168 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [11 juin 1790.] M. le marquis de Poucault. Le moyen le plus sûr de soulager ceux qui ont perdu dans la Révolution, c’est d’achever la Constitution , c’est d’organiser les tribunaux, l’armée et la force publique. (Le côté gauche applaudit.) L’Assemblée ordonne que le comité des pensions présentera incessamment un projet de décret concernant les vainqueurs de la Bastille. On demande à passer à l’ordre du jour. M. lie Couteulx de Canteleu, au nom du comité des finances , fait quelques observations sur les moyens qu’on pourrait employer afin de déterminer les citoyens à payer exactement la contribution patriotique. Il propose de fournir à chaque député toutes les facilités désirables pour connaître l’état de contribution de sa province. Sur sa proposition, le décret suivant est rendu : « Tous les quinze jours, le tableau de l’état de situation de la contribution patriotique dans les départements sera affiché au comitédes finances.» M. lie Couteulx de Canteleu, au nom du comité des finances, fait un rapport sur différentes propositions qui ont été faites à V Assemblée nationale pour l’acquisition ou la fonte des cloches des couvents supprimés (1). Messieurs, la suppression des couvents et des communautés religieuses a donné lieu à différentes propositions pour l’acquisition ou la fonte des cloches qui deviendront inutiles par l’exécution de vos décrets. Le comité des finances ne peut , Messieurs , se dispenser de vous rendre compte de ces propositions; il va en comparer les conditions, les avantages et les inconvénients, et vous en présenter les résultats. MÉMOIRE DU SIEUR AUGUSTE. Le sieur Auguste annonce qu’il a fait beaucoup d’essais pour parvenir à séparer utilement les différents métaux dont la matière des cloches est composée ; il assure qu'on n’en retirera pas plus de 60 livres de bon cuivre par quintal, qu’il estime à 20 sols la livre, et que les 40 autres livres, déduction faite du déchet, pourront rendre 20 livres net d’une matière valant 3 sols la livre; ce qui fait 63 livres pour la valeur des métaux que l’on peut retirer d’un cent de cloches. En évaluant les frais de fonte et de séparation à 15 liv., le quintal de matière de cloches se trouve réduit, selon lui, à la valeur de 48 livres; mais il n’y comprend point les frais qu’il faudra faire pour descendre les cloches de leur clocher, pour les mettre en morceaux et les transporter jusqu’aux fonderies; il regarde ces frais comme incalculables et ne détermine point, par conséquent, le produit net d’un quintal de cloches. Il évalue cependant à 40 millions au moins ce que l’État doit retirer de toute l’opération. Gomme il ne motive point son évaluation, on ne peut dire si elle est bien ou mal fondée. M. Auguste présente d’ailleurs la fonte des cloches comme un objet d’autant plus utile à la nation , qu’elle mettra en valeur une très grande quantité de matière qui est aujourd’hui inutile, et qu’elle alimentera pendant plusieurs années les manufactures du royaume qui fournissent le cuivre ouvragé à la consommation intérieure et (1) Le Moniteur se borne à mentionner le discours de M. Le Couteulx de Canteleu* à notre marine; ce qui nous affranchirait d’avoir recours aux cuivres bruts étrangers, dont l’achat nous est toujours désavantageux par la variation des prix et des changes. Il propose, à cet effet, de diriger toute cette opération pour le compte de la nation, et, dans le cas où l’on ne jugerait pas à propos d’adopter ce parti, il offre de rendre en cuivre pur le tiers de la matière de cloches qu’on lui délivrera, c’est-à-dire 33 livres de cuivre pour 100 livres de métal de cloches. Comme il trouve beaucoup d’inconvénients, tant pour les vendeurs que pour les acquéreurs, à traiter à forfait ou de la matière de cloches ou du cuivre qui en proviendra, il termine son mémoire sans offrir ni valeur déterminée, ni garantie. Mais, par une soumission qu’il a présentée, depuis, au comité des finances, il offre d’acheter et de payer, à raison de 40 livres le quintal, la matière de cloches qu’on lui délivrera, sans égard. au plus ou moins de son alliage, et de n’y employer, comme bon patriote, que des ouvriers français et des combustibles du royaume; mais il ne dit point dans quels termes il paierait et n’offre point de caution pour la sûreté de ses engagements. MÉMOIRE DE MM. MEARS ET COMPAGNIE. MM. Mears et compagnie sont des fondeurs établis à Londres sous la raison de Chepman Mears et Compagnie. 11 paraît que l’objet unique de leur commerce est d’acheter et de fondre des cloches, et qu’ils ont été attirés à Paris par l’espoir d’entreprendre cette opération sur les cloches que vous jugerez à propos de réformer. Ils calculent que les couvents et communautés religieuses supprimés peuvent monter à 12,000 dans le royaume, et que chacune de ces maisons fournira 3 cloches dont le poids commun peut être estimé à 5 quintaux par cloche, ce qui ferait déjà 36,000 cloches à fondre, pesant ensemble 180,000 quintaux ou environ. Ils ajoutent que, si l’Assemblée nationale jugeait à propos de réduire toutes les églises des villes à trois cloches, et celles des campagnes à deux cloches, ou si, sans les réformer en nombre, on trouvait convenable de les refondre successivement pour en réduire le poids de moitié, en leur conservant le même son, on retirerait encore 80,000 cloches sur les 40 à 43,000 paroisses du royaume, à raison de deux cloches à réformer par paroisse, ce qui produirait 400,000 quintaux de métal à raffiner, et, en tout, près de 600,000 quintaux, dont la valeur, d’après leur estimation, rendrait 27 millions au Trésor public et fournirait 450,000 quintaux de cuivre raffiné au commerce national. Suivant leur estime, la matière des cloches est ordinairement composée des trois quarts en cuivre et d’un quart en étain ; mais ils pensent que les cloches des couvents de mendiants et des campagnes ont été fondues avec du cuivre impur mélangé de plomb, de fer, de cuivre jaune et d’étain commun, ce qui augmentera considérablement le déchet du raffinage. Cependant, ils offrent de rendre 75 livres de bon cuivre par cent de cloches qui leur serait délivré, et regar-gardent comme illusoire l’idée de conserver une partie de l’étain qui s’y trouve, les frais, disent-ils, qu’il faudrait faire pour retirer cette portion d’étain devant balancer ou surpasser la valeur de ce métal. Ils évaluent à 18 sols la livre seulement le cuivre provenant de cette opération, d’a-