[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [30 mars 1790.] 4£>5 juge d’assises recevra leur serment, et ils promettront de déclarer le fait selon leur conscience (1). 14. Tant en matière civile qu’en matière criminelle, le juge sédentaire fera le rapport du procès : les témoins seront examinés, les actes lus, le3 parties ou leurs défenseurs ouïs; le juge d’assises réduira les questions de fait d’après les règles prescrites par les huit premiers articles du présent titre, et les jurés se retireront à part pour en délibérer. 15. En matière civile, la simple pluralité de sept contre cinq suffira pour arrêter la déclaration du fait. En matière criminelle, il ne pourra être déclaré qu’à la pluralité de onze contre quatre, ou de neuf contre trois ; mais la pluralité simple suffira pour déclarer que le délit n’a pas été commis, ou que l’accusé ne l'a pas commis. 16. Si les jurés ne peuvent, dans une première séance, arriver à la pluralité nécessaire, ils se rassembleront de nouveau ; mais, à la seconde séance, ils ne pourront se séparer que leur résultat ne soit déterminé. 17. S’il est nécessaire de vérifier les lieux, les jurés pourront nommer quatre d’entre eux, à l’effet de s’y transporter. 18. En déclarant le fait, , les jurés estimeront l’objet du litige non �liquidé, et les dommages intérêts, s’ils pensent qu’il en soit dû à l’une des parties. 19. Pour former le corps des jurés auprès des grands juges, on réduira successivement, par le sort et par les récusations, la liste des élus des départements, au nombre de vingt-sept. Les vingt-sept jurés seront appelés, et pourront assister à l’examen, mais il n’y sera pas procédé qu’ils ne soient au nombre de vingt-quatre. TITRE IX. De la police des familles. 1. La police des familles appartiendra aux parents des deux sexes. 2. Le père et la mère, et l’un à défaut, de l’autre, pourront assembler les parents et leur exposer les sujets d’inquiétude que leur donne la conduite de leur enfant mineur. Les parents, au nombre de douze, outre le père et la mère, et des voisins à leur défaut, pourront interroger le mineur devant Je juge de paix, prendre information sommaire et arrêter que le mineur sera réprimandé ou qu’il sera renfermé au plus durant un an. 3. La réprimande sera faite par le juge de paix, sans autre examen, en présence des parents. 4. Si la délibération porte que le mineur sera renfermé, elle sera remise au commissaire principal du roi, qui donnera les ordres pour qu’elle soit exécutée. 5. Si le père et la mère refusent des aliments à leurs enfants, ou les enfants au père et à la mère, le mari à la femme, ou la femme au mari, sur la plainte qui en sera faite au juge de paix, il assemblera les parents, lesquels jugeront le (1) Je propose un premier triage par la récusation, un second par le sort, un troisième encore par la récusation. On me demandera peut-être pourquoi la récusation en deux fois? Il m’a semblé que cela n’était pas indifférent, et que l’accusé pouvait vouloir un tel examinateur, s’il était associé définitivement de telle manière, et autrement le redouter. mérite de la plainte; et s’ils ne peuvent concilier les parties, régleront d’après leurs facultés et les convenances si les aliments sont dus et jusqu’à quelle somme, et le jugement de famille sera remis au commissaire du foi, qui le fera exécuter. 6. Lorsque des affaires entre parents seront portées au bureau de paix, les personnes de la famille qui habiteront le canton y seFont appelées. J’observe : 1° que j’avais dressé ces articles pour ma propre instruction, et pour me mettre eu état de suivre la discussion . Je les publie d’après l’objection qui a été faite contre le système de l’examen par jurés, qu’aucun projet combiné, aucuns moyens d’exécution n’ont été proposés. Je n’ai pas eu le temps de les revoir, et je sens que cet ouvrage est très imparfait, mais il suffit pour donner l’idée d’un meilleur plan ; 2° Que si l’examen par jurés est adopté, comme je l’espère, il faudra sur-le-champ former le comité de législation dont j’ai demandé Rétablissement, et le charger de s’occuper sans délai d’un projet de loi pour régler les formes qui conviendront à ce nouvel ordre de choses, ouvrage qui ne demande pas autant de temps, et ne présente pas autant de difficultés qu’on le croit ; 3° Que les juges que je propose, et leurs adjoints, pourront administrer la justice selon les anciennes formes, jusqu’à ce que celles de l’examen par jurés aient été réglées. On pourrait cependant les obliger à distinguer le fait au droit par des prononciations séparées, selon la méthode que j’indique, titre VI, article 7 ; 4° Que je ne demande pas des commissions pour les procès actuellement pendants. Je crois même qu’on pourra y appliquer l’examen par jurés ; il suffira pour cela que les parties soient assujetties à résumer leurs faits selon la méthode des Anglais. (Le discours de M. Ghabroud a été interrompu souvent par de grands applaudissements.) On demande l’impression qui est décrétée à l’unanimité. M. Gap at, l’aîné. Je demande que la discussion sur l’ordre judiciaire sdit suspendue jusqu’à ce que l’Assemblée ait pu méditer sur les différents plans dont elle a Ordonné l’impreàsibn. M. Hladiev dë IKbittfaü. Je pfopôse d’accorder, dès à présent, la priorité au plan de M. Duport. M. de Cazalès. Je ne conteste pas la priorité réclamée pour le projet de M. Duport, mais comme je crois, malgré les vérités frappantes dont nous avons été pénétrés en l’entendant, que les circonstances actuelles le rendent impraticable, je crois qu’il est à propos de nommer un comité de dix personnes qui nous présentera incessamment les parties de ce plan qui sont susceptibles d’être conservées pour le remplacement de l’ordre judiciaire existant. M. Pison du Gatland. J’adopte la formation du comité, mais à la condition qu’il aura pour mission de nous présenter un mode d’établissement des jurés. M. Rewhell. C’est préjuger la question* Point n’est besoin de nouveau comité* Fermons la discussion générale et passons aux voix sur la priorité. 456 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [30 mars 1790.] M. de Toulongeon. J’opte pour que la discussion soit continuée et que la question de priorité soit remise après l’impression des deux plans dont la comparaison avec celui du comité de Constitution, nous mettra à portée d’asseoir plus sûrement notre jugement. D’ailleurs, la matière que nous traitons aujourd’hui est si importante, ses rameaux sont si étendus, que quelque vastes, quelque grands que soient les plans dont nous venons d’entendre la lecture, je ne crois pas qu’ils en aient saisi tout l’ensemble. M. Ricard. J’ajoute que divers membres, peuvent, comme j’en ai l’intention, avoir quelques idées à soumettre à l’Assemblée et qu’il faut leur en laisser la possibilité (Voy. plus loin, annexés à la séance de ce jour, les principes sur le pouvoir judiciaire, par M. Ricard.) M. le comte de Mirabeau. Il est prématuré de fermer la discussion sur une matière qui, sous bien des rapports, n’a même pas été effleurée. A-t-on par exemple examiné la question de savoir si l’on doit rendre gratuitement la justice à l'homme récalcitrant contre la loi? Doit-on récompenser sa désobéissance ? N’y a-t-il pas des opportunités à fixer, des temps à déterminer, des circonstances à prévoir ? D’ailleurs, M. l’abbé Sieyès, qui a eu tant de part à nos travaux, a fait distribuer un plan sur l’ordre judiciaire (voy. plus haut ce document, séance du 19 mars) ; d’autres membres, comme vous le disait M. Ricard, peuvent en avoir encore ; moi-même je ne renonce pas à en présenter un. Il serait donc prématuré de prononcer sur la priorité, et contre toute sagesse de fermer la discussion. (L’Assemblée, consultée, décide que la discussion continuera dans les séances suivantes.) M. le Président annonce la mort de M. Perrin de Rozières, député de Yïllefranche de Rouergue. La séance est levée à trois heures un quart. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. LE BARON DE MENOU. Séance du mardi 30 mars 1790, au soir (1). La séance est ouverte à six heures du soir. M. La Poule, secrétaire , fait lecture des adresses suivantes: Adresse des nouvelles municipalités des communautés de Longeville, de Suc dans la vallée de Vicdessos, de Brie en Saintonge, deSaint-Cyprien, de Montereaux en Dombes, de Longueville, d’Aubigny, la Rouce, la Ghassagne en Lavault, de Bajamont en Guienne, de Beaumont, de Lézet, de Lalhève, de Couzances en Barrois, de Megrin, de Tonnerre, du Ban de Ramonchamps en Lorraine, de Groslay près d’Enghien, Montmorency, de Maisoneelle, Saint-Lucien, de la ville de Gondre-court. Toutes ces nouvelles municipalités adhèrent aux décrets de l’Assemblée nationale, font le serment de fidélité à la nation, à la loi et au roi, et promettent de maintenir, de tout leur pouvoir, la nouvelle constitution du royaume, et tous les décrets de l’Assemblée nationale. Adresse du même genre de la ville et de la municipalité de Goutras en Guyenne ; cette ville a manifesté sa satisfaction et son allégresse à la réception des décrets de l’Assemblée nationale, concernant l’organisation des municipalités; elle a fait chanter solennellement un Te Deum ; tous les citoyens de cette ville offrent leur fortune et leur vie pour le maintien de la Constitution et des décrets de l’Assemblée nationale. Elle demande un siège de justice. Adresse de la communauté de Saint-Pierre et Saint-Paul de Chail; elle se plaint d’une augmentation d’impôts, faite au mépris du principe d’égalité de répartition, décrété par l’Assemblée nationale. De la communauté des deux Lacs, en partie défrichés, et connus sous la dénomination des Moëres, dans la Flandre maritime; elle supplie l’Assemblée nationale d’interposer son autorité pour procurer leur entier défrichement. Adresse des communautés de Saint-Clément en Saintonge et dePunchy en Picardie; elles font le don patriotique du produit de la contribution sur les ci-devant privilégiés. Adresse de la communauté de Sainte-Marie-de-Vergt en Périgord ; elle exprime ses regrets sur les troubles qui l’ont agitée, pendant lesquels le peuple a brûlé le Banc de leur Seigneur, et a détruit les girouettes de son château ; ses habitants crieront sans cesse, vive la nation , dont ils publieront les bienfaits; vivent les lois, vive le roi, vivent leurs sages défenseurs. Adresse des communautés de Seilhac, Saint-Clément et de la ville de Bort en Limousin ; elles font l’éloge le plus flatteur de la conduite des citoyens de la ville de Tulle, touchant les insurrections survenues dans les paroisses qui l’avoisinent; elles supplient l’Assemblée nationale d’enjoindre au prévôt de Tulle d’informer avec soin contre tous les auteurs, sans distinction, fauteurs et complices des attroupements du bas-Limousin; elles demandent, par reconnaissance, un tribunal de département pour la ville de Tulle. Adresse de la municipalité de Mollans en Franche-Comté : les habitants de Mollans n’ont pu voir qu’avec admiration les travaux pénibles et constants de l’Assemblée nationale, dont les décrets ont terrassé le monstre de la féodalité ; ils offrent de maintenir, de toutes leurs forces, la Constitution et lesjdécrets émanés de l’Assemblée nationale. Adresse du même genre de la municipalité de Cardesse en Béarn, au nom des habitants de ce lieu ; ils adhèrent avec transport à toutes les lois et à tous les décrets de l’Assemblée nationale : au lieu d’encens et d’éloges, ils offrent leurs cœurs pour le soutien de la nation, du roi et de la loi ; et, s’il le faut, ils sacrifieront leurs fortunes et leurs vies. La municipalité de l’Aigle en Normandie adresse à l’Assemblée le procès-verbal de prestation de serment civique, fait le vingt-un du présent mois par les officiers municipaux, les notables et habitants de l’Aigle, sur un autel dressé dans l’esplanade du château : les pasteurs des trois paroisses, la milice nationale, drapeaux déployés, tous les ecclésiastiques, corps judiciaires, et tous les habitants, les enfants même qui ont eu assez de voix pour se faire entendre, ont solennellement juré d'être fidèles à la nation, à la loi et au roi . Un des enfants a prononcé un discours plein de patriotisme ; et tous sont prêts de se sacrifier pour le bonheur de la régénération de la France.