260 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [25 août 1790] nisse la preuve et qu’il en soit puni comme ayant avancé une calomnie. » (L’Assemblée ordonne le renvoi de cette lettre aux comités des rapports et de féodalité réunis.) Un de MM. les secrétaires lit la note suivante des décrets dont les expéditions en parchemin ont été envoyées par le garde des sceaux, pour être déposées dans les archives de l’Assemblée nationale : « 1°. De lettres patentes sur le décret des 3, 6, 7, 10, 14, 15, 19 et 21 mai, pour l’organisation de la municipalité de Paris. « 2°. De lettres patentes sur le décret du 21 juillet, relatif à la suspension de différents offices et places. « 3°. De lettres patentes sur le décret du 26, relatif aux droits de propriété et de voirie sur les chemins publics, rues et places de villages, bourgs ou villes et arbres en dépendant. « 4°. D’une proclamation sur les décrets des 10, 16, 23, 26 et 31, concernant les pensions, gratifications et autres récompenses nationales. « 5°. De lettres patentes sur le décret du 2 août, présent mois, portant qu’il ne pourra être dirigé aucune poursuite pour les écrits publiés jusqu’à ce jour sur les affaires publiques, à l’exception néanmoins du libelle intitulé : C'en est fait de nous. « 6°. De lettres patentes sur ledécret du 4, portant que les octrois continueront d’être perçus dans tous les lieux où il s’eu trouve d’établis, et notamment dans les villes de Noyoo, Ham, Chauny et paroisses circonvoisines. « 7°. D’une proclamation sur 1e décret du 6, portant que la municipalité de Paris sera chargée, jusqu’à ce que l’administration du département de Paris et ses districts, ainsi que leurs directoires, soient en activité, de toutes les ventes de domaines nationaux situés dans la ville et le département. « 8°. De lettres patentes sur le décret du 7, portant que les procedures criminelles qui s’instruisent à l’occasion de dégâts et voies de fait commis le 6 ou le 7 janvier dernier, par plusieurs habitants du lieu de Cabris, au canal de Moulins, de leur ci-devant seigneur, seront regardées comme non-avenues. « 9°. De lettres patentes sur le décretdu même jour, relatives aux charges qui concernent des représentants de la nation, s’il en existe dans la procédure faite par le Châtelet sur les événements du 6 octobre dernier. « 10°. De lettres patentes sur le décret du 10, qui autorise les emprunts faits ou à faire par la ville de Gaillac jusqu’à la concurrence de deux mille quatre cents livres. « 11°. D’une proclamation sur le décret du même jour, qui improuve la municipalité de Saint-Aubin, pour avoir ouvert des paquets et fait arrêter le courrier porteur de ces paquets, adressés tant à M. Dogni qu’au ministre des affaires étrangères, et aux ministres de la cour de Madrid. « 12°. D’une proclamation sur le décret du 11, concernant le sieur Metlé, officier au régiment des chasseurs de Flandres, et le nommé Leblanc. » 13°. D’une proclamation sur le décret du même jour, qui autorise les habitants du duché de Bouillon à extraire en nature et à importer chez eux le produit de leurs fermes ; comme aussi ne continuer à l’approvisionner de toutes sortes de grains sur les marchés de Sedan. » 14°. D’une proclamation sur le décret du 14, portant qu’il sera informé par devant la munici-9 lité de Strasbourg, ayant la juridiction criminelle, des troubles, émeutes et violences qui ont en lieu à Schelestadt depuis le 8 juin dernier, et notamment le 13 juillet et jours suivants; et portant défense au sieur Herren berger et autres, se prétendant élus officiers municipaux de ladite ville, d’y exercer aucune fonction publique. « 15°. Et enfin, d’une proclamation sur le décret du 17, concernant les mouvements qui ont eu lieu à Carcassonne et dans ses environs le3 7, 8, 9 et 10, à l’occasion de la circulation des grains. » L'ordre du jour est la suite de la discussion sur l'ordre judiciaire. (1). M. Thouret, rapporteur. Le comité de Constitution m’a chargé de vous proposer un article additionnel au décret sur l’ordre judiciaire, qui serait ainsi conçu : « Les ecclésiastiques ne peuvent être élus aux places de juges dont les fonctions sont déclarées incompatibles avec leur ministère .» Un membre à droite. Le comité vient tardivement nous proposer une exclusion, sans en donner les motifs. Je demande la question préalable sur l’article. M. Buzot. Il y a une raison politique pour justifier l'incompatibilité proposée. S’il est dangereux de cumuler dans les mêmes mains plusieurs pouvoirs, il serait bien plus dangereux de confier les fonctions de juges aux ecclésiastiques. Il faut craindre leur influence religieuse et si les ecclésiastiques qui disposent souvent par la nature des fonctions de leur ministère de lacon-fiancé cies peuples, surtout des peuples des campagnes et des petites vides, réunissaient encore les fonctions de juges, ils auraient un pouvoir réellement redoutable : il est donc d’une sage prévoyance, d’une bonne politique de ne pas laisser aux prêtres trop' d’autorité. En second lieu, si autrefois il y avait trop d’ecclésiastiques, il est à présumer que dorénavant il n’y en aura que ce qu’il en faut ou à peu prés; il ne faut donc pas sVxposer à en multiplier le nombre en leur laissant l’expectative d’être nommés aux places de juges. Il est encore une raison majeure, c’est de ne pas les distraire des fonctions de leur ministère. M. Robespierre. Je crois aussi qu’il faut exclure les ecclésiastiques des tribunaux, mais cette exclusion doit être fondée sur un principe vrai et constitutionnel. Or, le motif par lequel on l’a justifié jusqu’ici ne l’est pas. Le véritable motif ne peut pas être le danger de l’influence des ecclésiastiques. Dans toute Constitution sage et libre, il ne peut pas exister une classe de citoyens ou de fonctionnaires publics, redoutables à la société par son esprit et par son organisation , si l’état ecclésiastique présentait encore parmi nous ces inconvénients, la conséquence nécessaire serait qu’il faut changer son organisation. pour réformer son esprit et faire que les ecclésiastiques ne soient plus que des citoyens. Quelle est donc la raison constitutionnelle qui doit vous déterminer à les exclure des fonctions judiciaires? Ce n’est point une raison particulière (1) Toute eette partie de la séance a été omise au Moniteur. ARCHIVES PARLEMENTAIRES. |25 août 1790.1 [Assemblée nationale.) 261 aux ecclésiastiques, c’est une raison commune à tous les fonctionnaires publics; c’est le principe que les fonctions publiques doivent être séparées. On ne doit point en réunir plusieurs dans les mêmes mains : 1° parce que celui qui est chargé par la société de quelque emploi, doit avoir tout le temps et toute la liberté nécessaire pour s’y livrer tout entier : 2° parce qu’un citoyen qui réunirait plusieurs fonctions publiques, serait trop puissant et trop redoutable à la liberté publique : je demande que l’on consacre ce principe comme constitutionnel et que l’exclusion que l’on propose ici contre les ecclésiastiques qui, par cette qualité même, sont des fonction-nait es publics, soit décrétée comme une conséquence de ce principe. M. l’abbé Thibault. Je suis en général de l’avis des préopinants; mais comme je ne vois pas que les ecclésiastiques qui sont sans fonctions aient de l’influence, je crois qu’ils rentrent dans la classe des autres citoyens et qu’ils ne doivent pas être exclus. J’en fais l’amendement formel. M. Thouret, rapporteur . Les anciens canons défendent aux ecclésiastiques de se mêler des affaires contentieuses. Il est inconvenant qu’ils connaissent des affaires litigieuses. Il y a en outre une raison de fait qui s’y oppose également; c’est que chaque tribunal déjà peu nombreux serait privé, dans les affaires criminelles, des ecclésiastiques qui seraient entrés dans sa formation. M. Fréteau. Rien n’est plus sage que l’article qui vous est proposé par le comité de Constitution. Lorsque le tribunal était très nombreux, les ecclésiastiques pouvaient y être admis facilement, parce que d’autres juges prenaient leur place dans la Tournelle : aujourd’hui cela est impossible; mais autant il me paraîtrait incompatible qu’un arrêt de mort passât par la bouche d’un ecclésiastique, autant je trouve injuste de l’empêcher d’être juge de paix. Je soutiens que personne n’est plus propre à remplir cette fonction pacifique. M. l’abbé Gouttes. Je demande lu question préalable sur les amendements. Un mot suffit pour la motiver. C’est ,que si un pasteur peut être juge de paix, la partie qu’il sera obligé de condamner lui en voudra du mal. (La question préalable est mise aux voix et prononcée.) (L’article additionnelle proposé par le comité est adopté sans changement.) M. Thouret, rapporteur. La discussion qui vient d’avoir Leu sur le premier article supplémentaire, me fait présumer que les articles supplémentaires que j’ai encore à vous proposer rempliraient toute la séance; je propose donc à l’Assemblée de remettre à une autre fois la suite de ces articles et de passer immédiatement à ce que nous avons de plus instant, c’est-à-dire à V organisation des tribunaux de Paris. M. le Président met cette proposition aux voix. Elle est adoptée. M. Thouret, rapporteur. Messieurs, il est dans l’ordre de votre travail de régénérer la justice dans cette capitale, comme dans le reste du royaume. Le département de Paris est un tout indivis quant à l’ordre judiciaire, puisque vous avez décrété que les deux districts de Saint-Denis et de Bourg-la-Reine seraient seulement administratifs. Voici les dispositions que votre comité a jugé convenable de vous proposer, après s’être concerté avec les députés de la ville de Paris (1). « Art. 1er. Il y aura dans chacune des 48 sections de la ville de Paris, et dans chacun des cantons des districts de Saint-Denis et Bourg-la-Reine, un juge de paix et des prud’hommes assesseurs du juge de paix. « Art. 2. Il sera établi, pour la ville et le département de Paris, six tribunaux dont les arrondissements seront déterminés. « Art. 3. Chacun de ces tribunaux sera composé de cinq juges, auprès desquels il y aura un commissaire du roi. « Art. 4. Il sera nommé, pour chacun de ces tribunaux, quatre suppléants, dont deux, au moins, seront pris dans la ville de Paris ou tenus de l’habiter. « Art. 5. Le tableau qui servira pour déterminer le choix d’uu tribunal d’appel, aux termes de l’article 4 du titre V du décret du 16 de ce mois, sur l'organisation judiciaire, sera composé, pour chacun des six tribunaux ci-dessus, des cinq autres tribunaux et deux tribunaux de district, les plus voisins, pris hors le département de Paris. « Art. 6. L’Assemblée nationale délègue provisoirement au procureur de la commune de Paris les fonctions de procureur-syndic, à l’effet. de convoquer les assemblées primaires tant dans les cantonsdes districtsdeSaint-Denis et du Bourg-la-Reine, que dans les sections de la ville de Paris. « Art. 7. Ces assemblées se formeront et procéderont conformément aux dispositions de la section première du decret du 22 décembre dernier, relatives à ta tenue des assemblées primaires. « Art. 8. Elles éliront les juges de paix et les prud'hommes assesseurs en la forme prescrite par l’article 3 du décret du 16 de ce mois sur l’organisation judiciaire. « Art. 9. Elles nommeront aussi un électeur à raison de cent citoyens actifs présents ou non présents à l’Assemblée, mais ayant droit d’y voter, et se conformeront, pour cette nomination, aux articles 17, 18, 19, et 20 de la section première du décret du 22 septembre dernier. « Art. 10. Aussitôt que les électeurs seront nommés, le procureur de la commune de Paris, faisant les fonctions de procureur-syndic, convoquera, dans l’arrondissement de chaque tribunal, les électeurs dépendant de ces arrondissements, pour procéder à l’élection des juges au scrutin individuel et à la pluralité absolue des suffrages. « Art. 11. Toutes les dispositions contenues dans le décret du 16 de ce mois, sur l’organisation judiciaire, auxquelles il n’est pas dérogé par le présent décret, sont communes à la ville et au département de Paris. » M. Martineau. Messieurs, vous avez établi des juges de paix dans chaque district; cette institution est infiniment sage; mais est-il bien nécessaire qu’il y ait 48 juges de paix dans Paris î (1) Voyez aux Annexes de la séance, p. 268, le plan proposé par M. Talon, sur l’organisation judiciaire de Paris.