28 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE Quelques membres ayant présenté des réflexions contre la conduite de Lejeune, qui a ordonné la vente des biens d’un homme qui n’a pas encore été jugé, Dubois-Crancé demande qu’il ne soit rien prononcé en l’absence de Lejeune. Il propose de passer à l’ordre du jour. — Adopté (1)]. 5 LECOINTRE : Je demande le rapport de la loi du 22 prairial sur la nouvelle organisation du tribunal révolutionnaire. C’est une véritable loi martiale. — CHARLIER présente quelques observations relativement au rapport de la loi du 22 prairial, et demande que les lois abrogées par elle soient remises en vigueur. COCHON : Pour concilier toutes les opinions, je crois qu’il faut simplement rapporter la loi du 22 prairial, et décréter que les juges et les jurés qui sont restés au tribunal continueront d’instruire suivant les anciennes lois, les procès qui y sont pendants, jusqu’à l’organisation définitive de ce tribunal. MERLIN (de Douai) : Si vous adoptez cette proposition, vous désorganisez totalement le tribunal révolutionnaire; car, en vertu de quelle loi les juges de ce tribunal exercent-ils leurs fonctions ? En vertu de la loi du 22 prairial. Or, si vous rapportez cette loi, vous n’avez plus de juges. Je demande que les comités présentent demain l’organisation du tribunal révolutionnaire. BENTABOLE : Je crois qu’il faut rapporter la loi du 22 prairial et ses principes meurtriers sur la manière de juger. Quant aux juges et aux jurés, on n’a pas eu le temps d’examiner à fond la conduite de chacun d’eux. Je crois qu’il y a des patriotes parmi eux; mais enfin il y a des doutes sur un grand nombre. Peut-on laisser la vie et la mort entre les mains de gens sur lesquels il y a des doutes ? Cependant, comme il est nécessaire de ne pas suspendre l’action de ce tribunal, terrible pour les conspirateurs, en rapportant la loi du 22 prairial, je crois qu’il est nécessaire d’enjoindre aux comités de salut public, de sûreté générale et de législation, de présenter demain la liste des membres qui doivent composer le nouveau tribunal révolutionnaire. BRIVAL : Je vais citer un fait à l’assemblée qui la fera frémir d’horreur. Un homme, à qui Robespierre a fait donner un appartement superbe dans le pavillon de Flore, et qui se servait des meubles de la république qui y étaient, m’a rapporté, il y a quelques jours, que Robespierre lui avait dit que plusieurs jurés du tribunal révolutionnaire ne votant pas la mort dans toutes les causes, il allait les faire renouveler. D’après ce fait, vous sentez que la compo-(1) J. Sablier (du soir), n“ 1 472. sition des jurés est tout à fait mauvaise : je demande qu’ils soient tous changés (1). [DUPIN ajoute que Robespierre avoit placé à ce tribunal 4 jurés qui ne savoient ni lire ni écrire, qui arrivoient tous les jours ivres au tribunal, et que pour les faire voter, on se servoit de cette expression, feu de file. — Mouvement d’horreur (2)]. BOURDON (de l’Oise) : Nous sommes tous convaincus de la lâcheté des complices de Robespierre, qui composaient la majorité des jurés du tribunal révolutionnaire; mais, citoyens, ne plongeons pas le poignard dans le sein des patriotes qui ont résisté aux ordres que leur intimait le tyran; rappelons-nous que dans l’affaire de Gossin quatre de ces estimables citoyens ont voté à décharge, quoique environnés d’assassins. La Convention rapporte cette loi à l’unanimité et au milieu des plus vifs applaudissements (3). La Convention nationale rapporte la loi du 22 prairial, concernant l’organisation du tribunal criminel révolutionnaire, et charge ses comités de salut public, de sûreté générale et de législation, réunis, de lui présenter demain un rapport sur une nouvelle organisation de ce même tribunal (4). 6 FRÉRON : J’ai vu avec un étonnement mêlé d’horreur, sur la liste des nouveaux membres présentés pour composer le tribunal révolutionnaire, des hommes que l’estime publique réprouve. Tout Paris vous demande le supplice justement mérité de Fouquier-Tinville. [On applaudit], Vous avez envoyé au tribunal révolutionnaire l’infâme Dumas et les jurés qui, avec lui, partageaient les crimes du scélérat Robespierre. Je vais vous prouver que Fouquier est aussi coupable qu’eux. Car si le président, si les jurés étaient influencés par Robespierre, l’accusateur public l’était également, puisqu’il rédigeait les actes d’accusation dans les mêmes vues. Je demande que Fouquier-Tinville aille expier dans les enfers le sang qu’il a versé. Je demande contre lui le décret d’accusation. [On applaudit ] (5). (1) Moniteur ( réimpr.), XXI, 368; Débats, n° 681, 254-256; Ann. R. F., n0s 243 et 244; J. Perlet, n° 678; J. Fr., n° 676; Ann. patr., n° DLXXVIII; J. Paris, n° 579; J. Sablier (du soir), n° 1 472; J. Lois, n° 675; Rép., n° 225. (2) J. Fr„ n° 676; Ann. R.F., n° 244. (3) Moniteur (réimpr.), XXI, 369, Débats, n° 681,256-257. La plupart des gazettes précisent que la Convention se lève toute entière pour rapporter le décret. (4) P.-V., XLII. 280. Minute de la main de Lecointre (de Versailles). Décret n° 10 189. Reproduit dans Bln, 14 therm.; J. Jacquin, n° 733�bj J. Mont., n° 95; J. uniu., n° 1 712; C. unie., n° 944; Audit, nat., n° 677; J. Sablier, n° 1 474; F.S.P., n° 393: Mess. Soir, n° 712; J.S. -Culottes, n° 533; C. Eg., n° 713; M.U.. XLII, 239. Voir Arch. Pari., t. XCI, séance du 22 prair. Il, n° 71. (5) Moniteur (réimpr.), XXI, 368; Débats, n° 681, 254-255: J. Fr., n° 676, J. Lois, n° 675; Ann. R. F., n° 243; C. Uniu.. n° 944; J. Sablier, n° 1 474; J. Paris, n° 579; M.U., XLII, 239; J. Perlet, n° 678; F.S.P., n° 393; Mess. Soir, n° 712. SÉANCE DU 14 THERMIDOR AN II (T AOÛT 1794) - Noÿ7-8 29 [Un membre (1) rappelle le fait cité il y a quelques jours par Vadier, que l’accusateur public Fouquier a résisté à la volonté de la convention nationale manifestée par un décret, en obéissant au tyran Robespierre qui lui défendoit de mettre en jugement Catherine Théos et ses complices (2)]. Plusieurs membres : Aux voix le décret d’accusation ! TURREAU : Je m’oppose au décret d’accusation. Ce serait faire trop d’honneur à ce scélérat. Je demande qu’il soit mis simplement en arrestation et en jugement, et traduit au tribunal révolutionnaire (3). La Convention nationale décrète [sur la proposition de TURREAU] que Fouquier-Tin-ville, accusateur public près le tribunal révolutionnaire, sera sur-le-champ mis en arrestation et traduit au tribunal révolutionnaire, pour y être, sans délai, mis en jugement (4). [Applaudissements. La Convention se lève toute entière ]. 7 BARRAS : Les triumvirs que vous venez d’abattre, tous les agents de ces hypocrites conspirateurs avaient des projets extrêmement vastes. Quant la Convention nationale connaîtra les dispositions qu’ils avaient faites pour anéantir la République, elle frémira d’horreur. On avait réuni sur la tête du scélérat Hanriot un pouvoir immense. Non-seulement il avait le commandement de la force parisienne, mais il était chef de la 17e division militaire. Je demande qu’à l’avenir le commandant de la 17e division militaire n’ait plus d’influence sur la force armée de Paris (5). La Convention nationale, sur la motion d’un membre [BARRAS], décrète que le commandant général de la 17e division militaire de la République ne pourra exercer aucune autorité sur la garde nationale de Paris (6). La séance est levée à trois heures un quart (7). (1) Monmavou, d'après J. Mont. (n° 95); Ann. pair. (n° DLXXVIII); C.Eg., (n° 713); Rép. (n" 225). (2) J. Jacquin, n(l 733�; Audit, nat., n° 677. (3) Moniteur ( réimpr.), XXI 368; Débats. n° 681, 255. Selon Ann. pair, et C. Eg., le rapporteur serait Thirion. (4) P.V., XLII, 290. Minute de la main de Turreau. Décret n° 10 190. Reproduit dans Bm, 14 therm.; J. univ., n° 1 712; J. S. -Culottes, n° 533. (5) Moniteur (réimpr.), XXI, 372; Débats, n° 681, p. 264-265; J. S. -Culottes, n° 533; J. Fr., n°677; Audit, nat., n° 677; J. Sablier, n° 1 474 ; Rép., n° 225; J. Perlet, n° 678; C. univ., n° 944; J. Mont., n° 95: J. Jacquin, n° 733�ls( F.S.P., n° 393; Ann. pair., n° DLXXIX. (6) P.-V., XLII, 190. Minute de la main de Barras. Décret n° 10 191. Reproduit dans B"‘, 14 therm.; Mess. Soir, n° 713; J. Paris, n° 579; C. Eg.. n° 713; J. Lois. n° 675. Voir ci-après, séance du 15 therm., n° 49. (7) Procès-verbal rédigé En exécution du décret du 3 brumaire an IV. Signé HENRI-LARIVIÈRE, président; BAILLY, VILLERS, DELECLOY, LAURENCEOT, secrétaires. Voir Arch. Pari, t. XCIII, fin de la séance du 2 thermidor. p. 372. AFFAIRES NON MENTIONNÉES AU PROCÈS-VERBAL 8 [ Justification du citoyen LAVICOMTERIE, député à la Convention, lue dans la séance du 14 thermidor]. Citoyens, on m’a dénoncé hier au soir, pour ne m’être point montré dit-on, dans la nuit du 9 au 10. Un court détail des faits va démontrer que mes dénonciateurs sont mal instruits. Je vais prouver que, pendant 14 heures, je n’ai point désemparé de la Convention et des comités de sûreté générale et de salut public. D’abord, le 9, je me rendis, sur les 7 heures, au comité de sûreté générale, où je rencontrai Voulland en costume de représentant du peuple, auquel je parlai. Je sortis pour monter à la Convention nationale. Je revins peu de temps après, et tentai en vain d’entrer au comité de sûreté générale. La force armée en bouchait l’entrée, et s’opposa, malgré toutes mes instances, à ce que j’y pénétrasse. Trois agents du comité, qui se trouvaient à la porte, lui attestèrent que j’en étais membre : cela fut inutile; on répondit que la consigne était de ne laisser passer personne. Voyant que mes instances étaient vaines, je me rendis au comité de salut public; les mêmes agents m’accompagnèrent jusqu’à la porte; j’y entrai, il pouvait être 8 heures et demie, 9 heures; j’y rencontrai Dubarran, qui sortait avec Prieur; parut sur-le-champ Carnot, à qui je demandai où étaient tous les membres; il me répondit qu’ils étaient à la Convention; il sortit et je le suivis. Moïse Bayle m’a vu sur les 10 heures à la séance. Elie Lacoste m’a vu également sur les 11 heures et demie à minuit. Beaucoup de mes autres collègues m’ont également vu, et je leur ai parlé. Louis (du Bas-Rhin) m’a vu aussi vers les 2 heures et demie, à cette séance immortelle. Je rencontrai Panis, à qui j’ai parlé dans l’entrée de la place du président; il pouvait être 3 heures. Enfin Louis (du Bas-Rhin) et Moïse Bayle m’ont rencontré au comité de salut public, sur les 4 heures et demie, 5 heures du matin; j’en suis sorti avec Louis (du Bas-Rhin), sur les 7 heures, pour me rendre au comité de sûreté générale, où je suis resté jusqu’à 9 heures, que je suis rentré chez moi. Enfin beaucoup d’actes que j’ai signés prouvent invinciblement ma présence. Voilà en abrégé ce que j’ai fait pendant la nuit du 9 au 10, pendant cette nuit si terrible pour les conspirateurs, si glorieuse pour le peuple et pour la Convention. On a dit que j’étais de cette caste justement proscrite qui traîne chez l’étranger son orgueil et sa misère; c’est une fausseté insigne; je le prouverai, s’il est nécessaire, par une quittance du franc fief que j’ai payé à la mort de mon père. On a dit encore que je n’avais point été au comité de salut public dans la nuit du 8 au 9, SÉANCE DU 14 THERMIDOR AN II (T AOÛT 1794) - Noÿ7-8 29 [Un membre (1) rappelle le fait cité il y a quelques jours par Vadier, que l’accusateur public Fouquier a résisté à la volonté de la convention nationale manifestée par un décret, en obéissant au tyran Robespierre qui lui défendoit de mettre en jugement Catherine Théos et ses complices (2)]. Plusieurs membres : Aux voix le décret d’accusation ! TURREAU : Je m’oppose au décret d’accusation. Ce serait faire trop d’honneur à ce scélérat. Je demande qu’il soit mis simplement en arrestation et en jugement, et traduit au tribunal révolutionnaire (3). La Convention nationale décrète [sur la proposition de TURREAU] que Fouquier-Tin-ville, accusateur public près le tribunal révolutionnaire, sera sur-le-champ mis en arrestation et traduit au tribunal révolutionnaire, pour y être, sans délai, mis en jugement (4). [Applaudissements. La Convention se lève toute entière ]. 7 BARRAS : Les triumvirs que vous venez d’abattre, tous les agents de ces hypocrites conspirateurs avaient des projets extrêmement vastes. Quant la Convention nationale connaîtra les dispositions qu’ils avaient faites pour anéantir la République, elle frémira d’horreur. On avait réuni sur la tête du scélérat Hanriot un pouvoir immense. Non-seulement il avait le commandement de la force parisienne, mais il était chef de la 17e division militaire. Je demande qu’à l’avenir le commandant de la 17e division militaire n’ait plus d’influence sur la force armée de Paris (5). La Convention nationale, sur la motion d’un membre [BARRAS], décrète que le commandant général de la 17e division militaire de la République ne pourra exercer aucune autorité sur la garde nationale de Paris (6). La séance est levée à trois heures un quart (7). (1) Monmavou, d'après J. Mont. (n° 95); Ann. pair. (n° DLXXVIII); C.Eg., (n° 713); Rép. (n" 225). (2) J. Jacquin, n(l 733�; Audit, nat., n° 677. (3) Moniteur ( réimpr.), XXI 368; Débats. n° 681, 255. Selon Ann. pair, et C. Eg., le rapporteur serait Thirion. (4) P.V., XLII, 290. Minute de la main de Turreau. Décret n° 10 190. Reproduit dans Bm, 14 therm.; J. univ., n° 1 712; J. S. -Culottes, n° 533. (5) Moniteur (réimpr.), XXI, 372; Débats, n° 681, p. 264-265; J. S. -Culottes, n° 533; J. Fr., n°677; Audit, nat., n° 677; J. Sablier, n° 1 474 ; Rép., n° 225; J. Perlet, n° 678; C. univ., n° 944; J. Mont., n° 95: J. Jacquin, n° 733�ls( F.S.P., n° 393; Ann. pair., n° DLXXIX. (6) P.-V., XLII, 190. Minute de la main de Barras. Décret n° 10 191. Reproduit dans B"‘, 14 therm.; Mess. Soir, n° 713; J. Paris, n° 579; C. Eg.. n° 713; J. Lois. n° 675. Voir ci-après, séance du 15 therm., n° 49. (7) Procès-verbal rédigé En exécution du décret du 3 brumaire an IV. Signé HENRI-LARIVIÈRE, président; BAILLY, VILLERS, DELECLOY, LAURENCEOT, secrétaires. Voir Arch. Pari, t. XCIII, fin de la séance du 2 thermidor. p. 372. AFFAIRES NON MENTIONNÉES AU PROCÈS-VERBAL 8 [ Justification du citoyen LAVICOMTERIE, député à la Convention, lue dans la séance du 14 thermidor]. Citoyens, on m’a dénoncé hier au soir, pour ne m’être point montré dit-on, dans la nuit du 9 au 10. Un court détail des faits va démontrer que mes dénonciateurs sont mal instruits. Je vais prouver que, pendant 14 heures, je n’ai point désemparé de la Convention et des comités de sûreté générale et de salut public. D’abord, le 9, je me rendis, sur les 7 heures, au comité de sûreté générale, où je rencontrai Voulland en costume de représentant du peuple, auquel je parlai. Je sortis pour monter à la Convention nationale. Je revins peu de temps après, et tentai en vain d’entrer au comité de sûreté générale. La force armée en bouchait l’entrée, et s’opposa, malgré toutes mes instances, à ce que j’y pénétrasse. Trois agents du comité, qui se trouvaient à la porte, lui attestèrent que j’en étais membre : cela fut inutile; on répondit que la consigne était de ne laisser passer personne. Voyant que mes instances étaient vaines, je me rendis au comité de salut public; les mêmes agents m’accompagnèrent jusqu’à la porte; j’y entrai, il pouvait être 8 heures et demie, 9 heures; j’y rencontrai Dubarran, qui sortait avec Prieur; parut sur-le-champ Carnot, à qui je demandai où étaient tous les membres; il me répondit qu’ils étaient à la Convention; il sortit et je le suivis. Moïse Bayle m’a vu sur les 10 heures à la séance. Elie Lacoste m’a vu également sur les 11 heures et demie à minuit. Beaucoup de mes autres collègues m’ont également vu, et je leur ai parlé. Louis (du Bas-Rhin) m’a vu aussi vers les 2 heures et demie, à cette séance immortelle. Je rencontrai Panis, à qui j’ai parlé dans l’entrée de la place du président; il pouvait être 3 heures. Enfin Louis (du Bas-Rhin) et Moïse Bayle m’ont rencontré au comité de salut public, sur les 4 heures et demie, 5 heures du matin; j’en suis sorti avec Louis (du Bas-Rhin), sur les 7 heures, pour me rendre au comité de sûreté générale, où je suis resté jusqu’à 9 heures, que je suis rentré chez moi. Enfin beaucoup d’actes que j’ai signés prouvent invinciblement ma présence. Voilà en abrégé ce que j’ai fait pendant la nuit du 9 au 10, pendant cette nuit si terrible pour les conspirateurs, si glorieuse pour le peuple et pour la Convention. On a dit que j’étais de cette caste justement proscrite qui traîne chez l’étranger son orgueil et sa misère; c’est une fausseté insigne; je le prouverai, s’il est nécessaire, par une quittance du franc fief que j’ai payé à la mort de mon père. On a dit encore que je n’avais point été au comité de salut public dans la nuit du 8 au 9,