[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Annexes.] 711 Nota. — Il a été fait mention honorable, dans le procès-verbal de l’Assemblée, des deux commis qui ont travaillé avec M. de Cernon ; les commis employés à la vérification des procès-verbaux de démarcation, à leur nouvelle rédaction et à la formation du dictionnaire universel des municipalités, méritant, par leur exactitude et leur intelligence, une semblable distinction, voici leurs noms : Les sieurs Silvestre, ingénieur, et Chôme!, féo-diste, placés depuis dans les bureaux de M. Àme-lot, ont commencé la vérification des procès-verbaux. Les sieurs Aubry, bibliographe, et Dutlos et Massieu, leodistes, ont suivi depuis cette même vérification. Ces deux derniers y mettent la dernière main. Le sieur Ouilhe a constamment suivi la formation du dictionnaire universel des municipalités. RAPPORT fait au nom du comité des domaines , sur la régie et l'administration des biens DES RELIGIONNAIRES fugitifs, pendant les trois années portées par l'article 20 du décret du 9 décembre 1890, qui en ordonne la restitution, et la vente après ce délai , par M. Barrèrc, député du département des Hautes-Pyrénées. — (Imprimé par ordre de l’Assemblée nationale.) Messieurs, Eu commençant ce rapport, le comité des domaines doit vous faire connaître les heureux effets qu’a produits votre décret du 9 décembre, qui a ordonné la restitution des biens des reli-gionnaires fugitifs. Tandis que, sous l’ancien régime, on a vu le conseil du roi prononcer, en faveur des descendants de ces familles proscrites par le fanatisme et par une fausse politique, 14 arrêts de mainlevée en 1788, 10 en 1789 et 42 en 1790, on a vu au contraire, sous l’empire delà Constitution, les tribunaux de district adjuger environ 280 mainlevées depuis le mois de mars 1791, époqùe à laquelle le décret rendu le 9 décembre 1790 a été promulgué. Les tribunaux s’occupent tous les jours de juger les réclamations de ce genre, qui vont rendre à la France des citoyens et des familles trop longtemps expatriés. L’administration de ces biens pendant les 3 années fixées pour se pourvoir en mainlevée, est l’objet de ce rapport. L’article 21 du décret du 9 décembre 1790 annonce que l’Assemblée statuera sur le régime qu’il sera le plus convenable d’établir, en attendant que ces biens soient restitués ou vendus. C’est sur ce régime que le comité des domaines vous propose de statuer dans ce moment. Un bail général des biens des religionnaires fugitifs a été consenti le 20 février 1787, par l’ancien gouvernement, en faveur d’André Piotton, pour 9 années, à commencer du 1er janvier 1788. A cette époque, les biens compris dans la régie produisaient, selon son sommier, 114,000 livres; le prix du bail est de 50,000 livres. Ce premier aperçu annonce un bénéfice énorme de 64,000 livres sur une recette de 114,000 livres. C’est sans doute en se bornant à ce premier calcul, qu’on a pu penser que le profit du fermier étant excessif, on pouvait résilier son bail odieux sans s’exposer à une indemnité. Mais cette opinion nous a paru aussi erronée qu’injuste, car il s’en faut beaucoup que les produits du fermier approchent de l’idée qu’on s’en est formée ; il est facile de faire cesser l’illusion. 1° En jetant les yeux sur le sommier, on voit que les biens de la régie épars dans tout le royaume consistent en plus de 2,000 articles, dont les trois quarts sont depuis 10 sols jusqu’à 20; le recouvrement en est par cela seul long et difficile. Outre un revenu principal dans chaque ci-devant généralité, il a fallu établir des receveurs particuliers dans chaque canton, en sorte que le fermier est obligé de salarier plus de 50 employés dans le royaume. Il accorde au receveur principal, chargé de payer les receveurs particuliers, une remise depuis 2 sols jusqu’à 3 s. 6 d. pour livré; il rembourse les ports de lettres, frâis de voyage et de procédures, accorde quelquefois des gratifications aux employés qui se distinguent par l’intelligence et le zèle. Tous ces objets réunis forment une dépense annuelle et nécessaire de 20,000 livres (ce qui résulte des comptes arrêtés entre le fermier et ses préposés), ci ..................... 20,000 liv. Le fermier est obligé d’acquitter les charges réelles et foncières dont les biens sont grevés, sans diminution du prix de son bail, ainsi qu’il est porté par l’acte de ferme. Cet article monte à .................... 2,000 Les non-valeurs absolues, c’est-à-dire les articles inconnus ou abandonnés, et que le fermier n’a pu ni vendre ni sous-fermer, sont sur le sommier pour .................... 960 Les frais de bureau à Paris, depuis que le fermier travaille lui-même, et qu’il ne salarie plus ni avocat au conseil, ni directeur général, sont réduits à ......................... 12,000 Total. ....... 34,960 liv, Il faut donc déduire de la somme de l’autre part, qui est ............. . ....... 64,000 liv, La dépense inévitable de, ....... 34,960 Reste ............ 29,040 liv. Par ce calcul incontestable, le bénéfice du fermier se trouve réduit à 29,040 livres. Ce bénéfice ne paraîtra pas exorbitant, si l’on considère le travail assidu et journalier qu’exige 712 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Annexes.'] cette administration, les faillites, les restes à recouvrer, les cas fortuits qui sont à la charge du fermier, les frais d’audition *t clôture de ses comptes, et les avances d’argent qu’il faisait à la caisse des économats, en payant aux fermes, quoiqu’il n’eût pas fait les recouvrements. Que sera-ce encore si l’on considère que la ferme générale de ces biens est divisée en 12 sols ou actions réparties comme il suit : A M. Domicilie ................. 1 s. 10 d. A M. de Saint-Marc ....... . ...... 1 10 A M. Dutillet, ancien gouverneur des pages à Versailles ............. 1 » A M. Gemeau, gendre de M. Domicilie, à Paris ..................... » 6 Et à M. Finot ................... 6 10 Emploi total des ...... 12 s. » d. M. Finot est chargé de croupes qui sont supprimées par un décret de l’Assemblée nationale; elles absorbaient la moitié des bénéfices. Ainsi, en laissant aux fermiers leur traitement actuel, on peut faire tourner au profit de la nation l s croupes supprimées, et porter le prix du bail à 64,000 livres au lieu de 50,000 livres. Cette augmentation de 14,520 livres, jointe aux droits de dénonce, supprimés par le décret du 9 décembre, droits qui s’élèvent à 2,000 livres, portera le produit net de la régie à environ 66,000 livres qu’on ne peut pas espérer d’une nouvelle administration confiée à des commissaires salariés. Il y a cette différence précieuse entre la régie d’un commis et celle d’un fermier, que celui-ci, attaché au recouvrement par son intérêt personnel, s’y livre avec plus de zèle, et que les restes à recouvrer, les cas fortuits et les faillites sont à sa charge. Enfin, en laissant subsister Je bail, et en se bornant à en augmenter le prix, la nation n’est point soumise à l’indemnité résultant de la résiliation. Car il ne s’agit pas seulement d’indemniser le fermier des bénéfices dont la résiliation le prive, il faut encore lui rembourser les frais qu’il a faits sur la foi de son bail, qui lui donnait le droit de jouir neuf années. Or, le fermier supporte, depuis le lerjanvier 1788, les frais de bureau, les soins et les travaux de son administration; il est chargé d’un loyer de maison, et il a fait des dépenses considérables pour l’exécution de son bail. Ges détails étant connus, examinons maintenant si la résiliation du bail général des biens des religionnaires est nécessaire, et si elle est utile? Si l’administration du fermier actuel est vicieuse, il est sans contredit nécessaire et. même urgent de résilier son bail. Mais si, depuis 1779 que le sieur Domicilie et le sieur de Saint-Marc sont chargés de cette administration, il n’a pas été fait une seule confiscation; si une infinité de procès pendants aux intendances et au conseil des dépêches ont été éteints; si les demandes en mainlevée ont été expédiées avec célérité, si lesbiens de la régie ont été mis en bon état ; si le prix du bail a été payé exactement, et les comptes rendus avec la plus grande clarté, on ne peut pas dire que l’intérêt de la régie périclite dans les mains du fermier, ni qu’il y ait aucun motif de le dépouiller d’une administration dont il s'acquitte avec fidélité; cette résiliation n’est donc pas nécessaire. Mais est-il utile de résilier le bail? Il a paru à votre comité que cette résiliation serait nuisible au bien de la régie et à l’intérêt de la nation, par les motifs suivants. Si l’on considère d’abord que, d’après le décret de l’Assemblée nationale du 9 décembre 1790, tous les biens de la régie doivent être rendus aux fugitifs et à leurs héritiers, ou vendus dans le délai de trois années, on est étonné que, pour un si court espace de temps, ou veuille changer une administration nréprochable, et lui substituer un nouveau régime ; quelque parfait qu’on puisse l’imaginer, il ne sera pas établi, connu et exécuté dans le court délai de trois années, en sorte que les biens de la régie supporteront les inconvénients d’un changement inopportun, sans avoir le temps de recevoir les avantages qumn attend du nouveau régime. Où sont d’ailleurs les administrateurs qui, dans le délai de trois ans, connaîtront les baillistes et rentiers, les biens de la régie, leur nature, leur consistance et leur valeur, relativement à leur situation, mieux que les sieurs Domicilie et Saint-Marc, qui, depuis 12 ans, s’occupent de cet objet unique. S'il s’agissait de renouveler le bail général pour 9 ans, on trouverait sans doute des régisseurs intelligents et honnêtes qui exploiteraient leur bai! aussi bien que le fermier actuel. Mais, d’après le décret du 9 décembre, il faut au contraire anéantir la régie dans le délai de 3 années. Il est donc, pour le moins, inutile de chercher un nouvel administrateur pour un bien qu’on veut restituer ou vendre dans 3 ans, surtout quand on n’a pas à se plaindre de l’administrateur actuel, et qu’on a d’ailleurs le pouvoir de lui imposer telle loi qu’on croira élus avantageuse, sans déranger le fond de son administration, c’est-à-dire sans résilier son bail. Il est sensible que, dans de pareilles circonstances, cette résiliation est contraire au bien de la chose même. Elle n’est pas moins nuisible à l’intérêt de la nation, parce qu’il sera dû une indemnité au fermier, parce qu’il faudrait le dépouiller des titres et documents de la régie, pour les remettre au nouveau régisseur; parce que, dans ce cas, le fermier ne pourrait compter que sa recette et dépense pendant la première année de son bail. D’où il suivrait que le nouveau régisseur devrait faire rendre compte des années 1789 et 1790 aux préposés de Piotton, et qu’il serait chargé d’une masse énorme de restes à recouvrer, et qui seront perdus pour la nation. Il se présente d’ailleurs des inconvénients inévitables dans la résiliation. 1° Dans le droit, l’inexécution de toute obligation soumet celui qui la demande à une indemnité. Ce principe consacré par les lois, par l’équité, par l’usage universel, est le garant de la foi publique due aux contrats. Sans lui, toutes les conventions civiles seraient bientôt dissoutes par la fraude et la violence. Il est donc incontestable que le bail passé par le roi, autorisé par un arrêt du conseil, exécuté de bonne foi pendant 3 ans, ne peut être résilié sans qu’il en résulte une indemnité nécessairement due au fermier dépouillé. Il aurait contracté avec le dernier des citoyens, la résiliation serait provoquée par les motifs les plus touchants et les plus favorables, que l’indemnité n’en serait pas moins due et ordonnée. Daus le fait : 1° la résiliation est sans motifs ; elle est sans utilité pour l’Etat ; et si elle était prononcée, cette indemnité serait une perte absolument gratuite pour la nation. 713 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Annexes.) 2° Si on résilie le bail actuel, il faudrait nécessairement dépouiller le fermier de tous les titres, papiers et documents de la régie, et les remettre au nouvel adminisPateur ; sans cela comment pourrait-il s’instruire et se saisir des objets dont l'administration momentanée lui serait déléguée? Or, le fermier actuel une fois dépouillé des titres, sommiers, sous-baux, et comptes de la régie, se trouverait dans l’impuissance absolue de faire son recouvrement. Il est sensible que les débiteurs ne payeront pas à qui n’aura pins un titre coactif à leur opposer; que les préposés mépriseront un bail annulé, un fermier expulsé par la loi. Le seul soupçon de la résiliation du bail actuel, excité par le décret du 10 juillet dernier 1790, a poussé les redevables à refuser tout payement. Que ne feront-ils pas lorsque l’administration actuelle sera réprouvée par une loi, et le fermier remplacé par un nouvel adminisira-teur?il est impossible qu’après cela ie fermier actuel puisse 'faire l’entier recouvrement des années 1789 et 1790 qui lui seront dues : d’où il suit qu’il ne pourra compter que de l’année 1788, et que les deux années suivantes, dont il a supporté les travaux et les frais, ne seront plus pour la nation et pour lui qu’une raison évidente de grossir ses dommages-intérêts. Ce coup d’œil rapide suffit pour se convaincre que rien ne nécessite la résiliation du bail actuel, et qu’il en résultera un préjudice notable pour la nation et pour la régie. En matière d’administration publique, tout changement est funeste quand il n’a pas une cause juste et une utilité certaine. Que peut-on en attendre quand il est fait sans née; ssité, et qu’il en résulte un désordre et un préjudice réel? line reste plus que des dispositions relatives à la suppression des croupes qui sont sous le nom de M. Finot. Un de vos décrets les supprime, et le comité en fait l’application au bail du 10 février 1787. — Les autres dispositions du décret sont relatives à l’amélioration de la régie pour l’intérêt de la nation, et pour les reiigionnaires ou leurs héritiers. D’après ces considérations, le comité propose le projet de décret suivant : « L’Assemblée nationale, voulant pourvoir à l’administration des biens des reiigionnaires dont elle aordonnélarestitution, jusqu’à ce qu’ils soient rendus aux légitimes propriétaires, ou vendus, conformément à son décret du 9 décembre 1790; après avoir entendu le rapport de son comité des domaines, décrète ce qui suit : Art. 1er. « Les croupes accordées sur le bail d’André Piotton, à concurrence de 6 sols ou actions sous le nom du sieur Finot, sent et demeurent supprimées et éteintes, à compter du premier janvier 1791. Art. 2. « Au moyen de la suppression des croupes, ordonnée par l’article précédent, le nrix du bail sera, à compter du 1er janvier 1791, porté à 64,000 livres par année au lieu de 50,000 livres, laquelle somme sera versée de 6 en 6 mois, et par moitié, dans la caisse de l’extraordinaire. Art. 3. « Le fermier rendra compte chaque année du prix de son bail, sur lequel le montant des mainlevées lui sera alloué en dépense, ainsi que les pensions accordées à de nouveaux convertis (1), sans qu’en aucun cas cette dépense cuisse excéder le prix du bail. Art. 4. « Les comptes* du fermier seront rendus et jugés en la forme qui sera décrétée par l’Assemblée nationale ; il en sera usé du même pour les comptes que le fermier est tenu de rendre depuis le 1er janvier 1788, époque de son bail. Art. 5. « Le fermier est autorisé à faire le remploi en contrats sur l’état des sommes qui sont dans sa caisse, provenant des ventes des biens des reli-gionnaires, en exécution d’arrêts du conseil, ainsi que des remboursements qui en peuvent provenir; lors duquel remploi il sera tenu de déclarer, dans les contrats qu’il acquerra, le nom des re-ligionoaires fugitifs desquels proviennent Jes biens vendus, et la somme qu’ils ont produite. Art. 6. « Le fermier est aussi autorisé à faire le recouvrement, sauf remploi, des sommes qui restent dues du prix des ventes des biens des religion-naires, faites jusqu’à ce jour en exécution d’arrêts du conseil, sans qu’il soit besoin de faire homologuer les dites ventes qui le seront par le présent décret. Art. 7. « Après la consommation de la vente prescrite par l’article 20 de la loi, ie bail actuel sera résilié de plein droit, sans que le fermier puisse prétendre aucune indemnité. Art. 8. « Le fermier sera Unu de présenter, à l’expiration des 3 années, au Corps législatif, le tableau général des biens dont la mainlevée n’aura pas été accordée, et qui doivent être vendus conformément à l’article 20 de ladite loi. Art. 9. « Toutes les contestations nées ou à naître entre le fermier actuel et ses préposés, baillistes et redevables, dont la connaissance était ci-devant attribuée au conseil des dépêches ou aux intendants, seront jugées par les tribunaux de district de la situatiou des biens. Art. 10. « En cas de déguerpissement ou de cessation des baux, le fermier pourra en passer de nouveaux à l’amiable, lorsqu’ils n’excéderont pas 50 livres ; et dans le cas où ils excéderaient cette somme, les baux seront passés en la forme prescrite pour les biens nationaux. Art. 11. « Le bail actuel sera exécuté pour le surplus des clauses et conditions auxquelles il n’est pas dérogé par le présent décret et par celui du 9 décembre dernier. » (1) Cet objet viager ne s’élève pas à environ 2,000 livres.