410 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE Je vous ai ajouté que les moissons seraient extraordinairement abondantes, mais comme le public pourrait penser que cette rare abondance ne vient que de la constitution passagère de l’année; je dois vous observer pour une plus grande satisfaction qu’elle vient aussi de ce que cette année on a ensemencé près de 30 000 arpens de terre de plus que les autres années. Ces terrains proviennent du dessèchement de plusieurs étangs, et ce dessèchement a encore produit un autre avantage, c’est que dans les endroits où ils ont été faits ni dans les environs à une très grande distance, il n’y a plus eu de ces météores destructeurs des hommes, des animaux et de leurs subsistances, lesquels ces clôtures d’eau engendrent, ou auxquels ils servent de conducteurs. L’année prochaine il y aura peut-être 100 000 arpens de semblables terrains dessèchements ensemencés, et déjà dans beaucoup de lieux les terres sont préparées pour les semailles. Maintenant, Citoyens, je vous présente plusieurs grappes de raisins blancs et de raisins noirs en fleur, cueillies ce matin dans le département de Paris... ne croyez pourtant pas que cet état de la vigne y soit général; il ne fait qu’y commencer, et encore n’est-ce que sur les collines situées au levant équinoxal et au midi et abritées du nord. Au surplus les vendanges seront considérables. Ainsi bientôt nos granges et nos celliers seront pleins, et la France, après être devenue pour toujours le grenier intarissable de l’Europe, continuera perpétuellement de l’abreuver de ses vins délicieux. Il faut espérer qu’à la solennité de demain, il y aura des groupes d’enfants parés des précieux dons de la nature, semblables à ceux que je vous offre. Car rien ne plait tant à la Divinité que ces images riantes de la population des hommes, des effets de leurs travaux et de la fécondité de la terre. H n’en étoit pas ainsi chez les despotes; ces monstres ne veulent de ces inappréciables richesses, et même, d’hommes, dans les belles contrées qu’ils désolent, qu’autant qu’il leur en faut pour se gorger de plaisirs criminels. « Meurs ou n’existe que pour moi ». Voilà l’affreux langage de ces bêtes féroces à leurs malheureux sujets, je frémis en l’écrivant. Louis XV, d’exécrable mémoire et son détestable conseil, qui feignaient publiquement de favoriser la population, avaient résolu secrètement de l’empêcher en faisant publier aux prônes et dans les journaux, de mettre de l’alun dans le beurre; mais dans le vrai pour oblitérer (sic) les vaisseaux spermatiques, rendre les hommes et les femmes impuissants et les exposer à mille maux incurables et même à des morts excessivement douloureuses et prématurées, surtout aux âges critiques. Je tiens ces faits abominables du médecin même qui a été chargé par St Florentin, d’odieux souvenir, de trouver les doses de cette horrible formule, et si je ne le nomme point, c’est par une espèce de respect filial pour sa mémoire, et ayant contribué plus qu’aucun autre arctriâtre à m’arracher des bras de la mort. Périssent donc à jamais les tyrans et leurs ministres, et que leurs noms disparaissent éternellement du globe. Vivent au contraire et vivent à jamais la Nation, la République, la Convention nationale, les cultivateurs, les défenseurs de la patrie et leurs vertueuses et respectables familles et qu’elles et les nôtres se multiplient et croissent comme l’herbe autour des humides marais (1) . Mention honorable, insertion au bulletin. 46 La société populaire de la commune d’Orbec (2) félicite la Convention nationale du décret par lequel elle a proclamé la conviction qu’a le peuple français qu’il existe un Etre-Suprême, et lui témoigne les sentimens d’horreur dont elle a été pénétrée à la nouvelle des dangers qu’ont courus Robespierre et Collot. Mention honorable, insertion au bulletin (3). [Orbec, 10 prair. II] (4). « Législateurs, Un de vos collègues a dit avec bien de la vérité que la mort des tyrans était le salut des peuples, et nous, nous ajoutons qu’à la mort d’un représentant du peuple le genre humain devrait prendre le deuil. Votre comité de Salut public a pris des mesures qui ont fait trembler les ennemis de la révolution; pour se débarrasser de leur frayeur ils ont ourdi mille trames, qui toutes ont été déjouées et dans leur désespoir ils ont appelé le fanatisme à leur secours. Ce monstre n’a pas demandé mieux que de leur prêter ses fureurs, mais votre décret du 18 floréal l’a terrassé et l’assassinat a été mis en jeu. Grâces à la providence étemelle qui a bien voulu nous faire présent de la liberté et qui veille à sa conservation, Collot d’Herbois et Robespierre, dont le nom seul fait l’éloge, ont échappé aux poignards; nous avons frémi à l’aspect du danger qu’ils ont couru; s’ils eussent péri nous serions inconsolables; ils respirent et nous sommes heureux. » Perier ( présid .), Otton, Belliêre, Dechaye, Dupiez, Daufreme. 47 Plusieurs commissaires de la section du Panthéon-Français se présentent à la barre, accompagnés d’un cavalier jacobin que cette section a armé et équipé à ses frais, et annoncent à la Convention nationale que ce soldat de la liberté a juré de poursuivre jusqu’à la mort les brigands qui voudroient nous dégrader, et de défendre jusqu’à la dernière goutte de son sang l’unité et l’indivisibilité de la République. Notre section, disent ces commissaires, est pauvre des biens corrupteurs de la (1) C 306, pl. 1162, p. 25; C. Eg., n° 666; Audit. nat., n° 630. (2) Calvados. (3) P.V., XXXIX, 99. (4) C 306, pl. 1162, p. 24. 410 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE Je vous ai ajouté que les moissons seraient extraordinairement abondantes, mais comme le public pourrait penser que cette rare abondance ne vient que de la constitution passagère de l’année; je dois vous observer pour une plus grande satisfaction qu’elle vient aussi de ce que cette année on a ensemencé près de 30 000 arpens de terre de plus que les autres années. Ces terrains proviennent du dessèchement de plusieurs étangs, et ce dessèchement a encore produit un autre avantage, c’est que dans les endroits où ils ont été faits ni dans les environs à une très grande distance, il n’y a plus eu de ces météores destructeurs des hommes, des animaux et de leurs subsistances, lesquels ces clôtures d’eau engendrent, ou auxquels ils servent de conducteurs. L’année prochaine il y aura peut-être 100 000 arpens de semblables terrains dessèchements ensemencés, et déjà dans beaucoup de lieux les terres sont préparées pour les semailles. Maintenant, Citoyens, je vous présente plusieurs grappes de raisins blancs et de raisins noirs en fleur, cueillies ce matin dans le département de Paris... ne croyez pourtant pas que cet état de la vigne y soit général; il ne fait qu’y commencer, et encore n’est-ce que sur les collines situées au levant équinoxal et au midi et abritées du nord. Au surplus les vendanges seront considérables. Ainsi bientôt nos granges et nos celliers seront pleins, et la France, après être devenue pour toujours le grenier intarissable de l’Europe, continuera perpétuellement de l’abreuver de ses vins délicieux. Il faut espérer qu’à la solennité de demain, il y aura des groupes d’enfants parés des précieux dons de la nature, semblables à ceux que je vous offre. Car rien ne plait tant à la Divinité que ces images riantes de la population des hommes, des effets de leurs travaux et de la fécondité de la terre. H n’en étoit pas ainsi chez les despotes; ces monstres ne veulent de ces inappréciables richesses, et même, d’hommes, dans les belles contrées qu’ils désolent, qu’autant qu’il leur en faut pour se gorger de plaisirs criminels. « Meurs ou n’existe que pour moi ». Voilà l’affreux langage de ces bêtes féroces à leurs malheureux sujets, je frémis en l’écrivant. Louis XV, d’exécrable mémoire et son détestable conseil, qui feignaient publiquement de favoriser la population, avaient résolu secrètement de l’empêcher en faisant publier aux prônes et dans les journaux, de mettre de l’alun dans le beurre; mais dans le vrai pour oblitérer (sic) les vaisseaux spermatiques, rendre les hommes et les femmes impuissants et les exposer à mille maux incurables et même à des morts excessivement douloureuses et prématurées, surtout aux âges critiques. Je tiens ces faits abominables du médecin même qui a été chargé par St Florentin, d’odieux souvenir, de trouver les doses de cette horrible formule, et si je ne le nomme point, c’est par une espèce de respect filial pour sa mémoire, et ayant contribué plus qu’aucun autre arctriâtre à m’arracher des bras de la mort. Périssent donc à jamais les tyrans et leurs ministres, et que leurs noms disparaissent éternellement du globe. Vivent au contraire et vivent à jamais la Nation, la République, la Convention nationale, les cultivateurs, les défenseurs de la patrie et leurs vertueuses et respectables familles et qu’elles et les nôtres se multiplient et croissent comme l’herbe autour des humides marais (1) . Mention honorable, insertion au bulletin. 46 La société populaire de la commune d’Orbec (2) félicite la Convention nationale du décret par lequel elle a proclamé la conviction qu’a le peuple français qu’il existe un Etre-Suprême, et lui témoigne les sentimens d’horreur dont elle a été pénétrée à la nouvelle des dangers qu’ont courus Robespierre et Collot. Mention honorable, insertion au bulletin (3). [Orbec, 10 prair. II] (4). « Législateurs, Un de vos collègues a dit avec bien de la vérité que la mort des tyrans était le salut des peuples, et nous, nous ajoutons qu’à la mort d’un représentant du peuple le genre humain devrait prendre le deuil. Votre comité de Salut public a pris des mesures qui ont fait trembler les ennemis de la révolution; pour se débarrasser de leur frayeur ils ont ourdi mille trames, qui toutes ont été déjouées et dans leur désespoir ils ont appelé le fanatisme à leur secours. Ce monstre n’a pas demandé mieux que de leur prêter ses fureurs, mais votre décret du 18 floréal l’a terrassé et l’assassinat a été mis en jeu. Grâces à la providence étemelle qui a bien voulu nous faire présent de la liberté et qui veille à sa conservation, Collot d’Herbois et Robespierre, dont le nom seul fait l’éloge, ont échappé aux poignards; nous avons frémi à l’aspect du danger qu’ils ont couru; s’ils eussent péri nous serions inconsolables; ils respirent et nous sommes heureux. » Perier ( présid .), Otton, Belliêre, Dechaye, Dupiez, Daufreme. 47 Plusieurs commissaires de la section du Panthéon-Français se présentent à la barre, accompagnés d’un cavalier jacobin que cette section a armé et équipé à ses frais, et annoncent à la Convention nationale que ce soldat de la liberté a juré de poursuivre jusqu’à la mort les brigands qui voudroient nous dégrader, et de défendre jusqu’à la dernière goutte de son sang l’unité et l’indivisibilité de la République. Notre section, disent ces commissaires, est pauvre des biens corrupteurs de la (1) C 306, pl. 1162, p. 25; C. Eg., n° 666; Audit. nat., n° 630. (2) Calvados. (3) P.V., XXXIX, 99. (4) C 306, pl. 1162, p. 24.