56 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE sont pas suffisants pour nourrir leur famille. Ils demandent que la Convention, qui a toujours accueilli avec intérêt les infortunés, leur accorde une augmentation de secours (l). Le président... invite (l’orateur) aux honneurs de la séance et lui promet que les réclamations faites au nom de l’humanité auprès de la Convention nationale ne seront jamais vaines (2). Cette pétition est convertie en motion et la Convention rend le décret suivant : (3) « La Convention nationale, sur la pétition des aveugles nécessiteux, convertie en motion par un membre, « Décrète qu’outre les 15 sous qui leur sont comptés par l’administration des Quinze-Vingts, il leur sera de plus compté, dans leurs sections respectives, un secours de 10 sous pour leur femme, et celui de 5 sous pour chacun de leurs enfans » (4). 53 « Un membre [BERLIER] fait part du désintéressement du citoyen Médard Maret, qui a indiqué un trésor d’une appropriation facile, caché dans l’un des murs de conspirateur Es-piard. Il dépose les pièces qui constatent ce fait et l’importance de ce trésor (5). BERLIER : Je viens, citoyens, déposer dans votre sein un trait de désintéressement et de vertu qui ne doit pas être perdu pour l’histoire, et surtout pour l’humanité. Médard Maret, salarié d’Espiard, ci-devant baron d’Alleny, est l’homme dont je vais un instant vous entretenir. Peu de temps avant que d’Espiard, son indigne patron, payât de sa tête ses complots contre la république, il avait fait ce que font presque tous les traîtres, il avait caché ses trésors. Maret n’était point de la confidence, car le crime ne se confie pas à la vertu; mais Espiard n’avait pu remplir son objet sans que ses démarches fussent aperçues. Il fut peu après traduit au tribunal révolutionnaire, et condamné à la peine capitale. Un trou pratiqué dans le mur d’une mansarde recélait ses trésors; Maret, s’il eût été un homme improbe, pouvait aisément s’en saisir : il logeait sous le même toit; mais un tel désir était loin de son cœur. Son premier soin, au contraire, est de déclarer ce qu’il sait au commissaire qui vient pour faire inven-(1) Mon., XXI, 188. (2 j Débats, n° 658. 3 Mon., XXI, 188. (4) P.V., XLI, 157. Minute de la main de Merlino. Décret n° 9864. J. Sablier, n° 1429 ; Mess, soir, n° 691 ; F.S.P., n° 371 ; C. Eg., n° 691 ; Ann. patr., n° DLVI ; M.U., XLI, 375; J. Fr., n° 654; J. Mont., n° 75; J. Perlet, n° 657 ; J. S. Culottes, n° 512. (5) P.V., XLI, 157. taire. Le léger enduit qui recouvrait le point du dépôt est bientôt abattu, et laisse apercevoir : 1° En argent monnayé, 25,877 liv. ; 2° En louis doubles-et simples, 66,000 liv.; 3° En un premier tas d’argenterie, 388 marcs 7 onces ; 4° En un autre tas d’argenterie, 49 marcs, 2 onces, 2 gros; 5° En or, 1 marc 4 gros, 17 grains; 6° Plusieurs bijoux et diamants de grand prix; Enfin, 9 armes, tant fusils qu’épées et pistolets. Ainsi a été conservé à la république un trésor en valeur de plus de 200,000 liv.; et par qui ? par un citoyen qui fut, selon le témoignage du district, toujours sans fortune, et est aujourd’hui sans profession; par un père de famille qui n’est riche que de ses vertus et des enfants qu’il a donnés à la patrie. Nul, sans doute, ne demandera si Maret est patriote; de toutes parts on l’atteste; mais le trait qu’il vient d’offrir à ses contemporains et à la postérité en est la preuve la plus éclatante. O vous, sangsues dévorantes des deniers publics, vous qui regorgez de richesses mal acquises, venez vous instruire à l’école de la pauvreté et des mœurs ! Vous ne serez point surpris, citoyens, que Maret ne demande rien; ce brave homme a rempli son devoir sans attendre de récompense ; mais le district de Dijon s’est cru obligé d’appeler sur ce citoyen la reconnaissance nationale. C’est le district qui sollicite pour lui une récompense que probablement il ignorait lui être décernée par une loi générale qui la fixe au vingtième de la valeur des objets déclarés. Les faits, dont je viens de vous rendre compte résultent et du procès-verbal et de l’arrêté que je dépose sur le bureau (l). « [BERLIER] demande que la Convention décrète la mention honorable de la conduite du citoyen Maret, avec insertion au bulletin de la note relative à ce fait, et renvoi au comité d’instruction publique. « Il demande en outre qu’il soit accordé à ce citoyen, à titre d’avance sur la récompense nationale qui lui est assurée par la loi du 23 brumaire, une somme de 4,500 liv., qui lui sera payée par la trésorerie nationale, ou pour lui à son fondé de pouvoirs, à la présentation du présent décret. « Ces diverses propositions sont décrétées. « Le présent décret ne sera pas imprimé » (2). [Applaudissements] 54 « La Convention nationale, après avoir entendu son comité des secours publics, (l) Mon., XXI, 187. (2) P.V., XLI, 157. minute de la main de Berlier. Décret n° 9865. B‘n, 4 therm. ; Débats, n° 658 ; J. Sablier, n° 1429 ; J. Mont., n° 75 ; Mess. Soir, n° 690 ; M.U., XLI, 363 ; Rép., n° 203 ; J. Paris, n° 557 ; J. Fr., n° 654 ; Audit, nat., n° 655; J. Perlet, n° 656; J. S. Culottes, n° 511. 56 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE sont pas suffisants pour nourrir leur famille. Ils demandent que la Convention, qui a toujours accueilli avec intérêt les infortunés, leur accorde une augmentation de secours (l). Le président... invite (l’orateur) aux honneurs de la séance et lui promet que les réclamations faites au nom de l’humanité auprès de la Convention nationale ne seront jamais vaines (2). Cette pétition est convertie en motion et la Convention rend le décret suivant : (3) « La Convention nationale, sur la pétition des aveugles nécessiteux, convertie en motion par un membre, « Décrète qu’outre les 15 sous qui leur sont comptés par l’administration des Quinze-Vingts, il leur sera de plus compté, dans leurs sections respectives, un secours de 10 sous pour leur femme, et celui de 5 sous pour chacun de leurs enfans » (4). 53 « Un membre [BERLIER] fait part du désintéressement du citoyen Médard Maret, qui a indiqué un trésor d’une appropriation facile, caché dans l’un des murs de conspirateur Es-piard. Il dépose les pièces qui constatent ce fait et l’importance de ce trésor (5). BERLIER : Je viens, citoyens, déposer dans votre sein un trait de désintéressement et de vertu qui ne doit pas être perdu pour l’histoire, et surtout pour l’humanité. Médard Maret, salarié d’Espiard, ci-devant baron d’Alleny, est l’homme dont je vais un instant vous entretenir. Peu de temps avant que d’Espiard, son indigne patron, payât de sa tête ses complots contre la république, il avait fait ce que font presque tous les traîtres, il avait caché ses trésors. Maret n’était point de la confidence, car le crime ne se confie pas à la vertu; mais Espiard n’avait pu remplir son objet sans que ses démarches fussent aperçues. Il fut peu après traduit au tribunal révolutionnaire, et condamné à la peine capitale. Un trou pratiqué dans le mur d’une mansarde recélait ses trésors; Maret, s’il eût été un homme improbe, pouvait aisément s’en saisir : il logeait sous le même toit; mais un tel désir était loin de son cœur. Son premier soin, au contraire, est de déclarer ce qu’il sait au commissaire qui vient pour faire inven-(1) Mon., XXI, 188. (2 j Débats, n° 658. 3 Mon., XXI, 188. (4) P.V., XLI, 157. Minute de la main de Merlino. Décret n° 9864. J. Sablier, n° 1429 ; Mess, soir, n° 691 ; F.S.P., n° 371 ; C. Eg., n° 691 ; Ann. patr., n° DLVI ; M.U., XLI, 375; J. Fr., n° 654; J. Mont., n° 75; J. Perlet, n° 657 ; J. S. Culottes, n° 512. (5) P.V., XLI, 157. taire. Le léger enduit qui recouvrait le point du dépôt est bientôt abattu, et laisse apercevoir : 1° En argent monnayé, 25,877 liv. ; 2° En louis doubles-et simples, 66,000 liv.; 3° En un premier tas d’argenterie, 388 marcs 7 onces ; 4° En un autre tas d’argenterie, 49 marcs, 2 onces, 2 gros; 5° En or, 1 marc 4 gros, 17 grains; 6° Plusieurs bijoux et diamants de grand prix; Enfin, 9 armes, tant fusils qu’épées et pistolets. Ainsi a été conservé à la république un trésor en valeur de plus de 200,000 liv.; et par qui ? par un citoyen qui fut, selon le témoignage du district, toujours sans fortune, et est aujourd’hui sans profession; par un père de famille qui n’est riche que de ses vertus et des enfants qu’il a donnés à la patrie. Nul, sans doute, ne demandera si Maret est patriote; de toutes parts on l’atteste; mais le trait qu’il vient d’offrir à ses contemporains et à la postérité en est la preuve la plus éclatante. O vous, sangsues dévorantes des deniers publics, vous qui regorgez de richesses mal acquises, venez vous instruire à l’école de la pauvreté et des mœurs ! Vous ne serez point surpris, citoyens, que Maret ne demande rien; ce brave homme a rempli son devoir sans attendre de récompense ; mais le district de Dijon s’est cru obligé d’appeler sur ce citoyen la reconnaissance nationale. C’est le district qui sollicite pour lui une récompense que probablement il ignorait lui être décernée par une loi générale qui la fixe au vingtième de la valeur des objets déclarés. Les faits, dont je viens de vous rendre compte résultent et du procès-verbal et de l’arrêté que je dépose sur le bureau (l). « [BERLIER] demande que la Convention décrète la mention honorable de la conduite du citoyen Maret, avec insertion au bulletin de la note relative à ce fait, et renvoi au comité d’instruction publique. « Il demande en outre qu’il soit accordé à ce citoyen, à titre d’avance sur la récompense nationale qui lui est assurée par la loi du 23 brumaire, une somme de 4,500 liv., qui lui sera payée par la trésorerie nationale, ou pour lui à son fondé de pouvoirs, à la présentation du présent décret. « Ces diverses propositions sont décrétées. « Le présent décret ne sera pas imprimé » (2). [Applaudissements] 54 « La Convention nationale, après avoir entendu son comité des secours publics, (l) Mon., XXI, 187. (2) P.V., XLI, 157. minute de la main de Berlier. Décret n° 9865. B‘n, 4 therm. ; Débats, n° 658 ; J. Sablier, n° 1429 ; J. Mont., n° 75 ; Mess. Soir, n° 690 ; M.U., XLI, 363 ; Rép., n° 203 ; J. Paris, n° 557 ; J. Fr., n° 654 ; Audit, nat., n° 655; J. Perlet, n° 656; J. S. Culottes, n° 511.