SÉANCE DU 25 VENDÉMIAIRE AN III (16 OCTOBRE 1794) - N° 16 187 Adresse à la Convention nationale des citoyens composant la société populaire de Nantes et les tribunes, du 15 vendémiaire an III (33). Représentans du peuple français, A peine sortis de l’oppression odieuse sous laquelle nous avions si longtems gémi, environnés de périls, chaque jour renaissans, notre énergie s’est accrue en raison de nos dangers, et dans un premier mouvement, nous nous sommes empressés d’adhérer à l’adresse de Dijon, qui sembloit satisfaire à toute l’indignation que nous inspirent les ennemis de la république. Citoyens représentans, nous ne pensions pas alors que les factions pourroient s’en servir comme d’un nouveau moyen de perpétuer les troubles qui n’ont que trop longtems déchiré le sein de la patrie; nous n’avions pas 'assez réfléchi sur quelques erreurs de cette adresse, qui contrastent d’une manière trop frappante avec les sages principes qui vous animent. Dévoués sans réserve à la représentation nationale, nous avons cru devoir vous renouvel-ler, dans cette circonstance, le serment de la regarder toujours comme le seul centre de tous les pouvoirs, et même de toutes les opinions; comme le seul point de ralliement de tous les vrais patriotes; de la seconder de tout notre pouvoir dans ses travaux immortels, d’immoler toute espèce de faction à la prospérité publique ! Qu’il est doux pour nous, pères de la patrie, de voir qu’en ce moment la justice a succédé à la terreur, que, grâce à vos soins, l’homme a repris son énergie ; qu’on lui a restitué la jouissance de ses facultés physiques et intellectuelles ; que le frère peut embrasser son frère ; que l’ami peut s’épancher dans le sein de son ami ; que le citoyen, par son industrie, peut faire de nouvelles spéculations pour la prospérité commune. Citoyens représentans, achevez votre ouvrage... faites tomber sous la hache de la loi, des hommes indignes de ce nom, qui, pour satisfaire une barbare cupidité, un instinct féroce, égorgent des femmes enceintes, des enfans à la mamelle. Faites disparoître du sol de la liberté, ces cannibales, qui voudroient dénaturer, dégrader le caractère national, et faire du peuple franc, à qui les vertus sociales ont toujours été si chères, un peuple d’anthropophages. Frappez législateurs, frappez au nom de l’humanité. La nature, outragée tant de fois, demande vengeance; la terre est impatiente de s’abreuver du sang des tigres, qui l’ont si souvent rougie de celui de l’innocent. Suivent les signatures. (33) C. Eg., n” 786; Moniteur, XXII, 371; M. U., XLV, 50- 51; Bull., 26 vend, (suppl.); Débats, n° 764, 537-538. Mention C. Eg., n’ 802; J. Fr., n" 751; J. Perlet, n 753; M.U., XLIV, 395. 16 Les envoyés du département de l’Ain, pour déposer au comité de Sûreté générale les pièces matérielles contre les agitateurs, rendent compte de la situation du département qui les a envoyés, et dans lequel ces agitateurs et les anciens émigrés étendoient leur influence maligne. Ils annoncent qu’il a été calmé et régénéré par les soins du représentant Boisset. Ils rendent compte des projets attentatoires à la liberté du peuple et à la sûreté de la Convention, préparés dans les ténèbres; ils protestent de leur attachement à la Convention nationale. Mention honorable, insertion au bulletin et renvoi au comité de Sûreté générale (34). [Les envoyés du département de l’Ain à la Convention nationale ] (35) Citoyens représentans, Nous venons porter le flambeau de la conviction sur les opérations tant calomniées du représentant du peuple Boisset dans le département de l’Ain; nous venons de déposer au comité de Sûreté générale, les preuves matérielles qui constatent que la faction des émigrés étendoit les ramifications dans ce département, et qu’elle étoit liée au système désorganisateur des Hébert, Danton et des Robespierre : nous venons aussi vous présenter le tableau consolant des vertus enchaînant le crime ; nous venons vous dire qu’au moment où vous avez levé votre massue pour écraser la tyrannie, à l’instant même la probité et la justice se sont réunies pour confondre la scélératesse. Boisset, votre digne collègue, Boisset, que vous avez envoyé dans nos contrées, a su faire respecter les droits de l’homme; sa présence a dissipé les nuages dont s’enveloppoit le crime; la vertu a paru dans tout son jour, et trois cent mille citoyens rendus à ce caractère de bonté, de soumission aux lois qui les distingue, en se félicitant sur le retour de la justice, ne s’abordent plus qu’en disant Vive la République, vive la Convention nationale ! Déjà le département de l’Ain a repris le mouvement régulier qui nous fera triompher de l’anarchie : déjà les autorités constituées sont épurées; déjà les sociétés populaires, agissant d’après vos principes, ont chassé de leur sein les intrigans, les fripons et tous les êtres immoraux qui prêchoient ouvertement le vice. Le peuple les a signalés : dès lors la justice n’a plus été un vain mot ; et tous ces pestiférés, qui répandoient au loin la contagion, ont été prudemment séparés de la grande famille. Nous ne pensons pas que l’on essaie de vous apitoyer sur leur sort, en vous les montrant (34) P.-V., XLVII, 193. Gazette Fr., n" 1019. (35) Bull., 29 vend, (suppl.) 188 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE comme des patriotes exaltés, dont le crime seul est dans cette exaltation : nous ne le pensons pas, parce qu’on n’atténuera jamais les dépositions de quatre cents témoins pour la commune et le district de Bourg, appuyées de preuves matérielles; elles prouveront que non seulement les monstres avoient soif de la fortune publique, mais encore du sang de tous ceux qui offroient à leur avarice un moyen de dilapidation qui pût les enrichir ; elles prouveront qu’ils ont médité l’égorgement de tous les détenus; elles prouveront qu’ils ont cherché à avilir la représentation nationale, en osant dire à la tribune de la société populaire que les sociétés étoient plus puissantes que la Convention, qu’il n’y avoit dans la Convention que vingt cinq patriotes; en osant méditer l’assassinat du représentant du peuple Gouly. Citoyens, la cause que nous défendons est celle de trois cent mille républicains comprimés par la terreur ; c’est celle de quatre cents pères de famille qui pendant dix mois ont gémi dans la captivité ; c’est celle de quatorze victimes immolées à la vengeance de quelques-uns de ces scélérats, sans que l’on connoisse aucun vestige de jugement ; c’est enfin celle de la Convention nationale avilie. Nous ne demandons pas vengeance, mais nous demandons justice. 17 Le conseil-général de la commune et la société populaire de Calais [Pas-de-Calais] félicitent la Convention sur ce que l’énergie des braves républicains français, guidés par elle, a balayé le sol de l’empire des hordes impures qui osoient le souiller. Ils invitent la Convention à marcher toujours dans la ligne des principes de justice et d’humanité qu’elle parcourt depuis le 9 thermidor. Ils réclament, au nom du peuple, une justice éclatante contre les hommes pervers qui voudraient, par des mesures atroces, ressusciter le règne des triumvirs; Os demandent enfin que la Convention s’occupe des institutions publiques. Mention honorable et insertion au bulletin (36). [La société populaire, montagnarde et révolutionnaire de Calais à la Convention nationale, s. d.] (37) Liberté Egalité Fraternité ou la Mort Représentans du peuple, L’ennemi ne souille plus le territoire de la République, mais il a laissé au milieu d’elle un (36) P.-V., XLVII, 194. Ann. Patr., n" 654; J. Fr., n° 751; J. Perlet, n” 753; M.U., XLIV, 395. (37) C 321, pl. 1347, p. 16. Bull., 26 vend. corps de réserve, composé de tous les hommes pervers et criminels. Ce sont eux qui ont recueilli le manteau de Robespierre et se déclarent les continuateurs de la tyrannie. Ce sont eux qui ont assasiné le peuple français dans l’un de ses représentans et qui, fidèles au plan de leur maitre, cherchent à diviser l’opinion, à égarer les citoyens, à tourmenter le gouvernement par le choc des passions et à l’ébranler par les secousses du vice... Cette nouvelle faction tend à son but par divers moyens. Elle a à sa solde l’exagération et le modérantisme. Ses agens paroissent divisés et ils sont d’accord. L’égorgeur, le royaliste, l’aristocrate, le fédéraliste, le modéré et l’homme suspect sont du même parti; leurs rôles seulement different, celui-ci veut le sang de l’innocent, celui-là, l’impunité du coupable. L’un demande la loi agraire, l’autre, la garantie de l’opulence et de l’égoïsme. Tantôt ils prêchent l’oppression, tantôt, l’insurveillance ici, ils veulent dominer la Convention par les Jacobins, là, anéantir les sociétés populaires par la Convention. Représentans du peuple, à l’aspect de ces dangers, nous avons besoin de vous faire connoitre nos sentimens et de vous renouveller l’expression de notre attachement. Nos ennemis sont faibles, ils ne sont armés que de leurs crimes, mais nous n’en devons pas moins crier qui vive, puisque nous sommes aux avant postes et que nous les appercevons. Nous déclarons donc que la Convention toute entière à notre confiance, puisqu’elle s’est levée toute entière contre Robespierre et ses complices. Nous ne suivrons jamais la bannière ni d’un individu, ni d’une assemblée particulière du peuple. Nous nous rallierons toujours à la représentation nationale, comme au centre du gouvernement et de l’unité de la République. Nous sommes aussi vos amis puisque nous sommes ceux de la liberté et de l’égalité que vous avés fondées sur la tombe des rois et des conspirateurs. Nous ne souffrirons plus que la terreur pèse sur la tête des hommes libres... la terreur fait le code des gouvernemens despotiques ; une justice forte, inflexible est la législation des républiques (38). Suivent deux pages de signatures. [Analyse de la fin de la pétition de la société populaire de Calais] (39) Nous regardons la réunion des citoyens en société populaire comme l’exercice d’un des droits les plus sacrés de l’homme; les sociétés populaires ont le feu de la liberté à entretenir. Si leur tribune a été quelquefois occupée par l’intrigue, plus souvent elle a été occupée par (38) La deuxième page de l’adresse manque au dossier. Nous la donnons d’après la minute de l’analyse des deux adresses de Calais. (39) C 321, pl. 1347, p. 15.