(Asseaiblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [19 octobre 1790.] 691 prospérité de son agriculture. Il est certain que sans ses enclos l’éducation des bestiaux, leur engrais, y seraient moins profitables. En France nous apercevons que c’est en général dans les pays où il y a le plus de clôtures que les bestiaux sont les plus beaux et les plus nombreux, et nous croyons que c’est à ce moyen que quelques-uns de nos départements doivent une grande partie de leur aisance. Nous pensons donc que l’intérêt de l’agriculture et du commerce exige impérieusement que les enclos soient favorisés ; et cependant nous ne demandons poureux qu’une justice rigoureuse, celle de n’être imposés que d’après les mêmes règles que les biens, de même nature et de même produit. Une considération qui doit encore vous déterminer à ne point surcharger les terrains clos, c’est que, d’après vos lois mêmes et la nature des choses, la propriété n’est parfaitement complète que lorsqu’elle est close, et que ce n’est que dans celles ainsi disposées que l’on peut s’occuper avec succès et profit de diverses cultures précieuses. L’on peut encore ajouter qu’il est bien nécessaire, dans ce moment, de ne point priver, surtout par une mauvaise loi fiscale et antiagricole, la classe très nombreuse des ouvriers des salaires qu’elle trouverait dans l’augmentation et l’entretien des clôtures. Il ne faut point mettre un obstacle à un meilleur emploi de notre sol et de� nos capitaux, en laissant inutiles, à charge et même dangereux à la société, des bras prêts à la servir. Surcharger les terrains clos, c’est en diminuer la valeur, c’est les détruire au lieu de les augmenter, et accroître sans justice, momentanément et de très peu, le produit des contributions. Si quelques parcs sont presque uniquement des objets de luxe, en général ils ne diminuent guère la masse des productions, et l’effet nécessaire de la Constitution étant de fixer, plus que par le passé, les grands propriétaires à la campagne, les terrains qui entourent leurs demeures seront probablement bien plus utilement employés. Une partie de cet article pourra paraître inutile à quelques personnes, puisque c’est une répétition détaillée de l’article qui assujettit, sans aucune exception, à la contribution foncière ces propriétés diverses. Mais le comité a observé que dans beaucoup d’endroits l’on a passé d’un extrême à l’autre. En 1788 les parcs des privilégiés ne payaient aucun impôt; pour les six mois de 1789 et pour 1790, dans quelques endroits où ils ont été évalués au double des meilleures terres non closes, sans égard à leur revenu, et cela uniquement parrapport aux clôtures. Vous n’avez point assujetti à l’impôt les bâtiments servant aux exploitations rurales, et certainement vous ne voudrez point y assujettir les murailles qui servent à l'amélioration des terres, et dont l’Etal retire réellement de grands avantages par l’augmentation des récoltes, et, par une suite nécessaire, par l’augmentation même des revenus soumis à l’impôt. Il a paru également utile à votre comité d’éloigner les inquiétudes de ceux qui possèdent de vastes clôtures, et qui auraient dû les détruire; mais bien plus encore d’encourager ces travaux qui peuvent tant vivifier nos campagnes. Quant aux parties des enclos enlevés aux productions utiles pour le pur agrément, votre comité a senti que leur évaluation serait souvent impossible; il a pensé que le luxe ou la fantaisie ne méritant pas les ménagements dus aux emplois utiles, ces enclos devaient être imposés au taux le plus haut des terres de la communauté ; en conséquence, il a l’honneur de vous proposer les trois articles suivants qui deviendraient 13, 14 et 15 du décret ; Art. 1er (art. 13). « Les terrains enclos seront évalués d’après les mêmes règles et dans les mêmes proportions que les terrains non enclos, donnant le même genre de productions; les terrains enlevés à la culture pour le pur agrément seront évalués au taux des meilleures terres labourables de la communauté. Art. 2 (art. 14). « L’évaluation des bois en coupe réglée sera faite d’après le prix moyen de leur coupe annuelle. Art. 3 (art. 15). « L’évaluation des bois et taillis qui ne sont pas en coupe réglée sera faite d’après leur comparaison avec les autres bois de la communauté ou du canton. « M. de lia Rochefoucauld. Le comité me charge de vous proposer deux articles relatifs au mode d’imposition . Les voici : Art. 1er (art. 16). « D’après les évaluations, les officiers municipaux procéderont’, aussitôt que le mandement du directoire de district leur sera parvenu, à la confection du projet de rôle, conformément aux instructions du directoire de département, qui seront jointes au mandement, et seront tenus de faire parvenir le projet de rôle, arrêté et signé par eux, au directoire de district dans le délai de quinze jours, à compter de la date dudit mandement; la forme des rôles, de leur envoi, de leur dépôt, et de la manière dont ils seront rendus exécutoires, sera réglée par l’instruction de l’Assemblée nationale. Art. 2 (art. 17). « Les administrations de département et de district surveilleront et presseront, avec la plus grande activité, toutes les opérations ci-dessus prescrites aux municipalités. » (Ces cinqai-ticles sont adoptés sans opposition.) M. 'Vernier, rapporteur du comité des finances, rend compte d’une pétition du département de la Moselle, qui demande que les commissaires ci-devant établis pour l’assiette des impositions dans ce département continuent, pendant cette année, la répartition dont ils étaient chargés. Le comité propose un projet de décret qüi est adopté en ces termes : « L’Assemblée nationale, sur le rapport de son comité des finances, instruite des motifs qui avaient déterminé la commission intermédiaire provinciale des Trois-Evêchés à n’ordonner l’imposition que pour les six premiers mois de 1790, prenant en considération les mêmes motifs qui avaient pour objet : 1° de se réserver fa faculté d’établir une proportion plus équitable, si l’expérience apprenait qu’elle n’eût pas été maintenue par les bases qu’elle avait fixées; « 2° De laisser au bureau intermédiaire des districts le temps nécessaire à l’effet de se pro- 692 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [19 octobre 1790.] curer tous les éclaircissements dont ils pouvaient avoir besoin pour perfectionner leur travail ; « 3° De s’assurer un moyen de répartir en moins-imposé le produit du rôle de supplément des six derniers mois de 1789, qui n’était point encore connu, et qui ne pouvait l’être qu’après que les demandes en surtaxe auraient été jugées; « L’Assemblée, considérant que ces motifs subsistent encore, et ayant égard à la demande du directoire du département de la Moselle, autorise les anciens administrateurs de la ci-devant province des Trois-Evèchés à procéder au travail qui reste à faire pour consommer la répartition des impositions de l'année 1790, tant dans le département de la Moselle que dans èeux de la Meurthe, des Vosges, de la Meuse et des Ardennes qui composaient ladite province ; après laquelle opération cesseront toutes les fonctions desdits administrateurs anciens. » M. Defermon, au nom du comité de l’im-posilion, fait le rapport suivant sur la contribution personnelle. Messieurs, vous avez consacré, dans la déclaration des droits de l’homme et du citoyen, les principes qui devaient diriger nos travaux. « Une contribution commune est indispensa-« ble, elle doit être également répartie entre tous « les citoyens en raison de leurs facultés. » (Déclaration des droits, art. 21.) Telle est la loi que nous n’avons pas perdue de vue, et dont nous avons cherché à faire la plus juste application. Le. plan de contribution foncière que nous vous avons proposé, en remplacement de plusieurs impôts qui portaient sur les terres, est propre à faire payer, par toutes les propriétés foncières, une contribution commune et également répartie en raison de leurs revenus. Il n’est pas aussi facile d’établir une contribution commune et égale sur les autres facultés des citoyens ; la capitation arbitraire, la taille personnelle, Je vingtième d’industrie, celui des offices et droits étaient autant d’impôts personnels directs. Plusieurs impôts indirects portaient aussi en partie sur les mêmes facultés ; la gabelle, les droits sur les cuirs et amidons, sur les fers, sur les huiles étaient souvent payés du seul produit des facultés personnelles. La suppression de ces impôts indirects et la nécessité de leur substituer, et aux divers impôts personnels directs, une seule contribution personnelle, a fait l’objet de nos méditations. Nous avons examiné plusieurs plans qui nous ont été présentés ; nous avons également discuté ceux qui ont été livrés au public; nous avons enfin cherché, dans les systèmes de finances des autres nations de l’Europe, les dispositions qui auraient pu nous convenir. Parmi les plans dont nous avons pris connaissance, les uns, enfantés par l’esprit de système, présentent un seul impôt, ou sur la denrée de première nécessité, ou sur les personnes, en les classant suivant leurs professions; les autres ne donnent, pour la répartition, d’autre ressource que l’arbitraire. Nous avons pensé, Messieurs, que des moyens mesurés, mais efficaces, étaient préférables à des systèmes éblouissants qui ne serviraient qu’à répandre le trouble et la défiance. Nous n’avons pas cru aussi pouvoir adopter une contribution personnelle sans autre base que la diversité de possession ou l’arbitraire qui existait pour la capitation, et moins encore aurions-nous voulu vous proposer de vous en rapporter aux déclarations des contribuables. Il est sans doute dans l’ordre des choses possibles qu’une société soit composée de membres, si pénétrés de patriotisme et de désintéresement, que par de contributions volontaires ils fassent les fonds nécessaires pour la dépense publique; mais ce n’est pas sur cette possibilité que nous aurions osé nous appuyer. En effet, Messieurs, toutes les fois que l’assiette d’une contribution dépend de la déclaration des contribuables, elle est payée scrupuleusement par les bons citoyens; mais il en est d'autres qui ne craignent pas de s’y soustraire par de fausses déclarations. De là résulte généralement une inégalité d’autant plus fâcheuse, qu’elle surcharge les bons et profite aux mauvais. D’un autre côté, si la répartition est abandonnée à la volonté arbitraire d’un seul homme ou de plusieurs, c’est exposer le contribuable à une guerre continuelle, et ne lui laisser aucun moyen d’obtenir justice : il aura beau réclamer, ses "réclamations seront sans fruit : et commeut pourrait-il les faire valoir avec succès contre un répartiteur qui n’aurait besoin, pour soutenir son injustice, que d’en appeler à son opinion, et pourrait refuser de discuter les bases de la répartition qu’on lui reprocherait? Vous voulez, Messieurs, qu’en matière de contributions comme en toute autre, chaque citoyen qui se croira fondé à réclamer le puisse faire", et ait tous les moyens d’obtenir justice; il faut donc que ceux qui auront à juger les réclamations contre la répartition de la contribution personnelle, sachent quelle a dû être la base de cette contribution ; il faut que cette base ne soit pas incertaine, et il est impossible de perpétuer l’ancien régime arbitraire. Nous ne nous sommes pas dissimulé, Messieurs, combien notre tâche devenait pénible. Il est si aisé de cacher les facultés mobilières, il est si dangereux de décourager l’industrie, en taxant l’artisan, que nous nous attendons à voir notre travail exposé aux plus amères critiques. Mais les contributions sont indispensables; il faut pourvoir aux besoins publics, la contribution personnelle peut servir de ressources ; elle devient même indispensable pour faire contribuer aux dépenses publiques toutes les richesses mobilières ; nous avons cherché tous les moyens de les atteindre en écartant tout ce qui pouvait tenir à l’arbitraire. C’est dans cet esprit, Messieurs, que nous avons formé le plan de contribution personnelle que vous avez à discuter, et dont je vais développer les dispositions. Compte du projet de décret. Nous avons suivi pour la contribution personnelle la même marche que pour la contribution foncière. Notre projet est divisé en cinq titres : le premier, des dispositions générales qui déterminent les bases de la contribution ; Je deuxième, de sa quotité pour 1791 ; le troisième, de son assiette; le quatrième, des décharges et réductions ; et le cinquième, de la perception ou recouvrements.