(Étals gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (Pans hors les murs.] 579 CAHIER Des plaintes , doléances , représentations et demandes de la paroisse et communauté de Ger-migmj-sous-Colornùs (1). Les habitants de ladite paroisse et communauté soussignés, considérant : Que depuis cent soixante-quinze ans la nation n’a pas été consultée sur ses intérêts; Que jamais peut-être elle n’a été aussi complètement assemblée quelle va l’être aux prochains Etats généraux ; Que jamais aussi elle n’a eu à délibérer sur des intérêts aussi grands, aussi compliqués que ceux qui seront traités dans cette auguste assemblée; Considérant encore que le but est de trouver la source des maux de l’Etat, d’indiquer des remèdes efficaces pour faire cesser et prévenir les abus de tout genre. Il serait sans doute essentiel d’entrer dans l’examen de toutes les parties de l’administration, mais qu’il y en ail une, sur toutes, qui les intéresse plus particulièrement, c’est-à-dire la partie des impositions. Ils remarquent avec douleur, qu’à mesure qu’elles augmentent, les peuples s’appauvrissent, etles besoins de l’Etat s’accroissent. 11 y a donc un vice radical dans la répartition des impôts, dans leur perception et dans l’emploi de leur produit. C’est à MH. les députés à bien se pénétrer de cette vérité. C’est à eux à se pénétrer de l’importance de la mission qui va leur être conliée. C’est à eux à seconder les vues bienfaisantes et paternelles du monarque qui nous gouverne, et celles du vertueux et courageux ministre de Louis XVI. Pénétrés de la plus respectueuse reconnaissance pour leur auguste maître, les habitants de ladite communauté vont avec confiance présenter les moyens qui leur sont indiqués par leur conscience, pour arriver au but que Sa Majesté se propose. Le vœu généra] de la paroisse et communauté de Germigny-sous-Golombes est : Art. 1er. Que les députés qui seront choisis pour représenter le châtelet de Paris aux Etats généraux, s’occupent de la régularité et de la forme de leur convocation et composition. Qu’elle soit telle, que. les représentants au tiers-état y soient toujours au moins en nombre égal aux représentants des autres ordres, et que, dans le cas où les ordres ne seraient pas d'accord, les voix y soient comptées par tête. Art. 2. Que dans le cas où’ les Etats généraux ne seraient pas permanents, leur retour soit indiqué à une époque lixe et périodique. Art. 3. Qu’avant toutes choses, il soit pourvu à la sûreté et à la libertédes citoyens, en abolissant l’usage des lettres de cachet. Art. 4. Que les propriétés des citoyens soient assurées par une loi inviolable, qui ne permette pas qu’elles soient chargées d’aucun impôt, qui n’ait été consenti par les Etats généraux, de concert avec Sa Majesté. Art. 5. Que les impositions ne puissent être consenties que pour un temps fixe, et ne puissent être prorogées sans le consentement des Etats généraux. (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de V Empire. Art. 6. Que les ministres ne puissent, à l’avenir, faire ni proposer aucun emprunt, sans le consentement de la nation. Art. 7. Que les impôts subsistants sous quelque dénomination que ce soit, soient convertis en deux impôts simples et d’une facile perception, l’un sur les biens des campagnes, et l’autre sur les facultés personnelles et individuelles. Art. 8. Que les biens des campagnes soient imposés dans les lieux de leur situation. Qu’à l’égard des facultés personnelles et individuelles, elles soient imposées au domicile de fait ou de droit de chaque citoyen. Art. 9. Que les impositions, soit foncières, soit personnelles, soient réparties sur tous les citoyens, dans la proportion de leurs biens et facultés, sa:~ distinction de rang, d'ordre ni de privilège. Art. 10. Qu’il soit accordé à chaque provine des Etats particuliers, qui seront composés et organisés à l’instar des Etats généraux. Que ces Etats particuliers soient autorisés à faire ou à faire faire la division, subdivision, répartition et perception locale et individuelle de toutes les impositions. Qu’ils soient aussi autorisés à faire ou faire faire le versement de leur produit dans la caisse nationale. Art. 11 Que les Etats généraux doivent s’occuper de la vérification et fixation de la dette nationale, à l’effet de quoi ils en examineront les causes, les titres des pensions, etc. Art. 12. Qu’ensuite, ils fixeront la dépense de chaque département, même celle de la maison du Roi, de concert avec Sa Majetsé, assigneront les fonds nécessaires à chaque département, avec des précautions, afin qu’ils ne puissent être ni dissipés ni divertis, ni même confondus. Art. 13. Que les ministres et administrateurs, dans quelque département que ce soit, soient comptables et responsables envers le Roi et la nation de leur conduite, et particulièrement de l’administration des finances, et puissent être punis des prévarications dont ils se rendraient coupables, suivant les lois du royaume. Art. 14. En conséquence de ce que les habitants de Germigny ont demandé par l’article 7 ci-dessus, Ils demandent que les aides et gabelles soient supprimées : 1° Parce que le s aides sont un impôt d’autant plus à charge, qu’il est dix fois répété si la denrée est vendue dix fois, avant sa perte ou sa consommation. 2° Parce que la gabelle est un impôt trop à charge aux peuples qui payent au moins le triple de sa valeur, le sel étant une denrée de première nécessité, qui seule, si elle était moins chère, serait d’un si grand secours aux cultivateurs pour l’amélioration de leurs bestiaux. Art. 15. Que la taille et ses accessoires soient aussi supprimés, parce que ces impôts frappent trop fortement sur la classe des cultivateurs et du pauvre peuple, refroidissent l’émulation , énervent l'industrie et nuisent à la perception des autres impôts. La corvée n’est-elle pas supportée par ceux qui en profitent le moins ? , Art. 16. Que les traites et douanes soient supprimées dans l’intérieur durovaume, et, à cet effet, les barrières reculées aux frontières, sans distinction de provinces. Art. 17. Que les péages et pontonages soient supprimés dans toute l’étendue du royaume, sauf l’indemnité des propriétaires légitimes. Les droits dechamparts aussi supprimés. 580 [États ëén-1789- Cahiers.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Paris hors les raurs.J Art. 18. Qu’il y ait égalité d’aune, de poids et mesure dans toute l’étendue du royaume. Art. 19. Que les tribunaux d’exception, tels que les bureaux de finances, les élections, les greniers à sel, les maîtrises, etc., soient supprimés. Ils sont coûteux par leurs gages. Ils sont inutiles, parce que les tribunaux ordinaires pourraient suffire à tout. Ils sont nuisibles par leurs privilèges et l’ignorance d’une partie des individus qui les composent. Art. 20. Que les Etats généraux doivent insister sur la réformation des codes civil et criminel. 1° La marche de la procédure devient de plus en plus si lente, si compliquée et si obscure, qu’il n’y a pas un citoyen éclairé qui ne soit convaincu de la nécessité de cette réforme; 2° La justice criminelle est souvent vexatoire; faute de conseil, l’accusé languit, périt quelquefois dans les cachots; on ne peut lui refuser un défenseur sans inhumanité. Art. 21. Qu’il est essentiel de vérifier les arrondissements des tribunaux, pour approcher, autant que faire se pourra, les justiciables des juges dont ils ont besoin. Art. 22. Qu’il est important de supprimer une partie des offices de nouvelle création qui sont nuisibles aux campagnes; tels sont, par exemple, le grand nombre d’huissiers et surtout les huissiers-priseurs qui absorbent une partie des petites successions. Art. 23. Observent, lesdits habitants, que les règlements qui ont été rendus depuis environ dix ans, au sujet du dégât causé par le gibier, sont plutôt faits pour mettre des entraves aux réclamations des cultivateurs, que pour leur faciliter le moyen d’obtenir la restitution du dommage qu’ils ont souffert. Il est de la justice de rectifier les dispositions de ces règlements. Art. 24. Ils observent encore que les baux ordinaires sont trop courts, et que la prospérité de l’agriculture demande que leur durée soit au moins portée à quinze ans. Art. 25. Qu’il n’est pas moins essentiel d’ordonner que les ecclésiastiques seront tenus d’entretenir les baux de leur prédécesseur, à quelques titres qu’ils aient obtenu ces bénéfices. Art. 26. et denier. Que les portions congrues des curés soient fixées à 800 livres pour la campagne, et 1200 livres pour les villes, sauf à les augmenter à proportion de la population de la paroisse. A la charge, par eux, d’administrer les sacre-aents, secours spirituels, gratuitement. A la charge aussi, par eux, de toutes les réparations du presbytère. Le cahier ci-dessus, et des autres parts, a été fait et arrêté en l’assemblée générale de la paroisse et communauté dudit Germigny-sous-Co-lombes, au désir de la lettre du Roi et du règlement annexé, ainsi que de l’ordonnance de M. le prévôt de Paris à eux notifiée, cejourd’hui 18 avril 1789, et signé de nous, habitants, qui savons signer, tant en l’original laissé au secrétariat de cette communauté, qu’en ces présentes remises aux députés. D’Huimgue, syndic'; J. Ponut ; François Maillard-Laurette ; Jacques Lepage ; Cyprien Jouarre ; G. Baptiste Gilles; P. Lecomte; François Lecomte; Antoine-Louis Foucart. Paraphé ne varietur. Hochart. CAHIER. Des plaintes , doléances et remontrances de la paroisse de Gif-pi ès-Cheoreuse (1). Les habitants de la paroisse de Gif-près-Che-vreuse, assemblés en exécution des règlements donnés par le Roi, les 24 janvier et 28 mars dernier, et de l’ordonnance rendue parM. leprévôtde Paris, le 4 avril présent mois, chargent leurs députés de présenter le présent cahier de leurs plaintes, doléances et remontrances à l’assemblée générale des trois Etats de la prévôté et vicomté hors des murs de Pains, qui doit se tenir, le vendredi 24 du présent mois, devant M. le prévôt de Paris, ou son lieutenant civil. Les habitants de fa paroisse de Gif, prêts à contribuer , autant qu’ils le doivent et autant que leurs facultés le leur permettent, aux besoins actuels de l’Etat, représentent que les impositions dont ils sont chargés sont portées, depuis quelques années, à un taux excessif. Leur territoire est peu étendu, les deux tiers des terres de la paroisse ne peuvent produire que du seigle, les seules terres à blé, situées dans la plaine de Saclay, sont renfermées dans la capitainerie de Saint-Germain en Laye et exposées aux dégâts de l’abondance du gibier. Il y a dans la paroisse peu de moyens dès lors d’y nourrir des bestiaux; les trois quarts des habitants n’ont aucune espèce de propriété, ils sont manouvriers et les travaux sont peu fréquents dans le canton. Cependant le rôle de la présente année, pour la taille, ses accessoires, la capitation et les taxations des collecteurs montent à la somme de 12,042 livres 16 s. 6 d. Pour répartir cette charge énorme, il faut porter le classement des biens de la paroisse à un taux exorbitant. Les jardins et clos sont évalués à 45 livres de revenu par arpent. Les terres labourables de 15 livres à 12 et 10 livres. Les près sont fixés de 45 livres à 35 livres, et les pâtures à 10 livres. On comprend abusivement dans un article particulier du rôle, évalué arbitairement, les logements des fermiers et les bâtiments nécessaires à leur explotation, tandis que ces bâtiments ne produisent rien ; il en résùlte, ainsi que de l’évaluation des terres, prés et pâtures, bien supérieure au prix réel de location, une estimation des fermes au delà du prix des baux. Ils exposent que ces impositions sont perçues avec une rigueur affreuse pour les contribuables ; que les garnisons qu’on établit chez eux, sous prétexte du moindre retard, et sans leur laisser le temps nécessaire pour vendre leurs denrées, entraînent des frais qui les ruinent, sans opérer plus promptement le recouvrement. Que la conversion de la corvée en argent est d’autant plus onéreuse pour la paroisse de Gif, qu’elle avait antérieurement peu de corvée à fournir ; elle s’exigeait alors en nature. Les fermiers, voituriers et ceux qui avaient des chevaux y étaient seuls assujettis. Maintenant elle est supportée par tout taillable indistinctement, et conséquemment par les manouvriers et les habitants les plus pauvres, ce qui est pour eux une surcharge d’imposition. Les suppliants, pleins de confiance dans les (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l’Empire.