[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [4 août 1789.] 343 De La Luzerne, évêque Régnault. duc de Langres. XIII. Le marquis de Vaudreuil. Gleizen. Troncbet Lapoule. XIV. De Lubersac, évêque de Lanjuinais. Chartres. Le comte de Crillon. Thibault. XV. Le cardinal de la Ro-Martineau. chefoucault. XVI. Palasne de Champeaux. Le Noir de la Roche. XVII. Le comte de Latouche. Guillotin. L’abbé de Dolomieu. XVIII. Le Clerc de Juigné, ar-Treilhard. chevêque de Paris. D’Ailly. Gillet de la Jacquemi-nière. XIX. D’Aguesseau. De la Borde. Le marquis de Gouy d’Arcy. XX. De Lastic, évêque de Desmeuniers. Couserans. Arnoult. XXL Le duc d’Havré de Gauthier de Biauzat. Croï. Garnier, de Paris. XXII. Le duc de Croy. Francoville. Bouchotte. XXIII. De La Rochefoucauld,. Vaillant évêque de Beauvais. XXIV. Le comte de Virieu. Dosfand. Le Coûteux de Can-teleu. XXV. De Lafare, évêque de Henry de Longueve. Nancy. L’abbé de Champeaux. XXVI. Le comte de Montmo-Grégoire. rency. Rabaud de St-Etienne. XXVII, Talaru de Chalmazel, L’abbé de Barmond. évêque de Coutances. Voulland. XXXVIII. Mounier. Redon. Buzot. XZIX. Le duc de La Rochefou-Crénière. cauld. Delacour d’Ambesieux. XXX. Le duc de Lévis. Daude. Dillon. M. le Président lève la séance et l’indique pour ce soir à six heures. Séance du soir. Les bureaux s’étant réunis sur les six heures, pour l’élection des présidents et des secrétaires de chaque bureau, et pour la nomination d’un archiviste de l’Assemblée, ainsi que pour celle des membres destinés à remplacer les nouveaux ministres dans les comités dont ils faisaient partie, l’Assemblée générale ne s’est formée que sur les huit heures. M. le Président fait d’abord lecture du projet d'arrêté relatif à la sûreté du royaume , qui avait été renvoyé au comité de rédaction. M. Target le lit ainsi qu’il suit : « L’Assemblée nationale, considérant que, tandis qu’elle est uniquement occupée d’affermir le bonheur du peuple sur les bases d’une constitution libre, les troubles et les violences qui affligent différentes provinces répandent l'alarme dans les esprits, et portent l’atteinte la plus funeste aux droits sacrés de la propriété et de la sûreté des personnes ; « Que ces désordres ne peuvent que ralentir les travaux de l’Assemblée, et servir les projets criminels des ennemis du bien public ; « Déclare que les lois anciennes subsistent et doivent être exécutées jusqu’à ce que l’autorité de la nation les ait abrogées ou modifiées; « Que les impôts, tels qu’ils étaient, doivent continuer d’être perçus aux termes de l’arrêté du 17 juin dernier, jusqu’à ce qu’elle ait établi des contributions et des formes moins onéreuses au peuple ; « Que toutes les redevances et prestations accoutumées doivent être payées comme par le passé, jusqu’à ce qu’il en ait été autrement ordonné par l’Assemblée ; « Qu’enün les lois établies pour la sûreté des personnes et pour celle des propriétés doivent être universellement respectées. « La présente déclaration sera envoyée dans toutes les provinces, et les curés seront invités à la faire connaître à leurs paroissiens, et à leur en recommander l’observation. » M. le vicomte de Houilles. Le but du projet d’arrêté que l’Assemblée vient-d’entendre est d’arrêter l’effervescence des provinces, d’assurer la liberté publique, et de confirmer les propriétaires dans leurs véritables droits. Mais comment peut-on espérer d’y parvenir, sans connaître quelle est la cause de l’insurrection qui se manifeste dans le royaume? et comment y remédier, sans appliquer le remède au mal qui l’agite? Les communautés ont fait des demandes : ce n’est pas une constitution qu’elles ont désirée ; elles n’ont formé ce vœu que dans les bailliages : qu’ont-elles donc demandé? que les droits d’aides fussent supprimés; qu’il n’y eût plus de subdélégués; que les droits seigneuriaux fussent allégés ou échangés. Ces communautés voient, depuis plus de trois mois, leurs représentants s’occuper de ce que nous appelons et de ce qui est en effet la chose publique; mais la chose publique leur paraît être surtout la chose qu’elles désirent et qu’elles souhaitent ardemment d’obtenir. D’après tous les différends qui ont existé entre les représentants de la nation, les campagnes n’ont connu que les gens avoués par elles, qui sollicitaient leur bonheur, et les personnes puissantes qui s’y opposaient. Qu’est-il arrivé dans cet état de choses? Elles ont cru devoir s’armer contre la force, et aujourd’hui elles ne connaissent plus cle frein : aussi résulte-t-il de cette disposition que le royaume flotte, dans ce moment, entre fi alternative de la destruction de la société, ou d’un gouvernement qui sera admiré et suivi de toute l’Europe. Gomment l’établir, ce gouvernement? Par la tranquillité publique. Comment l’espérer, cette tranquillité? En calmant le peuple, en lui montrant qu’on ne lui résiste que dans ce qu’il est intéressant pour lui de conserver. Pour parvenir à cette tranquillité si nécessaire, je propose : lo Qu’il soit dit, avant la proclamation projetée par le comité, que les représentants de la nation ont décidé que l’impôt sera payé par tous les individus du royaume, dans la proportion de leurs revenus; 2° Que toutes les charges publiques seront à l’avenir supportées également pur tous ; 344 {Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [4 août 1789.] 3° Que tous les droits féodaux seront racheta - blés par les communautés, en argentjOu échangés sur le prix d’une juste estimation, c’est-à-dire d’après le revenu d’une année commune, prise sur dix années de revenu; 4° Que les corvées seigneuriales, les mains-mortes et autres servitudes personnelles seront détruites sans rachat. A l’instant un autre député noble, M. le duc d’Aiguillon, propose d’exprimer avec plus de détail le vœu formé par le préopinant; il le conçoit ainsi. M. le duc d’AiguIllon. Messieurs, il n’est personne qui ne gémisse des scènes d’horreur dont la France offre le spectacle. Cette effervescence des peuples, qui a affermi la liberté lorsque des ministres coupables voulaient nous la ravir, est un obstacle à cette même liberté dans le moment présent, où les vues du gouvernement semblent s’accorder a-vec nos désirs pour le bonheur public. Ce ne sont point seulement des brigands qui, à main armée, veulent s’enrichir dans le sein des calamités : dans plusieurs provinces, le peuple tout entier forme une espèce de ligue pour détruire les châteaux, pour ravager les terres, et surtout pour s’emparer des charlriers, où les titres des propriétés féodales sont en dépôt. 11 cherche à secouer enfin un joug qui depuis tant de siècles pèse sur sa tête ; et il faut l’avouer, Messieurs, cette insurrection, quoique coupable (car toute agression violente l’est), peut trouver son excuse dans les vexations dont il est la victime. Les propriétaires des fiefs, des terres seigneuriales, ne sont, il faut l’avouer, que bien rarement coupables des excès dont se plaignent leurs vassaux; mais leurs gens d’affaires sont souvent sans pitié, et le malheureux cultivateur, soumis au reste barbare des lois féodales qui subsistent encore en France, gémit de la contrainte dont il est la victime. Ces droits, on ne peut se le dissimuler, sont une propriété, et toute propriété est sacrée ; mais ils sont onéreux aux peuples, et tout le monde convient de la gêne continuelle qu’ils leur imposent. Dans ce siècle de lumières, où la saine philosophie a repris son empire, à cette époque fortunée où, réunis pour le bonheur public, et dégagés de tout intérêt personnel, nous allons travailler à la régénération de l’Etat, il me semble, Messieurs, qu’il faudrait, avant d’établir cette constitution si désirée que la nation attend, il faudrait, dis-je, prouver à tous les citoyens que notre intention, noire vœu est d’aller âu-devant de leurs désirs, d’établir le plus promptement possible cette égalité de droits qui doit exister entre tous les hommes, et qui peut seule assurer leur liberté. Je ne doute pas que les propriétaires de fiefs, les seigneurs de terres, loin de se refuser à cette vérité, ne soient disposés à faire à la justice le sacrifice de leurs droits. Ils ont déjà renoncé à leurs privilèges, à leurs exemptions pécuniaires; et dans ce moment, on ne peut pas demander la renonciation pure et simple à leurs droits féodaux. Ces droits sont leur propriété. Ils sont la seule fortune de plusieurs particuliers ; et l’équité défend d’exiger l’abandon d’aucune propriété sans accorder une juste indemnité au propriétaire, qui cède l’agrément de sa convenance à l’avantage public. D’après ces puissantes considérations, Messieurs, et pour faire sentir aux peuples que vous vous occupez efficacement de leurs plus chers intéiêts, mon vœu serait que l’Assemblée nationale déclarât que les impôts seront supportés également par tous les citoyens, en proportion de leurs facultés, et que désormais tous les droits féodaux des fiefs et terres seigneuriales seront rachetés par les vassaux de ces mêmes fiefs et terres, s’ils le désirent ; que le remboursement sera porté au denier fixé par l’Assemblée; et j’estime, dans mon opinion, que ce doit être au denier 30, à cause de l’indemnité à accorder. C’est d’après ces principes, Messieurs, que j’ai rédigé l'arrêté suivant, que j’ai l’honneur de soumettre à votre sagesse, et que je vous prie de prendre en considération: « L’Assemblée nationale, considérant que le premier et le plus sacré de ses devoirs est de faire céder les intérêts particuliers et personnels à l’intérêt général; « Que les impôts seraient beaucoup moins onéreux pour les peuples, s’ils étaient répartis également sur tous les citoyens, en raison de leurs facultés; « Que la justice exige que cette exacte proportion soit observée: « Arrête que les corps, villes, communautés et individus qui ont joui jusqu’à présent de privilèges particuliers, d’exemptions personnelles, supporteront à l’avenir tous les subsides, toutes les charges publiques, sans aucune distinction, soit pour la quotité des impositions, soit pour la forme de leurs perceptions. * L’Assemblée nationale, considérant en outre que les droits féodaux et seigneuriaux sont aussi une espèce de tribut onéreux, qui nuit à l’agriculture, et désole les campagnes; « Ne pouvant se dissimuler néanmoins que ces droits sont une véritable propriété, et que toute propriété est inviolable; « Arrête que ces droits seront à l’avenir remboursables� la volonté des redevables, au denier 30, ou à tel autre denier qui, dans chaque province, sera jugé plus équitable par l’Assemblée natiouale, d’après les tarifs qui lui seront présentés. « Ordonne enfin, l’Assemblée nationale, que tous ces droits seront exactement perçus et maintenus comme par le passé, jusqu’à leur parfait remboursement. » Ces deux motions, présentées avec le ton du plus vif intérêt sur le sort des habitants des campagnes, dont elles devaient adoucir les maux, calmer l’effervescence, et combler tous les vœux, ont été accueillies avec un transport de joie inexprimable. Un des membres de l'Assemblée relève avec sensibilité combien il serait touchant pour tous les citoyens d’apprendre que les membres des communes ayant sollicité hier le zèle de l’Assemblée nationale contre les violences exercées sur les personnes et les propriétés des nobles, ceux-ci, par un retour généreux, donnaient aujourd’hui à toutes les classes du peuple français une preuve si marquée de leur patriotisme. • M. Dupont de Nemours. Un désordre universel s’est emparé de l’Etat, à raison de l’inaction de tous les agents du pouvoir ; aucune société politique ne peut exister un seul moment sans lois et sans tribunaux, pour garantir la liberté, la sûreté des personnes, et la conservation des propriétés. J’insiste sur la nécessité de maintenir et de ne pas abandonner les lois, quoique imparfaites, qui ont pour objet la conservation de l’ordre générai.