488 (Assemblée nationale.1 ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 128 janvier 1791.1 dont voici la substance: « Le directoire, considérant que l’Assemblée nationale a décrété que le serment des ecclésiastiques serait prêté sans restriction, instruit de la distribution qui a été faite, avec une profusion singulière, d’une formule de serment insidieuse, qu’on suppose avoir été prêté dans les églises d’Amiens, et regardant cette distribution comme une coalition tendant à apporter des obstacles à l’exécution de la loi, etc., a arrêté que les auteurs de ces écrits seraient dénoncés par l’accusateur public d’Amiens...» D’un autre autre côté, le directoire instruit que les intentions d’un grand nombre d’ecclésiastiques étaient de profiter de l’espèce d’équivoque que laisse subsister la loi du 26 décembre, pour cesser à l’instant, et de concert, toutes leurs fonctions, a chargé la municipalité de commettre un ecclésiastique pour pourvoir, autant que possible... (U s'élève des éclats de rire dans la partie droite.) M. Verchère de Reffye. Monsieur le Président, je vous prie d’imposer silence à ces évêques. M. Chasset, rapporteur..., pour pourvoir, autant que possible, à tous les besoins du culte, et à tout ce que les fidèles ont droit d’attendre. La municipalité a donc commis un prêtre pour dire la messe; mais cette mesure a dû cesser du moment où les prêtres ordinaires ont consenti à reprendre leurs fonctions. D’après l’esprit de la loi du 26 décembre, et le texte de l’instruction du 21 janvier courant, tous les fonctionnaires doivent rester en fonctions jusqu’au remplacement ; le prêtre commis par la municipalité à cru, au contraire, qu’il avait des droits plus étendus. Il a pensé que les anciens ecclésiastiques étaient déchus de droit, du moment où ils refusaient de prêter le serment. Plusieurs voix de la partie gauche ; C’est juste, il faut que cela soit ainsi. M. Chasset, rapporteur. La loi du 26 décembre porte seulement qu'ils seront censés avoir renoncé , ce qui ne signifie pas qu’ils abandonneront le service divin avant d’être remplacés. A Amiens, les ecclésiastiques qui avaient refusé de prononcer la formule de serment décrétée , ayant voulu continuer leurs fonctions jusqu’au remplacement, et l’ecclésiastique commis par la municipalité ayant voulu continuer les siennes, les opinions se partagèrent entre les contendants. La difficulté devait être portée devant le corps administratif, parce qu’il s’agissait de l’exécution d’une loi. H suffisait qu’un des contendants présentât en sa faveur un arrêté du département, pour que le tribunal ne dût pas se mêler de cette contestation, qui n’était pas une contestation judiciaire, mais une difficulté d’administration, qui n’avait pour objet que le mode d’exécution de votre décret. Vous n’avez pas voulu permettre aux juges de gêner les mouvements de l’administration ..... Le 20, à six heures du soir, on a assigné devant le tribunal d’Amiens l’ecclésiastique commis par la municipalité; on l’a assigné pour le lendemain à neuf heures du matin. A l’heure convenue, il s’est trouvé une grande quantité de monde dans le tribunal. L’avocat du curé a fait uu très long discours écrit, préparé d’avance ..... (Il s'élève des éclats de rire dans la partie droite. — M. le président rétablit le silence.) M. Chasset, rapporteur..., un discours préparé longtemps d’avance, combiné avec le commissaire du roi et avec le tribunal. Ceci est plus sérieux.... (La partie droite murmure.) M. Chasset, rapporteur. Si vous voulez, je répondrai ensuite. Plusieurs voix de la partie droite : Oui. M. Chasset, rapporteur. Eh bien, taisez-vous donc 1 M. l’abbé Maury. Je demande que l’Assemblée veuille bien défendre à M. le rapporteur d’improviser. M. Chasset, rapporteur. Je vous prie, Monsieur le Président, d’ordonner à M. l’abbé Maury d’improviser avec plus de décence. (Quelques minutes se passent dans un très grand tumulte, soulevé par les interpellations des membres de la partie droite.) M. Chasset, rapporteur. Les personnes qui m’interrompent prétendent que j'ai annoncé une proclamation du directoire. J’ai donné l’extrait d’une délibération... (Murmures dans l'extrémité droite.) M. Chasset, rapporteur, s’adressant de ce côté. J’ai parlé d’une proclamation de la municipalité. Est-ce là ce que vous demandez? (Personne ne répond.) Un membre de la gauche : Ils n’en savent rien eux-mêmes. M. Chasset, rapporteur. Le tribunal d’Amiens a renvoyé l’affaire à l’Assemblée nationale, et cependant a pris une délibération dans laquelle, considérant que les paroisses d’Amiens ne sont pas encore réduites ; qu’il n’existe aucun jugement de l’Assemblée nationale qui ait destitué la partie de Maillard, et qu’aucun ecclésiastique n’a droit de remplacer les anciens curés avant qu’ils aient d’eux-mêmes abandonné leurs fonctions, etc., déclare que les curés d’Amiens reprendront l’exercice de leurs fonctions, jusqu’à ce qu’ils aient été remplacés. Plusieurs voix du côté droit : Non ! non ! M. Chasset, rapporteur. C’est cependant ainsi que votre instruction l’a prononcé. Le comité ecclésiastique a pensé que la délibération du tribunal était juste en elle-même; mais il a pensé en même temps qu’il n’avait pas le droit de prononcer ainsi; que les tribunaux ne pouvaient, sans le plus grand danger pour la chose publique, se mêler de ces sortes d’affaires. Un des motifs de la délibération a été qu’il n’existait pas de décret qui prononçât la destitution des curés d’Amiens ; et cependant votre décret portait expressément que les fonctionnaires ecclésiastiques qui refuseraient de prêter serment ne seraient ni jugés, ni poursuivis, mais seulement qu’ils seraient regardés comme renonçant volontairement à leur office, et qu’ils seraient remplacés comme démissionnaires. Vous avez ordonné la poursuite devant les tribunaux, contre ceux-là seuls qui, après avoir prêté le serment, s'y montreraient réfractaires, et qui violeraient la loi qu’ils se seraient engagés à exécuter; ou [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [25 janvier 1791. | 489 contre ceux qui se coaliseraient et exciteraient la rébellion contre vos décrets. Quoi qu’il en soit, votre comité ecclésiastique a cru essentiel d’empêcher les tribunaux de se mêler des affaires d’administration. Dans vos décrets sur l’organisation judiciaire, vous avez défendu aux tribunaux d'exercer les fonctions administratives; vous avez même statué que dans ce cas la forfaiture serait acquise. Dans les décrets sur l’organisation des corps administratifs, vous statuez que les administrations ne pourront jamais être troublées dans l’exercice de leurs fonctions... Le jugement du tribunal d’Amiens, ainsi que le plaidoyer de M. Maillard et le discours du commissaire du roi, causèrent une grande rumeur dans la ville. Il y eut sur-le-champ des dénonciations portées au directoire : dénonciations dans lesquelles on impute au commissaire du roi d’avoir professé publiquement et dit aux juges, sans avoir été interrompu, que la loi du 26 décembre était un piège tendu à la bonne foi des prêtres par une assemblée politique dont les membres professent hautement les sectes les plus anticatholiques, et d’avoir qualifié l’arrêté du directoire, de libelle. On l’accuse, de plus, d’avoir dit que le serment prêté par les prêtres réfractaires était le seul qu’ils dussent prêter, et qu’il devait leur acquérir l’estime de tous les honnêtes gens. (La partie droite applaudit.)... Dans toute cette affaire le comité a vu trois points essentiels : Ie entreprise sur le pouvoir administratif, de la part du tribunal d’Amiens; 2® erreur de la part de l’administration du département, qui, ne connaissant pas l’instruction que vous avez dernièrement décrétée , a cru que les ecclésiastiques devaient cesser leurs fonctions du moment même où iis refusaient de prêter le serment; 3° dénonciation faite par le directoire contre les auteurs des écrits distribués dans le département. C’est sur ces objets réunis que vos comités ecclésiastique et de Constitution vous proposent le projet de décret suivant ; « L’Assemblée nationale, instruite d’un jugement rendu le 20 de ce mois par le tribunal du district d’Amiens, sur l’exécution d’une délibération du directoire du département de la Somme, en date du 17 du même mois, au sujet du remplacement des ecclésiastiques fonctionnaires publics, refusant de prêter le serment prescrit par la loi du 26 décembre précédent; après avoir entendu le rapport qui lui a été fait au nom de ses comités de Constitution et ecclésiastique : » Décrète que l’exécution de la loi du 26 décembre dernier appartient aux corps administratifs et aux municipalités, sauf aux tribunaux à prendre connaissance seulement des cas portés aux articles 6, 7 et 8 de ladite loi; » Déclare le jugement du tribunal du district d’Amiens comme non-avenu ; approuve la conduite du directoire du département de la Somme; le charge néanmoins de procéder au remplacement des ecclésiastiques fonctionnaires publics, refusant de prêter le serment prescrit par la loi du 26 décembre dernier, conformément à l’instruction de l’Assemblée du 21 de ce mois; » Au surplus, renvoie au comité des recherches, tant la dénonciation que le directoire du département a arrêté de faire à l’accusateur public dudit tribunal, par sa délibération du 17 de ce mois, que celle faite le 20 du même mois au même directoire, pour, du tout, être rendu compte à l'Assemblée. » M. l’abbé Maury demande la parole, l’obtient et monte à la tribune. M. de Foucault de Lardimalie. Je demande qu’on remette entre les mains de M. l’abbé Maury la déclaration du curé de Saint-Rémi pour la lire comme elle doit être lue. Je crois que c’est une belle pièce en conscience et en honneur... Elle fera sur vous l’effet qu’elle a fait sur moi... Si vous refusez cette lecture, je demande l’impression pour ma propre édification et pour la vôtre. M. l’abbé Maury. Je tomberais moi-même dans l’inconvénient que je dénonce, si je discutais une affaire particulière dont je viens d’entendre les détails pour la première fois. Je me bornerai à exposer des principes généraux, indépendants de toutes les circonstances, principes de tous les temps et de tous les lieux. Dans ces observations, j’examinerai trois objets : le décret sur requête qu’on vous propose de rendre ; les droits des corps administratifs, et le renvoi au comité des recherches ; quant au décret sur requête, vous savez que dans les tribunaux, dans les temps barbares d’où nous sortons... (On rit et on applaudit.) On ne se permettait pas, dans ces temps déplorables, de rendre des jugements sur requête sans avoir constitué en demeure les parties intéressées, sans les avoir entendues. Je n’examine point l’autorité judiciaire de cette Assemblée; mais je ne croirai jamais qu’elle puisse, sans inspiration, se permettre de juger un particulier sans l’entendre. Un grand nombre de voix : On ne veut pas juger. M. l’abbé Maury. Je suis peut-être dans l’erreur. Plusieurs voix : Oui ! oui ! M. l’abbé Maury. Mais j’avoue qu’il m’est impossible de reconnaître dans un décret qui intéresse un ou plusieurs citoyens, autre chose que décret sur requête : or, jamais une loi ne peut être rendue sur requête. Vous êtes législateurs et non juges; vous ne voulez pas rendre un décret par requête: car, malgré la puissance dont vous vous investissez, ce décret serait révocable par sa nature même. Je passe à la seconde partie de mes observations : l’objet dont il s’agit appartient-il aux corps administratifs? Avant d’entrer en matière, je remarque que les parties et leurs défenseurs sont sans intérêts, je ne plaide que par l’ordre public, je demande donc si les corps administratifs peuvent s’interposer entre deux citoyens, s’ils sont chargés de l’application de vos lois, quand il ne s’agit pas de l’impôt ..... Si leur opinion vous est favorable à Amiens, prenez garde qu’ail-leurs il n’en soit pas de même; alors pour votre comité, vous demanderez que les juges prononcent et que les administrateurs se taisent. Plusieurs voix: C’est une insolence effroyable ! M. Popnlus. Je demande que M. l’abbé Maury soit rappelé à l’ordre. M. l’abbé Maury. Les corps administratifs ont reçu de vous une compétence que j’ai bien étudiée dans votre Constitution; je demande qu’on me montre un seul article qui leur ait