*7] g [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES». [12 septembre 1790.] ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. BUREAUX DE PüSY. Séance du dimanche 12 septembre 1790. La séance est ouverte à onze heures du matin. M. Gillet-La Jacqueminière , secrétaire , donne lecture du procès-verbal de la séance de la veille au matin. Le procès-verbal est adopté. M. Brillat-Savarin . Je propose de ren voyer au comité des monnaies les mémoires relatifs aux affinages et fontes des matières d’or et d’argent , en se concertant avec le comité d’agriculture et de commerce. (Cette proposition est adoptée.) M. de Jessé, président sortant , dit avant de quitter le fauteuil : « Messieurs, pénétré de reconnaissance pour vos boDtés, je quitte la place difficile, où elles m’avaient élevé, et je rentre dans la carrière où il m’est permis de prendre une part active à vos travaux, et de tenter de placer un suffrage pur dans la balance de la justice. J’aurais quelquefois désiré hâter davantage vos délibérations; mais n’étant placé, ni pour déterminer l’opinion, ni pour la préjuger, j’ai peut-être dû me contenter de la recueillir dans sa maturité : rempli de respect pour la liberté de chacun des membres de cette Assemblée , j’ai souvent, cru , sur une simple réclamation, voir la loi armée de sa perfection..., jaillir tout entière d’une conception heureuse , et répandre ses influences sur 25 millions de Français : il est permis , Messieurs , d’hésiter même en prononçant leur bonheur. Heureux si j’ai pu vous donner quelques preuves de dévouement et d’impartialité, et si mon sentiment, si mon opinion particulière ont pu disparaître devant le caractère d’organe de la loi, d’organe qui doit être impassible comme elle ! » M. Bureaux de Pnsy , nouveau président, prend le fauteuil et dit : « Messieurs, plus l’honneur que je reçois est grand, plus il a droit de m’intimider ; car cette nouvelle preuve de votre confiance m’impose de nouveaux devoirs, sans me donner de nouveaux moyens. « Cependant je sens qu’il faudrait plus que du zèle pour vous servir au gré de ma reconnaissance. « üclairé par les talents qui m’ont devancé, puisse leur souvenir me garantir des écueils déjà marqués par mes propres fautes ! Puisse votre indulgence ne pas se lasser, et daigner me soutenir encore sur cette mer difficile, où de puissants intérêts vont peut-être produire bientôt degrandes agitations ! « Impassible comme la loi, je la prononcerai sans y prendre part ; témoin de vos décrets , je n’y concourrai que pour en être l’organe ; mais avant de vous faire ce sacrifice nécessaire de toute ma volonté, qu’un dernier usage m’en soit permis; qu’en vous nommant mon prédécesseur, j’appelle sur lui l’honorable témoignage de satisfaction que vous devez à ses services, et que ce salaire, digne de votre justice et de ses travaux, m’acquitte au moins en partie de la reconnaissance que je dois aux utiles leçons que m’a laissées son exemple ». {Ce discours est applaudi.) (L’Assemblée vote des remerciements à M. Jessé pour sa présidence.) M. de Bengy de Puyvallée, député de la ci-devant province du Berry, demande et obtient un congé d’un mois pour affaires urgentes. M. Dufraisse-Duchey, député de Riom,obtien t la permission de s’absenter pour raisons de santé. M. le Président. M. Guillotin demande la parole pour une motion relative à un comité de santé. M. Guillotin. L’Assembée nationale , occupée de la régénération de l’empire dans toutes ses parties, a cru devoir, pour éclairer et accélérer la marche de ses importants travaux et en assurer le succès, en confier la préparation à divers comités chargés d’examiner les différents objets qui leur sont soumis, et de lui présenter le fruit de leurs méditations et de leurs discussions. Déjà une méthode aussi sage a mis l'Assemblée nationale en état de produire en quelques mois, et cependant avec maturité, des résultats aussi étonnants par leur étendue que par leur sagesse, résultats que l’on aurait à peine osé attendre du travail assidu de plusieurs années. C’est ainsi que les citoyens ont été rétablis dans leurs droits civils et politiques, et que bientôt il vont jouir du bienfait d’une Constitution libre et bien organisée. Après avoir été guéris d’un mal moral, aussi cruel que la servitude et l’oppression, sans doute ces citoyens doivent espérer que l’Assembléenationale voudra bien s’occuper de leurs maux physiques et s’intéresser à leur conservation. Les sciences et les arts ne peuvent être, chez un peuple libre, les mêmes que chez un peuple esclave.La médecine, de tous les arts malheureusement le plus nécessaire, puisqu’il influe essentiellement sur la santé, et môme sur la vie des citoyens, doit se ressentir de la Révolution : gothique dans son enseignement, livrée au brigandage le plus affreux et le plus funeste dans son exercice, surtout dans les campagnes sans cesse dévastées par la plus audacieuse impéritie, la médecine a besoin d’être régénérée pour le salut des citoyens. Quand on considère que l’enseignement de cet art salutaire, sa pratique, la police des ministres de santé, le service des hôpitaux, le soulagement public dans les villes et les campagnes, dans les maladies populaires, les épidémies et même les épizooties; l'éducation physique des enfants dans les hospices d’enfants trouvés, dans les maisons d’institution publique ; la médecine légale, enfin, tous les objets de salubrité publique doivent être soumis un jour à l’examen de l’Assemblée nationale, afin d’avoir part à une régénération salutaire, on ne peut disconvenir que, pour que l’Assemblée puisse prendre connaissance de cause sur une matière vaste et importante, qui intéresse aussi essentiellement la conservation des citoyens, il est nécessaire que le travail soit préparé et présenté par un comité. Dans toutes les parties qui ont fait jusqu’ici la matière de vos délibérations, vous vous êtes attachés à vous procurer le plus de lumières qu’il vous a été possible. C’est dans cette idée, qu’en [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. formant vos comités, vous y avez appelé des hommes que vous avez cru les plus éclairés, eu leur adjoignant des personnes d’un autre état dans lesquelles vous aviez remarqué des connaissances dans cette partie, ou cette supériorité de lumières et de talents, qui fait croire que l’homme qui en est doué, est propre à tout, ou du moins qu’il n’est déplacé nulle part. C’est ainsi que dans le comité militaire, dans celui de la marine, vous avez appelé des généraux d’une expérience consommée, et des officiers, des administrateurs recommandables par leurs talents et par leurs lumières. Vous avez formé le comité d’agriculture et de commerce, presque entièrement d’agriculteurs et de commerçants ; des magistrats, des jurisconsultes, en un mot, des hommes de loi, composent les comités de judicature et législation, etc. En cela vous avez été conduits par la prudence et la raison. Les mêmes principes de sagesse qui vous ont dirigés jusqu’à ce jour dans rétablissement de vos comités, vous guideront encore dans la formation du comité de santé que j’ai l’honneur de vous proposer. Ces grands objets de salubrité publique, qui intéressent la conservation des hommes, sont connus sans doute d’un grand nombre de citoyens, qui, sans être médecins, se sont occupés de physique et amusés de l’étude des sciences naturelles; mais pour l’ordinaire, ces connaissances sont imparfaites, insuffisantes etabandonnéesàelles-mêmes; elles seraient peut-être plus propres à égarer qu’à diriger. Le médecin seul possède ces connaissances autant qu’il est donoé à l’homme de les posséder, parce que lui seul, joignant la pratiqueà la théorie, en a fait l’étude et l’occupation de toute sa vie, et que la vie même est bien courte pour les acquérir parfaitement. Les médecins seuls seraient donc, en quelque sorte, compétents pour donner leur avis sur certains objets de médecine ; mais ils peuvent être éclairés, même dans cette partie, par des hommes de génie, qui sans en avoir fait leur état, en ont fait leur étude; de plus, comme il est des objets mixtes, qui, quoique appartenant principalement à la médecine, ont cependant des relations intimes avec d’autres parties, tels que les hôpitaux, par exemple, qui tiennent à l’administration par la comptabilité, etc, il est utile, et peut-être même nécessaire, d’adjoindre, aux médecins dans le comité de santé, d’autres personnes recommandables par leurs connaissances dans les sciences naturelles, économiques et politiques. D’après ces vues, j’ai l’honneur de vous proposer d’établir un eomité de santé, et de composer ce comité : 1° des médecins qui sont membres de cette Assemblée. Leur interprète en ce moment, Messieurs, permettez-moi de vous offrir l’hommage de leurs sentiments patriotiques, tous s’empresserontà l’envi de vous donner des preuves de leur zèle ; 2° d’un nombre déterminé de membres de l’Assemblée, non médecins ; 3° D’y réunir, des membres des autres comités, lorsque la nature mixte des objets l’exigera. En conséquence, j’ai l’honneur de vous proposer le décret suivant : « L’Assemblée nationale décrète ce qui suit : « Art. 1er. Il sera établi et formé un comité de santé, composé des médecins députés à l’Assemblée nationale, et de six ou de tel autre nombre de ses membres qu’elle jugera convenable, nommés au scrutin de liste dans les bureaux. « Art. 2. Le comité s’occupera de ce qui est relatif à l’enseignement et à la pratique de l’art de guérir, des établissements salutaires dans les villes et dans les campagnes, tels que les écoles, [12 septembre 1790.] �19 les hôpitaux, les maisons de santé, etc., et généralement de tous les objets qui peuvent intéresser la salubrité publique, et il en rendra compte à l’Assemblée. » (On demande la question préalable.) M. Gillet. Si ce comité ne vous fait pas de bien, il ne vous fera pas de mal. M. llalouet. Je propose d’adjoindre à ce comité un nombre de membres égal à celui des médecins qui le composeront. L’amendement et le décret mis aux voix sont adoptés dans les termes suivants : « L’Assemblée nationale décrète ce qui suit : « Art. 1er II sera établi et formé un comité de santé composé des médecins, députés à l’Assemblée nationale, et d’un nombre égal de membres non médecins, nommés au scrutin de liste dans les bureaux. « Art. 2. Ce comité s’occupera de ce qui est relatif à l’enseignement et à la pratique de l’art de guérir, des établissements salutaires dans les villes et dans les campagnes, tels que les écoles, les hôpitaux, les maisons de santé, etc., et généralement de tous les objets qui peuvent intéresser la salubrité publique, et il en rendra compte à l’Assemblée. » M. de Rostaing, membre du comité militaire. Messieurs, le régiment de Guyenne est à Nîmes depuis cinq ans. Tant qu’il a été nécessaire pour assurer la tranquillité publique de cette ville, il a obéi avec joie au décret que vous avez rendu pour l’y retenir; maisaujourd’huique tout est calme il demande la levée de ce décret et à pouvoir rentrer dans la ligne de l’armée et être soumis aux ordres du roi de la même manière que les autres régiments. Il a présenté un mémoire à votre comité pour exprimer son vœu. Nous le trouvons juste et nous avons l’honneur de vous proposer le décret suivant : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité militaire, et la lecture du mémoire signé des officiers, sous-officiers et soldats de toutes les compagnies du régiment de Guienne, par lequel ils demandent au ministre de la guerre de changer de garnison ; « Déclare que son décret du 11 du mois de mai 1790, ayant été motivé par des circonstances qui ne sont plus les mêmes, ne peut être un obstacle au changement de garnison du régiment de Guyenne, si le roi juge à propos de l’ordonner. » (Ce décret est adopté.) M. le Président. M. Vernier, au nom du comité des finances, demande la parole pour présenter un décret sur la perception des impositions. M. Vernier �rapporteur. 11 n’est pas surprenant que la perception des impôts éprouve tous les jours de nouveaux obstacles ; on découvre de nouveaux abus, et les manœuvres employées par les percepteurs. Voici un fait dont on a rendu cpmpte à votre comité. Un tanneur devait 2,000 livres ; il écrivit au receveur que quand il passera, il trouvera son argent prêt; le receveur ne vient pas, et le tanneur lui écrit de nouveau ; enfin il va à la foire de Beaucaire, et demande au receveur pourquoi il ne veut pas d’argent : « J’ai ordre, lui répondit-il, de ne rien recevoir. » Par une lettre du département du Cher le comité est informé que les percepteurs d’impôts directs refusent de