544 [AssemLlée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, [4 avril 1791.] Art. 6. «Le directoire du département de Paris sera chargé de mettre promptement l’édifice de Sainte-Geneviève en état de remplir sa nouvelle destination, et fera graver au-dessus du portique ces mots : « Aux Grands Hommes, « La Patrie reconnaissante. » Art. 7. « En attendant que le nouvel édifice de Sainte-Geneviève soit achevé, le corps de Riquetti-Mira-beau sera déposé à côté des cendres de Descartes, dans le caveau de l’ancienne église de Sainte-Geneviève. »> M. Tuaut de la Bouverie. L’ajournement de la motion de M. de Grillon n’est pas de la dignité de l’Assemblée. 11 faut qu’elle soit décrétée à l’instant. M. de Oillon le jeune. Si l’Assemblée juge qne ce n’est pas là le moment... (Interruption.) M. Prieur. On a retranché la nomenclature des grands hommes, on ne peut pas admettre votre motion. M. Chabroud. Ce n’est pas un seul trait d’héroïsme et de vertu qui constitue le grand homme. S’il fallait élever des monuments à tous les traits d’héroïsm français, 30 basiliques comme Sainte-Geneviève ne suffiraient pas. M. de Crlllon le jeune. Je réponds à M. Cha-broud que le décret dit : les grands hommes morts depuis la Révolution. Or, je n’en connais pas un second. M. Desilles est celui qne la nation a déjà jugé digue de cet honneur. Plusieurs membres .• A l’ordre du jour! (L’Assemblée passe à l’ordre du jour.) La suite de la discussion sur les successions est reprise. M; de Saint-Martin. Messieurs, vous avez aboli le droit d’aînesse et fait disparaître toutes les inégalités qui, dans les successions et les partages, résultaient des dispositions de la loi. Ce décret que la nation attendait de votre sagesse était une conséquence nécessaire du premier article de votre déclaration des droits et vous n’avez fait que la prononcer. Mais est-il également juste, également sage d’abolir les inégalités résultant de la volonté de l’homme ? A entendre les partisans de l’égalité absolue dans les successions, l’inégalité qui est l’effet d’une disposition testamentaire, ou d’entre vifs, n’est ni moins injuste ni moins impolitique que celle qui était établie par la loi. « La politique et la morale, disent-ils, réclament à la fois contre le droit de disposer de ses biens, soit par donation, soit par testament; toute bonne législation doit tendre à rapprocher, autant qu’il est possible, les extrêmes; à ne souffrir ni opulence ni misère; on ne peut atteindre ce but qu’en multipliant les obstacles contre la pente naturelle qu’ont les richesses à s’accumuler dans les mêmes mains; et le droit de tester et de donner produit précisément l’effet contraire. « D’un autre côté ce droit est funeste aux mœurs; il déprave le cœur des pères et des enfants; il donne à ceux-là le caractère des tyrans, à ceux-ci l’âme des esclaves; par lui, la tendresse paternelle, qui doit s’étendre également sur tous les enfants, se resserre, se concentre dans un seul qui, pour l’ordinaire, est le premier-né. Cet enfant devient leur idole, et cette cruelle préférence ulcère le cœur de ses frères qui, bientôt, ne voient en lui qu’un ennemi; plus d’union, plus de paix, plus de bonheur dans la famille; la haine s’y établit, la discorde y règne. Le père, qui n’a fait qu’un ingrat, descend au tombeau sans emporter aucuns regrets, et dès lors commencent des procès qui, souvent, dévorent tout son patrimoine. » Tels sont en substance, Messieurs, les inconvénients qu’on reproche à la faculté de tester et de donner. Avant d’examiner s’ils sont aussi réels qu’on le suppose, je vous prie de me permettre quelques réflexions très courtes. On ne me contestera pas, sans doute, que le droit de propriété ne soit le premier fondement de toute société cultivatrice et commerçante, je pourrais même dire, de toute société politique. On conviendra également que c’est dans la faculté d’user, et même d’abuser, comme il nous plaît de ce qui nous appartient, que consiste essentiellement la propriété. Mais, s’il en est ainsi, comment concilier la prohibition absolue de tester et de donner, avec le respect dû à la propriété? Celui-là peut-il se dire propriétaire qui n’a pas la libre disposition de son propre bien ? qui est astreint à le laisser en entier aux personnes désignées par la loi? L’on me dira, peut-être, avec Puffendorf Rousseau , et autres publicistes, que, par sa nature, le droit de propriéténe s’étend point au delà de la vie du propriétaire, et que dès l’instant qu’un homme est mort, son bien ne lui appartient plus : mais en admettant ce principe, la difficulté n’est écartée que quant aux dispositions testamentaires : il reste toujours qu’on ne peut interdire les donations d’entre-vifs, sans porter atteinte au droit de propriété. Je n’examinerai point si la propriété dérive du droit naturel, ou si elle ne tire son origine que du droit civil; je pourrais dire en faveur de la première opinion que, dans l’état de nature, l’homme pouvait, sans doute, regarder comme son propre bien la cabane qu’il avait construite, et les fruits qu’il avait cultivés ; je pourrais ajouter que, dans votre déclaration des droits, vous avez compté la propriété parmi les droits naturels et imprescriptibles de l’homme; mais, quoi qu’il en soit, il est toujours vrai et incontestable, que ce droit est le plus sacré des droits des citoyens, et que conséquemment le législateur ne saurait apporter trop de circonspection et de réserve dans les règlements qui tendent à le modifier, l’altérer. Or, puisque c’est l’attaquer dans un de ses principaux attributs, que d’interdire, soit aux chefs de famille, ou aux autres particuliers, la faculté de disposer de leur propre bien; une pareille prohibition ne serait légitime qu’ autant qu’elle serait impérieusemeut commandée par l’intérêt général de la société : j’aperçois bien des motifs de ne pas laisser aux pères, mères et autres ascendants, une liberté indéfinie à cet égard ; mais je n’en vois aucuns d’assez puissants pour légitimer une loi qui leur lierait absolument les mains, et moins encore une loi qui étendrait cette rigueur aux citoyens qui n’ont ni enfants ni descendants. Ce serait renchérir sur la sévérité des lois somptuaires, et l’on sait que les lois