[Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. I g décembre 1793 193 Suit le texte de la chanson du citoyen Ducroisy d’après le Journal des Débats et des Décrets (1). LE MOIS DE FÉVRIER AUX MOIS UE JANVIER ET DE MARS Couplets sur le calendrier républicain. Air : Du Prévôt des marchands. Messieurs de Mars et de Janvier, Vous vous moquiez de Février : Près de trois fois six cents années Entre vous je fus comprimé; Mais enfin des âmes bien nées Viennent secourir l’opprimé. Quand je n’avais que vingt-huit jours, Sur trente-un vous comptiez toujours : Avril en me prêtant sa lune, Secondait votre lâcheté; Maintenant je ferai fortune, A l’ombre de la liberté. Tous les quatre ans un jour de plus Dans les miens se trouvait inclus. Par cet arrangement bizarre, Quelquefois je comptais vingt-neuf : Mais aujourd’hui tout se répare; La France ouvre un siècle tout neuf. Le temps reprenant son vrai cours, Chaque mois aura trente jours. Dans le calendrier de Rome Je fus déshérité par vous : Mais, grâce aux lumières de Romme (2), L’égalité règne entre nous. Dans le nouveau calendrier Je perds le nom de Février. Ce nom ne disait pas grand’chose; Les vôtres ne valaient pas mieux : Mais sous le titre de Ventôse, J’épure la terre et les cieux. Au changement que Fabre (3) a fait, Nous gagnerons tous en effet i Car cet élève de Molière Grave nos noms en lettres d’or, Depuis le gai Vendémiaire Jusqu’au superbe Fructidor. Rien de plus doux que Germinal. Rien de plus gai que Floréal. Tous ont, à la métamorphose Gagné des noms bien composés Nivôse même et Pluviôse Sont heureusement baptisés. Primidi mène à Duodi, Tridi, Quarlidi, Quintidi, SexlidC\ ient, Septidi passe Puis Octidi, puis Nonidi Et puis gaîment on se délasse Dans le repos du Décadi. Trois fois cent, plus trois fois dix jours, Du travail auront le secours; Ce fut la volonté d’un sage (4) : Mais des pontifes charlatans Mettaient tous les jours en chômage Et commandaient l’abus du temps. (1) Journal des Débals el des Décrets, frimaire an II, p. 318. (2) Romme, rapporteur du comité d’instruction publique, pour le nouveau calendrier. (3) Fabre d’Eglantine, auteur du Philinle de Mo¬ lière et de Y Intrigue épislolaire, rapporteur de la Commission chargée des nouvelles dénominations des mois et des jours. (4) Antonin ordonna, par un édit, qu’il y aurait trois cent trente jours de travail. lr« SÉRIE,' T. LXXXI. Nous remplaçons les vieux élus * Par les talents et les vertus : Voilà nos dieux, voilà nos guides; Et laissant là le rit romain, Les cinq jours des sans-culottides Sont fêtés du républicain. Au bout de trois ans, reviendra L’an que Sextile on nommera. La Grèce eut ses Olympiades : Avec pompe on les célébra, Mais nous aurons nos Franciades Que l’univers adoptera. Par le citoyen Ducroisy, chef de la deuxième division du comité des décrets de la Convention nationale. Le citoyen Bernard (de Saintes), représentant du peuple, envoie à la Convention un arrêté qu’il a pris contre les émigrés. Il lui demande son ap¬ probation. Renvoyé à la Commission chargée de la loi concernant les émigrés (1). Compte rendu du Bulletin de la Convention (2). Le représentant du peuple Bernard écrit de Montbéliard, le 14 frimaire, et fait passer un arrêté qu’il a pris contre les émigrés de ce pays, et les valets des tyrans, dont il a provisoirement fait séquestrer les biens et vendre les meubles. Il envoie aussi le procès-verbal de la cérémonie qui a eu lieu lors de la prestation du serment de fidélité à la France des citoyens de ce district. Il y joint un petit déjeuner d’argent doré, la croix avec sa chaîne, la mitre, gants et souliers, avec une petite boîte d’or, d’émail et de dia¬ mants, le tout provenant d’un aventurier qu’un prince avait fait évêque, pour couvrir ses débau¬ ches, et qui a suivi les dames de la cour de Mont¬ béliard. Le reste de sa garde-robe se vend con¬ jointement avec des harnais de chevaux; l’as¬ semblage est parfait. (1) Procès-verbaux de la Convention, t. 27, p. 76. (2) Supplément au Bulletin de la Convention natio¬ nale du 9e jour de la 2e décade du 3e mois de l’an II (lundi 9 décembre 1793). D’autre part, le Journal de Perlel [n° 444 du 20 frimaire an II (mardi 10 dé¬ cembre 1793), p. 73] et Y Auditeur national [n° 444 du 20 frimaire an II (mardi 10 décembre 1793), p. 73] rendent compte de la lettre de Bernard dans les termes suivants : I. Compte rendu du Journal de Perlet. « Les représentants du peuple dans le départe¬ ment de la Côte-d’Or y prennent des mesures vigou¬ reuses contre les ennemis de la chose publique. « Un aventurier, disent-ils, qu’un prince avait fait évêque, a oublié, à Montbéliard, sa croix, sa mitre, sa boîte, sa bague, le portrait et l’éventail de sa maîtresse; nous vous les envoyons. » II. Compte rendu de Y Auditeur national. Bernard, représentant du peuple, écrit de Mont¬ béliard qu’il a pris un arrêté pour la séquestration et la vente des biens des émigrés de ce district. Il annonce l’envoi d’une grande caisse remplie de croix, calices, crosses, mitres, bagues, joyaux, bi¬ joux, etc., tous effets abandonnés par Sa Seigneurie l’évêque de Montbéliard, lorsqu’il a pris la fuite, 13 194 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. { « Le représentant du peuple envoie encore une paire de boucles d’argent que le citoyen Naudet, commissaire du comité de Salut public, donne à la patrie. Les ministres du culte commencent à déposer tous les ornements de leurs temples. Bernard déclare qu’il substitue à ses noms d’André et d’Antoine, ceux de Pioche et Fer qui remplacent les premiers dans le nouveau calen¬ drier. Suit le texte de la lettre du représentant Bernard (de Saintes) et des pièces y jointes d’après les originaux gui existent aux Archives nationales ( 1 ). Bernard (de Saintes), représentant du peuple, à ses collègues les membres du comité de Saint public. « Montbéliard le 14 frimaire, an II de la Bépublique, une et indivisible. « Citoyens collègues, « Je vous adresse, par mon secrétaire, que j’envoie exprès à Paris, copie des soumissions acceptées par le département de la Haute-Saône pour faire acheter en Suisse des draps, poudre de guerre, cuivre et cuir; je fais le même envoi au ministre de la guerre et joins ici copie de la lettre que je lui écris, tous ces objets sont trop précieux pour ne pas y donner une prompte attention. « J’ai aussi des émissaires en marche pour ;onder, en Suisse, les moyens d’y acheter des fusils de guerre, s’il est possible de réussir, je vous en ferai part. Il me semble qu’indépen-damment des besoins de la Bépublique il y a un grand avantage pour elle de tirer de l’étranger tout ce que pourraient y prendre d’utile nos ennemis, et que, dans la perspective d’une nou¬ velle campagne, nous ne saurions trop remplir aos magasins. « Je vous envoie (n° 3) copie du marché qu’a¬ vait passé en Suisse le citoyen Bouillon, procu¬ reur syndic de ce district, et très chaud patriote, et qu’il n’a pu exécuter par le silence du ministre Pache. « Sous le n° 4, vous trouverez deux pièces qui attestent l’incivisme du citoyen Humbert, adjoint de Bourdon, pour achat de chevaux. Humbert est parti pour aller vous demander une recommandation ainsi qu’au ministre de la guerre, sans doute il obtiendra celle qu’il mérite. « Je vous dénonce encore les frères Merianne Kicher, négociants de Paris, qui font souvent des voyages en Suisse pour acheter des assi¬ gnats à 72 et 73 livres de perte par cent. J’ai vu entre les mains du citoyen Trefous, de Belfort, un traité de ce genre souscrit par Merianne, vous voudrez bien prendre des mesures contre cette cupidité effrénée qui n’a pourtant pas empêché que nos assignats aient depuis peu pris une très grande faveur en Suisse. « J’ai lu avec bien du plaisir votre rapport sur cette nation, mais j’aurais désiré plus qu’une (1) Archives nationales, carton AFii 152, pla¬ quette 1231, pièce 23. M. Aulard, dans son Recueil des actes et de la correspondance du comité de Salut public, t. 9, p. 197, donne une analyse de cette lettre. neutralité. Une alliance, et la plus étendue, news serait bien utile, mes amis, et je sais qu’en Suisse on dit assez hautement que si elle n’existe pas, c’est la faute de notre diplomatie. Le scé¬ lérat Brissot nous a visiblement escamoté Mou-tier Grandval, dont le poste de Pierre Pertuis nous serait si avantageux. Encore une fois, une alliance et nous l’aurions, et les circonstances actuelles sont favorables. Pardon si je m’avise de diplomatiser, l’amour de la patrie ne permet pas de taire ce qu’on sent. « Puisque vous le voulez, j’oublierai le décret qui déclare le gouvernement révolutionnaire jusqu’à la paix, pour me conformer aux prin¬ cipes concernant les fonctionnaires publics, mais je ne peux vous taire qu’en les écartant des comités de surveillance je ferai plus qu’alarmer le patriotisme, car si je vous ai écrit que tous les esprits se ralliaient à la bonne cause, j’ai dû ajouter que nous le devions aux patriotes actuel¬ lement en place; au reste, je ferai tout pour le mieux et jamais le mal ne viendra de mon in¬ tention. « Mon secrétaire, que je vous prie d’expédier promptement, vous remettra deux vases et deux tableaux de terre étrangère, avec un atlas et quelques cartes, aussi étrangères, qui peuvent vous être très utiles, aussi n’ai-je pas voulu qu’il en fût vendu une seule. Vous recevrez dans quel¬ que temps les meilleurs tableaux et quelques livres que j’ai fait encaisser. « Je vous envoie un procès-verbal du serment de fidélité à la France prêté par le peuple de ce pays, vous serez peut-être étonné que j’y aie parlé du Père éternel, mais, pour bien se faire entendre je tiens qu’il faut parler le langage du pays, et cela n’a pas empêché que j’aie fait pren¬ dre gaiement un arrêté pour faire enterrer sans prêtre les hommes de toutes les religions dans le même champ, et que les ministres portent tous les jours à la municipalité les ornements de leurs temples; et ce qui est inconcevable, c’est qu’ils aiment leur Bon Dieu et ne sont ni républicains, ni patriotes, ni aristocrates. « Enfin, j’ajoute un arrêté que je viens de prendre pour se fixer sur les émigrés et nos enne¬ mis et faire main basse sur leurs biens. « Salut et fraternité. « Pioche-Fer Bernard. « P. -S. Si Billaud-Varenne et Carnot étaient ici, je leur ferais boire de l’eau pour m’avoir dit vous, c’est la peine que j’ai établie dans le pays pour pareille faute, et déjà elle n’a plus lieu. Quoi ! Montbéliard serait au pas et des membres du comité de Salut public n’y seraient pas ! » Extrait des registres du département de la Haute-Saône (1). A la séance publique tenue par le conseil géné¬ ral du département de la Haute-Saône, le dix frimaire, an second de la République une et indivisible, présidée par le citoyen François-Simon Daval. Sur la motion d’un membre au nom du comité de surveillance du département qui a représenté que le citoyen Humbert, ci-devant procureur au (1) Archives nationales, carton AFii 152, pla¬ quette 1231, pièce 19.