SÉANCE DU 18 VENDÉMIAIRE AN III (9 OCTOBRE 1794) - Nos 9-10 13 tôt un problème à résoudre. Vainement ils protestent de leur dévouement à la représentation nationale, ces hommes qui chaque jour l’avilissent dans une société trop célèbre par l’expulsion arbitraire des membres qui en furent les fondateurs et les soutiens. Vainement ils persistent à se dire les organes du peuple dans des adresses liberti-cides que le crime seul a tracées à la suite des orgies, a tracées dans son laboratoire ténébreux. Le peuple tant de fois abusé a brisé l’idole. Le peuple qui foule aux pieds les cendres de l’odieux Mirabeau, qui révère la mémoire de Marat, n’accordera point son estime à ses faux amis. Il ne croit plus à la métamorphose de ces valets de cour qui sous l’ancien régime humblement prosternés aux pieds d’un grand ou d’une actrice en sollicitoient un regard comme une faveur signalée. Le peuple scait aujourd’hui que la terreur est l’appanage de l’ignorance et de la férocité; il veut le gouvernement révolutionnaire, qui n’est autre chose que l’activité permanente de la justice nationale ; il ne connoit d’autre représentants que vous, d’autres législateurs que vous, d’autre point de ralliement que la Convention nationale. Mersan, agent nat., Désir, secrétaire et quatre autres signatures. 9 La société populaire de Chesne-la-Réunion [ci-devant Le Chesne-le-Populeux], département des Ardennes, exprime à la Convention nationale la douleur et l’indignation dont elle a été pénétrée en apprenant l’assassinat commis sur Tallien, l’un de ses membres, l’invite à foudroyer tous les vils agitateurs qui tenteroient d’égarer l’opinion publique qu’elle seule doit fixer, l’assure de son dévouement, et déclare que son cri de ralliement est la Convention, toute la Convention, rien que la Convention. Mention honorable, insertion au bulletin (16). [La société populaire de Chesne-la-Réunion à la Convention nationale, le 6 vendémiaire an III] (17) Citoyens représentans, C’est avec les sentiments de la douleur la plus amère que nous avons appris que l’assassinat, cette ressource des scélérats, atteint les plus ardents défenseurs du peuple. Votre collègue Tallien étoit donc aussi réservé au poignard des factieux. (16) P. V., XL VII, 47-48. (17) C 322, pl. 1352, p. 34. Les monstres, c’est donc en frappant partiellement les membres qu’ils pensent disoudre le corps. Mais non, vous êtes les hommes du 9 thermidor, vous foudroirez les vils agitateurs qui tenteroient d’égarer l’opinion publique, à vous seul appartient le droit de la fixer. Vous ne mettrez pas en balance vingt cinq millions d’hommes et une poignée de factieux. Forts de la confiance d’un grand peuple, ce n’est que de vous qu’il attend son salut. Vous nous verrez dans toutes les grandes circonstances nous serrer autour de nos représentans, et leur faire un rempart de nos corps. La Convention, toute la Convention, rien que la Convention, voilà notre cri de raliement. Les membres du comité die correspondance, Turlure, Grandvalet, Brunesse, Tonnelier. 10 La société populaire de Vannes [Morbihan] témoigne son indignation de l’assassinat du représentant du peuple Tallien; continuez, ainsi que ceux qui aspirent seuls à la gloire de sauver la patrie ; n’oubliez jamais que vous avez tous voté la mort du tyran Robespierre : après avoir substitué au crime, à la terreur et à la tyrannie, la vertu, la justice et la liberté, c’est sur l’union de tous, de tous les Français, c’est sur votre union que reposent les destinées de la République. Mention honorable, insertion au bulletin (18). [La société populaire de Vannes à la Convention nationale, le 3e jour s.-c. an II] (19) Un grand crime vient d’être commis : puisque la représentation nationale a été attaquée dans la personne d’un de ses membres. Cet événement a excité dans nos âmes la sensibilité qu’un républicain éprouve en voyant la patrie menacée et la patrie sera toujours en danger à nos yeux, lorsque des mains parricides frapperont nos représentans. Ah! que devien-droit le peuple sans vous, quand avec vous le triomphe de la liberté est assuré! Des discutions politiques agitoient les esprits et les aristocrates ont saisi cette occasion pour attenter aux jours d’un représentant du peuple. Frappons de mort Tallien, ont-ils dit, dans leur barbare fureur, les adversaires de ses opinions serons accusés : son cadavre sera une nouvelle pomme de discorde pour les diviser. En ouvrant la tombe à l’un nous porterons les autres sur l’échaffaud. Oui, tel a été le perfide espoir des aristocrates, mais ils se sont trompés, le génie (18) P.-V., XL VII, 48. (19) C 322, pl. 1352, p. 32. 14 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE de la vertu a couvert de son égide Tallien. La justice frappera les coupables, et encore une fois l’assassinat servira à la réunion des républicains contre les ennemis de la représentation nationale. Oui, représentans du peuple français, si notre union frappe d’étonnement l’Europe déjà vaincue par nos succès : bientôt nous verrons la chute des tirans et les peuples réunis en républiques. Que ceux donc qui aspirent seuls à la gloire de sauver la patrie n’oublient jamais que vous avés tous voté la mort du tiran, robespierre, qu’ils se rappellent le beau jour où l’assemblée nationale, d’un mouvement spontané, se leva en masse annoncer à tout l’univers que s’il ne falloit que le sang des représentans pour conduire le vaisseau de l’état au port, vous étiés tous prêts à le verser. Alors toutes les sections du peuple resteront unis de coeur et de principes à la représentation nationale, comme au centre de l’unité et de l’indivisibilité de la république, nous travaillerons de concert, nous le sauverons. Après avoir substitué au crime, à la terreur et à la tirannie, la vertu, la justice et la liberté, c’est sur l’union de tous les français que reposent les destinées de la république et vous l’obtiendrés cette union si elle règne parmi vous, si vous tranchés la queue du serpent dont la tête a déjà roulé sur l’échaffaud. Hatés-vous, citoyens représentans, d’opérer le nouveau prodige, mettés le dernier trait à votre immortalité, la main du peuple cultive les lauriers que la reconnoissance nationale vous destine. Rousseaux, président, Challot, Gallé jeune, secrétaire. 11 Le conseil d’administration du troisième bataillon de la cinquante-sixième demi-brigade transmet à la Convention nationale un trait de courage et d’intrépidité du citoyen Baptiste Fauré, caporal de la deuxième compagnie de ce bataillon. Ce brave défenseur s’étant chargé de porter une dépêche au général Masséna dans le temps que les troupes françaises étoient barraquées aux environs de Saorgio, prend pour toute escorte un fusilier : attaqué par une trentaine de Piémontois, son camarade tombe à ses côtés; enveloppé par ces féroces ennemis, Fauré défend avec valeur, écrase avec la crosse de son fusil la tête de l’un d’entre eux, se débarrasse de leurs mains, parvient au premier poste à travers une grêle de balles, et rend la lettre au général. Mention honorable, insertion au bulletin, renvoi aux comités d’instruction publique et de Salut public (20). (20) P.-V., XLVII, 48. Ann. Pair., n° 653; J. Fr., n° 750. Le conseil d’administration du 3e bataillon de la 56e demi-brigade, armée d’Italie, transmet un trait de courage et d’intrépidité du citoyen Baptiste Fauré, caporal. Ce brave défenseur de la patrie s’étant chargé de porter une ' dépêche au général Massena, dans le temps que les troupes françaises étaient barraquées aux environs de Saorgio, prend pour toute escorte un fusilier; attaqué sur la route par une trentaine de Piémontais, son camarade tombe à ses côtés ; enveloppé par ces féroces ennemis, Faure se défend avec valeur, écrase avec la crosse de son fusil la tête de l’un d’entre eux, se débarrasse de leurs mains, et parvient au premier poste, à travers une grêle de balles, et rend la lettre au général. Ce conseil d’administration sollicite de l’avancement pour ce valeureux militaire, qui, devant Lyon, Toulon, et partout où il s’est trouvé, a donné des preuves de patriotisme et de courage. La Convention applaudit et ordonne l’insertion au Bulletin de ces traits généreux (21). 12 Le quatrième bataillon du Mont-Blanc, faisant partie de la division de gauche de l’armée des Pyrénées-Orientales, félicite la Convention nationale sur la chûte du Tyran Robespierre et de ses complices, l’assure de son dévouement, de son respect et de son amour; il fait des voeux pour la destruction d’Albion, repaire de tous les crimes, et demande une loi qui oblige les directeurs d’hôpitaux militaires à remettre tous les mois à chaque conseil d’administration de bataillon, un état circonstancié des militaires malades. Mention honorable, insertion au bulletin, renvoi au comité Militaire (22). 13 Les administrateurs du district de L’Aigle [Orne] témoignent avec énergie leur indignation contre les restes impurs du dernier Catilina; ils dénoncent les assassins de la patrie, les buveurs de sang, les conspirateurs, les factieux et les dominateurs qui existent à côté de la Convention ; ils l’invitent à rester à son poste. Insertion au bulletin, renvoi au comité de Sûreté générale (23). Les administrateurs du district de L’Aigle écrivent à la Convention nationale que d’infames dominateurs et de vils intrigans, masqués du voile du civisme et de la popularité, (21) Moniteur, XXII, 247. (22) P.-V., XLVII, 48-49. Bull., 18 vend. (23) P.-V., XLVII, 49.