228 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Douai.] comme à son père, telle augmentation qu’il faudra ; enfin, tous ses biens, sa personne et sa vie seront aussi constamment dévoués au service de Sa Majesté et au bien de l’Etat, mais qu’il y ait une égalité parfaite sur tous les biens et les contribuables ; les Etats provinciaux une fois bien organisés, le plus grand bien est fait; chaque province réglera ses impositions analogues à son genre de facultés ; la Flandre pourra tout remplir par l’impôt territorial, où les dîmes et les rentes contribueront par l’impôt sur le vin et par la capitation ; tout autre droit sera inutile ; les Etats provinciaux régleront à la pluralité ce que chaque ville, chaque communauté d’habitants devra fournir; les communautés s’imposeront aussi elles-mêmes, feront elles-mêmes les rôles d'impositions par des assesseurs qui seront choisis entre eux, à la pluralité, renouvelés ou continués tous les ans à la reddition du compte. Les abus se réformeront, l’ordre deviendra parfait, et ce qui ne sera pas trouvé juste d’après l’expérience, pourra être réformé au moyen des assemblées; on cherchera aussi les moyens d’empêcher les abbayes et seigneurs de faire retomber le poids de leurs charges sur leurs fermiers ; le cahier de toute une province contiendra tout, et en cas de difficulté, Sa Majesté fera droit ; on parviendra à éteindre les procès, on proposera des points qui les font naître, les moyens d’y pourvoir ou d’avoir une décision générale. Enfin tous les avantages qui en résulteront sont développés dans le mémoire présenté au Roi en 1778 ; les communautés lésées par les abbayes ou seigneurs parviendront aussi à avoir l’ouverture des archives que ces abbayes et seigneurs ont conservées, tandis que les ravages des guerres, les incendies, etc., ont fait perdre tous les titres des particuliers et des communautés; on parviendra à éclaircir le point de la féodalité, à revenir sur les droits odieux de mainmorte, terrage, etc., qui, pour la plupart, ont été usurpés par les abbayes et les seigneurs, à l’aide de ce qu’ils ont toujours choisi pour régir les communautés leurs fermiers et créatures, etc., etc. Ainsi fait et arrêté dans notre assemblée du 23 mars 1789. Signé à l’original : J. -H. Lecœuvre, M.-G. Monier, L.-J. Broutin, J.-B. Tracard, Em. Robert, M.-A. Petit, P. -J. Lecœuvre, J.-B. Delahaye, J. -P. Lapon, L.-J. d’Her-bonnez , P. de Brabant , Emmanuel Aimer , P.-T. Briquet, J.-A. Houdart, G. -J. Havez, J.-J. de Brabant, P.-J. Herbaud, L.-J. Platot, Loiseleur, greffier. CAHIER De doléances pour les habitants de la communauté' d'Alne, en exécution des ordres de Sa Majesté. C’est avec la reconnaissance due à un Roi bienfaisant et protecteur-né de ses sujets, que l’on doit la prochaine assemblée des Etats généraux, et pour concourir au vœu du monarque, les habitants de la communauté d’Alne, soussignés, exposent : 1° Qu’il serait de l’intérêt du bien général qu’il y ait partout une égalité parfaite dans la perception des droits domaniaux, soit pour les vingtièmes, capitation, tailles, aides, soit pour les impositions réelles établies sur les fonds et tous autres droits sans exception. 2° Que cette proportion soit également établie sur les droits des comestibles et des boissons, sans aucuns privilèges ni exemptions, soit pour le clergé ou la noblesse, en déclarant les membres de ces deux ordres contribuables sur tous les objets indistinctement comme tous les sujets du tiers. 3° Que, pour faciliter cette perception, on établisse de nouvelles formes moins dispendieuses, et qu’en les simplifiant on impose chaque province pour une somme déterminée, répartie ensuite, sur chaque communauté qui en réglera la taxe sur tous les habitants, eu égard aux biens, facultés, revenus et industrie de chacun, dont on mettrait dans chaque endroit la recette au rabais pour en verser annuellement l’importance dans une caisse provinciale qui soit réversible directement au trésor royal. On éviterait par ce moyen la multiplicité des recettes et les droits stipendiâmes d’autant plus onéreux à l’Etat qu'ils diminuent la meilleure partie des sommes destinées à ses besoins en augmentant toujours les charges du peuple et surtout de l’artisan et du cultivateur. 4° En établissant les formes on bannirait avec succès tous les droits de péages, corvées et autres semblables, en procurant d’ailleurs l’entière liberté des routes, en mettant encore en proscription les bureaux internes pour n’en placer qu’une partie aux frontières, puisqu’il serait suppléé abondamment à ces droits par l’imposition réelle de tous les fonds dont une grande partie était exempte, soit du côté des privilégiés, soit par le défaut des anciens cadastres qu’on pourrait renouveler exactement. 5° Qu’il y eai abolition et extinction des droits seigneuriaux, surtout des droits de dixième, que l’abbaye de Marchiennes exige sur cette communauté, à la vente de chaque partie d’immeubles ainsi qu’à la mort de chaque propriétaire, ce qui gêne le commerce des immeubles et laisse aux héritiers la charge onéreuse de ne pouvoir succéder aux biens de leurs proches, sans payer la dixième partie de la valeur des héritages que ces derniers délaissent en mourant, droit inhumain connu sous le nom de droit de relief ou de mainmorte. C’est précisément ce droit que Sa Majesté a aboli dans ses domaines en 1779. Ce désintéressement du monarque ne peut fléchir les seigneurs particulièrement, ni les engager à se relâcher de ce reste de servitude qui répugne au nom français si une loi impérative ne les oblige de s’en désister. D’ailleurs ces droits ne sont constitués par aucun titre positif, la possession qu’on invoquerait pour en tenir lieu n’étant que l’effet de la crainte ou de la pusillanimité, tandis qu’il faut des titres primordiaux dont tout nécessite de prouver l’existence ; la loi qui interviendrait pour ordonner cette production suffirait seule pour écarter cette espèce de droit, parce qu’il ne repose pas sur une base solide. 6° Que les marais entiers soient du domaine des communautés usagères ; les habitants d’Alne réclament ici particulièrement le tiers-lot que l’abbaye de Marchiennes a prélevé sans préjudice aux droits des parties, dans les marais dudit Aine, ce qui forme néanmoins un préjudice sensible auxdits habitants, puisqu’ils en avaient la pleine jouissance, et que pour la leur ôter, cette abbaye n’a produit aucun titre qui lui assure la perpétuité du triage dont elle s’est emparée par provision, contre toutes les règles établies en faveur des anciens possseseurs, pour ce tiers-lot être partagé avec les autres parties à tous les habitants. ~ 7° Que la dîme se perçoive uniformément sur [États gên. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Douai.] 229 tous les fruits décimables, en réglant indistinctement la quotité pour chaque espèce, et qu’en raison de ces revenus réels, les églises et les presbytères soient à la charge des décimateurs. 8° Qu’on puisse s’apaiser sur les travaux publics et ne pas être obligé de payer des gages à un directeur qui en obtient l’augmentation, sur sa simple demande, à l’insu de toutes les communautés intéressées, à qui on fait encore payer des sommes considérables, sans que leur consentement soit intervenu, pour obtenir les arrêts du conseil qui fixent ces payements, sous le motif spécial des travaux de la tractoire, lorsque tous ces ouvrages ne profitent ni à Aine ni aux communautés voisines, puisque enfin ces travaux ne sont pas éxécutés vis-à-vis leurs possessions, à raison desquelles on vient encore d’exiger tout récemment une contribution qui n’est que supplétive de celle qu’on a formée il. y a quelques années ; ce qui ne serait pas aussi accablant, si ces travaux étaient mis au rabais et exécutés à l’apaisement de toutes les communautés contribuables et décidément à beaucoup moins de frais. Ainsi fait et arrêté en l’assemblée tenue audit Aine, le 19 mars 1789, neuf heures du matin; ajoutant que la communauté est en cause contre M. de Bouvignies qui, en sa qualité de seigneur de Yar-laing, veut enlever une partie de ses marais pour tenir lieu d’indemnité d’un ancien droit de vinage pour lequel les habitants d’Alne ne lui doivent aucune garantie, ce qui occasionne des frais et une surcharge aux susdits habitants qui se réunissent pour réclamer contre une entreprise aussi injuste qu’elle est destituée de raison et de fondement. Observant enfin que M. le curé d’Hamage ne se contente pas de jouir d’une portion ménagère dans les marais d’Alne, puisqu’il jouit encore de la dîme sur tops lesdits marais, de manière que les habitants désireraient à cet égard que leur pasteur fût obligé d’opter à retenir l’une et à abandonner l’autre. Signé à l’original : G.-J.-B. Descamps, R.-J. Hannet, Philippe Du-rés, Dalloy, Philippe Lobel, P.-J. Quenoy, J.-B. enoît, Pierre Sang, Charles-Joseph Briquet, A Ha-rau, P.-L. Derobin, P.-J. Benoît Gratien Tison, M.-M. Descamps, J.-B. Broutin, Lubrez Taillez, Houdart, Matthias Tison, mayeur, J.-J. Deleme, Pothier, Loiseleur. Depuis la rédaction du cahier qui précède, lesdits habitants ayant fait de nouvelles reflexions, il fut unanimement délibéré d’ajouter : 1° Que le vœu général de la communauté était de rentrer dans ses anciens droits relativement aux marais, à l’exclusion de la communauté de Warlaing, qui n’y a acquis des droits que par la concession faite à son profit par l’abbaye de Mar-chiennes, qui n’en était pas même propriétaire. 2° Considérant que le marais de Bonté, appartenant audit Aine , a été aliéné pour une somme modique et pour quatre-vingt-quatorze ans, afin de paver des frais de procédure sans autre forme que Pautorisation de M. l’intendant, d’après le consentement seul d’un petit nombre d’habitants, l’on demande de faire annuler cet arrentement, moyennant l’offre de restituer le prix fixé par l’arrentataire qui a été suffisamment indemnisé de la somme par les fruits et profits annuels dont il a joui jusqu’à ce jour. 3° Que tous les arrentements faits jusqu’à ce jour par l’abbaye de Marchiennes, en empiétant sur les communes, soient restitués aux habitants en accordant à ces derniers l’exemption des dîmes sur toutes les parties du marais. 4° Que la planche posée sur la Scarpe, pour servir de passage à l’église paroissiale d’Hamage et pour donner communication à Waudiguier, soit à la charge de l’abbaye de Marchiennes qui en était chargée autrefois, tant pour la reconstruction que pour la réparation et l’entretien. 5° Que la province soit entièrement maintenue dans tous ses droits, ainsi qu’ils lui ont été accordés par les différents traités et capitulations depuis que la France en a fait la conquête. Signé à l’original : Jean-Baptiste Broutin, Charles-Joseph Briquet, R.-J. Hannet, Gratien Tison, P.-L. Dozoli, B. Descamps, P.-F. Benoit, J.-J. Huart, Augustin Harau, Pierre-Joseph Quénoy, Dalois, J. Duprés, N. -J. Houdart, J.-J. Lubiez, Mathias Tison, mayeur, M.-M. Descamps, P.-J. Avez, Jean-Louis Pothier, Loiseleur. CAHIER De dole'ances pour les habitants de la communauté de Warlaing. Puisque c’est au concours de ses fidèles sujets qu’un Roi bienfaisant daigne référer aujourd’hui toutes les difficultés pour établir suivant ses vœux un ordre constant et invariable dans toutes les parties du gouvernement, pour les besoins de l’Etat, la réforme des abus, la prospérité générale et le bien de tout et chacun de ses sujets, les habitants de cette communauté doivent s’empresser de répondre à ces vues, d’autant plus précieuses qu’elles intéressent tous les individus sans exception. Il y a donc une obligation étroite de dresser dans chaque endroit un cahier de doléances ; c’est un acte d’obéissance, mais un acte favorable que l’on doit au plus auguste des souverains, qui l’exige, moins à titre de soumission, que pour opérer le bonheur de son peuple dont il sera toujours assuré de la vénération et de l’attachement le plus inviolable. En entrant dans le détail de tous les abus qui intéressent Warlaingt on observe : 1° Que la communauté est composée de cultivateurs et d’ouvriers qui ne vivent la plupart qu’à force de travail pour procurer à leurs enfants un pain grossier trempé dans leur sueur. 2° Toutes les ressources de la communauté ne consistent que dans quelques portions de marais situés dans la seigneurie d’Alne, dont l’abbaye de Marchiennes a prélevé le tiers, sans avoir néanmoins justifié de ses titres, ce prélèvement n’étant que provisoire et sans préjudice aux droits des parties ; ce sont des droits cependant qu’une communauté craint toujours de faire valoir contre une abbaye puissante qui a des ressources inépuisables. 3° Les autres biens situés sous la juridiction de Warlaing et qui composent la seigneurie ne consistent en total qu’en 120 bonniers. M. le marquis de Bouvignies, seigneur dudit Warlaing, en possède lui seul 40 bonniers; il en a donc un tiers. 4° Toutes les impositions sont payées par les habitants, tandis que le seigneur est exempt pour ses possessions, à raison desquelles il ne paye qu’une faible partie des vingtièmes; ce qui forme une surcharge auxdits habitants , qui se trouvent cotisés à l’avenant pour la totalité des terres qui composent le territoire, puisque la répartition ne pouvant comprendre les biens du seigneur,