536 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [9 février 1790.] « L’Assemblée nationale, qui n’a point oublié que la commune de Paris a partagé avec elle les inquiétudes, les amertumes, les dangers de la Révolution, saisit avec empressement l’occasion de prendre part à la juste allégresse des bons citoyens de la capitale. Elle assistera en corps à la cérémonie qui doit avoir lieu dimanche prochain à l’église Notre-Dame. * .Les juges-consuls de Paris se présentent pour prêter le serment civique. M. le Président leur dit : « L’Assemblée nationale voit avec une véritable satisfaction, des citoyens recommandables par leur probité et par leurs lumières, utiles par des travaux précieux qui vivifient l’Etat, donner encore l’exemple de la fidélité et du respect pour les lois constitutionnelles de l’empire. Elle vous admet à la prestation du serment civique, dont je vais vous faire connaître la formule. » L’Assemblée reçoit des juges-consuls de Paris le serment civique. Une députation de Chauny est également admise à offrir un don patriotique consistant en bi-oux et boucles d’argent. M. l’abbé Grégoire, président du comité des rapports, rend compte des troubles qui subsistent dans leQuercy, le Rouergue, le Périgord, le Bas-Limousin et une partie de la Basse-Bretagne. Quelques paysans réunis en troupes armées portent la désolation dans toutes les propriétés nobles ou roturières ; ils augmentent en nombre à mesure qu’ils étendent leurs ravages. Le comité a cherché à découvrir les causes de ces désordres pour vous en indiquer le remède. M. le vicomte de Mirabeau, dans un écrit qu’il vient de publier, appelle ces événements la guerre de ceux qui n’ont rien contre ceux qui ont quelque chose. « On voit à la tête de ces brigands, dit-il, des gens dont le visage n’est pas flétri par le travail, qui parlent latin, etqui ont un plan de campagne: des phrases prononcées dans cette tribune, des lettres anonymes et incendiaires ont occasionné ces désordres, que les municipalités laissent subsister, si elles ne les fomentent pas ..... » Aucune pièce communiquée au comité, aucun fait parvenu à sa connaissance n’appuient cette assertion. M. Couppé. Le contraire est exactement vrai. M. Eianjulnals. Je dénonce ce qui concerne les municipalités comme une calomnie. M. l’abbé Grégoire continue : Les municipalités des pays où ces troubles ont lieu pensent qu’ils naissent : 1° de l’ignorance de la langue. Les paysans entendent par décrets de l’Assemblée nationale, des décrets de prise de corps 2° de la crainte que les décrets du 4 août ne soient point exécutés; 3° delà fausse interprétation de ces décrets ; 4» des erreurs dans lesquelles cherchent à faire tomber les habitants des campagnes, ceux qui préfèrent l’esclavage et l’anarchie à l’ordre et a 1 a liberté ; 5 -de faux décrets et de fausses lettres-patentes perfidement montrés aux paysans. 11 faut que les bons citoyens se réunissent : ils ont fait à Sarlat un parti fédératif, à la tête duquel est l'évêque, et qui a pour but l’instruction du peuple; ils ont publié à Brives une lettre circu-aire, modèle de patriotisme et de simplicité. Il aut déclarer au plus tôt quels sont les droits éodaux rachetables, quels sont ceux abolis sans indemnité. Le régime féodal est encore en vigueur dans quelques provinces. Une lettre de Lorraine contient cette phrase: « Nous sommes à la veille d’une guerre sanglante, intestine et féodale. » On a voulu, dans cette province, obliger les curés à dire au prône que les paysans doivent continuer à payer tous les droits seigneuriaux... Le comité propose de rendre le décret suivant : « 1° Que le [roi soit supplié de donner incessamment les ordres nécessaires pour l’exécution du décret du 10 août dernier, en ce qui concerne la tranquillité publique; 2° que le Président écrive aux municipalités des pays où les troubles ont lieu, pour témoigner combien l’Assemblée nationale est affectée des désordres dont la continuation nécessiterait le pouvoir exécutif à déployer toutes les forces qui sont à sa disposition. M. llalès. Le mot affectée n’est point assez fort ; il faut dire que l’Assemblée blâme et condamne la conduite des auteurs des insurrections. M. l’abbé Grégoire. Il me semblerait utile d’engager les curés, membres de cette Assemblée, à écrire à leurs confrères, afin que ceux-ci donnent la véritable interprétation des décrets, et en favorisent l’exécution par tous les moyens que leur offre la confiance due au ministère sacrédont ils sont revêtus. M. Sallé de Choux. Le décret du 10 août porte que les municipalités veilleront à la tranquillité publique, et que, sur leur réquisition, les gardes nationales, les maréchaussées et les troupes soldées arrêteront les auteurs et complices des troubles; que les personnes arrêtées seront remises aux tribunaux de justice, et interrogées incontinent, pour leur procès être fait; mais qu’il sera sursis à l’exécution des jugements rendus contre lesauteurset instigateurs des insurrections, et copies des interrogatoires et de la procédure envoyées à l’Assemblée nationale, afin qu’elle puisse remonter à la source de ces projets contre le bien public. Je demande que le sursis à l’exécution des jugements soit étendu à toutes les personnes arrêtées pour fait d’insurrection. Les brigands arrêtent sur les chemins, dans les champs, enlèvent des chaumières isolées des paysans tranquilles, et les forcent à marcher avec eux ; ils les placent à leur tête, ils les exposent les premiers aux coups qui sont tirés. Ces malheureux peuvent être pris et jugés comme s’ils étaient coupables. M. le vicomte de Noailles. J’ai des nouvelles certaines des malheurs dont ou vous a fait le tableau. Il y a dans le Rouergue, dans le Limousin et dans le Périgord, des gens qui se sont érigés en réparateurs des torts ; ils jugent de nouveau des procès jugés depuis trente ans, et rendent des sentences qu’ils exécutent. Il faut inviter le pouvoir exécutif à user de tous les moyens qui lui sont donnés par vos décrets pour arrêter cette frénésie. C’est vraiment une frénésie; car ceux qui vont à ces exécutions croient faire la cliose la plus juste du monde. Un moyen plus sûr encore, c’est de délibérer jeudi ou vendredi, sans plus attendre, sur le projet de décret qui vous a été présenté par le comité féodal. M. l’abbé Maury. Les insurrections populaires qui vous sont dénoncées méritent d’autant plus votre attention, qu’étrangères à la classe des citoyens qu’on aurait cru opposés à laRévolution, elles ne présentent que l’effrayant commencement