[Assemblée nationale.J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [15 mars 1720.] jgQ de département le pouvoir et l’obligation de choisir les moyens les moins onéreux au peuple, selon l’état actuel des impositions des départements, parce qu’il s’agit de prévenir, par une opé> ration passagère et momentanée, l’impossibilité de réparer les pertes de l’Etat, ou le danger non moins sensible d’épuiser, par un surcroît d’imposition, les facultés du peuple. Je propose le décret suivant: Art. 1er. La gabelle ou la vente exclusive du sel dans les départements des provinces de grande gabelle, petite gabelle, de gabelle locale, et le droit de quart-bouillon dans les départements de la Manche, de l’Orne et de l’Orne-Inférieure, et les droits de traite sur les sels destinés à la consommation des départements connus sous le nom de provinces franches et rédirnées seront supprimés à compter du premier janvier prochain. Art. 2. Une contribution égale au revenu que le trésor national devait retirer jusqu’au dernier janvier prochain, de la vente exclusive du sel ou du droit de quart-bouillon, déduction faite du prix du sel marchand, et des sols pour livre additionnels, sera répartie sur les départements des provinces du pays de grande gabelle, de petite gabelle, de gabelle locale et de quart-bouillon, en raison de la quotité du sel qui se consommait dans ces provinces. Art. 3. Une contribution égale au revenu que le trésor national devait retirer jusqu’au 1er janvier prochain, des droits de traite, de toute espèce, établis sur le transport du sel destiné à la consommation des départements des provinces franches et rédirnées, déduction faite des sols pour livre additionnels, sera répartie sur les départements, en raison de la quotité du sel qui se consommait dans ces départements. Art. 4. Se réserve l’Assemblée nationale de décréter la portion, payable par chaque département, de la contribution ordonnée par les deux articles précédents, d’après les états de consommation et de prix qui lui seront incessamment mis sous les yeux par le comité des finances. Art. 5. La contribution ordonnée par les articles 2 et 3, sera répartie sur les contribuables par les assemblées de département, dans la forme et la proportion qu’elles jugeront la moins onéreuse au peuple, selon l’état actuel des différentes impositions, à la charge d’obtenir la ratification de l’Assemblée nationale. Art. 6. La contribution établie par l’article 2, aura lieu dans les départements contribuables; savoir, dans ceux où les droits ont été suspendus dans le cours de l’année dernière, à compter du premier janvier dernier; dans ceux où les droits ont été suspendus depuis le premier janvier dernier, à compter de l’époque de la suspension ; et dans ceux où les droits ont été perçus sans interruption, à compter du premier avril prochain. Art. 7. 11 ne sera point fait d’entreprise et d’établissement avec le concours du gouvernement et en compte ouvert avec le trésor national pour vente et contribution du sel. Art. 8. Le sel sera marchand, la circulation en sera libre, et son prix sera le prix courant du commerce, sans qu’en aucun cas, et sous quelque prétexte que ce soit, on puisse apporter aucun trouble ni gêne au commerce libre du sel. (L’Assemblée ordonne l’impression du discours de M. de Boisgelin qui est vivement applaudi.) M. Dupont. Je demande qu’on aille aux voix sur le projet de décret, article par article. M. de Cazalès. Je demande une nouvelle lecture de toutes les propositions et la priorité pour la mienne. M. le Président consulte l’Assemblée qui accorde la priorité au projet de décret du comité des finances. M. le marquis de Foucault. Je propose de transposer le premier article, et de le conserver pour le dernier. M. Dufralsse-Duchey. Il est plus naturel de commencer par déterminer la quotité et le mode du remplacement de la gabelle: nous verrons ensuite si la gabelle doit être supprimée. M. Dupont. Nous devrions, plutôt que de proposer difficultés sur difficultés, décréter par acclamation une suppression que demande toute la France. L’Assemblée décide qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur la proposition de M. de Foucault. L’article 1er du projet de décret du comité des finances est presque unanimement adopté, ainsi qu’il suit : Art. 1er. « La gabelle ou la vente exclusive du sel, dans les départements qui formaient autrefois les provinces de grandes gabelles, de petites gabelles, et de gabelles locales; le droit de quart-bouillon dans les départements de la Manche, de l’Orne et de l’Orne-lnférieure; et les droits de traite sur les sels destinés à la consommation des départements anciennement connus sous le nom de provinces franches et de provinces rédirnées, seront supprimés à compter du premier avril prochain. » M. le Président. L’Assemblée va se retirer dans ses bureaux pour procéder à un second tour de scrutin pour l’élection de son président. (La séance est levée à deux heures et demie.) ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. RABAUD DE SAINT-ÉTIENNE. Séance du lundi 15 mars 1790 (1). M. l’abbé de Montesquiou, président, ouvre la séance à 9 heures et demie du matin. Un de MM. les secrétaires donne lecture du procès-verbal de la séance d’hier. H ne s’élève aucune réclamation. M. le Président annonce que par le résultat du scrutin d’hier, M. Rabaud de Saint-Etienne a été élu président. M. l’abbé de Ml ontesquiou, avant de quitter le fauteuil, prononce un discours qu’il eût été à désirer de pouvoir insérer dans le procès-verbal, si, par un excès de modestie qui donne un nouveau lustre à ses lumières et à ses vertus, il ne se fût refusé d’en fournir la communication. M. Rabaud de Saint-Fticnne ayant pris le fauteuil dit : (1) Celte séanee est incomplète au Moniteur. 470 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [15 mars 1790.] « Je ne cherche point à vous exprimer la respectueuse reconnaissance dont je suis pénétré, en prenant la place à laquelle vos bontés m’élèvent aujourd’hui. Je reconnais mon insuffisance à la remplir; et cherchant avec surprise les motifs qui vous ont portés à m’honorer de votre choix, je n’y puis voir, Messieurs, qu’une de ces grandes leçons que vous êtes en possession de donner à vos contemporains. Sans doute, vous avez voulu consacrer publiquement vos principes. Vos suffrages en ma faveur sont un décret que vous rendez ; et lorsque regardant autour de vous, vous daignez me choisir pour servir de preuve à la noble indépendance de vos maximes, je dois concourir, au moins par mon obéissance, à remplir des intentions qu’il est doux pour moi de respecter. « Vous m’imposez, Messieurs, de grands devoirs, je viens d’avoir sous les yeux un grand exemple; et cet exemple est cependant un motif de plus pour m’engager à solliciter votre indulgence, et pour être assuré de l’obtenir, » (Ce discours est applaudi,) M. duîllaume. Je propose de voter des remerciements à M. l’abbé de Montesquiôu, président sortant, pour lui témoigner la reconnaissance de l’Assemblée pour le zèle) le talent et l’impartialité dont il a fait preuve dans sa fonction, (Getle motion est accueillie par acclamation et, pour la seconde fois, l’Assemblée consigne dans son procès-verbal au témoignage aussi flatteur des sentiments dont elle est animée pour M. l’abbé de Montesquiou.) M. Muguet de JYanthou. Le décret que vous avez rendu sur la constitution de l’armée contient des articles susceptibles, les uns de sanction, les autres d’acceptation. Ce décret n’est encore ni accepté, ni sanctionné. Je demande que M. le président soit chargé de se retirer devers le roi à ce sujet. M. Bouche. J’ai promis à ma patrie et à mon devoir de suivre imperturbablement l’acceptation des décrets. Celui du 7 janvier, concernant le serment à faire prêter aux gardes nationales, n'est pas encore accepté ; c’est une preuve manifeste qu'on ne veut pas mettre dans les mains de la municipalité les moyens d’assurer l’ordre et la tranquillité. J’ai demandé quatre fois la sanction du décret qui ordonne aux officiers des monnaies d’envoyer l’état de la vaisselle qui a été portée à la Monnaie. On ne veut donc pas faire connaître les ressources de la France, et l’emploi de l’argent que cette ressource particulière a produit? je demande que M. le président se retire vers Sa Majesté pour la prier de sanctionner ces décrets, et que les commissaires nommés par l’Assemblée nationale pour surveiller l’envoi des décrets s’occupent spécialement de ceux-ci. C’eSt une motion sur laquelle j’ai insisté, sur laquelle j’insiste, et sur laquelle j’insisterai. Ces deux motions sont mises aux voix, et délibérées de la manière suivante : « L’Assemblée nationale décrète que son président se retirera incessamment par devers le roi, pour le supplier de donner sa sanction au décret concernant la constitution de l’armée, à celui du 7 janvier, qui autorise les nouvelles municipalités à faire prêter serment par les gardes nationales à la loi et au roi, et à sanctionner encore le décret du 11 février, qui oblige les directeurs dès hôtels des monnaies du royaume, à mettre dans quinze jours, souâ les yeux de l’Assemblée, un état exact, détaillé, de la vaisselle d’or et d’argent qui leur a été portée, du numéraire que cette vaisselle a produit, et de l’emploi qu’ils en ont fait. « L’Assemblée nationale charge de plus ses commissaires de presser l’envoi de ses décrets, d’abord après leur sanction. » M. Bouche. Je demande que M. Je président renouvelle ses instances pour que i’Assemblée, dans les personnes de ses commissaires du comité des finances, reçoive enfin communication du fameux livre rouge. (Cette demande n’a pas de suite.) M. le Président. Votre ordre du jour porte trois matières à discuter : l’imposition de la gabelle, l’adresse de la commune de Paris et la rédaction des articles du décret sur les droits féodaux. L’Assemblée décide qu’on entendra d’abord la lecture des' articles concernant la féodalité , et qu’oü reprendra immédiatement après la dücus-sion sur lu gabelle. M. Merlin, rapporteur. Avant de commencer la lecture des articles, je dois prévenir l’Assemblée que le comité a fait subir diverses modifications, suppressions ou additions, aux décrets déjà rendus. levais d’abord soumettre à l’approbation de l'Assemblée toutes ces modifications. L’article 4 du titre premier a été soumis à une nouvelle rédaction. La disposition commençant par ces mots : et ne sera perçu, a été retranchée de l’article, et il en a été fait un séparé, qui a été rédigé dans les termes suivants : « En attendant que l’Assemblée nationale ait prononcé sur les droits de contrôle, il ne pourra être perçu pour le contrôle des reconnaissances mentionnées dans l’article 4, de plus forts droits de contrôle que ceux auxquels étaient soumis les déclarations à terrier et autres actes abolis par l’article 5. » L’article 7 qui était le sixième de la même rédaction, a exigé une correction : le mot supprimés a été substitué au mot abolis. L’article 8, qui était le septième de l’ancienne rédaction, en a exigé une autre. Et aux mots sont à l'avenir, et jusqu’à leur rachat, on a substitué ceux-ci : seront jusqu’ à leur rachat et à compter de i’époqne qui sera déterminée par l’article 33 du litre II au présent titre. Après les mots en conséquence, contenus dans l’article 11 qui était le dixième de l’ancienne rédaction, l’on a ajouté ceux-ci: l'Assemblée ordonne. L’exception établie par la disposition de ce même article, qui commence par ces mots : excepte du présent décret , était exprimée dans des termes qui auraient pu occasionner des doutes. Le rapporteur propose une nouvelle rédaction qui est mise aux voix et qui est décrétée de la manière suivante : « Excepte du présent décret ceux qui sont actuellement mariés ou veufs avec enfants, lesquels, dans les partages à faire entre eux et leurs cohéritiers, de toutes les successions mobilières et immobilières, directes et collatérales, qui pourraient leur échoir, jouiront de tous les avantages que leur attribuent les anciennes lois. » Divers membres proposent d’ajouter au môme article différentes autres dispositions,