SÉANCE DU 21 VENDÉMIAIRE AN III (12 OCTOBRE 1794) - N° 14 77 du peuple, vous le ne voulez pas. Déjà vos mains généreuses ont essuyé les larmes de la patrie éplorée, déjà vous avez étanché le sang qui ruisseloit de tous ses membres, et bientôt rétablie par vos soins salutaires, elle ne se ressentira plus de ses longues douleurs; alors, retrouvant toute son énergie, elle s’écriera, périsse le barbare altéré du sang de son frère! Citoyens représentans, ce n’est qu’au champ d’honneur que le sang français se plait à couler, mais c’en est fait, la terreur n’est plus ; vous l’avez anéantie, recevez donc, pères de la patrie, oui, recevez nos actions de grâces. Obéissance à la loy, respect et reconnaissance à la Convention nationale ; reconnaissance à nos frères d’armes ; secours à la vieillesse, aux veuves, aux orphelins et à tous les infortunés ; dévouement sans borne à la patrie : voilà nos sentiments et nos principes; nous avons juré d’y mourir... nous y mourrons. Citoyens représentans, nous appelons votre surveillance sur la composition actuelle des comités de section. Il y existe beaucoup de meneurs et d’intrigans, le peuple a souvent lieu de se plaindre de la manière dont il est accueilli dans ces comités par des individus qui depuis le commencement de la Révolution occupent ces places et ont contracté l’habitude de régir aristocratiquement. Nous vous demandons en conséquence de vouloir bien faire renouveler ces fonctionnaires aussi souvent que votre sagesse vous le fera juger nécessaire. Citoyens représentans, nous terminerons en vous remerciant de l’adresse que vous venez de faire au peuple français : nous en avons entendu la lecture hier, et nous y avons reconnu nos propres sentimens et les principes étemels de la vérité, de la justice et de l’amour de la patrie. La lecture de cette adresse a été souvent interrompue par les cris mille fois répétés de vive la république et la Convention nationale. Le peuple a surtout témoigné sa vive allégresse pour l’assurance que vous lui donnez de rester au poste qu’il vous a confié. Vive la république ! vive la représentation nationale. Ollivaut, président , Jullien, Raffy, L. Veruiz, secrétaires. Réponse du Président : Les sentimens que vous venez d’exprimer sont ceux que la Convention nationale professe ; elle ne soufrira plus que les élans de la liberté soient comprimés par une terreur funeste ; sous un gouvernement régulier, il n’y a d’autre terreur que celle qu’inspire aux scélérats le souvenir de leurs crimes. Que tous les bons citoyens se rallient autour de la représentation nationale; qu’ils suivent ses traces, et bientôt la malveillance déjouée ne souillera plus la terre de la liberté. La Convention nationale vous admet à la séance (29). Merlin (de Thionville) demande et l’assemblée ordonne l’insertion en entier au Bulletin, (29) Bull., 21 vend. l’impression et la distribution aux membres de la Convention de cette adresse (30). [Cette adresse, souvent interrompue par des applaudissements, sera insérée au bulletin.] (31) 14 Une députation nombreuse de la section de Mutius-Scævola [Paris] exprime les des opinions et de la presse ; regarde l’Adresse au peuple français comme un moyen de fixer l’esprit public qu’il appartient à la représentation nationale de diriger, et elle repousse le blasphème politique de ceux qui prétendent que ce droit appartient exclusivement aux sociétés populaires, dans lesquelles, disent-ils, réside immédiatement la souveraineté du peuple. Mention honorable, insertion au bulletin, impression de l’adresse et distribution aux membres (32). [La section de Mutius-Scaevola à la Convention nationale ] (33) Attachement aux principes, respect pour la représentation nationale, seul point de ralliement que doivent connaître tous les amis de la patrie, soumission entière à ses décrets, République une et indivisible, justice, liberté des opinions et de la presse, guerre à mort aux intrigants, aux factieux, aux hommes de sang qui voudraient rétablir le règne de la terreur, tels sont les sentiments qui animent les citoyens de la section de Mutius Scoevola; telle est la profession de foi que nous venons, en leur nom, faire à votre barre. En vain l’on s’efforce, en proclamant avec une affectation singulière l’oppression prétendue des patriotes et l’élargissement des ennemis de la Révolution, de faire craindre au peuple d’être bientôt asservi par ces derniers; des allarmes aussi insultantes à la force, à la puissance du peuple, ne sauraient nous intimider. Non, ils ne parviendront point à leur but ceux qui voudraient nous persuader qu’un peuple vainqueur de l’Europe entière liguée contre lui, doit redouter une poignée d’individus près d’être réintégrés, s’ils ne le sont pas encore, dans les prisons, d’où ils ont été tirés sur les sollicitations d’hommes qui n’ont demandé leur mise en liberté que pour avoir un motif de crier à la ré-(30) Débats, n° 750, 320 ; Gazette Fr., n° 1015. (31) Moniteur, XXII, 217. (32) P.V., XL VII, 122. Ann. Patr., n 650 ; Ann. R.F., n 21 ; C. Eg., n° 785; F. de la Républ., n° 21; Gazette Fr., n“ 1015; J. Fr., n° 747 ; J. Mont., n° 1 ; J. Paris, n° 22 ; J. Perlet, n' 749 ; M.U., XLIV, 332. (33) C 322, pl. 1353, p. 17. Moniteur, XXII, 224-225; Débats, n° 751, 325-326; Bull., 21 vend. 78 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE action du gouvernement révolutionnaire, de provoquer le rétablissement de la loi populicide du 22 prairial et la réorganisation d’une nouvelle boucherie sous le titre de tribunal révolutionnaire, et enfin dans l’espoir de rattraper la portion de tyrannie que leur avoient confiée les triumvirs, et qu’ils ont vue avec regret s’échapper de leurs mains. Qu’ils tremblent ces allar-mistes, ces continuateurs de la tyrannie ! le tocsin qu’ils sonnent, comme celui qu’au 9 thermidor fit sonner la commune conspiratrice, annonce leur agonie. Qu’ils tremblent! bientôt, comme elle, ils disparoitront. Qu’ils tremblent, tous les factieux, tous les fripons, tous les dila-pidateurs de la fortune publique, tous ces êtres immoraux qui ne cherchent à perpétuer l’anarchie que pour se soustraire à l’aide du désordre au supplice que méritent leurs forfaits, et ne s’efforcent de faire succéder la terreur à la justice que pour comprimer ceux qui témoins de leurs crimes appelleroient sur leurs têtes la vengeance nationale! Qu’ils tremblent! leur masque est tombé, la proclamation énonciative de vos principes, que vous venez d’adresser au peuple, a déchiré le voile. Cette proclamation tant désirée sera pour le peuple la boussole qui le dirigera; elle sera le miroir dans lequel il reconnoitra vos ennemis et les siens ; elle va enfin le tirer de la fluctuation allarmante dans laquelle on l’entretenait; elle va fixer invariablement l’esprit public, que vous seuls avez le droit de diriger, quoiqu’en disent ces individus, qui prétendent qu’il appartient exclusivement aux sociétés populaires, dans lesquelles réside immédiatement la souveraineté du peuple. O sophisme! ô blasphème politique ! tu es trop bien senti pour avoir besoin d’être combattu! Cette proclamation salutaire va déjouer les projets des terroristes, rallier à la représentation nationale ceux qu’ils avoient égarés, redonner leur énergie à ceux qu’ils avoient comprimés, et assurer à jamais le triomphe de la justice et de la liberté. Les citoyens de la section de Mutius, qui jamais ne se sont écartés des principes, qui ont fait, avec un courage soutenu la guerre à tous les ennemis de la Révolution, ont entendu la lecture de cette adresse avec calme et silence; ils l’ont couverte d’applaudissements et ont unanimement arrêté qu’elle serait lue dans 3 séances de suite, affichée dans le heu de leurs séances, proclamée avec pompe dans l’arrondissement de la section, et qu’une députation de six de ses membres se rendroit aujourd’hui dans votre sein, pour jurer en leur nom de n’avoir jamais d’autres principes que ceux énoncés dans votre adresse au peuple et de faire dans tous les temps un rempart de leurs corps à la représentation nationale. Vive la République. Vive la Convention! Signé des six commissaires. 15 Sur l’exposé de quelques abus qui se sont glissés dans certains comités, La Convention nationale décrète que ceux qui, ayant fait faillite, ne se sont pas complètement libérés avec leurs créanciers, ne peuvent exercer aucune fonction publique (34). CLAUZEL : On s’élève de tous côtés contre les fripons et les voleurs; cependant il existe dans les autorités constituées, des banqueroutiers qui n’ont pas fait honneur à leurs affaires. L’Assemblée a exclu ces hommes immoraux des comités révolutionnaires, je demande qu’ils le soient aussi des autres fonctions. — Applaudi (35). [Clauzel saisit cette occasion pour instruire la Convention d’une nouvelle preuve de la probité de certains membres des comités révolutionnaires. Ils forçoient leurs créanciers, qu’ils avoient ruinés par des banqueroutes frauduleuses, de leur donner des quittances finales, en les menaçant de les faire incarcérer et même guillotiner. Il propose, et l’Assemblée décrète qu’aucun banqueroutier, qui ne sera pas entièrement acquitté avec ses créanciers, ne pourra exercer de fonctions publiques.] (36) 16 Les canonniers des Amis-de-la-Patrie [Paris] viennent, à leur retour du département de la Mayenne, féliciter la Convention sur la chûte de Robespierre (37). [Bayard, capitaine d’artillerie, au nom de la section des Amis de la Patrie, lit l’adresse suivante] (38) Représentens, La compagnie des canonniers de la section des Amis de la Patrie qui depuis 9 mois a quitté l’enceinte de la représentation nationale, pour faire la guerre aux scélérats chouans dans le département de la Mayenne ; nous avons le regret de ne point annoncer la mort du dernier; représentens les enfants de la liberté, n’ont rien de plus précieux en rentrant dans leurs foyers ; de se rendre au sénat de leurs pères. Nos femmes, nos enfants, ne recevront notre amitié qu’après avoir félicité la Convention nationale du courage et de la fermetté opiniâtre qu’elle a montrée dans les complots scélérats de ce brigand Robespierre, monstre ypocrite du répu-(34) P.-V., XL VII, 122. C 321, pl. 1333, p. 35, minute signée de Clauzel, et p. 40 imprimée. Bull., 21 vend, (suppl. 2). (35) Débats, n 750, 324; Ann. Patr., n° 650; C. Eg., n° 785; F. de la Républ., n 21; Gazette Fr., n” 1015; J. Fr., n° 747; J. Mont., n° 1; J. Paris, n° 22; J. Perlet, n° 749; J. Univ., n 1782; M.U., XLIV, 332. (36) Ann. R.F., n" 21. (37) P.-V., XLVII, 122. Gazette Fr., n" 1015 ; J. Fr., n° 747; J. Mont., n° 1. (38) C 322, pl. 1353, p. 18. Moniteur, XXII, 217; Débats, n 750, 321.