[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [18 août 1791.] 503 Art. 2. « Lesdits commissaires seront chargés de remettre à chaque assemblée coloniale desdites îles, la collection complète des décrets rendus par l’Assemblée nationale jusqu’au jour de leur départ, et semblable expédition des instructions décrétées pour Saint-Domingue, pour faciliter le vœu qu’elles auront à présenter au Corps législatif en France. Art. 3. « Ils feront prêter et recevront de tous les fonctionnaires publics, des troupes de terre et de mer, s’il n’a eu lieu, le serment décrété par l’Assemblée pationale. Art. 4. « Ils prendront connaissance de toutes les sommes dues au Trésor public par les habitants desdites îles, et se concerteront avec leurs assemblées coloniales pour assurer ses créances et en procurer le recouvrement et le versement au Trésor public. Art. 5. « Ils se feront remettre par les administrateurs de la colonie où ils seront situés, l’état des meubles et immeubles appartenant à la nation; ils en sépareront, de concert avec eux et deux commissaires de l’assemblée coloniale, tout ce qui tiendra à la défense, aux fortifications et aux besoins de l’Etat, et feront vendre tout ce qui aura été jugé onéreux et inutile, dont le produit sera versé au Trésor public. Art. 6. v Ils s’entendront avec l’assemblée coloniale pour les mesures à prendre pour la conservation des réserves nationales, et pour empêcher la dévastation des terrains particuliers. Art. 7. a Ils seront autorisés à prendre connaissance de la situation actuelle des finances desdites colonies; ils en examineront la comptabilité, et se concerteront avec les assemblées coloniales pour connaître les abus et les moyens d’y obvier; ils seront spécialement chargés de présenter les réformes et changements indispensables pour parvenir à la meilleure et à la plus économique administration : objets dont ils rendront compte, comme de tous autres, le plus tôt possible. Art. 8. « Les arrêtés pris par les assemblées générales desdites colonies, approuvés par les gouverneurs, y seront provisoirement exécutés, comme ayant force de loi. » ' (Ce décret est mis aux voix et adopté.) M. Louis Monneron, rapporteur. Messieurs, on a reçu hier des lettres de Saint-Domingue, qui annoncent que le décret du 15 juin y a été reçu. Il y a eu quelque fermentation dans les esprits, m iis on présume que tout se terminera aimablement. M. Regnaud (de Saint-Jean-d'Angély). S’il était possible de savoir d’une manière précise quels sont ceux qui ont reçu des lettres de Saint-Domingue, il serait bon de les inviter à comiqu-niquer ces dépêches, pour ne laisser rien de vague sur ces objets, et qu’on ne nous puisse pas reprocher d’avoir induit en erreur sur ce qui s’est passé à Saint-Domingue. Il est important de savoir la vérité et de ne rien déguiser. M. Babey. C’est d’autant plus nécessaire, qu’on dit que le décret a été brûlé en arrivant aux colonies. (Murmures.) M, Treilhard. Il paraît fort extraordinaire que l’on entretienne l’Assemblée de quelques bruits populaires et des sottises qui se débitent aux 4 coins de la capitale. Quand on recer vra des nouvelles officielles, elles seront lues dans l’Assemblée, et l’on jugera. Je demande qu’on passe à l’ordre du jour. (L’Assemblée, consultée, passe à l’ordre du jour.) M. Millet de Mureau, au nom du comité d'agriculture et de commerce , fait un rapport relatif à un projet de canal destiné à fournir de Veau à la ville de Tournan; il propose le projet de décret suivant : « L’Assemblée nationale, après avoir ouï le rapport dé son comité d’agriculture et de commerce, a approuvé le projet de panai proposé par le sieur Barbe, tendant à procurer de l’eau à Ja ville de Tournon, à y établir des moulins et à arroser les campagnes qu’il traversera ; autorise le sieur Barbe à construire à ses frais ledit canal, aux conditions portées par son projet, qui restera annexé à la minute du présent décret ; et sera ladite construction exécutée suivant le? dispositions des lois, sous l’inspection du direpc toire de district de Mezenc, et sous la direction de celui du département de l’Ardèche, » (Ce décret est mis aux vpix et adopté.) M. Goupllleau. Je demande à faire une nation d’ordre. M. Millet doit faire un rapport sur la navigation des rivières de Juinç , d’Essonnes et du Remqrd, et sur le canal qui doit les joindre à la Loire, près d’Orléans. Avant qu’il commence son rapport, j’observe que le comité d’agriculture et de commerce n’a renvoyé que le seul plan qu’il vous présente à l’examen de l’administration des ponts et chaussées, que cependant plusieurs autres plans lui ont été proposés. De plus, l’pvis que l'administration des ponts et chaussées À donné sur ce plan pe peut être d’eucqp poids, puisque l’administration y dit expressément qu’il lui faudrait de plus amples renseignements, et que si l’utilité de ce canal lui est démontrée, elle n’est pas encore convaincue de sa possibilité. Je demande dope l’ajourpement du rapport et le renvoi à l’administration des ponts et chaussées de tous les plans relatifs à ce canal ; les ponts et chaussées examineront et alors op pourra décider. M. M*U®t de Murean, rapporteur. Il est vrai que quelques nouveaux plans ont été remis au comité lorsqu’il avait déjà terminé son rapport ; mais le plan que nous vous proposons paraît avoir l’assentiment général ; et a’ailleürs il est infiniment pressant d’occüper des ouvriers; le projet est depuis un an au comité et il faudrait attendre 5 ou 6 mois pour avoir un nouveau rapport des ponts et chaussées. Enfin cette administration ne demande des renseignements que sur la partie de ce projet qui est relative au canal ; quant à l'autre, il n’est pas besoin de renseignements pour savoir que des ri vières qui ont été navigables peuvent l’être encore. 504 [Assemblée nationale.! ARCHIVES PARLEMENTAIRES [18 août 1791.j II est juste d’ailleurs que l’entreprise soit donnée à la première personne qui a conçu le projet du canal; car si l’on donnait la préférence à, ceux qui prétendent avoir des moyens d’exécution plus parfaits, on n’en finirait pas. M. Regnaud (de Saint-Jean-d'Angély). Il est dans ce moment du plus grand intérêt pour la tranquillité publique d’occuper des ouvriers, et pour le commerce de rendre les rivières d’Essonnes et de Juine navigables; l’adoption du projet sera le seul moyen de donner à des ouvriers sans occupaiions et par conséquent à la disposition de nos ennemis, un ouvrage à la fois utile à la sûreté publique et à l’utilité générale. Doit-on sa crifier l’intérêt général à l’intérêt particulier, et retarder de 6 mois cette utile entreprise, par la raison qu’un individu qui n’offre aucune responsabilité, aucun fonds, présente un nouveau plan? (L’Assemblée, consultée, décide que M. Millet de Mureau fera son rapport.) M. Millet de Mnrean, au nom du comité d' agriculture et de commerce, a en conséquence la parole et fait le rapport suivant : Messieurs, Le projet de décret que votre comité d’agriculture et de commerce me charge de vous présenter, est d’une telle importance ; les motifs qui en ont déterminé les articles sont si compliqués, qu’ils exigent d’être précédés d’un rapport circonstancié qui prévienne toute difficulté dans la discussion. Les rivières d’E-sonnes et de Juine, dite d’E-tampes, ont été jadis navigables; et l’utilité de cette navigation a été si fortement sentie depuis plus d’un siècle, que nombre de projets se sont succédé, et que leurs auteurs ayant profité successivement des lumières de leurs prédécesseurs, les entrepreneurs actuels sont parvenus à la perfection de celui qu’ils vous présentent, et le succès en paraît ausri sûr qu’il est désirable. Il est inutile d’entrer dans aucun détail devant une Assemblée aussi instruite sur l’utilité générale des canaux, surtout dans un royaume comme la France : semblables aux vaisseaux du corps humain, ils portent successivement la vie du centre à la circonférence, et de la circonférence au centre, et deviennent une source d’abondance et de prospérité. Si les Romains, si cette grande nation dont nous admirons les beaux monuments, ne nous en a point laissé dans ce genre, c’est par sa parfaite ignorance des premiers principes de l’hydraulique; ignorance démontrée par la construction des magnifiques aqueducs qui existent encore. Les canaux doivent se diviser en deux classes; les grands, d’une utilité générale, doivent être exécutés par la nation; et les petits, n’intéressant que quelques départements, doivent être entrepris par les administrations, ou par des compagnies sûres, sous leur protection et sous leur surveillance; mais tous doivent être soumis à l’approbation du Corps législatif, qui seul peut embrasser le bien général, et empêcher que les intérêts ne le croisent, ou que du moins un petit intérêt soit anéanti devant celui qui sera majeur. La p éfére me que l’on doit donner à des compagnies pour la construction et l’établissement de ces sortes d’ouvrages, paraît bien plus avantageuse pour la nation, et lui assure une richesse future. On sait que tous ceux qui construisent pour leur propre jouissance, travaillent toujours avec plus de force, d’activité, de zèle et d’économie. La solidité leur importe, si la durée de leur jouissance est reculée jusqu’à une époque éloignée. Les bénéfices de l’établissement étant fixés sur ceux qui profitent de sa commodité ou de la position locale, et ne portant que sur des particuliers ou sur des denrées, ils ne pèsent pas sur la nation, et ils procure >t au contraire en général une surabondance dans les objets commerciaux ; les fonds que les compagnies versent dans ces sortes d’ouvrages, que la nation serait contrainte de tirer de ses coffres et de prendre sur les impôts, sont un nouveau fonds mouvant, qui, se répandant dans toute' les classes de la société, procure à tous les individus des moyens de travail, et souvent dans des cantons qui' n’ont point de manufacture en activité. Ainsi, en soumettant ces compagnies à toutes les conditions qui a-surentles smecès, ou du moins qui, en cas d’interruption, rendent utiles les parties commencées, la nation s'épargne un dépense onéreuse; et en n’aliénant 1& propriété en dédommagement que pour un terme fixe, à l’expiration de l’époque, elle entre dans une propriété qu’elle trouve en bon rapport, et qui ajoute une ressource précieuse aux finances de l’Etat. J’établirai dans ce rapport l’importance de la navigation proposée, et je prouverai jusqu’à l’évidence que tous les intérêts se réunissent à presser l’exécution du projet présenté. Vous avez décrété, Messieurs, les 19 et 21 octobre dernier, qu’il serait construit un canal de navigation qui doit ouvrir une communication plus facile de la capitale à la Manche. Plus ce projet a offert d’avantages, plus il était important d’en assurer l’exécution prompte et facile. Par ce décret, il a été imposé au sieur Brulé, entrepreneur de cet intéressant ouvrage, des conditions préalables; on ne voit pas qu’il ait encore rempli une des plus essentielles, celle qui assure l’existence de la première finance. Cette condition omise semble faire naître la nécessité d’imposer aux entrepreneurs qui se présentent pour demander l’exécution d’un projet de ce même genre, une loi plus précise; car il doit paraître indiscret d’occuper les moments précieux < e l’ Assemblé", pour obtenir des décrets favorables à un établissement, s'il ne doit jamais avoir lieu par défaut de fonds; tandis qu’aucun particulier ne doit jamais présenter une entreprise utile et dispendïeus , sans joindre à ses moyens d’exécution la soumission de capitalistes bien connus par leur solidité. Néanmoins, des considérations particulières peuvent porter à adoucir la rigueur de la loi, et c’est ce qu’il convient d’examiner. La comparaison du projet du sieur Brulé, l’importance de sa construction, par proportion à celui qui est l’objet de ce rapport, conduira sans doute au règlement de cette première condition. Ces canaux sont tous fondes sur l’utilité du commerce, sur la communication plus directe de département à départementet del’étrangeràrinté-rieuHu royaume. Mais la construction de l’un est bien plus i i portante que celle de l’autre, à raison de ses embranchements et de la distance qu’il doit parcourir; aussi sa dépense est-elle proportion! ée. L’autre, d’une étendue bien pies bornée, quoique non moins intéressant, dans une distance de 28 à 30 lieues, n’occasionnera qu’environ 3 millions de dépense : or, cette somme, très forte pour un particulier, ne l’est pas néanmoins pour une