[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [26 juillet 1790.] 373 M. le Président. Je reçois de la municipalité de Montauban la déclaration suivante dont je donne connaissance à l’Assemblée : « Nous, maire, officier municipal et procureur de JacommuDe de la ville de Montauban, supplions M. le Président de l’Assemblée nationale de vouloir bien lui faire part du désaveu formel que nous faisons des faits avancés contre nous, à la barre, par nos adversaires, et du défi que nous leur donnons d’en produire aucune preuve légale. « Paris, ce 26 juillet 1790, à 11 heures moins un quart du soir. Signé : Cieurac, maire ; Mialaret, officier municipal ; Lade, procureur de la commune. » On demande que les officiers municipaux soient admis à se défendre. La partie gauche observe qu’il ne s’agit ni de défense, ni d’accusation. M. de Murinais. Je demande que ce désaveu formel soit établi dans le procès* verbal. On demande successivement la question préalable sur l’ajournement et sur la réquisition de l’apport des pièces de l’information commencée. Elle est adoptée. La discussion est fermée. Plusieurs membres du côté gauche se retirent en criant à l’injustice. M. 'Vieillard, rapporteur , fait lecture du projet de décret . M. Roussillon. Je demande, par amendement, qu’il sera dit, dans le décret, que M. le président se retirera par-deveTs le roi, pour le supplier de retirer de Montauban le régiment de Languedoc, et d’en renvoyer deux autres à sa place. L’amendement de M. Roussillon est adopté et le décret est rendu en ces termes : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu son comité des rapports, « Déclare que l’information commencée devant les juges de Montauban, relativement à l’événement arrivé dans cette ville le 10 mai, demeure comme non avenue; ordonne que son président se retirera par-devers le roi, pour supplier Sa Majesté de donner des ordres pour que l’ancienne garde nationale montaubanaise soit rétablie dans le même état qu’elle était avant l’ordonnance des officiers municipaux, du 6 avril dernier, laquelle ordonnance, ainsi que tout ce qui a été fait en conséquence, est déclarée comme non avenue, sauf aux citoyens actifs, qui n’étaient pas de ladite garde ancienne, à s’y faire incorporer, conformément au décret du 12 juin dernier. « L’Assemblée nationale décrète : 1° qu’il sera informé devant les officiers municipaux, juges ordinaires en matière criminelle à Toulouse, à la diligence de la partie publique, de tous les événements arrivés à Montauban le 10 mai, ainsi que de tous ceux qui y sont relatifs, tant antérieurs que postérieurs à ladite époque, circonstances et dépendances; à l’effet de quoi les pièces déposées au comité des rapports seront incessamment adressées à ladite partie publique; « 2° Que jusqu’à ce qu’il soit statué sur ladite information, les membres du corps municipal de Montauban demeureront suspendus de leurs fonctions à l’époque de la notification qui leur sera faite du présent décret ; « 3° Que les administrateurs du département du Lot ou de son directoire commettront, sur l’avis du directoire du district de Montauban, six personnes pour remplir provisoirement dans cette ville, les fonctions municipales, dont l’un sera par eux indiqué pour faire les fonctions de maire, et un autre pour remplir celles de procureur de la commune; « 4° Que la notification du présent décret et de la commission qui 9era nommée sera faite au même instant aux officiers qui composent la municipalité de Montauban, pour les administrateurs dudit département ou de son directoire ; « 5° L’Assemblée nationale charge son président d’écrire à la troupe de maréchaussée à Montauban, pour lui témoigner sa satisfaction de la bonne conduite qu’elle a tenue le 10 mai ; « 6° Que le président se retirera par-devers le roi, pour le supplier de rappeler de Montauban le régiment qui y est en garnison, et d’envoyer en cette ville deux autres régiments pour le remplacer. » (La séance est levée à une heure du matin.) ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU 26 JUILLET 1790. Nota. Nous insérons ici le Mémoire des patriotes hollandais , qui contient les motifs de l’article 11 du décret sur les pensions. Mémoire pour les patriotes hollandais , réfugiés en France, précédé d'une lettre a M. le Président de l'Assemblée Nationale (1). Monsieur le Président, pénétrés de reconnaissance pour la nation généreuse qui nous a acueillis dans notre infortune, nous venons vers ses augustes représentants lui en offrir le respectueux hommage. La France nous a ouvert un asile ; elle a donné des secours à la plus grande partie d’entre nous ; elle nous a invités à jouir dans son sein de la sûreté que nous avons perdue dans notre patrie, de la liberté que nous avons eu le malheur de n’y pouvoir établir. Elle nous a honorés de son estime", de son amitié ; elle nous aurait consolés par les soins de sa bienveillance, si les témoignages d’une juste sensibilité pouvaient nous consoler de ce que les circonstances ne lui ont pas permis de faire. Les patriotes hollandais , à leur arrivée en France, ont reçu des secours portés dans les états de dépense à une somme déterminée. Lorsque l’Assemblée nationale a décrété une première économie de 60 millions sur toutes les dépenses des départements, l’article concernant les Hollandais est resté le même. Mais le décret annonce pour la suite un examen de chaque objet de dépense des départements, d’après lequel on se propose de déterminer différentes sortes de réductions. Cette dernière partie du décret explique la cause des sollicitudes des patriotes hollandais. Ils ne demandaient pas que, pour exercer un grand acte de justice publique, pour acquitter (1) Ce document n’a pas été inséré au Moniteur. 374 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (16 juillet 1790;] une dette nationale si sacrée, leurs alliés fassent maintenant des efforts que la situation des finances rendrait pour eux trop difficiles. Dans d’autres circonstances, ils aimeraient à rappeler l’intention qu’on avait eue, à l’arrivée des Hollandais en France, de fixer, outre les fonds de subsistance, des fonds particuliers pour encourager et faciliter les établissements de commerce et d’industrie qui pourraient être formés par eux. Ils prouveraient que ce plan, pour lequel l’état des finances n’a permis de faire qu’un très léger sacrifice, ou pour mieux dire, qu’ir n’a pas permis de suivre, était le moyen le plus facile et le plus sûr de rendre utile à la France la dépense qu’elle s’était déterminée à faire en leur faveur. Ils se bornent aujourd’hui à supplier l’Assemblée nationale de vouloir bien leur consacrer entièrement la somme annuelle qui leur a été destinée, et que le comité des finances de l’Assemblée nationale a jugé nécessaire de leur conserver. Ils demandent que les économies qui se font chaque jour sur cette somme, par la mort ou le départ des patriotes inscrits sur les listes, soient employées invariablement, et dans une juste proportion, à l’objet de sa destination primitive. Une partie de ces économies pourrait être consacrée à donner de nouveaux secours à ceux dont les familles sont arrivées en France après la confection des dernières listes, et qui peuvent à peine subsister de ce qu’ils reçoivent en ce moment. Une autre partie serait appliquée à ceux de leurs compatriotes qu'une persécution, toujours subsistante, oblige de quitter leur patrie, et que les anciennes promesses de la France et leur attachement pour elle engagent à y venir chercher un asile, sous la sauvegarde de la justice et de la loyauté nationales. La troisième partie de ces économies servirait à encourager et faciliter les établissements de commerce et d’industrie auxquels peut se livrer, avec de très grands succès, la classe la plus considérable des réfugiés. Des établissements de ce genre seraient l’unique moyen de ranimer, d’une manière avantageuse à la France, l’industrie d’une foule d’hommes laborieux, actifs et intelligents, que. ce travail journalier mettrait, dans la suite, à l’abri de la misère, dont un secours purement alimentaire ne peut les préserver. Enfin les patriotes hollandais osent solliciter l’intérêt de la nation française pour cette partie de leurs concitoyens qui ont défendu leur patrie avec tant de zèle et de confiance, et qui, impatients de l’inaction forcée où ils ont été réduits en France jusqu’à ce jour, sollicitent, avec une persévérance respectueuse, d’être admis à l’honneur de servir leur patrie adoptive. Tel est, Monsieur le Président, l’objet de la pétition que nous avons l’honneur d’adresser à l’Assemblée nationale. Les motifs qui doivent en démontrer la justice naissent du développement des principes et des faits renfermés dans le mémoire suivant, que nous venons déposer auprès des représentants de la nation française. Nous sommes, avec un profond respect, Monsieur le Président, vos très humbles et très obéissants serviteurs. Signé ; G. J. de Nyvenheim; — R.-J.-B. de Capel-len de Marsch ; — Abbema; — P. Gevers; — de Witt ; — Huber; — R. Van Kleffens; — Jacob Van Staphorst; — B. comte de Boetzelaer de Langerack; — Pieter’tHoen; — J. Geldertnan; — J. G. de Kock; — L. Makkftros; — B. de Nyvenheim; — U. D. Van Hoorn; — J. B. Bic-kéf; — J. Van Hoey; — F. R. du Bois; — F. A. Persoons; — Cor. Van der Hoop-Gybs; — Valckenaer; — • A, Braak. MÉMOIRE. Des républicains, chassés de leur patrie par le despotisme du premier ministre de l’Etat, dispersés loin de leurs foyers, par le fer, le feu, les proscriptions et le pillage, sont venus demander à un peuple allié l’asile et les secours que sa justice avait promis à la liberté malheureuse. Ils n’ont point réclamé pour cettè liberté les moyens de protection active qu’on leur avait offerts aaris un temps plus prospère, et sur lesquels ils avaient alors appuyé leur plus grande et presque leur unique espérance. Convaincus, avec toute l’Europe, que la loi de la nécessité a pu seule opposer Un obstacle invisible aux efforts qu’ils avaient droit d’attendre de la loyauté et de l’intérêt politique de la France, ils se sont soumis à cette grande infortune avec un sentiment de résignation admirable pour eux-mêmes et pour leurs généreux ailliés. En pleurant sur les ruines d’une patrie que la violence effaçait du rang des républicains, ils ont porté leurs regards sur le mouvement universel qui entraîne, en Europe, les empires et les individus vers la liberté, et leur âme est restée ouverte aux consolations des hommes dignes d’être libres. Les causes, les circonstances et les effets de la révolution hollandaise sont connus de toute lâ terre; mais jamais la raison publique ne fut mieux disposée à les apprécier qüë dans les circonstances actuelles; jamais l’impulsion des esprits et la situation des choses en bffïirent une occasion plus favorable de justifier auprès de la nation française l’intérêt qu’elle avait pris à cette grande cause de la justice et de la liberté» Les amis de la patrie, dans les Provinces-Unies, voulaient Téformer les abus de leurs constitutions particulières et de la constitution générale de l’Etat, en rétablissant leur liberté politique et leurs droits individuels sur des bases plus solides que celles qu’avaient posées leurs ancêtres en 1579. Ils voulaient renfermer dans les bornes de l’in* térêt commun les fonctions du stathouder, fonctions qu’il avait insensiblement accrues, soit par des usurpations ouvertes, soit par son influence prépondérante dans les Etats de chaque province» Ils voulaient réprimer l’autorité arbitraire qu’il exerçait en qualité de capitaine général et de grand amiral de la République. Honteux et effrayés de son attachement passif à la cause de la Grande-Bretagne, contre les propres intérêts de sa patrie, ils voulaient qu’il ne put disposer à son gré des forces navales et militaires de l’Etat, afin que son aveugle dévouement n’imprimât pas une seconde fois à la nation batavela honte dont il l’avait couverté dans la dernière guerre, en retenant dans les ports de la République les dix vaisseaux de ligne destinés à se joindre aux forces navales de la France à Brest, contre un ennemi commun. Ils voulaient enchaîner l’aristocratie des grands, qui, marchant avec le despotisme de l’administration stathoudérienne, et se fortifiant de son pouvoir et de son influence, renversait devant elle tous les appuis de la Constitution, de la liberté civile et de l’égalité républicaine. Ils voulaient, par l’établissement des Bourgeoisies armées, placer la défense de la liberté