g | Assemblée nationale.] torise les gouverneurs et lieutenants à se plaindre que quand on supprime les gouvernements et lieutenances, on anéantit leur chose, et qu’on est obligé de leur restituer la valeur de ce qu’on leur ôte. Dans deux cas seulement, les titulaires de gouvernements et de lieutenances ont droit de prétendre à une indemnité. Le premier est celui où les gouvernements et lieutenances avaient été accordés comme une récompense de grandes actions, ou comme une retraite après un long service. La récompense ordinaire était une pension ; une récompense plus distinguée était la promotion à un gouvernement ou à une lieutenance, parce qu’on joignait alors un titre honorable à un revenu pécuniaire. Il ne serait pas juste qu'aujourd’hni que les gouvernements vont êire supprimés on fût privé de sa récompense, précisément par la raison qu’on a été gratifié (l’une récompense plus honorable que les autres. Mais de même que parmi les pensions, il en est de justes et d’abusives, il est aussi parmi les promotions aux gouvernements, des nominations données au mérite, des nominations obtenues par faveur, des nominations arrachées par l’intrigue et le crédit : et c’est pourquoi l’on ne doit pas accorder une indemnité à toute personne, sans distinction, qui se trouve posséder un gouvernement ou une lieutenance ; il faut faire un choix éclairé; il faut, comme il a été décrété à l’égard des pensionnaires, que chacun de ceux qui peut se rendre témoignage à lui-même que la concession dont il va cesser de jouir a été une justice rendue à de grands services ou à de longs services, ait la faculté de présenter son mémoire; et de demander conformément aux règles décrétées par l’Assemblée nationale, une nouvelle récompense en remplacement de celle dont il se trouvera privé. C’est même ici le cas d’accorder aux titulaires de gouvernements et de lieutenances, la même grâce qu’on a faite, tant aux pensionnaires qui avaient obtenu des récompenses avant la promulgation des lois édictées par l’Assemblée, qu’aux officier s généraux qui n’ont été récompensés qu’après des services effectifs, quoique moins prolongés qu’ils le seront à l’avenir. Les gouverneurs et lieutenants doivent être traités pour la récompense qui sera rétablie en leur faveur, de la même manière que les pensionnaires l’ont élé par le titre III de la loi du 23 août; et comme on a décrété, par l’article 5 de ce titre, le rétablissement d’une pension en faveur des officiers généraux qui auraient fait deux campagnes de guerre avant d’être promus à ce grade, parce que. cessant leur promotion, il est àcioire qu’ils eussent continué leur service habituel; on uoit accorder aus.-i aux lieutenants et gouverneurs, le rétablissent nt de la récompense qu’ils avaient avait reçue après deux campagues de guerre, parce que si h ur service a ce�sé à cause de la récompense qu’on s’est trop empressé de leur donner, il n’est pas possible cependant de dite qu’ils ne fussent oignes d’aucune récompense. Ils auraient continué leur service, si la récompense se présentant en quelque manière uMIe-même, au-devant d’eux, ne les eût pas engagés à se retirer avant le temps. Un second cas dans lequel les titulaires de gouvernements ont droit de prétendre à une indemnité, c’est celui où ils sont porteurs de brevets de retenue, accordés dans les circonstances et pour les causes que la loi du 1er décembre dernier a spécifiées. Leur titre étant supprimé, ]20 février 1791. j l’indemnité de ce qu’ils ont déboursé pour l’obtenir, leur est acquise; et elle doit leur être payée. Il est un autre cas qui a fixé l’attention des deux comités, et auquel ils auraient proposé à l’Assemblée de pourvoir, si elle ne s’en était pas déjà occupée. Les gouvernements étaient divisés en plusieurs classes. Ceux quel’on appelait grands gouvernements, et dont les appointements se portaient à 60,000 livres, étaient affectés aux princes et aux maréchaux de France. Il ne doit pas être ici question des princes dont le titre ne subsisie plus; mais on doit s’occuper des maréchaux de France dont le grade est conservé comme supérieur dans la constitution militaire. Le traitement des maréchaux de France était médiocre dans l’état ancien; il avait été fixé autrefois à la somme de 13,522 livres, et au lieu de l’augmenter progressivement ainsi que les convenances l’exigeaient, on avait mieux aimé leur accorder des grâces de toute espèce, qui laissaient un cours libre à la faveur, trop ordinairement préférée à la justice. Les gages des grands gouverm ments étaient ainsi devenus une pariiedu traitement des maréchaux de France; et cette partie en étant retranchée, il est de justice ou d’indemniser ies maréchaux de France, ou d’augm’enter leur traitement : justice d’autant plus rigoureuse que, les lois de l’Etat ne permettant plus de cumuler un traitement avec des pensions, les maréchaux de France se trouveraient réduits pour tous appointements à la omme de 13,522 livres. L’Assemblée a déjà pria ces objets en considération; elle a énoncé son intention d’augmenter le traitement des maréchaux de France, et dès lors ce n’est plus le cas de leur accorder une indemnité. D’après ces différentes observations, tant sur la question principale de la suppression des gouvernements, que sur les questions accessoires que cette suppression lait naître, les deux comités réunis proposent le décret suivant : « L’Assemblée nationale décrète ; « Art. 1er. Les gouvernements de provinces et de places de toutes les classes, les lieutenances générales, les lieutenances de roi des ci-devant provinces, places et gouvernements qui n’obligeaient point à résidence, sont supprimés à compter du Ier janvier de la présente année 1791. « Art. 2. Les gouverneurs, lieutenants généraux et lieutenants de roi qui étaient en possession des places supprimées par le précédent article, seront payés sur les fonds qui avaient été à ce destinés, des appointements, gages et supplémentsde gages pour lesquels ils étaient employés dans les états du Trésor public, dans les états de la guerre, et dans ceux des dépenses des ci-de\ant provinces, pour tout ce qui peut leur en être dû jusqu’au 31 uécembre 1790. Ils ne pourront, sous aucun prétexte, percevoir rien au delà des sommes portées dans lesdits états. « Art. 3. Les gouverneurs, lieutenants généraux, lieutenants de roi, supprimés parle premier article, qui étaient porteurs de brevets de retenue, susceptibles d’indemnité aux termes de la loi du 1er décembre dernier, présenteront leurs brevets et mémoires, < n la furme prescrite par la loi du 19 janvier dernier, à l’effet de faire liquider l’indemnité qui peut leur être due. c Art. 4. A compter du 1er janvier 1791, les appointements, gage-et suppléments dégagés attribués aux offices supprimés par l’article 1er, seront rayés de tous états où ils avaient été em-ARCHlVES parlementaires. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [20 février 1791.] 369 ployés jusqu’à ce jour, et ne pourront être employés dans aucun autre. « Art. 5. Les secrétaires des gouvernements, qui n'avaient pas encore été supprimés, le seront à compter du 1er janvier 1791, et ils seront payés de leurs gages seulement, jusqu'au 31 décembre 1790. « Art. 6. Les gouverneurs, lieutenants généraux, lieutenants de roi, majors supprimés, auxquels leurs places avaient été données en récompense de leur service, présenteront leurs mémoires au comité des pensions, qui les fera remettre au directeur de la liquidation, à l’effet d’être établi en leur faveur, s’il y a lieu, aux termes de la loi du 23 août, des pensions. Lesdits gouverneurs et lieutenants seront considérés à cet effet comme les personnes qui étaient pensionnées à l’époque du 1er janvier 1790; et ceux d’entre eux qui justifieront de deux campagms de guerre, seront traités de la manière qui a été réglée pour les officiers généraux, par l’article 5 du titre III de la loi du 23 août 1790. » Plusieurs membres proposent quelques modifications aux divers articles du projet. M. Camus, rapporteur , adopte ces changements. Les articles 1 et 2 sont décrétés comme suit : » L’Assemblée nationale décrète ce qui suit : Art. 1er. « Les gouvernements de provinces et de places de toutes les classes; les lieutenances générales, les lieutenances du roi, les majorités, qui n’obligeaient point à résidence et dont on était pourvu soit par breveis, soit par provisions, sont supprimés à compter du 1er janvier de la présente année 1791. Art. 2. « Les gouverneurs, lieutenants généraux et lieutenants de roi, qui étaient en possession des places supprimées par le précédent article, seront payés sur tes fonds qui avaient été à ce destinés, des appointements, gages et suppléments de gages pour lesquels ils étaient employés dans les états du Trésor public, dans les états de la guerre et dans ceux des dépenses des ci-devant provinces, et même du fermage des objets qui avaient été par eux affermés, pour tout ce qui peut leur en être dû jusqu’au 31 décembre 1790. Iis ne pourront, sous aucun prétexte, percevoir rien au delà des sommes portées dan3 lesdits états, notamment à titre de logement et ustensiles, lorsqu’ils n’auront pas été résiliés de fait. » Un membre demande que le comité des domaines soit chargé de présenter un projet de décret relativement à l’administration des terres, prés, étangs, loués au profit des gouverneurs, lieutenants de roi et majors supprimés. (L'Assemblée ordonne le renvoi de cette demande à son comité des domaines.) Les articles 3,4 et 5 sont décrétés en ces termes ; Art. 3. « Les gouverneurs, lieutenants généraux, lieutenants de roi, majors, supprimés par le premier article, qui étaient porteurs de brevets de retenue, susceptibles d’iudemmté aux termes de la 1" Série. T. XXIII. loi du lor décembre dernier, présenteront leurs brevets et mémoires, en la forme prescrite par la loi du 19 janvier dernier, à l’effet de faire liquider l’indemnité qui peut leur être due; ceux qui avaient été pourvus en finances continueront à être payés des rentes qui leur ont été assignées, à raison de ladite finance. Art. 4. « A compter du 1er janvier 1791, les appointements, gages et suppléments de gages attribués aux offices supprimés par l'article premier, seront rayés de tous états où ils avaient été employés jusqu’à ce jour, et ne pourront être employés dans aucun autre. Art. 5. « Les secrétaires des gouvernements qui n’avaient pas encore été supprimés, le seront à compter du 1er janvier 1791, et ils seront payés de leurs gages seulement jusqu’au 31 décembre 1790. » (Une discussion s’engage sur l’article 6.) M. d’Estourmel. Cet article me paraît louche; car le préambule promet aux maréchaux de France un dédommagement et le décret n’en parle pas. Outre cela, ces gouvernements étaient également affectés par l'ordonnance de 1776 aux princes du sang : MM. d’Orléans, de Conti, de Coudé, de Bourbon en sont pourvus. Ces gouvernements faisaient partie des traitements que le roi leur assignait comme membres de la dynastie royale. Plusieurs membres : Non ! non 1 M. d’Estourmel. Puisque nous avons substitué ce mot à celui de prince du sang, les membres de la dynastie avaient, indépendamment de ces grands gouvernements, une pension affectée à leur rang. Si cette pension, qui n’est pas comprise dans la liste civile, leur est retranchée, si le gouvernement leur est ôté et qu’ils soient considérés comme officiers généraux ayant fait deux campagnes, il en résultera qu’au iieu d’un gouvernement de 60,000 livres, ils auront un traitement de 2, 3 ou 4,000 livres. U me semble donc qu’il est de la justice de l’Assemblée nationale de charger son comité militaire (Murmures)... de lui présenter ses vues à ce sujet. M. Goupil de Préfeln. Il faut, dit-on, un traitement aux membres de la dynastie. Et pour quelle raison ? — Il faut, dit-on encore, en charger le comité militaire. C’est-à-dire que l’on veut faire du gouvernement français un gouvernement militaire. Je demande la question préalable. M. de Custine. Je demande, pour les membres de la dynastie, le même traitement que celui qui sera accordé aux maréchaux de France. M. d’Estourmel. D’après l'observation de M. Goupil, qui m’a éclairé, je demande le renvoi au comité de Constitution. (L’Assemblée rejette les amendements.) L’article 6 est décrété comme suit : Art. 6. « Les gouverneurs, lieutenants généraux, lieu-24