ils auraient absous. (Applaudissements.) Telles sont, Messieurs, les raisons qui, dans l’ancien régime, avaient déjà formé une opinicm publique, qui, avant que vous fussiez établis, avaient proscrit, comme un grand abus de la jurisprudence criminelle, toute cette condamnation mitoyenne, sous le nom de hors de cour et de prison indéfinie et de plus ample informé. Il n’y a, dans notre jurisprudence criminelle et dans nos principes, que deux cas, ou l'innocence, ou le crime ; il faut condamner ou absoudre. Je demande la question préalable. (. Applaudissements .) M. I’abbé Maury. Cet homme que vous aurez renvoyé ne sera-t-il pas flétri dans l’opinion publique? M. Lie Peletïer de Saint-Fargean. Je demande la question préalable sur la jurisprudence des ouï-dire que M. l’abbé Maury voudrait établir. M. l’abbé Maury. Je prie M. le président à mortier de répéter ce qu’il a dit. M. le Président. Monsieur l’abbé Maury, M. Le Peletier peut avoir dit une chose inutile, mais il n’a pas dit une chose injurieuse. (La motion de M. l’abbé Maury est rejetée.) M. Duport, rapporteur. Nous passons maintenant, Messieurs, au titre VIII (1). TITRE VIII. Du jugement et de l' exécution. Art. 1er « Lorsque l’accusé aura été déclaré non convaincu, le président prononcera que l’accusé est acquitté de l’accusation, et ordonnera qu’il soit mis sur-le-champ en liberté. » (Adopté.) Art. 2. (Nouveau.) « Il en sera de même, si les jurés ont décidé que le fait a été commis involontairement ou sans aucune intention de nuire. » (Adopté.) Art. 3. (Nouveau.) « Lorsque l’accusé aura été déclaré excusable, il en sera usé ainsi qu’il sera réglé dans le Code pénal. » M. de Montlosier. Je demande la permission d’observer à l’Assemblée qu’il est possible qu’un délit soit excusable, non pas dans la totalité du délit, mais pour une partie du délit. Or, je demande si un libelle d’accusation exprimait un délit qui emportât la peine capitale, et que le délitpûts’excuserdemanière à ne mériter qu’une peine afflictive, personnelle, ou une peine pécuniaire, je demande alors comment le président, comment le juré s’exprimerait. M. Duport, rapporteur. J’ai lieu dépenser que le préopinant a demandé la parole avant d’avoir entendu l’article. En effet, nous ne pouvons pas régler dans ce moment ce qu’il y aura à prononcer sur les excuses des crimes, il est digne, sans doute, du législateur de déterminer, dans le Code pénal, ce qui sera fait alors. (L’article 3 est adopté.) Art. 4. (Ancien art. 2.) « Tout particulier, ainsi acquitté, ne pourra plus être repris ni accusé pour raison du même fait ». (Adopté.) Art. 5. (Ancien art. 3.) « Lorsque l’accusé aura été déclaré convaincu, le président, en présence du public, le fera comparaître, et lui donnera connaissance de la déclaration du juré. » (Adopté.) Art. 6. (Ancien art. 4.) « Sur cela, le commissaire du roi fera sa réquisition pour l’application de la loi. » (Adopté.) Art. 7. (Ancien art. 5.) « Le président demandera à l’accusé s’il n’a rien à dire pour sa défense ; lui, ses amis ou conseils ne pourront plus plaider que le fait est faux, mais seulement qu’il n’est pas défendu, ou qualifié crime par la loi, ou qu’il ne mérite pas la peine dont le commissaire du roi a requis l’application ». M. de Montlosier. Il est possible, lorsque le juré aura prononcé, que l’accusé, se présentant devant le juge, trouve de nouvelles pièces justificatives qui changent la nature de l’accusation et atténuent les circonstances, et qu’alors la révision soit ordonnée par les juges. Si vous décrétez, dans ce moment-ci, que les amis et les conseils ne pourront plus plaider que le fait est faux, vous mettez un obstacle invincible à cette révision. Je demande donc que l’article soit renvoyé au comité pour que la révision soit admise en ce cas. (L’Assemblée rejette l'amendement et adopte l’article. 7.) (1) Voy. le projet de décret primitif, Archives parlementaires, tome XXI, page G8. M. le Président doûûe lecture d’une lettre